40e anniversaire du coup de la Brink’s

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Grossière manipulation des médias et de l’électorat québécois, le tristement célèbre « coup de la Brink’s » n’a que fort peu retenu l’attention des chercheurs. Dans notre histoire moderne, il s’agit pourtant de l’un des plus évidents épisodes de violation de la démocratie par une entreprise privée, en l’occurrence le Royal Trust. Le 40e anniversaire des sombres événements du 26 avril 1970 est donc l’occasion de se pencher sur ce cas en se demandant si le silence quasi total de nos manuels d’histoire à ce sujet n’a pas privé le Québec des leçons qu’il aurait dû en tirer.

La démocratie occidentale en 1970

Nous sommes en avril 1970. Le monde se passionne pour le sauvetage in extremis de l’infortuné équipage de la mission Apollo 13, dont les trois membres reviendront tous miraculeusement indemnes malgré l’explosion d’un réservoir d’oxygène à 300 000 km de la Terre. Les États-Unis sont toutefois secoués par d’importantes manifestations d’opposition à la guerre du Vietnam. Alors que les élections sénatoriales approchent à grands pas, le président Richard Nixon jongle avec une opinion publique qui ne compte plus que 34 % d’Américains estimant que leur pays n’a pas commis une erreur en engageant ses troupes dans une telle guerre.

Le 19 avril, l’ex-dictateur militaire colombien Gustavo Rojas Pinella est défait à l’élection présidentielle de son pays. Ses partisans attribuent la défaite à des fraudes électorales massives, ce qui entraînera la formation du mouvement terroriste M-19 (Movimiento 19 de Abril) se distinguant par l’adoption d’une stratégie de guérilla urbaine, de séquestrations et d’assassinats qui maintiendra la Colombie sur les dents pendant les 20 années suivantes.

Entre-temps, l’Afrique du Sud consacre sa stratégie des bantoustans en adoptant le Black Homeland Citizenship Act qui annule la citoyenneté sud-africaine des Noirs et renforce le pouvoir sans partage des Blancs. Le 22 avril, le National Party, pro-apartheid, est réélu avec une forte majorité. Pays allié, le Royaume-Uni est sur le point d’être lui aussi appelé aux urnes. Attendue en octobre, cette élection sera précipitamment déclenchée au 18 mai par le premier ministre travailliste Harold Wilson en vue d’un scrutin le 18 juin pour que l’introduction prochaine du très impopulaire decimal coinage – en remplacement des 20 shillings par livre sterling et 12 pences par shilling – ne nuise pas trop à son parti. En avance en début de campagne, le Labour Party n’en mordra pas moins la poussière face aux conservateurs d’Edward Heath. Il semble que l’issue du scrutin se joua véritablement quatre jours avant le remplissage des urnes. Bien des analystes attribuent en effet cette victoire-surprise des tories à la perte de prestige national concurrente à l’élimination précoce en Coupe du monde de football de l’équipe anglaise, pourtant défenderesse du titre mondial de 1966. Il est bien sûr question de sains débats démocratiques concernant la bonne gestion de l’État.

Le contexte québécois d’alors

C’est dans ce contexte mondial où la démocratie est un concept fort relatif que « la Belle Province » vivra sa première campagne électorale mettant en scène un parti indépendantiste véritablement concurrentiel. En effet, issu de la fusion en 1968 du Mouvement souveraineté-association (MSA) et du Ralliement national (RN), puis de la dissolution du Ralliement pour l’indépendance nationale (RIN), le Parti québécois (PQ) brigue pour la première fois les suffrages. Il est déjà acquis qu’il recueillera bien davantage que les 5,55 % du RIN de Pierre Bourgault en 1966. Le Canada – et à plus forte raison le Québec – ne sera pas représenté à cette fameuse Coupe du monde de football de 1970 qui influença tant les élections britanniques. Pis encore, en ce mois d’avril 1970, le Canadien de Montréal rate les séries éliminatoires pour la première fois depuis 1948. Dès lors, les Québécois n’ont d’autre choix que de rabattre leurs passions sur leur autre sport national : la politique. L’électorat verra s’affronter pas moins de cinq chefs : Jean-Jacques Bertrand (premier ministre sortant, Union nationale), Robert Bourassa (Parti libéral du Québec), René Lévesque (PQ), Camil Samson (Ralliement créditiste du Québec) et Roland Morin (Nouveau Parti démocratique du Québec).

En ces temps où 83 % des administrateurs et cadres du Québec sont anglophones, où les francophones ont un revenu moyen inférieur de 35 % à celui des anglophones et où les francophones arrivent au 12e rang dans l’échelle des revenus selon l’origine ethnique, tout juste devant les Italiens et les Amérindiens[1], qu’est-ce qui pourrait bien infléchir massivement le comportement électoral des indécis ? En vertu d’une expression bien enracinée dans le langage populaire et dont on devine l’origine, lorsqu’un Québécois a le sentiment que ça va bien, il dit que ça va « pas pire ». Pour influencer son vote en 1970, il suffit de lui faire craindre que ça aille « pire ». C’est bien cette peur qu’on exploitera. Et avec grand succès.

La campagne est lancée

Adopté le 20 novembre 1969 malgré l’opposition farouche de René Lévesque et d’Yves Michaud, le bill 63 confirme la possibilité pour tous les parents, immigrants compris, de choisir la langue d’enseignement de leurs enfants. Cette loi a plongé le gouvernement Bertrand dans un très houleux débat qui a ébranlé toute la société québécoise. Début 1970 à Ottawa, le clan Trudeau n’a pas confiance en Bourassa, cet « étudiant » qui n’est le chef de l’aile provinciale que depuis le 17 janvier, pour être un chantre efficace du fédéralisme canadien face au populaire René Lévesque. Au début de la course à la chefferie du PLQ, on avait même cherché à convaincre Jean Marchand de retourner dans sa province[2]. Le 12 mars, le premier ministre Bertrand dissout le Parlement et convoque une élection générale pour le 29 avril. The Gazette y voit « un coup de maître de stratégie politique ». Puisque les hostilités débutent peu avant la semaine sainte et qu’« aucun politicien au Québec n’est assez imprudent pour lancer sa campagne durant cette semaine traditionnellement religieuse[3] », cela laisse d’autant moins de temps aux candidats d’opposition pour communiquer leur message. Le Portage de L’Assomption note quant à lui que le 29 avril est la veille de la Saint-Robert, y voyant un avantage pour le chef libéral[4]. On est bien loin des débats de 2010 sur la laïcité de l’État. Les machines électorales des deux « vieux partis » se mettent en branle lentement, surtout dans le cas des libéraux de Robert Bourassa, pris de cours par ce déclenchement hâtif. De son côté, le PQ part en trombe, fort d’un nombre impressionnant de bénévoles jeunes et enthousiastes.

Lafferty, Harwood & Co. entre en scène

Le parti de René Lévesque attire l’attention générale, mais personne ne se doute encore de sa force réelle. Certains milieux d’affaires anglo-montréalais ont des préoccupations autrement plus viscérales. Le 18 mars, la firme montréalaise de conseillers en investissement Lafferty, Harwood & Co. expédie à 300 clients institutionnels un bulletin confidentiel leur conseillant de transférer leurs valeurs à l’extérieur du Québec au moins jusqu’après l’élection, compte tenu de la possibilité d’une législation restrictive sur les valeurs « basée sur un raisonnement politique plutôt qu’au service du consommateur ». La firme-conseil prend prétexte d’un discours prononcé l’avant-veille par le ministre unioniste Mario Beaulieu devant la Chambre de commerce de Montréal. Le ministre des Finances avait alors déclaré que l’État québécois devait faire tous les efforts pour assurer le plein emploi à la population, par l’engagement gouvernemental dans tous les champs d’activité où le bien-être collectif l’exigerait. Le bulletin de Lafferty, Harwood & Co. indique que la philosophie de M. Beaulieu est « impraticable » et qu’« aucune exhortation de quelque politicien que ce soit ne convaincra le capital bien informé et intelligent que l’étatisme peut développer l’environnement propice à une prospérité créative[5] ». Le rédacteur de ce bulletin, Richard Lafferty, est un personnage-clé du « coup de la Brink’s » dont nous ferons le portrait plus loin. Ces recommandations poussent Marcel Faribault, président du Trust général du Canada, à demander sans succès à la Bourse de Montréal d’exclure Lafferty, Harwood & Co. de ses membres[6]. La Presse obtiendra copie du fameux bulletin, qu’elle publiera le 4 avril. Soupçonnant des motivations partisanes, le gouvernement unioniste instituera une enquête sur le geste de la firme de conseillers[7].

Puis, dès le 5 avril à Saint-Georges-de-Beauce, le folklorique Réal Caouette lance le bal de l’hystérie en déclarant que « le PQ a ramassé la totalité des révolutionnaires et des barbus, pas ceux qui se lavent, mais ceux qui ne se lavent pas. Voulez-vous voir une révolution dans un an ? Sinon, ne votez pas PQ. Ne votez pas pour le socialisme, le communisme, la révolution pour que le sang coule dans les rues du Québec[8]. » Deux jours plus tard, Robert Bourassa brandit le spectre de la fin possible de l’accord canado-américain sur l’exportation des motoneiges si le PQ prend le pouvoir. Le candidat péquiste d’Ahuntsic, Jacques Parizeau, réagira en disant que « Bourassa dépasse les bornes de la décence[9] ». Il n’a encore rien vu.

Le 11 avril, Lafferty, Harwood & Co. récidivera en publiant un autre bulletin pseudo-confidentiel qui, cette fois, prédit une chute de la cote de crédit du Québec si le PQ parvient à faire bonne figure à l’élection[10]. Malgré tout, dès la mi-campagne, le directeur du Devoir, Claude Ryan, constate que « se manifestent avec force » deux facteurs nouveaux que sont « le mécontentement profond des électeurs à l’endroit des partis traditionnels, et aussi l’accession de l’idée souverainiste au rang de force politique solidement implantée au Québec ». Il ajoute même que « la grande révélation de la campagne électorale jusqu’à maintenant, c’est la force insoupçonnée du Parti québécois ». Celui qui succèdera à Robert Bourassa en 1978 à la tête du PLQ écrit « ce qu’il y a de majeur dans le phénomène péquiste, c’est qu’une nouvelle conception de l’avenir du Québec – conception dynamique et traduite en un véritable programme de gouvernement – a fait son entrée sur la scène politique, et que cette conception s’enracine dans des sources trop profondes pour être balayée dans une seule élection. » Comme il l’a déjà fait dans les jours précédents, le futur chef du comité du NON de 1980 précise qu’il ne peut « personnellement accepter l’interprétation fondamentale que le PQ offre de notre présent et de notre avenir. » Mais contrairement à d’autres fédéralistes, Claude Ryan ne se berce pas d’illusions. Il tient même un discours dont bien des souverainistes de 2010 auraient intérêt à s’inspirer.

Certains fédéralistes attribuent la montée du phénomène souverainiste aux frustrations éprouvées par les Canadiens français à Ottawa et dans le domaine économique. Les causes sont, en réalité, plus profondes. Elles tiennent à la conviction – très bien exprimée par M. Lévesque – voulant qu’un peuple ne puisse se réaliser vraiment que dans un contexte où il est le maître incontesté de ses décisions politiques, économiques et culturelles. Elle tient aussi au fait que le PQ a réussi à traduire cette conviction dans un programme dont l’épine dorsale est la souveraineté, mais dont les articulations témoignent d’un souci authentique de démocratie, de justice sociale et de liberté.

Puis, bien qu’on n’en soit qu’à mi-chemin du baptême du feu électoral de ce tout jeune parti, Ryan lance une prédiction d’une étonnante clairvoyance : « si le PQ obtient plus de 20 % des suffrages, ce pourrait être le début d’une mutation politique radicale et décisive[11]. »

C’est La Presse qui, le 18 avril, publiera le premier sondage de la campagne. La maison CROP constate une performance péquiste qui triple les appuis réunis du RIN et du RN de 1966.

 

Ensemble du Québec

Montréal métropolitain

Québec métropolitain

Reste du Québec

Parti libéral

25,6 %

27,9 %

24,0 %

23,8 %

Parti québécois

24,9 %

31,2 %

14,3 %

21,1 %

Union nationale

13,4 %

12,1 %

12,6 %

14,7 %

Ralliement créditiste

11,7 %

6,3 %

15,4 %

16,1 %

Nouveau Parti démocratique

1,6 %

2,5 %

1,1 %

0,8 %

Autres

0,5 %

0,8 %

0,6 %

0,3 %

Indécis et refus de répondre

22,2 %

19,2 %

32,0 %

23,3 %

Source : La Presse, 18 avril 1970

Sauf à Québec, le sondage révèle une lutte très serrée entre libéraux et péquistes, bien en deçà de la marge d’erreur de 3 %. Le PQ est même en avance dans la région de Montréal. Par contre, environ un électeur sur cinq – et un francophone sur quatre – est indécis ou discret, ce qui rend les pronostics encore téméraires. La popularité des chefs souligne la même rivalité entre Bourassa (28 % dans tout le Québec, 26 % à Montréal) et Lévesque (23 % et 31 %). Cette emotional currency[12] du chef péquiste et la percée de son parti sèmeront la consternation dans les médias anglophones de Montréal et de Toronto. « Ce qui résulte de son succès est de rendre pensable l’impensable option de la séparation »[13], lit-on dans The Globe and Mail.

Alors qu’approche la dernière semaine de campagne, ce sondage aura l’effet d’un électrochoc.

Le jour même de sa publication, on sent une vive nervosité monter dans le camp fédéraliste, à tel point qu’à Ottawa, un député libéral de Colombie-Britannique, Robert Borrie, suggère de suspendre les travaux pour l’aéroport de Sainte-Scholastique [futur Mirabel][14]. Dès le 20 avril et sans surprise, l’équipe éditoriale de The Gazette jette son dévolu sur le Parti libéral en vue de « l’une des plus importantes élections de l’histoire du Québec ».The Gazette donne pour toute première raison l’appui libéral « sans compromis en faveur de la Confédération ». Le quotidien anglophone admet que le « relativement jeune » Bourassa porte « le poids de l’inexpérience, combiné à l’absence de suffisamment de talent au sein de son parti pour y puiser les membres d’un cabinet fort qui lui sera nécessaire pour mener à bien son programme ». Très conciliante, The Gazette recommande à Bourassa d’imiter Bertrand en puisant au besoin ses ministres à l’extérieur de son caucus, et sent même le besoin d’affirmer que « tout farouchement fédéraliste qu’il soit, [Bourassa] n’est pas la marionnette d’Ottawa[15]. »

Le 21 avril, Jean-Noël Lavoie, candidat libéral dans Laval et futur président de l’Assemblée nationale, tonne que le séparatisme serait aussi « désastreux » pour le Québec qu’il ne l’a été pour la République d’Irlande. Citant des encyclopédies ainsi que des statistiques fournies par l’Irlande et l’ONU, il impute au séparatisme le fait qu’au cours de 70 dernières années, la population irlandaise soit passée de 6,5 millions à 2,8 millions d’habitants. Le candidat libéral conclut que 35 ans après que la République d’Irlande ait quitté le Royaume-Uni, « la vie est impossible, l’air irrespirable et l’avenir très sombre pour des milliers de citoyens[16] ». Jean-Noël Lavoie sera fait membre de l’Ordre du Canada en 1992. Quant à la République d’Irlande, son dynamisme économique la place aujourd’hui en tête des pays européens.

Ce même 21 avril à Mont-Joli, le premier ministre Bertrand brandit pour la seconde fois en deux jours la menace d’une révolution au Québec. Il met en garde la population contre des éléments anarchistes et révolutionnaires au sein du PQ qui imposeront un régime de dictature au Québec, advenant l’élection de ce parti. Il pointe nommément du doigt Pierre Bourgault et Andrée Ferretti, respectivement ex-président et ex-vice-présidente du RIN, ainsi que Réginald Chartrand, chef des Chevaliers de l’Indépendance. Sans les identifier, il incrimine même d’autres personnes ayant été à la base du Front de libération du Québec (FLQ).

Si ces gens-là accédaient jamais au pouvoir, il en serait fait des libertés démocratiques au Québec. […] Il y a actuellement dans les rangs du Parti québécois des éléments véritablement révolutionnaires et ce n’est pas pour faire peur aux gens que je dis ça. […] Ces éléments n’attendent que le jour où l’indépendance sera proclamée pour agir. L’on sait que lorsqu’il y a du fanatisme et de l’intolérance, ça ne peut conduire qu’à la disparition des libertés démocratiques. Il faut ne pas connaître son histoire politique pour ignorer que l’intolérance et l’absence du sens démocratique mènent immanquablement à la dictature[17], déclare le chef de l’Union nationale.

Le même jour devant 500 partisans à Drummondville, Robert Bourassa contribue à la surenchère de démonisation du PQ, accusant son chef de « camoufler grossièrement les risques de l’indépendance ». « Vous en avez toute une responsabilité, M. Lévesque, vous qui risquez de conduire les Québécois vers l’issue qui peut nous coûter tellement cher [18]». Cherchant à se distinguer des Bertrand et Samson qui agitent des « épouvantails » de révolution imminente, Bourassa affirme que « c’est la responsabilité au moins d’un chef de parler honnêtement à la population à cette heure très grave[19] ».

Jean-V. Dufresne aux premières loges

Le 21 avril, Le Montreal Star publie un éditorial qui sème la colère au sein même de son personnel. On y lit que l’un des graves défauts du PQ est que :

[…] ses plus ardents partisans persistent à dire qu’un Québec laissé à lui-même pourrait offrir tant un haut niveau de vie qu’un environnement libre et démocratique. […] L’un des contemporains de M. Lévesque, Pierre Elliot Trudeau, est largement plus réaliste quant à l’attitude de la population de l’Ontario, du Manitoba et des autres provinces. Ce que les séparatistes n’arrivent pas à saisir, dit M. Trudeau, c’est que le Canada anglais marcherait pieds nus plutôt que d’acheter une paire de chaussures d’un Québec indépendant. […] Personne n’a à suggérer que certains Canadiens anglais prendraient les armes plutôt que de permettre la sécession. L’argument le plus simple et le plus convaincant est que le séparatisme charrierait avec lui le fléau d’un renégat poussé à l’exil. Les hommes et les femmes sensibles du Québec rejetteront aussi le Parti québécois pour une autre raison qui n’a rien à voir avec la sécurité financière qu’offre l’appartenance à une confédération. Cela est lié à la liberté fondamentale de l’individu. Plus d’un historien canadien-français éminent a relevé la propension des dirigeants du Québec à l’autoritarisme et à la dictature. M. Lévesque aura beau répéter tant qu’il le voudra que les droits individuels seraient garantis sous un gouvernement péquiste, mais des craintes légitimes demeurent néanmoins. […] Le soupçon nous ronge, comme il lui a souvent été dit, à l’effet qu’il en vienne à subir le sort d’un Kerensky [initiateur de la Révolution russe de 1917], qui lança une révolution relativement bénigne pour ensuite se voir remplacé par des fanatiques anarchiques. Dans cette épreuve de force, la prémunition fondamentale de cette province contre l’extrémisme, qu’il soit de droite ou de gauche, repose, comme pour toutes les autres provinces, sur le Parlement et les institutions d’un gouvernement central qui défend les droits de tous ses citoyens[20].

Le lendemain dans sa circonscription de Laurier, c’est un René Lévesque furieux qui riposte au Montreal Star. « Les Québécois n’ont de leçons à recevoir ni du Montreal Star ni des McConnels [famille propriétaire du journal] qui nous ont dominés comme des Rhodésiens. […] C’est une insulte collective au peuple québécois. […] Nous avons eu un seul Saint-Léonard [en référence aux événements liés à l’adoption du bill 63], mais combien y en a-t-il eu ailleurs au Canada ? Qui est-ce qui va nous donner des leçons au sujet du racisme[21] ? », lance-t-il. Pendant ce temps à la chambre des Communes, le député conservateur Steven E. Paproski (Edmonton-Centre) pose à Pierre Elliot Trudeau une question empreinte de panique : « En vue du résultat à venir de l’élection au Québec, quelles étapes le premier ministre a-t-il prévues pour faire face à la séparation de la province de Québec ? » M. Trudeau se contentera de qualifier la question de « stupide et irresponsable[22] ».

Dans un discours prononcé le 26 avril, Jean-Jacques Bertrand affirme que le lendemain de la publication de cet éditorial « si anti-canadien-français et si raciste[23] » qu’ils ne pouvaient rester silencieux, une douzaine de journalistes du Montreal Star ont menacé de démissionner. Il faut noter qu’à cette époque, les Anglo-Québécois bilingues ne sont pas légion, si bien que la plupart de journalistes qui couvrent la campagne électorale pour le Star sont des francophones. Le Star avait finalement mis de l’eau dans son vin dans son éditorial du 25 avril, évitant ainsi le départ de ses journalistes. On compte parmi eux Jean-V. Dufresne[24], l’un des plus grands journalistes du Québec qui, pendant quelques mois de 1960, a été secrétaire personnel de René Lévesque, alors ministre de Ressources hydrauliques et des Travaux publics. C’est Dufresne qui avait surnommé Trudeau, Marchand et Pelletier « les trois colombes » lorsqu’en 1965, ils se sont joints au Parti libéral du Canada. C’est aussi lui qui qualifia Bourassa de « maigrichon gérant de caisse pop » et qui inventera le mot angryphones pour décrire les électeurs de Parti Égalité de 1989. Plus tard, il accola durablement à Pierre Bourque le surnom de « Géranium Premier ». Journaliste pendant près d’un demi-siècle, Jean-V. Dufresne ne sera resté au Montreal Star que deux ans. Allez savoir pourquoi. C’est lui qui rédigera bientôt pour ce journal l’article rapportant le « coup de la Brink’s ».

Entre-temps, l’Ontario n’en pouvant plus de trépigner d’angoisse, le Toronto Star a commandé son propre sondage au politicologue torontois Peter Regenstreif. Le Devoir en obtient les droits de reproduction dans son édition du 24 avril. Une semaine après CROP, les scénarios catastrophes en cas de victoire souverainiste semblent avoir produit des gains surtout libéraux, mais aussi unionistes, en provenance dans l’ordre, des indécis, des créditistes et du PQ. Ce dernier aurait maintenant 9 points de retard sur le PLQ. Comme une semaine auparavant, un électeur sur cinq demeure néanmoins indécis ou discret.

 

Ensemble du Québec

Région de Montréal

Montréal (franco-phones)

Montréal (anglo-phones)

Cantons de l’Est et district de Québec

Nord-ouest du Québec et Lac Saint-Jean

Québec moins région de Montréal

Parti libéral

32 %

32 %

32 %

65 %

21 %

26 %

26 %

Parti québécois

23 %

25 %

32 %

2 %

17 %

16 %

19 %

Union nationale

16 %

15 %

15 %

4 %

26 %

14 %

24 %

Ralliement créditiste

9 %

6 %

6 %

3 %

12 %

23 %

13 %

NPD et autres

1 %

1 %

1 %

1 %

6 %

1 %

1 %

Indécis et refus de répondre

19 %

21 %

19 %

25 %

22 %

20 %

17 %

Source : Le Devoir, 24 avril 1970

Mais dès le lendemain, La Presse publie un deuxième sondage CROP contradictoire. Il semble plutôt montrer que la campagne de terreur de tous les adversaires du PQ aurait produit une telle tension que de nombreux électeurs de tous les partis auraient rejoint le camp des indécis et discrets. Ces derniers représenteraient maintenant un votant sur trois. Et l’avance libérale ne serait que de 5 points. Les analystes commencent à évoquer la possibilité que le PQ rafle les 14 sièges de l’est de la métropole et même la formation d’un gouvernement minoritaire.

 

Ensemble du Québec

Montréal métropolitain

Est de Montréal

Ouest de Montréal

Québec métropolitain

Québec rural

Parti libéral

24 %

29 %

20 %

37 %

19 %

22 %

Parti québécois

19 %

25 %

33 %

18 %

15 %

16 %

Union nationale

10 %

6 %

8 %

5 %

8 %

12 %

Ralliement créditiste

10 %

3 %

3 %

2 %

18 %

15 %

Nouveau Parti Démocratique

1 %

1 %

1 %

1 %

0 %

1 %

Autres

1 %

1 %

2 %

1 %

0 %

1 %

Indécis et refus de répondre

35 %

35 %

33 %

36 %

40 %

33 %

Source : La Presse, 25 avril 1970

The Montreal Star a aussi son sondage du jour, plus restreint, qui place néanmoins les « separatists » à 3,3 % maigres points des libéraux pour toute la région métropolitaine de Montréal, et en avance dans Terrebonne. On y constate aussi que Lévesque (31,0 %) est nettement plus populaire que Bourassa (20,7 %) chez les Franco-Montréalais. Le Star proclame l’élection du 29 avril comme LA plus importante de l’histoire du Québec.

 

Montréal métropolitain

Québec métropolitain

Terrebonne

Arthabaska

Parti libéral

28,0 %

23,1 %

28,0 %

21,4 %

Parti québécois

24,7 %

12,9 %

31,7 %

9,7 %

Union nationale

7,5 %

9,1 %

13,4 %

16,5 %

Ralliement créditiste

1,3 %

15,6 %

4,9 %

10,7 %

Autres

1 %

2,6 %

2,4 %

0,9 %

Indécis et refus de répondre

35 %

36,4 %

29,5 %

40,7 %

Source : The Montreal Star, 25 avril 1970

Le « coup de la Brink’s »

C’en est trop. Le soir même de ce samedi 25 avril, un appel téléphonique anonyme est logé au quotidien The Gazette, indiquant que le lendemain matin à 9 heures, une quantité importante de valeurs quittera les bureaux montréalais du Royal Trust en direction de Toronto. Ce dimanche, tel que prévu, neuf fourgons blindés de la Brink’s Express sont alignés devant l’édifice C-I-L, sis au 630, rue Dorchester Ouest. Cinq gardes armés de carabine montent la garde tandis que dix autres portant leur arme de service transportent longuement les nombreuses caisses métalliques dans les camions. Tedd Church, photographe à The Gazette depuis 1964, est désigné pour couvrir l’événement. Alors qu’il fait son office, quelqu’un du Royal Trust lui demande, « Comment ce fait-il que vous soyez ici ? Même Tom Lee [chargé des relations extérieures du Royal Trust] ne sait rien de tout ça [25]! » Une fois le chargement terminé, les neuf camions se mettent en route vers Kingston où les rejoindront en après-midi autant de camions torontois venus prendre le relais. Là encore, un photographe les attend. L’opération de transbordement de la précieuse cargaison a lieu près du poste de police de Kingston. Cette fois, les gardes sont au nombre d’une trentaine.

La nouvelle est publiée dans la première édition du lundi de The Gazette, qui paraît le dimanche vers 21h. Aucune des nombreuses photos de Tedd Church n’y figure. C’est que le city editor (chef de pupitre) a décidé que ces photos ne seraient ni utilisées ni vendues à quiconque. Québec-Presse et Time Magazine ont essuyé le même refus. Seul média sur place le matin de l’opération, c’est The Gazette, quotidien anglophone inconditionnellement libéral et fédéraliste, qui est le mieux informé sur l’affaire et c’est celui qui affiche la plus grande retenue face à la nouvelle. Y voit-il une supercherie manipulatrice et craint-il qu’un excès de complaisance finisse par lui retomber sur le nez ? Son titre frontispice est très critique : « Transfert d’actions et de titres qualifié de « ridicule » ». On y cite J. W. R. Seatle, vice-président sénior du Royal Trust, disant, « nous transférons ces valeurs sur instructions de nos clients » et insistant sur le fait que les valeurs transférées n’appartiennent pas au Royal Trust en propre, mais à certains de ses clients. « Je ne crois pas que ce transfert soit nécessaire. C’est ce que j’en pense personnellement. Je trouve cela regrettable », ajoute-t-il.

Cela est tellement dommageable, car cela crée une fausse impression […] Avec une élection qui approche [le mercredi suivant] et des discussions de séparatisme, des détenteurs de capital se sentent complètement insécurisés. C’est probablement dû à une mauvaise appréciation de ce qui pourrait arriver. Personnellement, je crois même que si Lévesque formait un gouvernement majoritaire, cela ne ferait pas la moindre différence. Mais on ne peut pas dire ça aux gens. Si c’est comme ça qu’ils veulent qu’on s’occupe de leur argent, alors ils nous donnent leurs instructions et nous le faisons, conclut-il.

The Gazette relaie pourtant des points de vue diamétralement opposés. C’est Fred R. Kearns, président de Canadair, qui qualifie la chose de « ridicule ». The Gazette cite également A. Dean Nesbitt (président du conseil de Nesbitt Thompson) et Frank Case (président du conseil du Montreal Trust) qui indiquent que très peu de clients if any ont fait de telles requêtes de transfert ou que s’ils en avaient reçu, elles auraient été refusées. Même Charles R. Bromfman (président du conseil de Seagram’s et des Expos de Montréal) tient à dire, « Je n’ai pas peur. Je ne déplace pas de valeurs à l’extérieur de la province. » Le vice-président du Royal Trust n’en affirme pas moins que les détenteurs des avoirs transférés « n’ont rien à perdre », qu’il n’est pas certain que ces valeurs retourneront au Québec, mais qu’il s’y attend. Il ajoute de façon contradictoire que les recommandations de Lafferty, Harwood & Co. faites à ses clients à l’effet de sortir leurs avoirs du Québec étaient « raisonnables » et « justifiées », bien qu’elles aient reçu plus de publicité qu’elles n’en méritaient et qu’elles pourraient encore contraindre le Royal Trust à effectuer d’autres transferts[26].

Ce dimanche 26 avril dans la circonscription de Lafontaine, le ministre de la Justice, Rémi Paul, commente déjà l’affaire du Royal Trust dont les 700 partisans unionistes rassemblés entendront parler « quand vous rentrerez chez vous ce soir » et qui est selon lui « le résultat de l’instabilité politique dans la province, de la menace d’indépendance, du séparatisme.[27] » Il qualifie même René Lévesque de « Fidel Castro du Québec ». Il lance que « tous les membres du Parti québécois ne sont pas des terroristes, mais tous les terroristes sont membres du Parti québécois[28] » et ajoute qu’« une telle bande de têtes chaudes ne peut qu’apporter des troubles ». Quant à Jean-Paul Beaudry, député local et ministre de l’Industrie, il affirme que certains militants du PQ lui font penser aux jeunesses hitlériennes.

Ils n’écoutent pas du tout la voie de la raison et du bon sens. Ils sont prêts à tout pour renverser l’ordre établi par le travail des générations qui les ont précédés. Je n’envie pas M. Lévesque, car il réalise bien qu’une bonne partie de ses partisans sont des indésirables qui ne cherchent que le sensationnalisme et les occasions de fomenter des désordres[29], explique-t-il.

Le même jour à La Malbaie, le député fédéral de Charlevoix, Martial Asselin, vient appuyer le candidat unioniste local et député sortant, Zamilda Fortin. « Je suis inquiet de ce qui pourrait survenir au Québec si un parti fasciste et gauchiste comme celui de René Lévesque prenait le pouvoir le 29 avril », affirme M. Asselin devant 800 partisans. Le député conservateur ajoute que « les “ non ” répétés de M. Trudeau et de son cabinet aux revendications du Québec ont fait éclore une vague séparatiste au Québec » et que si les bombes ne sautent plus au Québec, c’est que ça pourrait faire mal au PQ. Mais s’appuyant sur ce qu’il a vu dans d’autres pays, M. Asselin soutient que les révolutions sanglantes ont commencé par des mouvements comme celui de M. Lévesque[30]. Martial Asselin sera lieutenant-gouverneur du Québec de 1990 à 1996, sous les gouvernements péquistes de Jacques Parizeau et Lucien Bouchard.

René Lévesque réplique aussitôt depuis Chicoutimi, devant 2000 personnes : « Est-ce que vous allez permettre longtemps que l’on lance de semblables accusations à votre père, votre mère, votre frère, votre sœur, vos enfants, vos parents et vos amis, pour la simple raison qu’ils expriment leur opinion et qu’ils choisissent de voter en faveur du Parti québécois[31] ? » Réagissant à l’affaire de la Brink’s, Lévesque dit que ça a « tout l’air d’un coup monté », et qu’il s’agit d’une « dramatisation » visant à faire peur aux Québécois à la veille des élections. Il explique que :

[…] cela revient encore une fois à prendre les Québécois pour des imbéciles. […] Certains Québécois jouent la comédie […] comme s’ils étaient convaincus que la libération du Québec était une invasion étrangère. Cela est attribuable au fait que ces Québécois ont été réveillés brutalement par la vague péquiste, qu’ils sont affolés parce qu’ils se sont eux-mêmes enfermés dans le ghetto anglophone de l’ouest de l’île de Montréal, en ne s’informant pas de la pensée politique du Québec. Il faut qu’ils comprennent que ce n’est pas contre eux et par hostilité envers eux que nous voulons faire la souveraineté politique du Québec, mais que c’est par respect pour nous-mêmes , parce que nous avons honte de quémander notre dignité aux autres et que nous voulons faire nous-mêmes notre dignité. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que la main tendue ne sera pas saisie.

Dans les jours précédents, la Fédération libérale du Canada a publié et distribué 250 000 exemplaires d’un bulletin intitulé Quoi de neuf ? et qui prétend, chiffres à l’appui, que le gouvernement fédéral verse au Québec 1 milliard$ de plus qu’il n’y perçoit. Par communiqué, le premier ministre Trudeau a nié s’immiscer dans la campagne électorale québécoise. Ce même 26 avril à Chicoutimi, René Lévesque brandit un article du Toronto Telegram de la veille qui, cherchant à prêter une haute autorité aux chiffres du document libéral, affirme qu’ils ont été établis par des fonctionnaires permanents du gouvernement canadien à la demande du bureau de Trudeau, puis révisés par le personnel de son bureau avant d’être remis à la Fédération libérale pour diffusion. Le chef du PQ se dit également convaincu que le Ralliement créditiste a été lancé dans la lutte par le Parti libéral du Canada. Il en veut pour preuve que le parti de Camil Samson a trouvé rapidement l’argent de sa campagne sans demander un sou à ses sympathisants, et que le leader créditiste a été le seul chef de parti à appuyer le contenu du bulletin Quoi de neuf ?. Il note que les candidats libéraux épargnent soigneusement ceux du Ralliement créditiste. Cela ne refroidira en rien les ardeurs de Camil Samson qui, le lendemain à Val-d’Or, préviendra 2000 partisans de ce que le PQ ne peut qu’apporter : « le communisme et l’anarchie[32] ». Lévesque accuse aussi M. Trudeau d’une « nouvelle fraude électorale[33] » puisque la veille du scrutin au soir, le premier ministre fédéral s’adressera aux Québécois sur une chaîne privée de télévision au sujet du « statut du Québec dans la Confédération ». Puisque la loi québécoise interdit aux partis en lice de faire campagne 24 heures avant le début du vote, le PQ ne pourra y répliquer.

Le même soir à Québec, dans le petit Colisée plein à craquer, le candidat péquiste d’Ahuntsic, Jacques Parizeau, qualifie la stratégie libérale de « tentative ultime de la frousse ». Mais cette frousse-là n’est que menu fretin en comparaison de celle que provoquera le « coup de la Brink’s ». Ce dimanche 26 avril 1970 au soir, la Presse canadienne transmet à tous ses membres des médias écrits et électroniques sa dépêche issue de l’article de The Gazette. Le lundi matin, la nouvelle est partout au Québec, au Canada, et même aux États-Unis. Mais les titres sont autrement plus sensationnels que celui de The Gazette. Le Chicago Tribune scande « L’argent commence à fuir le Québec par peur d’une victoire séparatiste ». On y fait état des sondages qui placent libéraux et péquistes à égalité. Ne souffrant pas des inhibitions de ses collègues québécois, le journaliste américain écrit que « La Presse, journal francophone dont les propriétaires sont libéraux[34] » a publié un sondage donnant une légère avance au PLQ. Des décennies plus tard, Jacques Parizeau se souvient : « Les Québécois ne savaient pas ce que c’était que des actions d’entreprises. Il faut savoir que vous pouvez allumer votre cigarette avec ces certificats. » L’impact électoral sera désastreux. Parizeau lui impute même sa défaite dans Ahuntsic.

Dans les derniers jours, le vote nous filait entre les mains. On le sentait nous glisser des doigts comme du sable. Cela annulait tous les efforts qu’on avait faits depuis un bon bout de temps ! Dans mon comté, les francophones ont cru dur comme fer que la substance du Québec se transportait à Toronto ! Heureusement que l’élection n’a pas eu lieu une semaine plus tard, sinon nous étions lavés[35].

L’avant-veille de l’élection, La Presse cite Vernon Marquez, président de Northern Electric Co., disant que ce transfert « n’accomplira rien » mais qu’en des moments comme ceux-ci, les gens préfèrent être en sécurité que de regretter (rather be safe than sorry). M. E. H. Blackwell, président de Du Pont of Canada Ltd, ajoute de façon alambiquée que sa société demeurera à Montréal « aussi longtemps que le climat économique et social dans la ville et la province nous permettra de suivre nos affaires de façon rentable et pratique[36]. » Le Soleil rapporte les propos du directeur du Royal Trust pour l’Ontario, J. A. Worsley, confirmant l’arrivée des avoirs dans l’après-midi de dimanche. Il refuse d’en dévoiler la valeur ou le lieu d’entreposage exact, se contentant de dire qu’ils se trouvent à Toronto parce que c’est « le lieu logique ». On cite le vice-président « exécutif » de la Bourse de Montréal, Jacques Dupuis, qui dit que l’affaire n’a eu aucun effet sur les marchés. Il ajoute que le Royal Trust est libre de procéder de la sorte, mais qu’à son avis, « cette crainte des clients du Royal Trust est tout à fait injustifiée puisque les titres en question n’ont absolument pas changé de valeur du fait de leur transfert : mille actions de la compagnie X valent toujours la même chose sur le marché, qu’elles soient déposées à Toronto, Montréal ou ailleurs[37]. »

Au Montreal Star, Jean V. Dufresne rapporte la réaction de Conrad Harrington, président du conseil du Royal Trust de retour de Toronto la veille au soir, qui qualifie les allégations de fuite de capitaux du Québec vers l’Ontario de « non-sens complet » puisqu’en tant que plus importante société fiduciaire au Canada, le Royal Trust effectue continuellement des transferts de cet ordre, sans qu’il y ait la moindre motivation politique. « Habituellement, nous n’avons pas la moindre idée de la raison[38] », précise-t-il. Le Star cite M. Seatle, vice-président du Royal Trust, qui parle de cinq camions alors qu’une source à Kingston assure qu’il y en avait huit. La seule et unique photo publiée du « coup de la Brink’s » a été prise à Market Place, en face du poste de police de Kingston. Les archives du Toronto Star nous montrent cette photo des lieux, mais où on n’y voit que deux camions dos à dos, un seul agent de la Brink’s et un simple passant à moto. L’article dit que les camions se sont rencontrés à 2 heures du matin,[39] mais la photo est en plein jour. Elle porte la mention « – CP Photo » mais ne se trouve ni aux archives du Toronto Star[40] ni à celles pourtant très abondantes de la Canadian Press[41]. Sa reproduction microfilmée dans les pages du Toronto Star est de très mauvaise qualité et aucun quotidien québécois ne l’a publiée. Il n’y a donc aucun moyen d’identifier l’agent en question pour lui demander ce que contenaient les caisses. Combien de camions et d’agents auraient montré les photos prises à Montréal par Tedd Church pour The Gazette ?

Tedd Church se souvient

Rejoint à son domicile de Verdun, quarante ans après les faits, Tedd Church confirme avoir été le seul et unique représentant des médias à être témoin du chargement des camions à Montréal. Il parle d’un convoi d’onze ou douze camions, ce qui tendrait à attester le nombre de neuf, le plus cité par les médias de l’époque. Mais il fait ensuite une révélation étonnante en disant que c’est le gouvernement qui a fait pression auprès de la direction du journal pour que lesdites photos ne soient pas diffusées. Church ne peut se souvenir s’il s’agissait du gouvernement du Québec ou du Canada (« the Prime Minister or the Premier »). Mais au moment des faits, l’Union nationale est déjà promise à une cuisante défaite et Jean-Jacques Bertrand est à couteaux tirés avec tous les grands journaux, qu’il accuse d’avoir truqué leurs sondages qui le placent troisième. À quatre jours de son renvoi aux banquettes de l’opposition, Bertrand n’est plus du tout en position pour soutirer à The Gazette une telle entorse à la liberté de presse. Ce seraient donc les libéraux fédéraux qui en seraient les demandeurs. Le clan Trudeau ayant été instantanément au courant des événements alors que personne ne savait, cela démontre également son étroite proximité des artisans de cette arnaque, si ce n’est plus. Cela expliquerait également pourquoi les photos prises à Kington ne se sont jamais rendues au Québec. Jusqu’à quel point Robert Bourassa était-il lui aussi au courant de ce tordage de bras ? Chose certaine, pour le jeune Tedd Church qui remportera deux « National Newspaper Awards » dans les années à venir, voilà qui aura été une occasion manquée de faire progresser sa carrière de photographe de presse grâce à ces photos exclusives. M. Church raconte également qu’à la suite de ces événements, certains journalistes francophones lui avaient donné le surnom de « Brink’s representative at The Gazette » (représentant de la Brink’s à The Gazette)[42].

Une fois n’est pas coutume

Le 28 avril, veille de l’élection, Montréal Matin publie un sondage CROP qui donne Pierre Bourgault très légèrement en avance sur Bourassa dans Mercier et Lévesque lui aussi tout juste devant son adversaire libéral dans Laurier. Mais les électeurs ont été questionnés avant le « coup de la Brink’s » et un votant sur trois demeure indécis[43]. Pour sa part, le Montreal Star annonce que trois camions supplémentaires de la Brink’s ont quitté les bureaux montréalais du Royal Trust pour Toronto via Kingston. Un porte-parole torontois du Trust Royal indique qu’il s’agit de la queue du convoi des neuf camions du dimanche précédent. Le Montreal Star fait aussi état d’une dépêche de la Canadian Press citant R. J. Wilson, directeur et vice-président sénior du Royal Trust pour l’Ontario, qui qualifie de « vaine spéculation » les reportages voulant que la valeur totale des avoirs transférés dimanche soit de 450 millions$[44]. C’est que tous les médias ont repris l’information de l’article initial de The Gazette, à l’effet que chacun des neuf camions de la Brink’s soit assuré pour 50 millions$. Un tel chiffre a de quoi impressionner les électeurs de 1970 puisque selon la méthode de calcul de la Banque du Canada, il équivaut à la somme fabuleuse de 2,58 milliards$ en dollars de 2010. La firme Lafferty, Harwood & Co. n’est pas en reste. Le matin de l’élection, Robert Harwood révèle dans les pages de The Gazette que la veille, sa firme a chargé Brink’s Express de transférer 6 millions$ en titres (34 millions$ en 2010) de Montréal à Toronto. On rapporte aussi les propos d’un porte-parole anonyme de la Montreal City and District Savings Bank qui cherche à être rassurant, mais n’en évoque pas moins des scénarios rocambolesques à la mode cubaine. Ainsi, même si le PQ prenait le pouvoir, la possibilité d’une saisie complète des actifs par le gouvernement serait encore lointaine. « Tout doit être négocié, et de telles négociations prennent des mois, et parfois des années[45] », estime-t-il.

Le « choix de la population »

Au terme de la première soirée des élections de l’histoire du PQ, les militants couvent leur colère. Il y a d’abord le déroulement odieux de la campagne, dont René Lévesque dira qu’elle aura été « l’une des plus sales[46] » qu’il lui ait été donné de voir. Cela n’empêchera pas le libéral Pierre Cloutier, vainqueur dans Ahuntsic contre Jacques Parizeau, de parler d’une campagne « très positive et démocratique[47] ». Mais aussi, il y a forte disproportion entre la part du vote populaire recueilli et le nombre d’élus.

 

Nombre de candidats

Pourcentage du vote

Nombre de députés

Pourcentage

des sièges

Parti libéral

108

45,40 %

72

66,67 %

Parti québécois

108

23,06 %

7

6,48 %

Union nationale

108

19,65 %

17

15,74 %

Ralliement créditiste

99

11,19 %

12

11,11 %

Nouveau Parti démocratique

13

0,15 %

0

0 %

Compte tenu de ce qu’annonçaient les sondages, c’est comme si environ les deux tiers des très nombreux indécis et discrets s’étaient rangés dans le camp des libéraux, tandis que l’Union nationale aurait raflé l’autre tiers et que le PQ n’aurait absolument rien eu. Cette hypothèse invraisemblable démontre bien que le « coup de la Brink’s » a eu son effet. La Presse rapporte que ce résultat est accueilli « avec enthousiasme et jubilation » par les milieux financiers, chez qui « l’incertitude politique québécoise et la montée du mouvement péquiste des derniers temps avaient fait naître les plus vives inquiétudes », entraînant « ce qu’on a appelé une fuite des capitaux en dehors de la province ». Un porte-parole torontois du Royal Trust se dit d’avis que les valeurs transférées le dimanche précédent « seront rapidement rappelées dans la métropole[48] ». Battu par 64 voix par le péquiste Guy Joron, le libéral Yves Michaud croit qu’il aurait de bonnes chances de l’emporter après recomptage, compte tenu des 1109 bulletins rejetés. Il ne le juge cependant pas souhaitable puisque le PQ n’a pas selon lui sa juste part d’élus, ce à quoi Le Devoir de Claude Ryan s’oppose avec véhémence[49]. Voilà qui montre bien combien la droiture du futur « Robin des banques » ne date pas d’hier. Quant au Toronto Star, il classe l’affaire de façon expéditive : « Now we know what Quebec wants[50] ».

L’expert en la matière : Gérald Godin

C’est à Gérald Godin qu’on doit l’enquête la plus fouillée sur le « coup de la Brink’s ». En 1976, il sera candidat péquiste dans Mercier et fera mordre la poussière au premier ministre Bourassa qui l’a fait emprisonner durant la Crise d’octobre. Mais au moment de la campagne électorale d’avril 1970, il est journaliste au journal hebdomadaire Québec-Presse. On savait déjà qu’Alexandre Taschereau avait été directeur du Royal Trust en même temps que premier ministre du Québec. Mais Gérald Godin a déniché et publié le 10 mai de nombreux autres liens entre les dirigeants de cette société de fiducie en 1970 et les partis libéraux du Québec et du Canada[51]. Mais c’est surtout lui qui, le 17 mai, révèlera les circonstances de la primeur accordée à The Gazette par le biais d’un coup de fil anonyme. Il posera aussi des questions troublantes qui démontrent bien la préméditation de l’affaire dans le but de manipuler l’électorat. Pourquoi avoir compromis la sécurité du transfert de l’équivalent aujourd’hui de 2 milliards et demi de dollars de ses clients en l’annonçant la veille à des journalistes ? Plutôt que d’avoir chargé les camions de la Brink’s d’une fortune aussi colossale directement sur la rue, au milieu des passants, pourquoi la direction du Royal Trust n’a-t-elle pas procédé dans le stationnement sous-terrain de l’édifice, infiniment plus facile à sécuriser [52]? Jacques Parizeau s’était posé la même question. Peu après les faits il a envoyé un de ces hommes mesurer en pleine nuit les portes du garage sous-terrain. Il en retirera la certitude que les fourgons blindés auraient pu y pénétrer et que l’opération était donc foncièrement destinée à manipuler le vote[53].

L’inspirateur du « coup » : Richard Grey Delamere Lafferty (1923-2003)

Les exécutants du « coup de la Brink’s » son indubitablement des hauts dirigeants du Royal Trust. Mais un autre homme a eu suffisamment d’influence pour être considéré comme en étant l’inspirateur, même si les sondages ont poussé le Royal Trust à choisir une autre cible que la sienne. Lorsque Richard Lafferty a recommandé à ses clients de sortir leurs actifs du Québec, il n’a pas agi de façon impulsive et irréfléchie. Né à Calgary, puis élevé en Angleterre, s’est installé à Montréal au début des années 1950. L’homme a alors démarré son entreprise et publié un livret qui annonce déjà sa réaction brutale de 1970 face au discours interventionniste du ministre Beaulieu devant la Chambre de commerce de Montréal. On y lit :

La fonction du gouvernement dans une économie de libre entreprise en est une d’arbitre et non d’acteur. Sa responsabilité est de mettre en place une législation judicieuse pour protéger les intérêts de la majorité […] Dans les années à venir, le défi résidera entre, d’une part, le gouvernement cherchant à étendre son pouvoir et sa place et, d’autre part, le capital et les producteurs faisant valoir leur rôle en tant que véritables protecteurs du consommateur. Si cela peut être accompli, la nécessité d’une planification économique gouvernementale devient nulle[54].

Au début de la campagne électorale d’avril 1970, son réflexe est donc celui d’un intégriste du libre marché. Il se mutera ensuite en anti-souverainiste acharné.

Sa compréhension de la possibilité de manipuler les investisseurs par le biais de leurs émotions est elle aussi patente. Lafferty écrit : « La croissance réussie et la préservation du capital ne germent pas en réagissant aux gros titres des journaux, mais en agissant avant que les développements ne fassent la manchette. Le noyau professionnel du marché est extrêmement compétent et bien discipliné. La périphérie du marché est bruyante, vociférante et hautement émotive[55]. » En 1964, il se fera taper sur les doigts en publiant un pamphlet contre la Bourse de Montréal intitulé « The Correct Role of the Stock Exchange in the Free Enterprise System ».

En 1966, Richard Lafferty et son acolyte Robert G. Harwood, sont tous les deux accusés de discrimination à l’embauche par Arnold Kurtz et Arnold Wolman, deux Juifs estimant avoir été écartés du fait de leur foi hébraïque. Plutôt que de se défendre des accusations proprement dites, Lafferty et Harwood contestent la constitutionnalité de la loi anti-discrimination du Québec de 1964. Leurs avocats respectifs, Me Fred Kaufman et Harvey Yarowsky, plaident tous deux que cette loi ne peut faire peser sur leurs clients des accusations qu’ils estiment de nature criminelle, puisqu’il s’agit dès lors d’une juridiction fédérale[56]. Encore une fois, Lafferty, Harwood & Co. appelle à sa rescousse le gouvernement de la majorité. En 1969, l’affaire est finalement tranchée en faveur de M. Lafferty par le juge John O’Meara, qui considèrera que la loi québécoise viole l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867[57]. Une semaine plus tard, le juge Gérard Laganière en fait autant en faveur de M. Harwood.

En 1971, celui que The Gazette qualifie de St. James Street Maverick (le « franc-tireur de la rue Saint-Jacques ») n’en démord pas. Lafferty peste contre le fait que les trois plus grandes banques canadiennes qui détiennent les deux tiers de l’ensemble des actifs bancaires. Il reproche aux administrateurs de ces banques de siéger aussi aux conseils d’autres grandes entreprises et d’en tirer des avantages concurrentiels indus, réclamant même une loi pour les en empêcher. « Je crois à l’économie libre, mais l’Establishment n’en veut pas. Il veut une économie de cartel[58] », disait-il. Toute sa vie, Richard Lafferty défendra ses points de vue de façon obsessionnelle.

Puis en février 1993, Richard Lafferty revient en force sous les feux de la rampe. Le Devoir obtient copie du bulletin mensuel The Lafferty Canadian Report de janvier envoyé à 275 abonnés de par le monde. Richard Lafferty y compare les leaders souverainistes Jacques Parizeau, alors chef de l’opposition à Québec, et Lucien Bouchard, chef du Bloc Québécois, à Adolf Hitler. « C’est une forme classique de démagogie qui n’est pas différente de ce que Hitler a fait, même si ce dernier a agi dans un plus grand vide politique que celui qui existe actuellement au Québec », écrit Lafferty. Pourtant, à sa façon, Richard Lafferty est lui-même un radical et un extrémiste. Encore et toujours, son modus operandi est exactement le même qu’en mars 1970.

Parizeau et Bouchard déposent aussitôt une poursuite en diffamation contre Lafferty. La cause ne sera entendue qu’en décembre 1999. La Cour supérieure fixera à 20 000 $ chacun le montant des dommages devant être versés à MM. Parizeau et Bouchard. Le 24 octobre 2003, un jugement majoritaire de la Cour d’appel, rendu quatre jours après le décès de Richard Lafferty, confirme la décision sur le fond, tout en haussant le montant des dommages à 100 000 $ chacun. Un arrangement à l’amiable avec la succession de M. Lafferty surviendra en février 2005, à quelques jours de l’audition du différend en Cour suprême du Canada. Les détails de l’entente sont demeurés confidentiels et MM. Parizeau et Bouchard ont versé le montant des dédommagements à des oeuvres de charité. L’affaire aura duré 12 ans au terme desquels les deux plaignants sont des ex-premiers ministres du Québec.

Plus jamais ? Allons donc !

La mémoire politique des Québécois est souvent désespérément courte. Voilà pourquoi il vaut la peine de la leur rafraîchir. Ce qui précède nous a permis de découvrir le rôle joué par le Parti libéral du Canada (PLC) de Pierre Elliot Trudeau dans le « coup de la Brink’s ». Un tel mépris pour la volonté du peuple et la démocratie est-il encore possible aujourd’hui ? Les bénéficiaires de cette supercherie ont-ils des remords ? Voyez plutôt.

En 1995, le professeur de sciences politiques Louis Massicotte a demandé à Robert Bourassa quelle importance il accordait aux failles du processus électoral, telles que le « coup de la Brink’s », qui ont pu être constatées en 1970. Badin comme il sait si bien l’être, Bourassa répondra : « En 1970, […] il y a le mythe du « coup de la Brink’s ». Mes adversaires ont toujours été assez habiles pour lancer des mythes de cette nature. Je ne crois pas que cette histoire du présumé camion ait pu changer beaucoup de votes[59]. » Par ailleurs, c’est sous Jean Chrétien, héritier de Trudeau au PLC, que sera mis sur pied le programme fédéral des commandites qui fera scandale en 2004. Un an plus tard, la commission Gomery révélera que 332 millions $ en deniers publics ont été détournés pour fins de propagande fédéraliste au Québec. De cette somme, 54 % ont été versés en bénéfices à des agences de communications, dont plusieurs se sont rendues coupables de fraude. Il y aura même mis au jour d’un système de ristourne au profit de la caisse du PLC.

« C’étaient quelques enfants de chienne du milieu des affaires[60] », commentera René Lévesque chaque fois qu’on lui demandera qui se cachait derrière l’escadre blindée du 26 avril 1970. Comme ce fut le cas pour les dirigeants des grandes entreprises organisatrices du Love-in pré-référendaire de 1995 au centre-ville de Montréal, ceux du Royal Trust qui orchestrèrent le « coup de la Brink’s » sont demeurés impunis. En 1993, le Royal Trust sera acheté par la Banque Royale, qui en revendra les activités de gestion de patrimoine (RT Capital) à UBS Asset Management. C’est cette même Banque Royale qui, un mois avant le référendum de 1992 sur l’Accord de Charlottetown, publia une étude prévoyant le désastre économique pour le Québec et le Canada anglais en cas d’indépendance du Québec. Lafferty, Harwood & Co. sera acquise en 2002 par l’Industrielle-Alliance et deviendra Valeurs mobilières ISL-Lafferty. En 1986, le Mouvement Desjardins créera Sécur avec l’acquisition des activités de transport de valeurs de la Brink’s au Québec, ce qui apparaîtra au fondateur du PQ « comme une tardive, mais douce revanche[61] ». On peut y ajouter que le trottoir en face de l’édifice C-I-L (aujourd’hui la Tour Telus), là où s’est jouée cette funeste mascarade du « coup de la Brink’s », est maintenant celui du boulevard René-Lévesque.

 

 

 

[1] Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (commission Laurendeau-Dunton), Rapport préliminaire, 1965

[2]Bourassa, Michel Vastel, Éditions de l’Homme, 1991, pp. 65-66

[3] Traduit de l’anglais, « No rush to get out on the hustings », The Gazette, 21 mars 1970, p. 7

[4] « Élections provinciales le mercredi 29 avril », Le Portage de L’Assomption, 18 mars 1970, p. 1

[5] Traduit de l’anglais, « Stocks sent from Quebec », Quebec Chronicle-Telegraph, 27 avril 1970, p. 1

[6] « Marcel Faribault en colère – Le transport de Brink’s en Ontario : “ Partisan, stupide et hystérique ” », Québec-Presse, 3 mai 1970, p. 8

[7] « Quebec investigating reasons for Lafferty advice », The Gazette, 7 mai 1970, p. 27

[8] « La victoire de la peur », Québec-Presse, 3 mai 1970, page 4A

[9] Idem

[10] « Lafferty, Harwood et Co. revient à la charge », La Presse, 11avril 1970

[11] « Deux facteurs nouveaux dans l’élection du 29 avril », Claude Ryan, Le Devoir, éditorial du 16 avril 1970

[12]The Globe and Mail, éditorial du 21 avril 1970

[13] Idem (traduit de l’anglais)

[14] « L’élection ne règlera rien – Marchand », La Presse, 23 avril 1970, p. 1

[15] Traduit de l’anglais, « Liberal Party the best choice », The Gazette, éditorial du 20 avril 1970

[16] Traduit de l’anglais, « Separatism disastrous », The Montreal Star, 22 avril 1970, p. 12

[17] « Des révolutionnaires du PQ imposeront une dictature », La Presse, 22 avril 1970, p. 1

[18] « Bourassa : “Le PQ camoufle les dangers de l’indépendance” », La Presse, 23 avril 1970, p. 1

[19]La Presse, 23 avril 1970, p. 8

[20] Traduit de l’anglais, « The Parti Québécois and its grave defects », The Montreal Star, 21 avril 1970, p. 8

[21] Les Québécois n’ont pas de leçons à recevoir des Anglais – Lévesque », La Presse, 23 avril 1970, p.1 et 8

[22] « L’élection ne règlera rien – Marchand », La Presse, 23 avril 1970, p. 1

[23]Montréal Matin, 27 avril, p. 3

[24] Jean-V. Dufresne (1930-2000) a travaillé pour la Presse Canadienne, La Patrie, Radio-Canada, CKAC, La Presse, Le Nouveau Journal, Macleans/L’Actualité, Le Devoir, The Montreal Star, Montréal Matin, CIEL-MF et Le Journal de Montréal. Il s’est mérité de nombreux prix durant sa longue et polyvalente carrière. Proche des grands créateurs de son temps au moment de l’élection de 1970, Jean-V. Dufresne publiera en 1971 un livre sur l’humoriste Yvon Deschamps. La même année, il aura un fils avec l’auteure-compositrice-interprète Louise Forestier. En 2008, Alexis Dufresne a produit avec sa mère un disque intitulé Éphémère.

[25] « Les dessous de l’affaire Brink’s-Royal Trust : des faits nouveaux ! », Gérald Godin, Québec-Presse, 17 mai 1970, p. 6

[26] Traduit de l’anglais, « Bond, stock transfer branded ’ridiculous’ », The Gazette, 27 avril 1970, p. 1

[27] « Securities shipment confirmed », The Montreal Star, 27 avril 1970, p. 2

[28] Traduit de l’anglais, « Paul says terrorists are in Parti Quebecois », The Montreal Star, 27 avril 1970

[29] « Rémi Paul traite René Lévesque de “Fidel Castro de Québec“ », Le Soleil, 27 avril 1970, p. 20

[30] « M. Asselin inquiet de ce qui pourrait arriver au Québec “ si un parti fasciste et gauchiste“ tel que le PQ le dirigeait… », Le Soleil, 27 avril 1970, p. 32

[31] « Lévesque accuse Trudeau de frauder la loi électorale en parlant du statut du Québec à la télévision demain », Le Soleil, 27 avril 1970, p. 32

[32] « Camil Samson affirme qu’il conduira le “Marque 1 Créditiste“, mercredi », Le Soleil, 28 avril 1970, p. 9

[33] « Lévesque accuse Trudeau de frauder la loi électorale en parlant du statut du Québec à la télévision demain », Le Soleil, 27 avril 1970, p. 32

[34] Traduit de l’anglais, « Money starts to flee Quebec by fear of separatist victory », The Chicago Tribune, 27 avril 1970, p. 1

[35] Pierre Duchesne, Jacques Parizeau – Le Croisé, Québec Amérique, 2001, p. 542 et 543

[36] « Des Québécois déménagent leurs valeurs mobilières en Ontario », La Presse, 27 avril 1970, pp. 1 et 11

[37] « Le Royal Trust expédie des valeurs mobilières à Toronto », Le Soleil, 27 avril 1970, pp. 1 et

[38] Traduit de l’anglais, « Securities shipment confirmed », The Montreal Star, 27 avril 1970, pp. 1 et 2

[39] « Royal Trust ships Montreal stocks to Toronto vaults », The Toronto Star, 27 avril 1970, p. 1 et 4

[40] Courriel à l’auteur de Wendy Anzelc Watts, Sr. Account Executive, GetStock/Toronto Star Page Licensing, 23 mars 2010

[41] Courriel à l’auteur d’Andrea Gordon, Account Manager, The Canadian Press Images, 24 mars 2010

[42] Entrevue téléphonique avec l’auteur, 28 mars 2010, « There was a deal with the Prime Minister or the Premier. There was a meeting going on with the government for us … asking us not to run those pictures. (…) I can’t remember who it was. Too long ago. (…) They called me in and said “we apologize, you’ve had great pictures but we can’t use them because of political reasons”. The Publisher. The Managing Editor at the time, I think, was Denis Harvey. »

[43]Montréal Matin, 28 avril 1970, p. 3

[44] Traduit de l’anglais, « Three more truck loads of securities leave », The Montreal Star, 28 avril 1970, p. 1 et 2

[45] Traduit de l’anglais, « Concern unwarranted, banks says of transfers », The Gazette, 29 avril 1970, pp. 1 et 2

[46] « La victoire de la peur », Québec-Presse, 3 mai 1970, page 4A

[47]La Presse, jeudi 30 avril 1970, p. 11

[48] « Les milieux financiers se réjouissent du choix de la population », La Presse, 30 avril 1970, p. 10

[49] « Le cas de conscience de M. Yves Michaud », Le Devoir, 2 mai 1970, p. 10

[50] « Quebec election was a victory for Trudeau, too », The Toronto Star, 30 avril 1970, p. 1

[51] « Derrière l’affaire Brink’s-Royal Trust – Une société de fiducie dont tous les directeurs canadiens français sont libéraux », Gérald Godin, Québec-Presse, 10 mai 1970, p. 10A

[52] « Les dessous de l’affaire Brink’s-Royal Trust : des faits nouveaux ! », Gérald Godin, Québec-Presse, 17 mai 1970, p. 6

[53] « Jacques Parizeau – Le Croisé », Pierre Duchesne, Québec Amérique, 2001, pp. 542 et 543

[54] Traduit de l’anglais, The principles of investing in a free enterprise economy : our concept, Lafferty, Harwood & Co., 195 ?, p. 29

[55] Traduit de l’anglais, The principles of investing in a free enterprise economy : our concept, Lafferty, Harwood & Co., 195 ?, Introduction

[56] Traduit de l’anglais, « Anti-discrimination : statute attacked again », The Gazette, 13 juillet 1966, p. 7

[57] Traduit de l’anglais, « Discrimination ruled Ottawa matter », The Gazette, 11 juin 1969, p. 3

[58] Traduit de l’anglais, « Lafferty : St. James St. Maverick », The Gazette, 7 juillet 1971, p. 23

[59]Gouverner le Québec, Robert Bourassa, Fides, 1995, pp. 43 et 44

[60]René Lévesque. Un homme et son rêve, Pierre Godin, Boréal, 2007, p. 271

[61]Attendez que je me rappelle , René Lévesque, Québec Amérique, 1986, p. 319