Chronique de l'enfermement

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Les textes réunis ici ont été écrits au cours des années post-référendaires. Ils sont extraits de la série Bulletin du lundi, et ont d’abord été publiés en version électronique sur le site internet et dans la revue L’Action nationale. Ce sont des textes de combat, rédigés dans le feu de l’action et cherchant à dégager, au-delà de l’actualité immédiate, les perspectives, les significations et les effets de la politique canadian sur le Québec, ses intérêts nationaux et sa représentation de lui-même. Ils ont été sélectionnés à partir de la matière même fournie, au fil des semaines, par l’actualité politique à laquelle il s’agissait de répondre à chaud. La cohérence qui s’en dégage, aujourd’hui, n’est pas celle qu’on construit selon un plan de rédaction savamment élaboré et patiemment conduit. La diversité des sujets, la taille variée des enjeux, la matière des anecdotes politiciennes, tout cela forme un matériau fourni par le Canada lui-même, par ceux qui, ici même ou à Ottawa, le servent en se faisant les relais d’une majorité résolument hostile à toute forme de reconnaissance et de traitement du Québec comme nation française.

Au fil des semaines, le travail critique a fini par dégager de sa gangue idéologique un ensemble stratégique qui donne à l’action d’Ottawa une intelligibilité particulièrement répugnante. La politique post-référendaire n’a pas seulement été le fruit d’une quelconque logique de structure qui induirait une tendance intrinsèque, « naturelle » à la centralisation qui travaille le Canada depuis toujours. Une volonté, des moyens et des actions – un dispositif – ont été agencés dans le dessein explicite de briser la capacité de notre peuple de se gouverner lui-même, de rogner ses acquis historiques et surtout de saper la seule institution où il peut se conduire et s’exprimer selon sa majorité légitime, l’Assemblée nationale du Québec.

Le Québec est une société dominée. La chose est pénible à vivre et des prouesses de rhétorique sont déployées pour ne pas la voir comme elle se donne. Des idéologues consacrent des énergies considérables pour travestir la réalité de notre incapacité grandissante à nous voir et nous interpréter en fonction de nos intérêts propres. Le Canada ne ménage rien pour s’imposer dans nos affaires. Et ceux des nôtres qui le servent n’ont aucune honte à prétendre que quatre siècles d’histoire peuvent finir sur un non-lieu.

Et pourtant notre peuple souffre. D’une souffrance sourde, diffuse dont l’expression n’est pas spectaculaire, relevant davantage de ce qui se laisse plus ou moins percevoir, à certains moments, comme l’expérience de l’inaccompli et qui marque profondément les conditions de la subjectivité aussi bien individuelle que collective. Et il souffre d’autant plus que des machines puissantes font du bruit pour couvrir sa voix. « On ne s’entend plus venir au monde » écrit le poète Michel Garneau, particulièrement doué pour saisir les expressions subtiles de la douleur, inavouée trop souvent, qui traîne au fond de la condition commune en jetant de l’ombre sur l’espérance.

Le Québec est notre pays et il ploie sous un joug qui le prive de plus en plus radicalement de la capacité d’établir lui-même ses priorités et d’y accorder l’allocation de ses ressources selon des configurations institutionnelles et des modes d’organisation de la vie collective conformes à ses aspirations et à ses intérêts nationaux. La domination qui s’exerce sur lui n’est certes pas comparable à celle de l’Afrique coloniale ou des républiques bananières mais elle n’en est pas moins délétère pour autant. Un peuple entravé est un peuple privé de la liberté, quel que soit le niveau de prospérité dans lequel son assujettissement le laisse. Le registre et le degré d’extension de cette liberté peuvent varier – et cette variation n’est certes pas sans conséquence sur l’intensité de la souffrance sociale que provoque la domination – mais le fait de l’assujettissement se dresse nécessairement contre le dignité elle-même. Tous les peuples qui ont accédé à l’indépendance peuvent en témoigner. Les pays qui sont devenus indépendants au cours des deux dernières décennies, en particulier, fournissent des exemples éloquents.

Pour persévérer dans son être et poursuivre dans les voies que lui ouvrent son génie propre, le Québec doit lutter contre un État et un régime qui, explicitement, visent désormais à le réduire à une différence inoffensive, à le nier dans l’essentiel de ce qu’il est. Le Canada le tient comme jamais il l’a tenu depuis l’Acte d’union. La grande peur de 1995 a fait place au froid calcul, les manœuvres déployées lors de la campagne référendaire se sont raffinées, radicalisées. L’État canadian a mobilisé des ressources faramineuses, il a déployé des énergies considérables à fabriquer un carcan juridique – le Clarity Bill – qui vient compléter et renforcer les moyens qu’il s’était déjà donné avec le coup de force de 1982. Il a, de fait, lancé une guerre psychologique dont la campagne de propagande de Sheila Copps et les manœuvres des barons de la pub ne sont que les facettes visibles. Le scandale des commandites, n’était pas une affaire de patronage. Les sparages de Patrimoine Canada ne sont pas des débordements de chauvinisme.

Le processus de minorisation par oblitération de ce que nous sommes, se déploie – les textes de présent recueil en font l’accablante démonstration – dans toutes les sphères de la vie publique. Il vise à imposer des catégories discursives qui sapent les bases du débat démocratique en brouillant systématiquement les repères qui pourraient favoriser la recherche et l’expression de l’intérêt collectif et national. Il se déploie en utilisant l’ensemble des ressources de l’État canadian et en mobilisant du personnel politique, élu ou à gages, qui agit explicitement comme agent de minorisation. Une classe politique se fait objectivement complice d’un régime et d’un État qui ont décidé de nous repousser à la périphérie de nous-mêmes. Ces agents de minorisation savent ce qu’ils font, qui ils servent et ce qui résulte de leurs actions.

Ils savent que le Canada est déterminé à compléter sa modernisation unitaire.

Ils savent qu’il est désormais irréformable.

Ils savent que le Québec ne sera jamais au Canada qu’une minorité tolérée dont l’expression et la différence ne seront, au mieux, qu’emblématiques pour le Canada.

Ils savent que la minorisation n’est pas une voie de développement pour notre peuple mais bien la soumission à un ordre qu’ils n’ont pas le courage de combattre.

Ils savent qu’ils renoncent à pousser à son terme un cycle historique dont ils ont largement bénéficié pour consentir, sans le dire, à l’ordre constitutionnel imposé.

Ils savent que le temps joue contre nous.

Ils savent que leur conduite est celle d’inconditionnels.

Ils savent qu’ils sont prêts à tout négocier, à toujours minimiser les pertes et les reculs parce que le fait de définir un seuil de rupture les obligerait à faire primer la loyauté au Québec sur l’appartenance canadian.

Ils savent que le Canada est un pays anglais qui évolue dans des directions incompatibles avec le maintien et le développement d’une société intégralement française au Québec.

Ils savent qu’ils sont Canadian first and foremost par consentement à l’impuissance et refus d’assumer l’héritage.

Ils agissent en toute connaissance de cause. Les plus candides ont la fausse pudeur de ne pas aimer se l’entendre dire. Les plus cyniques se réconfortent dans la philosophie du mercenaire. Les pions et les fantassins se contentent généralement de l’omission et de la restriction mentale. Personne cependant ne peut plus désormais plaider la bonne foi. Il n’y a plus de destin spécifique possible pour le Québec dans le Canada. Les politiciens, l’establishment d’affaires et les coteries médiatiques qui s’acharnent à faire semblant portent une très lourde responsabilité historique. Ils souscrivent à un ordre qu’ils n’ont pas le courage de défendre sur la base du choix réel qui les inspirent. Ils ont choisi de soumettre notre peuple et son avenir à une majorité qui le nie. Ils auront beau se draper dans tous les alibis du pragmatisme, de la patience ou du messianisme, le fait demeure qu’ils pèchent contre la lucidité. Notre peuple n’en sera pas dupe.

Le Québec sera indépendant un jour. Quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils disent, « Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver » (Gaston Miron).

Collections numériques (1917-2013)

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