Il y avait quelque chose d’agaçant et de convenu à entendre une figure aussi importante que Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, expliquer en janvier dernier qu’il ne fallait plus parler d’islamistes, mais de terroristes, pour évoquer les responsables de l’attentat contre Charlie Hebdo. Agaçant, parce qu’il semblait y avoir là un déni flagrant des faits et qu’on ne sait trop comment un débat public éclairé peut se mener lorsqu’on assiste à une censure aussi grossière du réel. Que se passe-t-il lorsque ceux qui nous gouvernent préfèrent s’en détourner plutôt que s’y confronter ? Convenu, pourtant, parce que pour de semblables raisons, Laurent Fabius avait déjà suggéré, il y a quelques mois, de ne plus parler d’État islamique, pour parler plutôt de Daesh. Il n’est pas le seul. Plus récemment, Barack Obama a pris la peine d’expliquer que l’Amérique n’était pas en guerre contre l’islam, ce qui va sans dire, mais contre la violence extrémiste en soi, en prenant bien soin de ne pas la lier explicitement à l’islam radical ou à l’islamisme, ce qui est beaucoup moins évident, pour le dire d’un euphémisme.
Au fil des dernières années, on le sait, les innovations lexicales se sont faites nombreuses pour nommer le moins possible l’islamisme dans nos débats publics. Les individus fanatisés par l’islam sont devenus des individus radicalisés, les fous d’Allah sont devenus des fous de Dieu et, en Grande-Bretagne, Jacqui Smith avait même proposé que le terrorisme islamiste soit redéfini comme terrorisme anti-islamique, parce qu’il irait contre les vraies valeurs de l’islam. S’agit-il d’un aveuglement volontaire ? D’un maquillage conscient de la réalité quelque peu orwellien, où la novlangue ministérielle entend non plus nommer les choses, mais les masquer, le bon peuple n’étant pas habilité à les comprendre, la démocratie ne pouvant s’établir qu’à partir d’une certaine institutionnalisation du mensonge ? C’est bien possible, et il s’explique peut-être par un surplus de prudence politique pour préserver la paix sociale et éviter la « stigmatisation » des musulmans. C’est un souci honorable, naturellement, même s’il laisse entendre que les populations occidentales sont remplies de racistes prêts à se déchaîner en pleine rue contre les musulmans avec l’esprit de pogrom, parce qu’elles confondraient automatiquement l’islam et l’islamisme et voudraient en finir dans un combat au corps à corps.
À moins qu’il ne s’agisse de lâcheté purement et simplement, la classe politique française craignant tôt ou tard une forme de rébellion de certaines « banlieues sensibles », comme on dit dans la novlangue multiculturelle. Si tel est le cas, la classe politique révélerait alors se croire assise sur une poudrière et confesserait préférer taire les problèmes liés à l’échec de l’intégration des immigrés musulmans plutôt que d’essayer de s’y confronter avec des moyens sortant de l’habituelle boîte à outils du multiculturalisme à l’européenne. C’est un schème qui semble récurrent lorsqu’une civilisation décline : on préfère ne pas nommer un problème, en espérant ainsi le dissoudre par la magie de la pensée – ou plus exactement, par la pensée magique. Ne suffit-il pas de redéfinir notre vocabulaire, de transformer notre lexique, pour voir le monde autrement ? C’est peut-être ce qui arrive dans une civilisation qui ne croit plus à la réalité des choses, et seulement aux discours qu’on tient sur eux, comme s’il suffisait de les imaginer autrement pour les transformer en profondeur. La réalité n’a plus aucune substance et le fantasme peut alors s’y substituer. Le marketing politique arrive alors en renfort pour aménager une réalité conforme aux peurs avouées et inavouées des politiciens.
Mais il se peut que l’explication soit plus profonde et touche à la vision du monde qui domine les sociétés occidentales, à tout le moins, celles de leurs élites intellectuelles, médiatiques et politiques, celles qui définissent la légitimité politicohistorique fondant la démocratie contemporaine. Il se peut, autrement dit, qu’au-delà de la propagande des uns et des autres, menée pour des raisons plus ou moins honorables, cette étrange censure s’explique par notre définition du lien social, du lien politique et que nous butions tout simplement sur notre difficulté à reconnaître la pluralité des cultures, des États et des civilisations. Il se peut que ce soit notre compréhension des sociétés humaines qui soit déficiente. Il se peut, si on préfère le dire autrement, que notre incapacité à comprendre trouve son origine dans une faillite philosophique. Il faut examiner nos schèmes culturels les plus évidents, il faut questionner le sens des mots qui nous semblent aller de soi, pour comprendre d’où nous vient cette pensée appauvrie. En un mot, la question dépasse largement la seule question du terrorisme, aussi fondamentale soit-elle – et naturellement, elle l’est.
La modernité et la différence culturelle
Je devine la première réflexion qu’on fera, qui pourrait venir à la fois de modernes radicaux et de traditionalistes endurcis : c’est la modernité elle-même, qui dans sa nature propre, se montre incapable de reconnaître les cultures, les peuples et les civilisations. En elle-même, elle ne peut rien y comprendre, car elle ne veut rien y comprendre : ne prétend-elle pas accoucher de l’homme en soi, avec ses droits universels, appelés à transcender toutes les situations historiques particulières – l’homme moderne, par définition, ne transcende-t-il pas toutes les cultures ? Ne considère-t-il pas toutes les différences culturelles comme autant de différences accidentelles, à la manière de supports temporaires le temps que se développe une conscience mondiale permettant à un peuple mondial de surgir ? C’est effectivement le cas, mais on répondra que la modernité a aussi fondé politiquement la nation, en reconnaissant ainsi, pratiquement, la diversité irréductible du genre humain. La nation, au cœur de la modernité, ne représente-t-elle pas l’aveu fondamental d’une nécessaire reconnaissance politique de la diversité du genre humain, comme si ce dernier ne pouvait fusionner en une seule et même société qu’au prix de sa mutilation ? L’unification morale de l’humanité pouvait se présenter à la manière d’un idéal régulateur, inspirant les hommes et atténuant les conflits entre eux, mais l’héritage des siècles passés semblait trop lourd pour être d’un coup liquidé. La Révolution française croyait embrasser le genre humain dans son ensemble : il n’en demeure pas moins qu’elle parlait français et qu’elle a moins poussé les peuples, malgré son universalisme radical, à se fondre en un seul qu’à se libérer en cherchant chacun à obtenir sa souveraineté. Au moment même d’en appeler au peuple pour fonder la souveraineté, on découvrait inévitablement l’existence des peuples, chacun incarnant une histoire, et bien décidé à la poursuivre.
Je reviens un instant avec l’exemple de la Révolution française : elle prétendait libérer le genre humain. C’était non seulement une révolution politique, mais une révolution métaphysique : elle prétendait révéler à l’homme son visage longtemps masqué par la coutume et les traditions. On peut penser aussi à la constitution américaine : il s’agit d’une constitution elle aussi radicalement universaliste, même si on a bien fait de rappeler qu’elle s’inscrivait dans une constitution par ailleurs fort anglo-américaine de la liberté politique. La démocratie américaine n’en prétendait pas moins faire une promesse au genre humain dans son ensemble, et ce n’est pas sans raison si l’american dream exprime peut-être de manière paroxystique le rêve de la modernité. On peut penser à l’Union soviétique qui censurait la référence à la Russie historique, vieille civilisation porteuse d’une identité particulière s’il en est une, avec son âme spécifique, dans sa dénomination officielle et se fondait sur le mythe internationaliste le plus intransigeant : l’URSS n’était qu’une étape, et la révolution mondiale ne saurait tarder.
Quoi qu’il en soit, il y a donc une pente universaliste radicale dans la modernité. Il faut néanmoins la penser en équilibre avec ce qu’on appellera la modernité des petites nations et en gardant à l’esprit la philosophie politique qu’Alain Finkielkraut a développée en méditant sur leur situation particulière[1] : celles-là, en assumant plus explicitement leur identité culturelle, ne serait-ce que parce qu’elles n’en avaient pas le choix, et pouvaient difficilement prétendre avec leur seule histoire totaliser le destin de l’humanité, témoignaient de la persistance de la diversité irréductible de l’humanité dans un monde ne parvenant plus philosophiquement à l’apercevoir.
Les États-Unis ou la France peuvent se croire porteuses d’une prophétie pour l’ensemble du genre humain : les petites nations sont conservatrices d’un certain sens de la modestie du politique. Elles incarnent, par leur seule existence, la pluralité du genre humain. En refusant, par exemple, de se laisser satelliser par les empires, et en cherchant l’indépendance pour elles-mêmes, elles témoignaient autrement dit d’une autre modernité possible, portant plus d’attention qu’on ne l’a cru traditionnellement aux cultures historiques.
Il y a donc une tension au cœur de la modernité. Une tension philosophique entre l’émancipation et l’enracinement, pour reprendre les mots de Chantal Delsol[2] – on pourrait dire aussi une tension entre la volonté et l’héritage, pour emprunter cette fois les mots de Régis Debray[3]. Mais cette tension entre l’universalisme et la reconnaissance des nécessaires médiations historiques ancrées chacune dans des cultures conscientes de leur singularité est aujourd’hui en voie de liquidation, comme si elle représentait simplement une étape transitoire dans l’histoire de la modernité, et qu’il était désormais possible de se passer du support des cultures, comme si l’heure de l’homme immédiatement universel était arrivée. Elle semble de moins en moins tolérable pour une humanité voulant faire l’expérience concrète de son unité, en démontant frénétiquement les différentes frontières qui pouvaient la cliver, qu’elles soient nationales ou sexuelles, politiques ou anthropologiques.
L’universalisme se radicalise – il n’entend plus se définir en tension avec les cultures historiques particulières, mais liquider ces dernières dont il ne croit plus avoir besoin. Les petites nations dont je parlais sont elles-mêmes invitées à se fondre dans le grand tout de la mondialisation sans chercher à conserver leur propre point de vue sur le monde : si elles pensent le contraire, on les accusera de repli identitaire et d’ethnocentrisme. J’entends par là que l’homme contemporain entend faire l’expérience immédiate de son universalité. Au mieux, on verra les cultures comme des réservoirs de coutumes agréables à contempler, à intégrer dans le vaste circuit du tourisme planétaire, chaque pays offrant sa métropole (ou ses plus belles villes) comme un décor de musée pour des badauds amusés, qui viennent s’y prendre en photo pour ensuite filer vers la prochaine destination. Mais on ne croit plus la culture historique suffisamment consistante pour fonder à partir d’elle une entité politique, une communauté politique. C’est en quelque sorte la suite logique de la guerre froide : celle-là divisait l’humanité non pas en cultures et en civilisations, mais en blocs idéologiques. Une fois cet affrontement idéologique liquidé, l’humanité pouvait enfin enclencher la marche finale vers son unification et faire l’expérience de son unité. Et on en a beaucoup voulu à Samuel Huntington de pronostiquer, suite à l’effondrement du communisme, le retour des civilisations, et surtout, leur choc à venir, comme s’il évoquait là une possibilité abjecte, que la simple décence nous pousserait à censurer[4].
Ce déni des cultures, pour emprunter la formule d’Hugues Lagrange[5], l’Occident se l’administre d’abord à lui-même. En son temps, Montesquieu avait noté qu’« il y a autant de vices qui viennent de ce qu’on ne s’estime pas assez, que de ce qu’on s’estime trop ». Elle nous met sur la bonne piste pour comprendre les raisons de l’oubli des cultures historiques dans la philosophie politique contemporaine – celle qu’on enseigne dans les universités comme celle qui détermine l’esprit public. Nous le savons, l’Occident ne s’estime plus vraiment. En fait, il ne s’estime plus du tout. Depuis plus de quarante ans, il s’est laissé convaincre que son histoire était sans honneur, qu’elle ne méritait pas d’être poursuivie ni transmise, et qu’il devait déconstruire ses propres ancrages de civilisation. C’est ce qu’on pourrait appeler l’héritage toxique de la contre-culture, qui a enclenché une radicale inversion des valeurs, les institutions étant brutalement discréditées, ce qu’elles refoulaient étant inversement valorisé. Se découvrant historiquement coupable d’avoir aliéné l’être humain en général et les différentes minorités en particulier, il devait se soumettre à une entreprise de déconstruction en règle, en étouffant d’abord et avant tout les majorités et les systèmes normatifs auxquels on les associait. Autrement dit, c’est la mauvaise conscience héritée du vingtième siècle qui a condamné les sociétés occidentales au rituel de l’expiation perpétuelle et qui les a convaincues qu’elles ne connaîtront de véritable rédemption que lorsqu’elles s’aboliront volontairement, pour embrasser la cause de l’humanité tout entière.
En se dénudant de ses couches de culture, l’Occident renouera avec la pureté originelle de l’humanité, avant qu’elle ne se divise en nations, en religions, en civilisations – avant la chute dans l’histoire, avec sa part tragique, si on me permet de détourner la métaphore chrétienne. C’est la nouvelle vocation messianique de la civilisation occidentale : s’extraire elle-même de son histoire, s’abolir, s’arracher à tout ce qu’elle a été, pour se faire pardonner ses crimes, et permettre l’avènement de l’humanité mondialisée. Mieux encore : l’homme occidental ne s’estime que lorsqu’il se méprise. Il goûte sa supériorité morale lorsqu’il fait pénitence. Car il faut avoir une immense grandeur morale pour se reconnaitre si abject. Il arrive à l’homme occidental, surtout s’il est progressiste et fier de l’être, de se trouver beau de se trouver si laid.
L’homme nouveau : un homme sans culture ni mémoire
Chose certaine, l’homme occidental se veut de moins en moins enraciné dans une culture et s’imagine que l’humanité progressera lorsque chaque société se délestera de son identité particulière – et encore une fois, les nations occidentales doivent être les premières à consentir à ce sacrifice, d’autant que ces cultures seraient indissociables d’une forme d’impérialisme qui aurait mené à l’asservissement du monde. Le nouvel homme nouveau renaîtra à la manière d’un être humain délivré de ses appartenances qui seraient tout autant d’entraves – l’idée même de limite est désormais condamnée, puisqu’elle empêcherait l’individu contemporain de se créer librement, à partir de sa seule volonté, en se laissant aller à un fantasme d’autoengendrement. La nouvelle utopie qui guide le monde occidental, c’est celle d’une planète unifiée, où toutes les différences pourraient s’exprimer, sans qu’aucune n’entre en conflit avec une autre, et où chaque être humain, certain de ses droits, pourrait affirmer sa singularité dans l’espace public. Cela implique évidemment de définir ces différences sur un plan strictement individuel et de bannir l’idée d’identité collective. N’assistons-nous pas, en fait, à une déréalisation de l’identité lorsque nous l’individualisons radicalement ?
Cela porte évidemment à conséquence sur notre définition de la citoyenneté, du lien social, de ce qui constitue une communauté politique. On voudrait que chaque société embrasse l’ensemble du genre humain, qu’elle ne distingue plus les citoyens des étrangers, les membres d’une nation et ceux qui n’en sont pas – en fait, de telles distinctions seraient fondamentalement discriminatoires et seront condamnées par la logique radicalisée des droits de l’homme, qui pousse à la désubstantialisation de la citoyenneté, en la vidant de tout contenu identitaire, affectif et historique. On voudrait des frontières absolument poreuses et à terme, plus de frontières du tout pour qu’enfin, l’humanité communie dans une définition réconciliée d’elle-même.
De là la fascination des sociétés occidentales pour la mondialisation économique, le marché unifiant les hommes en transformant les cultures et les identités en préférences identitaires individuelles interchangeables et monnayables. Le marché n’accouche-t-il pas d’une culture globale et ne fonctionne-t-il pas à la manière d’un remarquable dissolvant des identités historiques ? De là leur fascination aussi pour une version fanatisée des droits de l’homme et tout ce qui annonce d’une manière ou d’une autre l’unité du genre humain, enfin délivré des frontières, arrivé à la fin de l’histoire – de là aussi la fascination pour un certain discours écologiste qui laisse croire que les problèmes humains, aujourd’hui, ne se situent qu’à l’échelle planétaire, ce qui frapperait d’insignifiance les États particuliers. On ne s’intéresse à la politique qu’en termes globaux, et on tourne en ridicule ceux qui veulent maintenir en vie le cadre national – en sciences sociales, l’œuvre d’un sociologue comme Ulrick Beck a consisté, justement, à dénationaliser notre cadre d’analyse des phénomènes sociaux pour les faire apparaître dans une perspective transnationale et mondiale[6].
Les États se définissent eux-mêmes moins à partir leur identité historique (culture, mémoire, langue, tradition, patrimoine religieux, etc.) qu’à partir des valeurs universelles auxquels ils adhéreraient, la France en donnant un exemple parmi d’autres lorsqu’elle croit se définir uniquement par les valeurs universelles qui sont celles de la République, sans voir, toutefois, qu’il s’agit des mêmes valeurs partout ailleurs célébrées et qu’elles ne la distinguent pas vraiment.
La France a cela de singulier qu’elle croit se définir comme la patrie des droits de l’homme, ce qui consiste à revendiquer une forme de paternité sur une idée à vocation universelle, tout en ne parvenant plus à assumer publiquement sa propre culture, sauf, encore une fois, quand vient le temps de la ressaisir de manière négative pour mieux s’en séparer. Car on le notera : lorsque ce qui est vraiment spécifique à une nation est évoqué, c’est toujours pour le disqualifier, ou pour le dégrader. C’est ainsi que ce qui est spécifiquement français sera assimilé à l’imaginaire de la France moisie qu’il faudrait enfin lessiver. On dénoncera la France franchouillarde, comme au Québec, on dénoncera l’héritage historique québécois identifié à un vieux fond xénophobe associé à la figure de l’homme blanc, francophone, hétérosexuel et catholique. Autrement dit, le spécifique est toujours connoté négativement.
Pourtant, l’expérience historique de chaque société, ce qui fait qu’une culture a son génie propre et n’est pas interchangeable avec une autre, qu’on veut effacer de la réflexion politique ne saurait être congédié par un simple décret théorique. De la France au Québec, en passant par la Grande-Bretagne et l’Italie, ce sont les mêmes valeurs, à prétention universelle chaque fois, qui sont convoquées pour caractériser les identités nationales. Comment les distinguer entre elles ? C’est bien la preuve, en quelque sorte, qu’elles sont de plus en plus insaisissables conceptuellement, comme si nous ne savions plus les apercevoir, les habiter et les penser. N’est-ce pas le fait d’une philosophie politique qui a abandonné toute pensée historique, comme si l’histoire n’était que pure contingence et que les cultures n’étaient que des constructions identitaires et sociales artificielles qu’on pouvait tenir pour quantité négligeable ?
L’Occident contemporain se gargarise avec l’ouverture à l’Autre. Il en a fait un impératif catégorique, mais il se montre fondamentalement incapable de penser la figure de l’Autre autrement qu’à la manière d’une reproduction du même. L’Autre n’existe jamais qu’à la manière d’un autre moi. Aucune part, chez lui, n’est irréductible, spécifique. Il n’a aucune réalité spécifique, ni consistance, il n’a aucune épaisseur culturelle, historique ou spirituelle. Il faut s’ouvrir à l’Autre, mais on ne pourra jamais le nommer, sans quoi on se fera accuser de poser une barrière infranchissable entre les peuples. Dès lors, on peut bien gloser sur la diversité : il s’agit d’une diversité de styles de vie, de préférences culturelles ou spirituelles, mais jamais de groupes humains avec une identité substantielle qui ne communie pas nécessairement autour de communs intérêts. On parle sans cesse des différences, mais aucune n’est suffisamment consistante pour être nommée. Cette humanité hors-sol, pour emprunter la formule d’Hervé Juvin, est terriblement déréalisée, et devient finalement méconnaissable[7]. Elle n’existe tout simplement pas, sinon à travers la figure de la culture globale qui se définit comme une nouvelle étape dans l’évolution du genre humain, qui déclasserait, dans la grande marche du progrès, les formes précédentes de construction de l’identité collective.
L’appartenance historico-culturelle serait aujourd’hui datée, elle serait dépassée par de nouvelles références identitaires plus fluides, moins fixes, moins instituées, plus en phase avec le progrès, qu’on assimile à un mouvement vers la désincarnation de l’homme, vers sa virtualisation. De même, la construction européenne va de l’avant en se présentant non pas comme la constitution politique d’une civilisation historique, mais bien comme la maison de l’universel, comme si elle devait un jour recouper l’humanité entière, comme si elle représentait le point de départ de l’unification du monde sous une seule souveraineté. C’est la figure du peuple mondial qui se dessine, d’une humanité transcendant non seulement moralement, mais politiquement et culturellement ses différences. De là la reconnaissance d’un être moralement supérieur, le citoyen du monde, à l’identité imprécise, nomade, hybride, métissée, qui ne se laisserait attacher par aucune collectivité historique particulière, dont la spiritualité, s’il en a une, serait affranchie de toute religion, qui se baladerait dans le monde avec ses droits de l’homme à faire valoir contre toutes les sociétés particulières, et qui ne se lierait aux autres que de manière contractuelle, sans jamais nouer quelque lien définitif que ce soit. On comprend dès lors la popularité de la théorie du genre dans les sciences sociales contemporaines, puisqu’elle fonde théoriquement la possibilité d’une dissolution de toutes les identités à travers leur déconstruction méthodique[8].
En un mot, l’Occident ne se connaît plus qu’à travers la figure de l’humanité. Il croit s’identifier avec elle, ou du moins, il croit annoncer les valeurs qui seraient communes à toutes les civilisations. Il entend s’abolir dans la figure magnifique de l’humanité unie. Chaque communauté politique est censée recouvrir potentiellement toute l’humanité – ce qui consiste paradoxalement à nier le politique, ou à l’abolir dans la morale universelle, car le politique, par définition, est une pensée du particulier, tant il consiste à identifier les intérêts d’une communauté humaine spécifique et à les faire valoir dans un monde où d’autres communautés humaines font valoir des intérêts contradictoires, ou à tout le moins différents. On peut voir là, selon l’angle qu’on adoptera, une forme de grandeur morale absolue, celle de l’homme historique qui renonce à ce qu’il est pour embrasser l’ensemble du genre humain. On peut y voir aussi une forme d’appauvrissement historique et anthropologique propre à une certaine barbarie universaliste, qui croit nécessaire de mutiler l’homme pour le libérer, qui le déracine et pense ainsi lui donner des ailes. Mais dans un cas comme dans l’autre, on notera l’incapacité à penser la diversité humaine, dans ses grandeurs ou ses misères – une diversité que l’on pourrait dire inscrite dans le réel, irréductible, qu’on peut choisir de voir ou non, mais qu’on ne peut faire disparaître par décret théorique.
Puisque toutes les cultures sont interchangeables, aucune n’existe vraiment – chacune n’est en fait qu’un bric-à-brac de préjugés et de stéréotypes qu’il faudra démonter pour permettre à l’homme universel d’advenir. Cela le pousse dans une situation intenable : il plaidera ensuite pour l’ouverture à l’autre, mais est bien incapable de se nommer lui-même. J’y reviendrai.
Penser le conflit
Mais l’essentiel, dans le contexte actuel, est ailleurs. Si les nations occidentales ne s’aperçoivent plus qu’à travers la figure de l’humanité, au point même de se confondre avec elle lorsque vient le temps de se définir, comment peuvent-elles penser la question du conflit, et celle, plus exigeante et difficile encore, de l’ennemi ? Lorsqu’elles sont attaquées, qu’est-ce qui, en elles, est attaquée ? Au moment de l’attaque contre Charlie Hebdo, on a parlé avec beaucoup d’assurance d’une déclaration de guerre contre la liberté d’expression et la démocratie. C’était vrai. Mais on a parlé bien plus difficilement d’une guerre contre la France, sauf à réduire celle-ci à la République et celle-là aux droits de l’homme, ce qui nous ramène aux problèmes préalablement identifiés. Ou alors, on parlera d’une guerre contre l’Occident, le fondamentalisme islamiste ne distinguant pas exagérément les pays occidentaux entre eux. Cela n’est pas complètement faux, mais alors, il faudra néanmoins définir l’Occident, ce qui l’identifie, et on ne pourra pas éternellement nier que c’est à travers la figure de l’État-nation que s’est constituée la liberté politique occidentale. Contre qui (et au nom de quoi) peut-on mener une guerre si nous croyons embrasser l’humanité, si nous croyons nous confondre avec elle ? Ce problème, il surgit, d’ailleurs, chaque fois que se pose la question d’une intervention militaire et de sa justification depuis le début des années 1990. À bien des égards, nous ne connaissons, aujourd’hui, que des guerres humanitaires menées au nom des droits de l’homme – cela ne veut pas dire que les guerres sont effectivement menées pour de tels motifs, mais que nous ne savons plus les justifier autrement, comme s’il y avait quelque chose de moralement avilissant à faire la guerre au nom de l’intérêt national, ou pour des considérations géopolitiques particulières.
D’ailleurs, est-on encore capable de penser la figure de l’ennemi ? C’est à ce problème que sont confrontées les sociétés occidentales, aujourd’hui. Elles tentent d’y répondre en se tournant vers un ennemi présenté comme une force sans visage, une force régressive, négatrice de l’humanité, qui peut frapper n’importe où dans le monde, et qui serait motivée par la haine (la haine de qui et au nom de quoi ?) et le refus de l’autre (de quel autre s’agit-il ?). L’ennemi contre lequel on se battra, ce sera une force barbare régressive qui contrarierait l’avancée des droits de l’homme et de la civilisation universelle dont ils devraient accoucher. On parle, ces temps-ci, d’une guerre contre le terrorisme, ennemi désincarné, fantomatique et flottant, sans visage et non identifiable, et c’est à travers ce vocable que nous assistons à un conditionnement médiatique majeur. Le conflit mis en scène sera celui entre l’humanité et l’inhumanité, entre les droits et la négation des droits, entre l’émancipation universelle et la régression particulariste. On peut comprendre une telle mise en scène. On peut néanmoins la trouver bien insuffisante et trouver qu’elle passe à côté de bien des problèmes[9]. Le terrorisme, ici, représentera l’expression paroxystique de cette barbarie, de cette négation des valeurs universelles. Il représentera une humanité déchue, la forme extrême du refus de l’autre et des valeurs humaines que l’on souhaite commune à toutes les sociétés. Il représente un mal générique qu’il faudra combattre sans qu’on ne s’intéresse vraiment au discours de ceux qui en font le moyen de leur lutte. Il ne faudra pas non plus qu’on s’intéresse aux causes qu’il sert. C’est par refus de l’exclusion de l’Autre qu’on refusera de caractériser le terrorisme, mais alors, on le déréalise, ce qui inévitablement appauvrit la réflexion et mine notre capacité à comprendre le monde dans lequel nous vivons.
La réalité, quelquefois, reprend pourtant ses droits. Que faire lorsque le terrorisme en question (et le terrorisme, du point de vue de celui qui l’utilise, n’est qu’un moyen) porte un drapeau, revendique une cause, met de l’avant ses croyances et trouve des gens, et pas seulement dans les marges, pour l’acclamer, le féliciter et le considérer comme un héros ? Que faire lorsque ce terrorisme s’identifie lui-même et exige qu’on le nomme par son nom ? Que faire, autrement dit, lorsque le terrorisme en question est explicitement un islamisme, qui lui-même, se croit l’expression la plus fidèle de l’islam ? Est-il possible d’imaginer que l’Occident soit en guerre non pas contre le terrorisme en soi, mais bien contre le fondamentalisme islamiste, d’autant que ce dernier lui a explicitement déclaré la guerre et entend frapper partout où c’est possible, à l’intérieur de ses frontières et même, si la chose est possible, en développant le terrorisme intérieur – c’est du moins la consigne donnée aux djihadistes « occidentaux » de retour dans leur pays légal et c’est aussi en espérant cultiver le ressentiment des marginaux et des populations immigrées mal intégrées que l’islamisme entend retourner ces populations contre leur pays d’accueil.
Nommer l’islamisme, ce n’est pas culpabiliser les musulmans. Et dénoncer l’islamisme, cela ne consiste pas à y réduire l’islam, qui est, faut-il prendre la peine de le dire, une des grandes civilisations de l’humanité, une de ses grandes traditions spirituelles, aussi, même si on peut se demander légitimement dans quelle mesure elle peut se transplanter pacifiquement dans les pays occidentaux – car quoi qu’on en pense, des cultures profondément différentes ne sont pas nécessairement faites pour cohabiter. Mais il devrait être permis de voir en quoi l’islamisme a quelque chose à voir avec l’islam, probablement à la manière d’une dérive intégriste, d’une pathologie. Tout comme, d’ailleurs, on pourrait chercher à penser la question du rapport à la femme dans l’islam. Ou poser n’importe quelle question, en fin de compte.
Ce avec quoi il faut en fait renouer, c’est avec une réflexion qui s’intéresse à ce qui est spécifique à chaque culture, à chaque civilisation – et aux pathologies qui leur semblent caractéristiques. Et j’ajoute, naturellement, qu’il ne nous est pas interdit, non plus, de penser les pathologies spécifiques à la modernité occidentale, quelles qu’elles soient : j’espère qu’on n’accusera pas celui qui se livrerait à une telle réflexion d’occidentalophobie. On pourrait penser à la démesure technicienne, au libéralisme absolu des mœurs aujourd’hui, ou inversement à la tentation totalitaire au vingtième siècle. On pourrait aussi penser aux pathologies culturelles propres aux différentes religions, comme le puritanisme, lorsqu’on s’intéresse au protestantisme, ou à la morale sexuelle exagérément rigide du catholicisme. Une réflexion de fond sur chaque culture implique une réflexion sur leurs pathologies spécifiques – ce qui exige encore une fois une réflexion ancrée dans l’histoire. Autrement dit, penser la diversité des cultures, c’est penser leurs rencontres, leurs tensions, c’est aussi chercher à penser leur cohabitation difficile dans le monde sans tout de suite associer cette réflexion à la supposée théorie du choc des civilisations. Penser les cultures dans leur singularité, c’est chercher à voir dans quelle mesure elles sont compatibles sur un même territoire. Mais une telle réflexion est proscrite, interdite, et même impensable. Ceux qui constatent la possibilité du conflit sont accusés de le rechercher, de le désirer, comme s’ils se complaisaient dans une mentalité apocalyptique avide de prophéties autoréalisatrices. On aurait pourtant avantage à renouer avec le réalisme historique qui nous délivre des limites du rationalisme technicien et gestionnaire.
La question plus large qu’il nous faut poser, c’est celle des tensions entre les cultures, entre les civilisations pour les réintégrer dans la philosophie politique autrement qu’à la manière d’un problème qu’il serait possible de dépasser une fois par toutes par un saut dans la foi multiculturelle. Quoi qu’en pense la théologie de l’ouverture à l’Autre, qui sert de pensée magique à la mondialisation, le conflit entre les groupes humains ne saurait s’expliquer seulement par la carence de l’ouverture à l’Autre, par une faille éthique propre à la civilisation occidentale. On oublie souvent, d’ailleurs, que pour peu que l’Autre cesse d’apparaître comme une figure abstraite, sans visage et sans histoire, sa rencontre ne sera pas nécessairement positive – elle pourrait même être conflictuelle. Rencontrer l’Autre, c’est rencontrer quelqu’un dont les intérêts ne recouperont pas nécessairement les miens, dont les valeurs heurteront peut-être les miennes, dont les ambitions se confronteront peut-être aux miennes. L’Autre n’est ni toujours détestable, ni toujours aimable : ce n’est ni un diable, ni un ange. On ne peut préjuger des conséquences d’une meilleure connaissance de l’Autre – on pourra l’apprécier davantage, tout comme on pourra découvrir de bonnes raisons de se méfier. La question de la tension avec l’Islam peut ici être ressaisie. Dans le monde contemporain, il représente particulièrement bien cet Autre avec lequel il faut cohabiter. La question de l’islam, quoi qu’on en pense, n’est pas simplement née d’un fantasme xénophobe au sein d’un Occident se cherchant un nouveau bouc émissaire à blâmer pour ses malheurs et ses faiblesses. La question de l’islam force, en fait, à déprendre la question de l’autre de l’angélisme habituel, du lyrisme multiculturel et de son refrain plus que lassant sur l’ouverture et la tolérance. Elle force plutôt à penser politiquement la question de la diversité des cultures, de la possibilité, pour des identités souvent très différentes, de partager un même espace politique. Elle nous oblige à renouer avec l’art politique en le déprenant du simple prisme gestionnaire libéral.
La question de l’islam
La gauche multiculturelle, lorsqu’elle accepte de poser la question de la difficile intégration de l’islam aux sociétés occidentales, en ne se contentant pas de dénoncer l’islamophobie occidentale, cherche pourtant à la dématérialiser le plus possible, en se demandant s’il peut se montrer compatible avec les grandes valeurs modernes. On se demande, autrement dit, si cette religion particulière est compatible avec l’universalité des valeurs occidentales, mais on ne se demandera pas, toutefois, si l’implantation par l’immigration de cultures de tradition musulmane dans des sociétés occidentales ayant leur propre identité nationale et civilisationnelle peut causer des tensions, des conflits, simplement parce que deux cultures, sur un même territoire, peuvent s’engager dans une lutte pour se l’approprier. On sait par ailleurs à quel point la question de l’immigration est minée politiquement : c’est qu’elle représente l’angle mort de l’idéologie dominante : si toutes les cultures sont interchangeables, alors n’importe quelle population peut finalement s’installer dans n’importe quel pays sans qu’on ne craigne aucune tension significative. Inversement, si les cultures ont leur épaisseur propre (ce qui ne veut pas dire qu’on bascule dans l’essentialisme culturel ou identitaire, évidemment), on peut se demander dans quelle mesure elles sont compatibles entre elles, ou du moins, dans quelle mesure elles peuvent cohabiter paisiblement au sein d’une même communauté politique.
La réponse libérale à la présence massive d’une communauté aux mœurs et croyances étrangères consiste à privatiser les premières et les secondes, en n’y voyant que des coutumes folkloriques et des préférences spirituelles individuelles, sans portée collective. On pratique ainsi le déni des cultures, on les abolit conceptuellement, comme par magie – mais on a beau masquer le réel, ou le déjouer par des montages conceptuels, il continue d’exister, et devient alors simplement incompréhensible et insaisissable.
Abolir conceptuellement les cultures, c’est aussi la meilleure manière de ne rien comprendre à l’échec de l’intégration, qui s’accompagne de la naissance, dans les banlieues françaises, mais plus largement, dans l’ensemble des pays européens, de la naissance d’un nouveau peuple qui trouve souvent dans l’islam et dans une conscience victimaire à l’endroit des sociétés d’accueil les éléments fédérateurs qui finissent par accoucher d’une conscience collective. Il faut renouer avec un certain réalisme dans notre compréhension de la diversité humaine. Cela obligerait, du moins, sur le sol français où l’on vient peut-être d’apercevoir les premiers signes d’une guerre civile de basse intensité depuis le mois de janvier 2015, à voir comment l’Islam peut contribuer lui-même à sa modernisation, et pour tout dire, à son occidentalisation culturelle, étape indispensable qu’il doit lui-même engager s’il veut finalement être accepté dans un continent qui n’est pas d’abord le sien. Il ne s’agit pas pour l’Islam de s’adapter seulement aux lois de l’Europe, mais de s’adapter aussi à ses mœurs, d’en prendre le pli, d’envoyer les signaux qu’il entend « vivre à l’occidentale ». Il s’agit pour lui, en quelque sorte, de s’occidentaliser – cela implique, toutefois, que l’Occident ne se perçoive pas seulement comme la civilisation des droits, mais qu’il assume son épaisseur culturelle, ses traditions spécifiques, qu’il comprenne à nouveau que les mœurs sont politiques.
Mais ce qu’il faut redécouvrir, non pas pour s’y complaire, mais simplement pour le penser, c’est la possibilité du conflit comme de la coexistence entre les groupes humains, qu’on régulera bien moins en multipliant les prêches sur le vivre-ensemble et la diversité comme richesse qu’en renouant avec l’art politique qui consiste à tracer de bonnes frontières et à cultiver entre les membres d’un même pays le sens de la concorde, de l’amitié civique. Les prêches sur la tolérance, l’ouverture à l’autre, la diversité et le métissage ne servent absolument à rien si ceux qui dirigent nos sociétés se montrent incapables d’en restaurer le cadre historique, à la fois national et civilisationnel. Et s’il est bien de garder toujours à l’esprit l’unité fondamentale du genre humain, on ne confondra pas cet horizon moral avec une description sociologique, sans quoi nous serons condamnés à évoluer dans un monde que nous ne comprendrons plus, parce que nous ne le nommerons plus. q
[1]Alain Finkielkraut, L’ingratitude, Montréal, Québec-Amérique, 1999. On consultera aussi avec grand bonheur la collection complète de la revue le Messager européen, véritable laboratoire intellectuel où s’est développée une philosophie des petites nations.
[2]Chantal Delsol, Populisme : les demeurés de l’histoire, Paris, Les éditions du Rocher, 2015
[3]Régis Debray, Le code et le glaive, Paris, Albin Michel, 1999
[4]Samuel Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 1996
[5]Hugues Lagrange, Le déni des cultures, Paris, Seuil, 2010
[6]Parmi plusieurs ouvrages, on lira Pouvoirs et contre-pouvoirs à l’ère de la mondialisation, Paris, Alto/Aubier, 2003.
[7]Hervé Juvin, La grande séparation, Paris, Gallimard, 2013
[8]Bérénice Levet, La théorie du genre, Paris, Grasset, 2014
[9]D’ailleurs, la seule guerre qu’elle s’autorisera à mener, moralement, sera souvent contre l’ennemi de l’intérieur « populiste », qu’on combattra comme un diable, parce qu’il refuserait, justement, de communier à cet élan vers la réunification de l’humanité sous une seule figure, et travaillerait plutôt pour le repli identitaire, ce qui serait un crime contre l’universalité.