Défense de la langue française sans faux pas

Avocat, doctorant en droit à l’Université de Sherbrooke et à l’Université de Bordeaux et boursier FRQSC

À l’été 1937, Québec est l’hôte du deuxième Congrès de la langue française. Lionel Groulx y prend la parole. Sur un ton prophétique, l’historien lie le destin de la nation à celui de l’État québécois. Et tous les espoirs sont permis :

J’espère avec tous les ancêtres qui ont espéré ; j’espère avec tous les espérants d’aujourd’hui ; j’espère par-dessus mon temps, par-dessus tous les découragés. Qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, notre État français, nous l’aurons : nous l’aurons jeune, fort, rayonnant et beau, foyer spirituel, pôle dynamique pour toute l’Amérique française. Nous aurons aussi un pays français, un pays qui portera son âme dans son visage. Les snobs, les bonne-ententistes, les défaitistes, peuvent nous crier, tant qu’ils voudront : « Vous êtes la dernière génération de Canadiens français… » Je leur réponds, avec toute la jeunesse : « Nous sommes la génération des vivants. Vous êtes la dernière génération des morts. »

En 1937, L’Action française, sous le nouveau nom de L’Action nationale, paraît maintenant depuis vingt ans. Groulx, qui n’en est alors plus directeur, n’en influence pas moins la doctrine (Ryan 2006 : 89). Il y publie d’ailleurs toujours régulièrement. Les propos remarquables qu’il tient lors du deuxième Congrès de la langue française laissent donc penser, étant donné l’importance de l’homme dans l’histoire de la revue, que L’Action nationale a toujours su mener lucidement la bataille du français et, conséquemment, indiquer au peuple les voies de son émancipation. Mais en est-il vraiment ainsi ?

Depuis 1917, l’année où la revue paraît pour la première fois, le Québec a été porté, peut-on dire, par une succession de quelques grandes idéologies : l’idéologie de conservation (jusqu’à 1945), l’idéologie de rattrapage (1945-1960) et l’idéologie de dépassement (1962-1995)1. S’agissant de la « conception que se fait un groupe humain à la fois de sa situation et du destin qu’il se trace à lui-même », ces idéologies « sous-tend[ent] chaque décision que doit prendre le groupe » (Corbeil 1980 : 16). Leur prise en compte devient en quelque sorte incontournable ; elles mettent en contexte les choix politiques de la nation et, dans l’étude de la pensée centenaire de L’Action nationale sur la question de la langue, elles protègent contre le piège de l’anachronisme.

En cent ans, L’Action nationale a été confrontée à d’innombrables événements mettant en cause l’avenir du français au Québec et au Canada. Pour étudier la pensée de la revue, douze d’entre eux, les plus importants, ont été retenus2, en prenant en compte les critères de sélection supplémentaires suivants : un nombre égal d’événements ont été retenus pour chacune des trois grandes idéologies qui ont porté le Québec de 1917 à 1995 ; un même poids a été accordé aux événements qui ont interpelé d’abord le gouvernement québécois, et aux autres, c’est-à-dire ceux qui se sont déroulés ailleurs au Canada ou qui ont d’abord relevé des autorités fédérales3. Nous les exposons ici en ordre chronologique. L’idéologie qui porte le Québec depuis 1996, et les quelques événements qui peuvent illustrer de quelle façon elle se déploie sont commentés en conclusion.

Le premier numéro de L’Action française paraît en janvier 1917. Quelques semaines plus tôt, en novembre 1916, le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, le tribunal de dernière instance pour le Canada de l’époque, confirmait dans l’arrêt Mackell le pouvoir du gouvernement ontarien d’interdire l’enseignement en français dans les écoles de la province. On s’en doute, en cette première année d’existence, la revue accorde beaucoup d’espace au combat que mènent les Franco-Ontariens contre le Règlement 17, adopté en 1912. Le Québec est alors plongé dans l’idéologie de conservation. Durant cette période, la revue est fidèle à l’idéologie du temps, sans être à l’avant-garde. Elle ne prendra la tête sur la question de la langue, avec toutefois quelques tiraillements, qu’à partir des années 1950. Mais avant d’y arriver, voyons qu’elles ont été ses positions entre 1917 et 1945.

Jusqu’à 1945 : fidélité à l’idéologie de conservation

L’Action française voit le jour l’année du cinquantième anniversaire de la Confédération canadienne. La revue n’a toutefois pas le cœur à la fête. Le ciel est plutôt sombre depuis déjà trop longtemps. Puis le Règlement 17 est venu se rajouter à la liste des injustices.

Le Règlement 17

En 1871, le Nouveau-Brunswick mettait fin au financement des écoles confessionnelles, qui assuraient un enseignement catholique et français. En 1890, le Manitoba faisait de même. En 1892, c’était au tour des Territoires du Nord-Ouest, desquels seront créées en 1905 les provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta, de démanteler les écoles qui offraient l’enseignement en français. Puis depuis 1912, voilà l’Ontario qui emboîte le pas. En juillet 1917, Lionel Groulx écrit dans la revue que « toutes les minorités françaises se tiennent dans l’attitude défensive et doivent se battre non pas seulement pour l’un ou l’autre de leurs droits, mais pour le droit suprême de l’existence ». On sait alors que toutes les provinces où résident des minorités françaises prennent les moyens pour les voir disparaître.

Pendant toute l’année 1917, la section « Partie documentaire » de la revue relaye l’information sur l’injustice que vivent les Franco-Ontariens : les discours des leaders de la communauté, les lettres ouvertes publiées dans les journaux, l’intégrale de la législation ontarienne en cause, les décisions du Comité judiciaire du Conseil privé de Londres, etc. L’Action française est engagée dans le combat. Il faut dire, comme l’écrit Groulx en juillet 1917, que c’est « nous, de la minorité française » qui sommes touchés par le Règlement 17. Même si les crises scolaires ne frappent pas le Québec, se sont, selon L’Action française, le Québec et tous les Canadiens français, qui forment ensemble le Canada français, qui sont trahis par la Confédération.

En 1917, L’Action française mène le combat pour l’école française en s’appuyant sur les droits des minorités inscrits dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 (art. 93). Dans ce combat pour l’espace communautaire dont a besoin le Canada français pour survivre, on n’exige pas une riposte de la part du gouvernement du Québec. On ne revendique que ce qu’aurait institué la Confédération en matière d’autonomie institutionnelle, ou une sorte de parité, c’est-à-dire un traitement similaire à celui que s’est arrogé la communauté anglo-québécoise. Cette posture est conforme à l’idéologie de conservation.

L’idéologie de conservation prend forme dans la foulée de l’Acte d’Union, qui suit les rébellions de 1837-1838, puis de la Confédération. Elle est marquée par le « repli du peuple québécois vers l’agriculture (le “retour à la terre”) et vers les professions libérales, abandonnant au conquérant anglais l’initiative du commerce et de l’industrialisation » (Corbeil 1980 : 17). On peut parler d’un partage tacite du pouvoir entre les deux « peuples fondateurs », fruit du rapport de force institutionnalisé par la Confédération.

Alors que le Québec et tous les Canadiens français forment ensemble une minorité, L’Action française se trouve à quémander auprès de la majorité pour le respect des droits du Canada français. En juillet 1917, Groulx en appelle même à la prière : « obligés de nous replier sur l’unique réserve de notre jeunesse et de nos classes pauvres, race décapitée […] nous sentons trembler entre nos doigts le flambeau de nos destinées, et la grande force surhumaine nous fait ployer les genoux et joindre les mains ». Cette matrice, inscrite dans l’idéologie de conservation, mais pas moins nécessaire pour la survie du Canada français, guidera les positions que prendra la revue sur la question de la langue pour encore plusieurs années.

Le timbre-poste

Les premières décennies d’existence sont également dominées par le combat pour le timbre-poste bilingue. Dans un pays où un des deux « peuples fondateurs » est de langue française, l’absence de français sur le timbre – à l’époque où la poste est le moyen de communication par excellence, et où le timbre constitue souvent le visage du Canada à l’étranger – est présentée comme une aberration. Notons au passage que ce combat est pratiquement toujours accompagné d’autres griefs adressés à l’État fédéral : on revendique une monnaie bilingue, de l’affichage public bilingue de la part des organismes du gouvernement fédéral, des chèques bilingues, des documents administratifs en français et des fonctionnaires fédéraux qui peuvent offrir des services en français. L’argumentaire est fondé sur une interprétation large de l’exigence de bilinguisme inscrite dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 (art. 133).

Dans L’Action française, le combat pour le timbre-poste bilingue est, comme celui des droits scolaires, le combat d’une minorité qui quémande auprès de la majorité. Fidèle à l’idéologie de conservation, il s’agit de défendre le partage tacite du pouvoir institutionnalisé par la Confédération, donc un bilinguisme qui permet à chacune des composantes de poursuivre ses activités « légitimes » dans sa propre langue. Dans la revue, la lutte pour le français prend la forme d’une lutte pour le bilinguisme : « Revendiquons sans cesse nos droits ethniques dont le bilinguisme est le plus précieux ; à ce prix seulement garderons-nous l’influence, le prestige, la vie » (Gautier 1925 : 145).

Lorsque le « timbre de deux sous bilingue » fait son apparition, en 1927, la revue se réjouit. Elle parle d’un « acte de justice », d’une « besogne profondément utile » parce qu’elle démontre « aux étrangers que notre pays est constitutionnellement bilingue ». En novembre 1928, dans un court éditorial signé par « La direction », la revue en profite pour souligner que le combat n’est pas terminé :

Il reste cependant encore du chemin à parcourir. Il faut d’abord rendre bilingues les autres timbres canadiens. […] Il faut aussi que les autres ministères rivalisent de logique avec le ministère des postes. Pourquoi n’aurions-nous pas la monnaie bilingue ? Pourquoi n’aurions-nous pas l’édition française des publications fédérales en même temps que la version anglaise ?

Ce bilinguisme, c’est-à-dire « notre droit ethnique le plus précieux », dicte au même moment les positions que prend L’Action nationale lors d’événements qui surgissent au Québec sur la scène provinciale. Soucieuse de conserver une certaine cohérence doctrinale, on l’imagine, par le jeu d’une fausse symétrie, s’en tenir à l’égalité des peuples et à la parité en toute occasion, quitte à refuser son appui pour une mesure favorable au français au Québec, mais susceptible de conforter les provinces anglaises dans le traitement qu’elles réservent à leur minorité française.

La loi de 1937

En 1937, le gouvernement de Maurice Duplessis fait adopter, à l’unanimité des parlementaires, la Loi relative à l’interprétation des lois de la province, une législation qui fait prévaloir la version française de toutes les lois québécoises, y compris le Code civil, advenant une ambiguïté entre les textes français et anglais des lois. L’événement fait beaucoup de bruit. Il fait notamment deux fois la une du journal Le Devoir, le 21 mai et le 14 juin.

D’un côté, les opposants s’organisent rapidement. Les avocats de langue anglaise du Barreau de Montréal se réunissent en assemblée spéciale et adoptent une résolution, qu’ils ne rédigent qu’en anglais, exigeant de Duplessis qu’il abroge sa loi. Trois cents avocats y assistent. Le premier ministre reçoit également une correspondance au même effet signée par le juge Pierre-Basile Mignault, qui a siégé à la Cour suprême du Canada de 1918 à 1929. Le journal The Gazette se prononce évidemment en défaveur de la loi, et ce en suggérant que les provinces anglaises pourraient vouloir se venger auprès de leur minorité française4. Puis le Board of Trade, l’Université McGill, les institutions protestantes du Québec, les « loyalistes » ontariens et les « orangistes » de partout au Canada apportent tous de l’eau au même moulin (Rumilly 1973 : 343 et 396). Ils y voient « le début de lois anti-anglophones, séparatistes, déloyales et discriminatoires » (Black 1977 : 282).

De l’autre côté, les appuis se font plutôt rares. Notons l’intervention, le 20 mai, jour de la sanction de la loi, du journal L’Illustration nouvelle, qui deviendra sous peu le Montréal-Matin. Celui-ci appuie vigoureusement le principe, qui doit enfin donner du prestige à la langue française dans la province. Il se demande même pourquoi les élus québécois ont tardé aussi longtemps avant d’agir :

Tout ce qu’il peut y avoir d’étonnant dans cette modification historique, qui constitue un événement capital dans l’affermissement de nos droits, c’est qu’elle n’ait pas été apportée plus vite et que tant de Législatures à grandes majorités canadiennes-françaises n’aient pas cru devoir nous en donner avant ce jour.

Le 14 juin, Duplessis convoque les médias. Il défend le principe de sa loi, rapporte Le Devoir, en réfutant toute sympathie nationaliste : « Ceux qui voient une question de race en cette affaire ont tort », dit-il5. Le premier ministre poursuit : grâce à cette législation, les lois « seront plus claires, compréhensibles et partant d’application plus facile ». Il souligne enfin que « le manque de clarté entraîne la multiplication des procès et rend la jurisprudence incertaine, ce qui n’est dans l’intérêt ni des justiciables ni de la justice ». Quoi qu’il en soit, le 27 août, le journal En avant !, un « hebdomadaire de combat » dirigé par Télesphore-Damien Bouchard, le chef de l’opposition officielle à Québec, en fait néanmoins une affaire politique. Il se demande si le premier ministre cherche à rétablir l’équilibre entre les deux peuples et souligne que « M. Duplessis a encore du chemin à faire s’il veut prendre une revanche complète »6.

Fidèle à l’idéologie de conservation, et probablement pour ne pas déroger au partage tacite du pouvoir qui prévaut à l’époque (conférer un statut de traduction à la version anglaise des lois québécoises pouvait avoir des conséquences plus que symboliques pour l’élite économique anglaise du Québec), L’Action nationale garde le silence. Elle n’appuie ni ne dénonce la loi de 1937. En l’absence d’appuis de taille et confronté à l’opposition virulente qui s’est rapidement constituée, Duplessis fait marche arrière l’année suivante.

La loi de 1938

En 1938, Duplessis voit à l’adoption, encore une fois à l’unanimité des parlementaires, de la Loi relative à la loi 1 George VI, chapitre 13, une loi qui abroge la loi de 1937 et rétablit l’égale autorité des textes français et anglais des lois québécoises. Dans son préambule, la loi de 1938 indique que la priorité au texte français des lois québécoises « peut provoquer des froissements et des problèmes de solution difficile, qu’il convient d’éviter ». L’événement ne passe pas inaperçu.

Le 31 mars, Duplessis s’adresse au Parlement pour donner de très longues explications. Au-delà des considérations strictement juridiques, on sent surtout qu’il abandonne le combat parce qu’il ne croit pas pouvoir en sortir victorieux. Il souligne que « des protestations de la part de l’élément minoritaire de la province se sont élevées contre cette loi », qu’il n’entend pas compromettre les relations du Québec avec l’Ontario7 et qu’il désire poser un geste susceptible d’« établir le respect du bilinguisme dans ce pays ». Duplessis admet en quelque sorte que le Québec ne peut surmonter l’opposition qui s’est constituée pour exiger l’abrogation de la loi de 1937 :

On a représenté également qu’à Ottawa le principe du bilinguisme dans la présentation des projets de loi était reconnu et officiel8, et que décréter la priorité exclusive d’une langue dans une province pourrait porter un coup mortel au principe du bilinguisme à Ottawa9. Comme cette loi pouvait provoquer des froissements nuisibles à l’harmonie qui doit exister entre les deux races, nous avons décidé, sans sacrifier aucun de nos droits et aucun des droits de la province, d’éviter tout danger de froissement, tout en rendant justice à tous.

Il ne faut pas oublier que la population de langue française représente un neuvième de la population totale du Canada, et que les autres huit-neuvièmes des citoyens de la Confédération sont de langue anglaise. Nous voulons vivre en paix et en harmonie avec nos frères de langue anglaise, avec les provinces voisines, sans sacrifier aucun de nos droits, mais en rendant justice à tous, et en respectant l’esprit du pacte confédératif, pacte basé sur le respect mutuel et la reconnaissance des droits des deux grandes races dans ce pays, et particulièrement dans cette province (Québec, Assemblée législative 1938 : 24)10.

Le 1er avril, Le Devoir titre, à la une, que « M. Duplessis fait machine arrière ». Puis on précise plus loin que le Parlement québécois a été le théâtre d’une « séance d’un vif intérêt ».

Dans la biographie qu’il consacre à l’homme politique, l’historien Robert Rumilly explique la volte-face de 1938 de la façon suivante :

Maurice Duplessis tient de famille un fonds d’admiration pour les Anglais. Il admire […] les géants de la finance et de l’industrie, les hommes qui, souvent élevés à la force du poignet, placent des millions dans une entreprise et font vivre un coin de la province. […] Il sait aussi que la province a besoin de ces hommes et que, à la veille d’une confrontation avec le gouvernement fédéral, il ne peut braver tout le monde à la fois. Il finit par promettre le rappel de sa loi (Rumilly 1973 : 396 et 397).

Encore une fois, L’Action nationale ne fait aucune mention de la loi de 1938. Elle passe l’événement complètement sous silence. Onze ans plus tôt, en mars 1927, L’Action française publiait un article décrivant la doctrine de la revue au sujet de la langue française. On y défendait le bilinguisme de l’État en donnant pour exemplaire l’égalité juridique qui prévaut alors au Québec entre le français et l’anglais (L’Action française 1927 : 140 et 142). La revue précisait en outre les combats à mener : il fallait exiger le bilinguisme partout (commerce, industrie, compagnies d’utilité publique, services de l’État), sauf dans les écoles françaises, où le français devait être « la langue prépondérante » (L’Action française 1927 : 150).

En 1938, cette doctrine trouve toujours application. On imagine que la loi de Duplessis pouvait embarrasser la revue. Pour cette dernière, il y avait probablement des raisons de se réjouir de la priorité accordée au texte français des lois québécoises. Mais, en même temps, la mesure pouvait a priori contredire le combat mené par L’Action nationale pour l’avancement des droits du français au Canada, qu’elle fondait sur le bilinguisme. Dans le contexte de l’idéologie de conservation, il semble qu’on ait préféré demeurer à l’écart. Ainsi, il faudra attendre les années 1950 pour que la revue reprenne graduellement la tête sur la question du français, quoique non sans hésitation, devançant même par moment l’idéologie de rattrapage, l’idéologie dominante à cette époque. Conclusion : après avoir largement contribué à sauver les meubles, L’Action nationale indique au peuple les voies de son émancipation.

De 1945 à 1960 : par-delà l’idéologie de rattrapage

L’idéologie de rattrapage se fonde sur le thème suivant : « la société québécoise s’est complu et endormie dans le passé, elle a pris du retard par rapport au reste du monde, il faut reprendre le temps perdu, se mettre à jour » (Corbeil 1980 : 20). Ce rattrapage, on propose de l’accomplir en investissant l’économie, et en imitant le Canada anglais et les États-Unis. Le recensement de 1951 confirme, en ce sens, que tout est possible.

Le recensement de 1951

Cette année-là, la revue laisse paraître des signes d’optimisme. En février 1951, on y écrit que la collecte des statistiques en cours au Canada devrait confirmer la stabilité du poids démographique du Canada français : « pour peu que notre natalité se maintienne, nous n’aurions pas lieu de craindre » (Sauriol 1951 : 130). Depuis la crise de 1930, l’immigration s’est estompée au Canada (après les « vagues d’immigration qui renforçaient le groupe d’origine britannique »), les Canadiens français n’émigrent plus massivement aux États-Unis (causant « des saignées d’émigration encore plus dangereuses pour notre survivance »), et l’entrée de Terre-Neuve dans la Confédération devrait n’avoir qu’un effet global marginal sur le poids relatif des deux langues au pays. Ainsi, « notre groupe […] voit bientôt ses effectifs augmenter plus vite que ceux des autres éléments ethniques du Canada » (Sauriol 1951 : 127). Et l’optimisme concerne le poids démographique de tout le Canada français, car il y a lieu de se réjouir même pour la présence française en Ontario et au Nouveau-Brunswick : « Selon toute probabilité, le Nouveau-Brunswick sera dès 1961 une province à majorité acadienne, la deuxième province française du Canada » (Sauriol 1951 : 130).

Lorsque les données sont publiées, Richard Arès signe une série d’articles intitulés « Où en sommes-nous ? » pour diffuser ce qu’elles impliquent pour le Canada français. La proportion du « groupe français » se maintient effectivement à environ 30 % de la population du Canada depuis 1871 (80 % au Québec, pour la même période) (Arès janvier 1953 : 31). Elle a même très légèrement augmenté entre 1941 et 1951 ; dans l’ensemble canadien et pour le Québec. Et depuis 1871, la « population française » du Nouveau-Brunswick augmente constamment. Par exemple, de 1941 à 1951, sa proportion passe de 36 % à 38 % de la population de la province (elle était de 16 % en 1871) (Arès février 1953 : 118).

Dans ces articles de 1953, Arès confirme l’optimisme qui régnait deux ans plus tôt11, mais avec plus de prudence. On souligne les conséquences que pourrait avoir le phénomène de l’urbanisation sur le maintien du français à l’extérieur du Québec, et le fait que les statistiques comptabilisant le pourcentage de la population d’origine française ne disent pas quelle proportion de celle-ci parle français. Les observations confirment toutefois les fondements de l’idéologie de rattrapage : rien n’entrave, croiront certains, la possibilité pour le Canada français de reprendre le temps perdu, de s’affirmer à l’intérieur du Canada, de rejoindre le Canada anglais. Même que le bilinguisme semble faire de timides, mais réels, progrès au sein de l’appareil gouvernemental fédéral. C’est la pensée élaborée par le rapport Tremblay qui forcera les esprits en remettant l’État du Québec au centre de la réflexion.

Le rapport Tremblay

Lorsque la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (commission Tremblay) est mise sur pied en 1953, l’idée germe depuis déjà plusieurs années. Dès 1945, Esdras Minville écrivait au premier ministre Duplessis pour l’inviter à étoffer la doctrine de l’autonomie provinciale. On comprend qu’il espère une réponse du gouvernement québécois aux initiatives fédérales comme le rapport Rowell-Sirois, et bientôt le rapport Massey ; des instruments qui ont servi et serviront à justifier la centralisation (relativement à la taxation et au pouvoir de dépenser). Duplessis récrira à Minville pour confirmer qu’il souhaite le rencontrer à ce sujet.

Une fois la commission constituée, la Ligue d’Action nationale y présente, en 1954, un mémoire préparé par Jean-Marc Léger12. Elle plaide pour une plus grande décentralisation de la fédération canadienne en faveur du Québec : « si le Québec doit être un État français, il importe qu’il dispose de la souveraineté la plus large possible et des moyens matériels d’exercer cette souveraineté, d’affirmer sa personnalité propre » (Ligue d’Action nationale 1954 : 337).

À cette occasion, L’Action nationale, par le biais de la Ligue, devance l’idéologie de rattrapage. Il n’est pas question de rattraper le Canada anglais ; il s’agit plutôt de créer les conditions pour qu’un espace authentiquement français puisse se déployer. Dans son rapport, la commission Tremblay confirme que le Québec constitue le « foyer national du Canada français » et qu’il est le « gardien principal de l’une des deux cultures en présence au Canada ».

Dans un éditorial de janvier 1957, quelques mois après la publication du rapport Tremblay, L’Action nationale réitère le lien qu’elle fait entre l’assimilation et la centralisation menée par le gouvernement fédéral. Elle propose l’autonomie comme réponse : « Le principal agent de lutte et de résistance en l’occurrence est indiscutablement le gouvernement provincial, puisqu’il a la mission précise, d’après l’esprit de la Constitution, d’assurer la protection et l’épanouissement des institutions qui sont chères aux Canadiens français » (L’Action nationale 1957 : 340). Selon la revue, il faut confronter le fédéral : « Le temps est venu de l’action, de l’action énergique et précise, puisqu’il est évident que les initiatives fédérales sont fondées sur une politique qui ne reculera que devant la force politique » (L’Action nationale 1957 : 341).

On comprend, depuis quelques années, que l’idéologie de conservation est définitivement chose du passé. Il n’existe aucun doute à ce sujet. On sait aussi que les positions de la revue devancent, à l’occasion du dépôt du rapport Tremblay, l’idéologie de rattrapage. Ainsi, un nouveau pacte confédératif doit voir le jour pour ne plus que l’évolution des droits du français dépende du bon vouloir du Canada anglais. Mais, jusqu’à 1960, l’idéologie de rattrapage, qui est fédéraliste (Corbeil 1980 : 21), n’a pas dit son dernier mot. Elle demeure bien vivante dans les pages de la revue. Reste-t-il quelque chose à espérer de l’État fédéral ? En 1959, c’est l’arrivée de la traduction simultanée à la Chambre des communes. La revue commente.

La traduction simultanée

En juillet 1920, L’Action française publiait le discours que Joseph Archambault, député de Chambly-Verchères à la Chambre des communes, prononçait le 24 mars précédent. Celui-ci confirmait une évidence sur la langue de travail qui prévaut alors à Ottawa :

Monsieur l’Orateur, il m’arrive très rarement d’adresser la parole en français dans cette Chambre. La raison en est fort simple : la majorité de mes collègues ne comprennent pas le français et, comme j’ai l’intention, chaque fois que je me lève, de me faire comprendre par tous les députés, je me sers habituellement de la langue anglaise.

Archambault souhaitait l’adoption d’une motion exigeant que la transcription des débats soit traduite plus rapidement. Il croyait que la traduction pouvait encourager l’utilisation du français à la Chambre des communes, considérant que tous les députés auraient la certitude de pouvoir consulter la version anglaise des discours quelques heures seulement après qu’ils aient été prononcés. C’est dire que la place du français au Parlement fédéral préoccupe depuis longtemps.

En mars 1959, L’Action nationale, dans un éditorial signé par « La rédaction », partage un optimisme plutôt digne de l’idéologie de rattrapage. Devant l’arrivée de la traduction simultanée à Ottawa, clame-t-on, « toute l’atmosphère de la Chambre s’en trouve changée », car le « véritable bilinguisme y règne, d’une façon pratique » (La rédaction 1959 : 361). On souligne ensuite que les partis politiques fédéraux auraient davantage cherché à « éliminer », plutôt qu’à « attirer », « les meilleurs éléments de l’élite canadienne-française ». De plus, « l’insignifiance de la députation canadienne-française » depuis un demi-siècle ou plus serait la conséquence de « la difficulté du mode d’expression résultant de l’obligation de s’exprimer en anglais ». L’éditorial se conclut par l’affirmation qu’il « n’en sera plus ainsi » et par le souhait « que la députation française à Ottawa brille dorénavant comme il convient » (La rédaction 1959 : 362). Dans les circonstances, on pourrait compléter le propos en ajoutant que le rattrapage pourra se poursuivre, et même s’accélérer. Or, la même année, signe des tiraillements qui habitent toujours la revue, L’Action nationale prend définitivement les devants sur la question du français lorsque se pointe le débat sur le « joual ».

La qualité du français

Le 21 octobre 1959, André Laurendeau dénonce, dans les pages du Devoir, la piètre qualité du français parlé par les écoliers du Québec. Il qualifie cette mauvaise langue de « joual ». Les mois suivants, Jean-Paul Desbiens, qui écrit sous le pseudonyme de Frère Untel, emboîte le pas et publie dans Le Devoir une série d’articles sur le sujet. En 1960, dès sa publication, le livre Les insolences du Frère Untel est un succès de librairie.

Dans L’Action nationale, c’est Jean-Marc Léger qui prend position. Bien qu’il reconnaisse l’utilité des campagnes sur le bon parler français, qu’il juge toutefois quelque peu « artificielles », il veut surtout souligner que la question de la qualité de la langue en cache une autre tout aussi fondamentale, sinon davantage. Selon lui, l’état du français est le « reflet du drame profond du peuple canadien-français » ; il traduit « la tragique incertitude où nous nous trouvons au sujet de notre destin, mieux de notre vocation » (léger 1959 : 57). Ce qui doit étonner, selon Léger, ce n’est pas la résurgence de la question de la qualité du français parlé ici. Ce qui doit étonner, poursuit-il, c’est plutôt l’existence même du Canada français, qui persiste, contre vents et marées, à se penser. Dans ces conditions, au-delà des campagnes sur le bon parler français, « [l] e vrai combat pour la restauration de la langue parlée doit se mener à un tout autre niveau », c’est-à-dire au niveau politique (Léger 1959 : 59 et 60).

Au temps de l’idéologie de rattrapage, le Canada français doit rattraper l’écart qu’il a lui-même creusé, par paresse, avec le Canada anglais. Le « joual », la langue populaire québécoise, devient un symbole de lâcheté, et doit donc être méprisé. Or, dans L’Action nationale, lorsque la question du « joual » réapparaît, et même avant, on n’hésite pas à en faire une question politique, qui exige une intervention globale (dans l’éducation, le commerce, le travail, l’affichage des organismes gouvernementaux, etc.). L’objectif n’est pas de rattraper le Canada anglais. Il n’y a pas lieu non plus de blâmer le peuple. C’est plutôt le Canada français, avec son expérience nationale particulière, qui doit trouver lui-même les voies de son émancipation. Il y a là tous les ingrédients de l’idéologie de dépassement, qui permettra à L’Action nationale d’affirmer son leadership dès le début des années 1960.

De 1962 à 1996 : leadership au temps de l’idéologie de dépassement

Sur près d’une décennie, du début des années 1960 au début des années 1970, trois commissions d’enquête – Parent, Laurendeau-Dunton et Gendron – se penchent sur la question de la langue au Québec et au Canada (quoique de manière incidente dans le cas de la commission Parent). Leurs constatations ont l’effet d’un électrochoc.

À Québec, c’est le point de départ d’un mouvement, d’abord incertain, puis sans ambiguïté, menant à l’adoption d’une politique linguistique globale consacrant le français comme seule langue officielle. Ce mouvement, on peut le comprendre à l’aune de l’idéologie de dépassement : « L’idée centrale est que le Québec n’a rien à rattraper, mais qu’il doit se projeter lui-même dans l’avenir, en prenant son élan sur lui-même et sur son passé, en définissant lui-même ses objectifs » (Corbeil 1980 : 23). À Ottawa, on réagit plutôt en proclamant deux langues officielles. C’est l’histoire d’une confrontation annoncée.

La Loi sur les langues officielles

L’aventure fédérale sur les langues officielles est d’abord accueillie avec ouverture. Dans son rapport préliminaire, la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (commission Laurendeau-Dunton13) suggère de refonder le Canada « pour établir un régime de partenaires égaux ». En conséquence, dans le numéro d’avril 1965, François-Albert Angers, le directeur de la revue, ne manque pas de souligner le « bon travail » de la commission.

Mais les éloges se font rapidement de plus en plus rares, pour enfin laisser place à des dénonciations. On le sait, les recommandations du rapport Laurendeau-Dunton, avec leurs forces et leurs faiblesses, sont largement ignorées par le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau, qui décide d’élaborer sa propre stratégie sur les langues officielles. On ferme la porte à toute demande d’autonomie ou de statut particulier pour le Québec. L’égalité des peuples fondateurs est complètement évacuée pour faire place à l’égalité des deux langues. La Loi sur les langues officielles, qui traite le français et l’anglais dans un rapport artificiellement symétrique, est adoptée en 1969.

À Ottawa, si on prétend répondre aux aspirations du Québec, on tente dans les faits de le ramener au temps de l’idéologie de conservation. Ce sont les revendications qui datent de la période précédant 1945, sans égard au fait que la réalité démographique et politique n’est plus du tout la même, qui sont en jeu14. L’Action nationale en fait mention : « Le Québec voit vite que ces mesures ne vont pas au fond du problème. La pensée du Québec suit un tout autre chemin. Elle est vingt-cinq ans en avant » (L’Action nationale 1972 : 6). Patrick Allen, le nouveau codirecteur de la revue, dénonce la manœuvre de Trudeau. Il y voit une stratégie pour contrer préventivement la politique linguistique qui sera prochainement adoptée à Québec : « Le bilinguisme institutionnalisé comme tend à le généraliser M. Trudeau notamment, avec les implications du multiculturalisme, est une fumisterie à l’échelle nationale, voire une sournoise stratégie pour faire échec à l’instauration du français comme langue officielle au Québec » (Allen 1972 : 276 et 277).

Ainsi, fidèle à l’idéologie de dépassement, L’Action nationale dénonce la Loi sur les langues officielles, comme d’un obstacle visant à détourner le Québec de ses objectifs. Or, justement, que fait le Québec au moment où le fédéral s’active ? Il adopte la suicidaire loi 63, puis l’aliénante loi 22.

La loi 22

À l’été 1968, à Saint-Léonard, sur l’île de Montréal, la commission scolaire locale adopte une résolution décrétant que le français sera la langue d’enseignement dans toutes ses écoles à compter de la rentrée scolaire de septembre 1968. Bouleversant un privilège, que certains croyaient être un droit acquis, la résolution crée du mécontentement. C’est que les membres de l’importante communauté italienne de Saint-Léonard se prévalaient plutôt, jusque-là, comme d’ailleurs 90 % des immigrants allophones de l’époque, du libre choix de la langue d’enseignement pour ne pas avoir à envoyer leurs enfants à l’école française. À la rentrée, le mécontentement finit par dégénérer en violents affrontements entre manifestants, pour et contre « l’intégration scolaire ». L’histoire s’accélère.

La crise de Saint-Léonard, en elle-même, pose toute la question du Québec. Dans Le Devoir, Claude Ryan écrit, le 12 septembre 1968 : « Saint-Léonard est devenu un cas qui engage à la fois la politique du gouvernement Johnson, la politique du gouvernement Trudeau, la politique des autres gouvernements provinciaux et l’avenir du Canada. » On exige une réponse du Parlement. Jean Genest, codirecteur de L’Action nationale, reprend, dans un éditorial, la position qui est celle de la revue depuis maintenant une décennie : le Québec doit définir sa propre politique linguistique, qui doit être globale. Il suggère en outre de faire du français la langue de l’enseignement, sauf pour la « minorité anglo-britannique (anglais, écossais, irlandais) », qui « pourra conserver des écoles de tous niveaux en anglais » (Genest 1969 : 201). Un mois après le Parlement fédéral, c’est donc au tour du Parlement québécois de voter une loi linguistique.

Quelques mois auparavant, le 4 février 1969, la Ligue d’Action nationale présente à Québec un mémoire devant le Comité parlementaire sur l’éducation. On y étudie le projet qui deviendra en novembre 1969 la Loi pour promouvoir la langue française au Québec (loi 63). Plutôt que de débattre du détail des articles du projet de loi, la Ligue défend le principe du français comme seule langue officielle et l’idée d’un Québec « destiné à exprimer totalement la francophonie » (Ligue d’Action nationale 1969 : 611). C’est, selon elle, à partir de ce principe, conformément à l’idéologie de dépassement, que devra être élaborée la politique linguistique québécoise. La Ligue recommande enfin l’abandon du projet de loi, qui prévoit officialiser le libre choix de la langue d’enseignement. La bataille est toutefois perdue. Le gouvernement de Jean-Jacques Bertrand va de l’avant.

Malgré la défaite, L’Action nationale ne baisse pas les bras. François-Albert Angers, président de la Ligue d’Action nationale, décortique, dans une série d’articles publiés dans la revue à partir de février 1970, la bataille qu’il vient de mener contre la loi 63. Il admet l’avoir mené « sans espoir, mais en faisant comme s’il y avait lieu d’espérer » (Angers février 1970 : 519). Il sait toutefois que la crise de Saint-Léonard exigeait une intervention globale. Et donc que rien n’a été réglé. Selon lui, la démographie forcera la réouverture du dossier. Dans un Québec qui dépend de plus en plus de l’immigration pour assurer le renouvellement de sa population, le libre choix de la langue d’enseignement, qui amène 90 % des parents allophones à choisir l’école anglaise pour leurs enfants, est intenable. Il est même suicidaire. Une deuxième bataille se profile à l’horizon, croit-il. Il se dit même convaincu de pouvoir, à terme, gagner la guerre. En 1972, Angers devient président du Mouvement Québec français.

Pourtant, même si Angers voit juste sur un point, c’est-à-dire sur la réouverture rapide du dossier de la langue, force est d’admettre que l’été 1974, avec l’adoption de la Loi sur la langue officielle (loi 22), est marqué par une nouvelle défaite. Quoi qu’il en soit, dans L’Action nationale, celui-ci ne désespère pas. Il démontre, avec éloquence, que la loi 22 est une loi aliénante notamment parce qu’elle constitue, en fait, « deux lois d’inspiration différente emboîtées l’une dans l’autre » (Angers 1974 : 231).

Dans celle-ci, il y a une première loi, inspirée de notre tradition juridique française, qui déclare, dans son principe premier, faire du français la seule langue officielle du Québec. Puis, emboîtée dans la première, il y a une deuxième loi, « d’inspiration britannique dans sa facture », qui confère « à l’anglais, sans le dire clairement, par l’énumération d’une série de cas, un caractère d’officialité assuré » (Angers 1974 : 231). Angers ne décolère pas. Selon lui, la loi 22 est « l’exemple parfait d’un peuple en train de se biculturaliser, c’est-à-dire de vivre dans la confusion deux langues à la fois » (Angers 1974 : 208).

Pour sa part, l’historien Michel Brunet situe la loi 22 dans un mouvement annonçant la fondation prochaine d’un État français. Est-il d’accord avec l’analyse que propose Angers ? Pas tout à fait. Car pour Brunet, avec la loi 22, « [n]ous assistons à la fin d’un monde, celui qu’avait engendré la conquête britannique de la Nouvelle-France », et non à une catastrophe (Brunet 1975 : 453). Selon lui, le Québec ne s’arrêtera pas là. Brunet et Angers se rejoignent donc sur un point : la guerre n’a toujours pas été perdue. Le Québec est toujours porté par l’idéologie de dépassement.

Rapidement, la réponse qu’apporte la loi 22 à la question de la langue d’enseignement apparaît être davantage un problème qu’une solution. Pour orienter les enfants de parents allophones à l’école française, l’école anglaise avait été réservée aux enfants qui ont une connaissance suffisante de l’anglais. On pensait alors être en mesure de garantir l’enseignement en anglais aux enfants de langue maternelle anglaise, et donc aux anglophones, mais on a plutôt créé un fouillis bureautique par l’administration de tests à des enfants d’âge préscolaire de parents qui souhaitent inscrire leurs enfants à l’école anglaise. Le dossier de la langue n’étant pas réglé, un nouveau face-à-face est annoncé. Angers et le Mouvement Québec français seront encore une fois sur la ligne de front.

La loi 101

En février 1977, un mois avant le dépôt du livre blanc sur La politique québécoise de la langue française, le document qui précède le dépôt du projet de loi appelé à devenir la Charte de la langue française (loi 101), Angers décrit, dans L’Action nationale, ce qu’il voudrait voir dans cette future loi linguistique.

D’abord, il est d’avis qu’il faut faire du français la langue des lois et des tribunaux québécois. Les lois peuvent évidemment être traduites, mais, le cas échéant, il faut, selon lui, créer des volumes distincts pour la publication des versions anglaises non officielles. Il suggère donc de mettre fin à la publication côte à côte des textes français et anglais des lois « pour ne pas perpétuer l’impression de bilinguisme officiel » (Angers février 1977 : 450). Avec l’adoption de la loi 101, ces suggestions seront retenues.

Ensuite, Angers décrit ce qui deviendra la « clause Québec » en matière d’admissibilité à l’enseignement en anglais. Ainsi, l’école anglaise sera réservée aux membres de la communauté anglo-québécoise, c’est-à-dire aux enfants de « parents de langue maternelle anglaise », « domiciliés au Québec au moment du vote », et non à tous les anglophones du Canada, de l’Amérique du Nord ou du monde. Pour éviter le fouillis bureaucratique de la loi 22, on utilisera un critère objectif pour vérifier l’admissibilité : la fréquentation scolaire des parents. Angers se prononce également en faveur de la continuité de la langue d’enseignement, soit de permettre aux enfants déjà légalement inscrits dans les écoles anglaises au moment du vote de poursuivre leur éducation dans cette langue, même si leurs parents ne sont pas de langue maternelle anglaise (Angers février 1977 : 450).

Enfin, Angers appréhende l’interprétation judiciaire de cette future loi linguistique. Il veut à tout prix éviter qu’on l’interprète comme une loi d’exception ; c’est-à-dire qu’entre deux interprétations possibles d’une de ses dispositions, on préfère l’interprétation donnant le moins de portée à la règle du français. Il suggère donc l’adoption, en plus d’une loi linguistique décrivant les détails d’application, d’une loi constitutionnelle déclarant l’intention de fonder un État français. Ainsi, selon lui, si les droits du français sont solidement appuyés sur une loi constitutionnelle, les tribunaux pourraient être moins enclins à les limiter.

Sur ce point, les suggestions d’Angers ne seront pas retenues. Une seule loi sera adoptée, avec, pour répondre aux préoccupations d’Angers, un préambule décrivant sans équivoque le projet d’État français, accompagné d’un chapitre complet déclarant des droits linguistiques fondamentaux appelés à servir de guide à l’interprétation large qu’on désire donner aux droits du français. On sait aujourd’hui, quarante ans après l’adoption de la loi 101, que cette dernière stratégie a complètement échoué, que les tribunaux ont développé une théorie consacrant l’interprétation restrictive des droits du français (Poirier 2016 : 79-85).

L’Action nationale se trouve donc à la tête de l’idéologie de dépassement. En septembre 1977, Jean Genest, le directeur de la revue, croit qu’il est « temps que nous nous affirmions officiellement comme nation, ayant un territoire, une langue, une culture » (Genest 1977 : 3). Il pense donc le Québec à partir de lui-même : « notre affirmation comme nation (toujours refusée par les Anglo-Canadiens à Ottawa : par Diefenbaker autant que par Trudeau), il est temps que nous la proclamions » (Genest 1977 : 3). Après son adoption, Angers déclare que la loi 101 « consacre l’essentiel de nos aspirations », soit celles du Mouvement Québec français (Angers octobre 1977 : 99). Cette affirmation, il la fait en relevant que nous assistons à la naissance d’un « État français, quoique à souveraineté limitée » (Angers octobre 1977 : 99). Dans le même numéro, Camille Laurin, le ministre qui a porté le projet, confirme qu’il faut maintenant aller chercher la pleine « souveraineté politique » (Laurin 1977 : 92).

Sans cette souveraineté, peut-on déclarer que la guerre a été gagnée ? En 1982, le fédéral revient à la charge, cette fois en donnant une arme puissante aux opposants de la politique linguistique québécoise : une nouvelle loi constitutionnelle.

Le rapatriement

Avec le concours du fédéral et de neuf provinces, le rapatriement de la Constitution canadienne a bel et bien lieu. L’Assemblée nationale du Québec s’y oppose formellement, en vain. On enchâsse dans la loi suprême du pays une formule d’amendement, qui fait du Québec une province sur dix, et on constitutionnalise une charte des droits et libertés, qui donne de nouveaux pouvoirs aux juges fédéraux et contredit explicitement les dispositions de la loi 101 sur la langue d’enseignement. La Loi sur les langues officielles de 1969 n’avait pas pu stopper le mouvement menant à l’adoption d’une politique linguistique globale consacrant le français comme seule langue officielle du Québec. Avec le rapatriement, le fédéral s’y prend maintenant autrement.

La « clause Canada », cette disposition de la Charte canadienne des droits et libertés qui doit être utilisée pour attaquer la « clause Québec » de la loi 101, veut d’abord créer un droit à l’école anglaise au Québec pour les citoyens canadiens qui ont reçu ou reçoivent l’enseignement en anglais n’importe où au Canada. Elle énonce également un droit à l’enseignement en français à l’extérieur du Québec, là où le nombre d’enfants susceptibles de se prévaloir de la mesure le justifie. Dans L’Action nationale, Guy Bouthillier écrit que l’intention qui anime le fédéral à cet égard est multiple : on veut combattre « l’idée d’indépendance politique » (avec la « clause Canada », on retire des mains du Québec le pouvoir de contrôler ses frontières) et « l’idée de l’unilinguisme scolaire », puis on s’attaque à l’idée du « Québec, seule patrie véritable des Canadiens français » (Bouthillier 1982 : 658).

Selon Bouthillier, le comportement politique du Québec avant le rapatriement aurait conforté le fédéral dans son bon droit de lui imposer la « clause Canada ». Il relève l’inaction complète des autorités québécoises en 1979 suite au jugement de la Cour suprême déclarant l’inconstitutionnalité de tout le chapitre de la loi 101 sur la langue des lois et des tribunaux (l’arrêt Blaikie). Pour Bouthillier, ce comportement n’a-t-il pas « conduit les Fédéraux à la conviction que cette loi ne revêtait pas […] ce caractère de symbole sacré que d’aucuns lui prêtaient ? » (Bouthillier 1982 : 660) Il pointe également la défaite référendaire de 1980 comme indication qu’on pouvait imposer une nouvelle constitution au Québec. Gilles Rhéaume dira qu’un peuple qui se dit NON « ne jouit pas du droit d’imposer sa langue sur son territoire » (Rhéaume 1982 : 197).

Suite au premier jugement qui donne concrètement la mesure des conséquences du rapatriement, le jugement de la Cour supérieure invalidant la « clause Québec » (l’affaire Quebec Protestant School Boards, qui montera rapidement jusqu’à la Cour suprême du Canada), Rhéaume s’exprime ainsi dans les pages de la revue :

La loi 101, dont l’esprit consiste à vouloir faire du Québec une société distincte et française, est incompatible avec l’ordre constitutionnel canadien. Il n’est pas, il n’est plus vrai que le Québec puisse devenir aussi français que l’Ontario est anglais. Il n’est pas vrai que le Québec puisse s’ériger en majorité française à l’égal de la majorité anglaise. Au Canada, il y a une majorité, et elle est anglaise ; les francophones ne sont qu’une minorité (Rhéaume 1982 : 197).

Et le plus grave, selon Rhéaume, c’est que le Québec « n’a plus le pouvoir d’apprécier lui-même ce qui constitue une menace » (Rhéaume 1982 : 197). Avant le rapatriement, le Québec jouissait d’une autonomie complète dans certains champs de compétence. Dans ces limites, il était libre de prendre les décisions de son choix, conformément à ses intérêts propres. Depuis le rapatriement, tous ces champs de compétence sont désormais sujets à contestations en vertu des nouveaux principes enchâssés dans la Charte canadienne des droits et libertés, dont l’interprétation relève des juges fédéraux (la liberté d’expression, la liberté de circulation et d’établissement, le droit à l’égalité, le droit à l’enseignement en anglais au Québec, etc.). Plutôt que d’être libre, le Québec aura désormais à justifier ses décisions, comme constituant « des limites raisonnables dans le cadre d’une société libre et démocratique » (art. 1 de la Charte canadienne), devant des institutions qui relèvent du pouvoir fédéral. L’objectif semble clairement de saper les ressorts de l’idéologie de dépassement.

Le Québec n’aura toutefois pas dit son dernier mot. Dans cet éditorial de novembre 1982, et conformément à l’idéologie de dépassement, Rhéaume enjoint à l’Assemblée nationale de réaffirmer les principes de la loi 101, pour maintenir le conflit de légitimité entre celle-ci et la Constitution canadienne. Il suggère également qu’on reprenne le combat de la langue, en étendant par exemple les dispositions de la loi 101 à l’enseignement collégial. La confrontation Québec-Canada nous mènera finalement aux portes du pays en 1995. Le NON référendaire marque la fin de l’idéologie de dépassement. Le Québec sera désormais porté par une quatrième grande idéologie, l’idéologie post-dépassement, qui se caractérise par un certain épuisement politique.

Conclusion

L’Action nationale a cent ans. On peut maintenant dire qu’en un siècle d’existence, la revue a su mener, sans faux pas, le combat pour la langue française.

Parce qu’elle a été fidèle, dès 1917, et jusqu’à 1945, à l’idéologie de conservation, on sait qu’elle n’a pas erré dans ses prises de position sur la langue (sur le Règlement 17, sur le timbre-poste et sur les lois de 1937 et de 1938 au sujet de la priorité au texte français des lois). Si avoir raison avant son temps c’est avoir tort, on sait donc que la revue a eu raison de vouloir sauver les meubles, quitte à faire la sourde oreille en 1937 et 1938. Rappelons qu’à l’époque, « la nation canadienne-française n’est pas rattachée à un territoire bien défini : ce sont la langue, la foi, la culture et l’histoire qui unissent ses membres. Il n’est donc pas question de défendre les droits des francophones dans la province de Québec seulement » (Leroux 2002 : 14). Cette conception de la nation dictait évidemment l’angle d’attaque à emprunter dans le dossier de la langue.

Certes, en 1970, François-Albert Angers pouvait légitimement être critique face à la stratégie du début du siècle dernier, qui consistait à défendre le français en s’appuyant sur le bilinguisme. C’est ainsi qu’il écrivait ceci :

Chez nous, où nous avons été portés, à bon droit, à invoquer l’article 133 [de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, qui protège un bilinguisme limité au fédéral et à Québec) comme preuve de la reconnaissance du français comme langue égale à l’anglais au Canada, nous nous prenons maintenant, à ce sujet, à notre propre piège (Angers janvier 1970 : 430 et 431).

En d’autres mots, l’idéologie de dépassement lui paraissait, avec raison, plus porteuse pour défendre la nation. En définissant nos objectifs en fonction de nos propres intérêts, il semble évident que nous risquons davantage de formuler des projets conformes à nos intérêts nationaux, ce qui peut facilement ne pas être le cas d’une réflexion fondée sur un cadre politique qui nous a été imposé. Mais il reste dangereux de juger des prises de position du passé à la lumière des idéologies d’aujourd’hui. Car le travail qu’a effectué L’Action nationale de 1917 à 1945 sera absolument essentiel pour la suite.

À partir de 1945, et jusqu’à 1960, la revue traverse une période de tiraillement. C’est qu’elle est alors partagée entre l’idéologie de rattrapage, qui est l’idéologie de l’époque, et celle qui embrassera le Québec à partir des années 1960. Elle devancera donc l’idéologie du temps dans certains dossiers (le rapport Tremblay et le débat sur la qualité du français), et sera bien de son temps dans d’autres (le recensement de 1951 et l’arrivée de la traduction simultanée à Ottawa).

Rappelons simplement que le Québec s’apprête alors à vivre un changement majeur : « les Canadiens français du Québec se définissent de plus en plus comme une majorité sur leur territoire plutôt que comme une minorité au Canada » (Leroux 2002 : 47). C’est ce désir de changement, couplé à l’attachement compréhensible aux schèmes de pensée propre à l’époque qui se termine, qui peut expliquer ces tiraillements. L’Action nationale prépare donc le terrain de la Révolution tranquille.

Durant les années 1960, et pour la suite, L’Action nationale prend indéniablement, la tête. Elle devient un acteur de premier plan durant toute la période marquée par l’idéologie de dépassement. « L’Action nationale cherche, dans tous les domaines de la vie, à créer un espace de pensée où le Québec est une référence pour lui-même. La revue explore tous les enjeux de société en considérant le Québec comme une entité propre » (Leroux 2002 : 53). C’est particulièrement vrai pour ce qui du dossier de la langue (lors des débats entourant la Loi sur les langues officielles, la loi 22, la loi 101 et le rapatriement de la Constitution canadienne).

On connaît toutefois la suite de l’histoire. Les dispositions les plus structurantes de la loi 101 seront attaquées avec succès devant les tribunaux (Poirier 2016 : 27-64). De plus, on sait maintenant que les principes du droit canadien, et toute la structure juridique canadienne jouent fondamentalement contre l’intention de fonder un État français (Poirier 2016 : 65-213). Si bien qu’en quelques années, à force de contestation judiciaire, la loi 101 est démantelée.

Puis il y a le NON de 1995. Le Québec devait se libérer de ce régime, pour se donner la chance d’échapper au déclin. Il ne l’a pas fait, pour toute sorte de raison. Si bien qu’il s’enlise depuis. La loi 101 ou ce qu’il en reste a été laissé à elle-même.

Et L’Action nationale dans tout ça ? Malgré le retour de l’hiver québécois, ou de la fatigue culturelle, la revue se tient toujours debout. L’idéologie de dépassement qu’elle a contribué à forger, puis qu’elle a portée mieux que quiconque, dicte encore ses prises de position. Elle en est, en quelque sorte, sa gardienne.

Par exemple, au tournant des années 2000, Charles Castonguay rappelle à l’ordre, dans un texte qu’il publie dans la revue, la Commission des États généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec (commission Larose). Il insiste sur un point qui aurait pourtant été une évidence quelques années plus tôt : on ne peut enquêter sur la situation du français sans prendre en compte la question du statut politique du Québec. On ne manque pas de lui en faire le reproche au moment du dépôt du document lançant les consultations (Castonguay 2000).

La revue a également su mettre de côté ce qui par le passé a divisé le Québec et les communautés francophones en situation minoritaire. Au début des années 2000, son directeur, Robert Laplante, n’hésite pas à appuyer sans réserve la lutte des Franco-Ontariens pour l’hôpital Montfort (Laplante 2001).

Et plus récemment, la revue n’a pas manqué de dénoncer l’approche du gouvernement de Pauline Marois dans le dossier du projet de loi 14 (qui devait renforcer la loi 101). On lui rappelle alors que la loi 101 n’avait pas pour objectif premier de permettre aux francophones de parler français, posture qui semble nous ramener à l’idéologie de conservation. L’objectif était plutôt de fonder un État français et de faire de la culture québécoise la culture de référence, c’est-à-dire la norme de la vie sociale, politique et symbolique du Québec (Laplante 2012).

Notons en terminant que le rôle de gardien de l’idéologie de dépassement n’est pas sans risque. Jusqu’à tout récemment, le risque aurait pu être de se marginaliser, de propager une doctrine qui ne trouve plus d’échos à l’extérieur du cercle, le peuple étant passé à autre chose. Mais il y a aujourd’hui des raisons d’espérer. Des intellectuels, comme Mathieu Bock-Côté, décortiquent l’idéologie dominante de notre époque, nous permettant de mieux la comprendre pour mieux la combattre. Des penseurs, comme Jacques Beauchemin, nous rappellent le « vieux désir de durer » sur lequel est fondé le Québec, preuve que le peuple peut sortir de sa fatigue. Puis, n’assiste-t-on nous pas présentement, comme le démontre Christian Rioux, au retour des nations ?

Oui, il y a des raisons d’espérer, comme il y en avait en 1937 lorsque Lionel Groulx a pris la parole au deuxième Congrès de la langue française. Il ne s’agit pas d’espérer pour le plaisir de ne pas perdre espoir. Il s’agit plutôt de préparer le terrain d’un prochain éveil national, comme l’ont fait avant nous les intellectuels qui ont porté notre revue au début du siècle dernier. C’est à cet espoir que participe L’Action nationale.

 

Bibliographie sélective

Articles publiés dans la revue

ALLEN, P., « Le Canada entre deux nationalismes : faux problème ! », (1972) 62 : 4 L’Action nationale 267

ANGERS, F.-A., « La Ligue d’Action nationale et le statut de la langue française », (1970) 59 : 5 L’Action nationale 429

« Deux cent dix ans après : une nouvelle capitulation de Québec ! », (1970) 59 : 6 L’Action nationale 519

« La situation de droit », (1974) 64 : 3 L’Action nationale 207

« Pour un Québec clairement et définitivement français. Une question à régler d’urgence : la langue du Québec », (1977) 66 : 6 L’Action nationale 423

« Un grand moment de notre histoire », (1977) 68 : 2 L’Action nationale 97

ARÈS, R., « Où en sommes-nous ? », (1953) 41 : 1 L’Action nationale 29

« Où en sommes-nous ? », (1953) 41 : 2 L’Action nationale 113

BOUTHILLIER, G., « La genèse de l’article 23 de la constitution de Trudeau », (1982) 71 : 6 L’Action nationale 651

BRUNET, M., « La minorité anglophone du Québec : de la Conquête à l’adoption du Bill 22 », (1975) 64 : 6 L’Action nationale 452

CASTONGUAY, C., « Les États généraux doivent aller plus loin que la Loi 101 », (2000) 90 : 10 L’Action nationale 19

CLAVEAU, J.-C., « La crise de Saint-Léonard », (1969) 59 : 3 L’Action nationale 228

GAUTIER, C., « Le bilinguisme dans les services fédéraux », (1925) 13 L’Action française 130

GENEST, J., « L’immédiat et l’essentiel », (1969) 59 : 3 L’Action française 199

« La perspective », (1977) 68 : 1 L’Action nationale 1

GROULX, L., « Ce cinquantenaire », (1917) 1 L’Action française 193

L’ACTION FRANÇAISE, « La doctrine de L’Action française. La langue française », (1927) 17 L’Action française 130

L’ACTION NATIONALE, « C’est le temps ou jamais de prendre l’initiative », (1957) 46 : 5-6 L’Action nationale 339

« Cette élection fédérale », (1972) 62 : 1 L’Action nationale 1

LA DIRECTION, « Nouveau timbre bilingue », (1928) 20 L’Action canadienne-française 313

LA RÉDACTION, « Que nos députés se mettent au travail ! », (1959) 48 : 6 L’Action nationale 261

LAPLANTE, R., « Solidaires sans être dupes », (2001) 91 : 1-2 L’Action nationale 201

« Nous ne sommes pas des francophones », (2012) 102 : 1 L’Action nationale 4

LAURIN, C., « L’an un du Québec français », (1977) 68 : 2 L’Action nationale 91

LÉGER, J.-M., « Le salut de la langue française chez nous est lié à celui du Canada français comme tel », (1959) 49 : 1 L’Action nationale 56

LIGUE D’ACTION NATIONALE, « Conditions d’un État Français dans la Confédération Canadienne », (1954) 43 : 3-4 L’Action nationale 328 ; Mémoire de la Ligue d’action nationale sur la question des droits linguistiques au Comité parlementaire de l’Assemblée nationale sur l’éducation, (1969) 58 : 7 L’Action nationale 605

RHÉAUME, G., « Loi 101, jugement Deschênes et notre aveni r », (1982) 72 : 3 L’Action nationale 195

SAURIOL, P., « En attendant le recensement », (1951) 37 : 2 L’Action nationale 127

Débats parlementaires

QUÉBEC, ASSEMBLEÉ LÉGISLATIVE, Débats de l’Assemblée législative, 20e législature, 3e session, 31 mars 1938

QUÉBEC, ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE, Débats de l’Assemblée législative, 20e législature, 2e session, 15 avril 1937

Monographies

CORBEIL, J.-C., L’aménagement linguistique du Québec, Montréal, Guérin, 1980

BEAUCHEMIN, J., La souveraineté en héritage, Montréal, Boréal, 2015

BLACK, C., Duplessis, traduit de l’anglais pas Monique Benoit, t. I (L’ascension), Montréal, Éditions de l’Homme, 1977

POIRIER, É., La Charte de la langue française. Ce qu’il reste de la loi 101 quarante ans après son adoption, Québec, Septentrion, 2016

LEROUX, M., L’Action nationale. Une revue dans le siècle. Catalogue d’exposition du 19 novembre au 14 décembre 2002, Montréal, Éditions de L’Action nationale, 2002

RUMILLY, R., Maurice Duplessis et son temps, t. I (1890-1944), Montréal, Fides, 1973

Histoire de la Province de Québec, vol. 36, L’autonomie provinciale, Ottawa, Fides, 1966

ROBERTS, L., Le chef. Une biographie politique de Maurice L. Duplessis, traduit de l’anglais par Jean Paré, Montréal, Éditions du Jour, 1963

RYAN, P., Penser la nation. La Ligue d’action nationale 1917-1960, Montréal, Leméac, 2006

 

 


1 Dans son livre intitulé L’aménagement linguistique du Québec, paru en 1980, le linguiste Jean-Claude Corbeil, l’un des artisans de la politique linguistique québécoise, propose une lecture de l’évolution de la relation qu’entretient le Québec avec la langue française en se fondant sur ces idéologies. C’est en nous inspirant librement du récent essai de Jacques Beauchemin, La souveraineté en héritage, que nous faisons de l’échec référendaire de 1995 le point de bascule faisant passer le Québec de l’idéologie de dépassement à une quatrième grande idéologie, l’idéologie post-dépassement, marquée par un certain épuisement politique.

2 Nos choix ont été guidés en partie par deux documents – l’un publié par le gouvernement du Québec, l’autre par une société d’État fédérale – recensant les événements québécois et canadiens ayant marqué l’évolution de la question de la langue au pays : GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, La langue française au Québec. 400 ans, quelques repères, 2008, en ligne : http://www.spl.gouv.qc.ca/fileadmin/medias/pdf/400ans_quelquesreperes2.pdf (consulté le 8 janvier 2017) ; RADIO-CANADA, Jalons du bilinguisme, 2007, en ligne : https://ici.radio-canada.ca/actualite/desautels/2007/01/29/002-bilinguisme-dates.asp> (consulté le 8 janvier 2017).

3 Ils donnent une vue d’ensemble des positions prises par la revue depuis ses débuts.

4 Comme si l’égalité des peuples n’était pas « déjà ignoré [e], violé [e], foulé [e] aux pieds dans les autres provinces, depuis longtemps » (Rumilly 1966 : 143).

5 Notons que les discours nationalistes n’avaient pas dominé les échanges lorsque le projet de loi a été débattu à l’Assemblée législative le 15 avril 1937 (Québec, Assemblée législative 1937 : 10 et 11).

6 Leslie Roberts, qui signe une biographie de Duplessis, fait un lien entre la loi de 1937 et les « grandes campagnes autonomistes » à venir. Selon lui, cette mesure était destinée à « impressionner l’électeur » et à officialiser « le statut spécial du Québec » (Roberts 1963 : 41 et 42).

7 À l’époque, Duplessis compte s’allier à l’Ontario pour bloquer les visées centralisatrices du pouvoir central, notamment en matière de taxation et d’assurance-chômage.

8 Duplessis ne mentionne évidemment pas la piètre qualité des traductions françaises de l’époque.

9 Rappelons que le Manitoba a abrogé le bilinguisme législatif chez lui en 1890, et ce sans que le gouvernement fédéral ne réagisse.

10 Si respecter « l’esprit du pacte confédératif » exige le bilinguisme législatif au Québec, il faut conclure que Duplessis propose une lecture restrictive du pouvoir des provinces de modifier leur propre constitution, qui comprend l’organisation des institutions provinciales, comme les assemblées législatives, tel que le reconnaît l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 (art. 92 [1]). Le premier ministre ne peut donc affirmer qu’il ne « sacrifie aucun des droits de la province ».

11 La baisse de la proportion de la population de langue maternelle française au Canada s’observe depuis 1951. Considérant que cette proportion était stable depuis le premier recensement canadien, soit de 1871 à 1951, le recensement de 1951 marque le point de départ d’un nouveau déclin. De là l’importance de cet événement. Voir STATISTIQUE CANADA, Le français et la francophonie au Canada, Ottawa, 2012, p. 7, en ligne : <http://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2011/as-sa/98-314-x/98-314-x2011003_1-fra.pdf> (consulté le 9 janvier 2017).

12 Deux membres de la Ligue agiront comme commissaire de la commission : Richard Arès et Esdras Minville.

13 L’un des présidents de la commission est donc un ancien directeur de la revue.

14 Dans L’Action nationale, rappelant l’histoire du dernier siècle, voire des dernières décennies, on ne manque pas de relever l’hypocrisie qui entoure l’initiative fédérale : « Aujourd’hui que cet immense pays de l’Ouest est désormais anglais sans conteste, aujourd’hui que la partie est bien gagnée, les anglophones peuvent se permettre le luxe d’un peu de bilinguisme » (Claveau 1969 : 230).