Il n’y a pas de limites. Aplaventrisme et démission devant Ottawa en matière de financement de la santé, soumission et renoncement à faire valoir ses prérogatives dans le dossier de la légalisation de la marijuana, consentement à se laisser tourner en ridicule dans le dossier de l’aide à Bombardier, résignation devant les décisions fédérales pour la nomination des juges. La liste ne cesse de s’allonger.
Et voilà que Philippe Couillard s’est transformé en marcheur protestataire à Dolbeau Mistassini pour supposément partager l’anxiété des populations que la crise forestière va frapper de plein fouet. Il a marché, certes, mais pour la protestation, il repassera. Il a déploré, le pauvre intendant. Il a déploré qu’aucun député libéral fédéral n’ait participé à la marche. Il a déploré et… il attend ! Il attend qu’Ottawa fasse un geste, qu’il annonce des mesures pour atténuer les effets de la déstabilisation planifiée de cette industrie mal en point.
Il attend !
La province va offrir des garanties de prêt. C’est tout ce qu’elle fera, sachant pourtant que cela ne suffira pas pour faire face à la guerre tarifaire. Elle ne fera rien pour lancer le vaste programme de redressement du secteur forestier dont le Québec a désespérément besoin. La province n’en a pas les moyens. Mais notre intendant va rester actif, il continuera de déplorer. Il mettra toute son énergie à attendre…
Ottawa, qui a consacré plus de onze milliards au redressement de l’industrie automobile ontarienne, n’entend rien faire de comparable pour l’industrie forestière du Québec. La chose est pourtant plus nécessaire que jamais et la crise enclenchée devrait en imposer l’urgence et justifier une opération d’envergure. Mais rien de cela ne se passe et ne se passera. Rien que la résignation béate de Québec. Personne ne connait le ministre responsable de la forêt québécoise tant il est silencieux. Il brille sans doute dans l’ombre du silence de son gouvernement. Ou il marmonne dans les lamentations de circonstance d’un Philippe Couillard prosterné devant l’ordre canadian que pour rien au monde il ne voudrait égratigner.
La crise forestière ne sera qu’un autre épisode de la régression consentie. Il ne faut pas se leurrer, il n’y a pas de limites. Rien ne sera jamais assez grave pour remettre en cause l’oblitération canadian. Le Parti libéral est prêt à tout pour normaliser le Québec dans le Canada, prêt à dissoudre notre demi-État et à laisser souffrir son propre peuple pour ne rien troubler d’un régime où il trouve sa raison d’être et sa mission historique.
Ce parti et le gouvernement qu’il forme n’ont pas d’autre fonction dans le système canadian que de faire barrage à l’émancipation de notre peuple. Il hésite d’autant moins à gouverner contre lui, contre son intérêt national que sa fonction, désormais, n’est plus seulement de faire barrage et de contenir l’aspiration nationale, mais bien de la détruire en cassant tous les ressorts de la cohésion nationale. L’affairisme qui l’a toujours caractérisé et qui est au fondement de sa culture politique a muté. Il mène désormais une politique du nihilisme. C’est un véritable choix d’autodestruction.
Tous les signes s’alignent pour faire voir l’évidence : le Parti libéral du Québec ne peut aspirer et se maintenir au pouvoir qu’en jouant d’une minorité de blocage qu’il maintient mobilisée en jouant de tous les instruments du mépris et de l’autodénigrement. Les sparages sur le racisme systémique ont déjà commencé d’en donner un avant-goût.
Il n’y a pas limites. Une régression nationale ne se fait pas dans l’honneur et la dignité. Les égarés de sa députation qui s’indignent de se faire soupçonner de pactiser avec la mafia, de faire office de figurants dans les manœuvres de corruption sont, au mieux, des égarés, au pire des hypocrites qui font vertu de l’aveuglement volontaire. Le règne des libéraux est celui de la corruption. Celui du banditisme pratiqué par certains pour faire main basse sur les ressources provinciales, très certainement – et l’actualité ne manquera pas d’élargir la galerie de personnages. Les voyous encravatés et les matrones en tailleur marine vont bientôt trouver place dans notre roman provincial. Mais cette corruption-là, ce brigandage ne sont pas les plus odieuses manifestations de ce qui arrive à ce gouvernement et, à travers lui, à notre vie nationale.
C’est la corruption de l’esprit, le dévoiement des institutions, le salissage des valeurs qui devraient charpenter les débats publics, c’est cette corruption-là qui est la plus grave. Que ce gouvernement se comporte comme une clique qui s’est emparée de l’État est certes désolant, mais ce n’est pas le plus grave de ce que l’Histoire retiendra contre lui et ses artisans. De Charest à Couillard, de suiveux en opportunistes, ce que cette engeance est en train de faire est tragique et répugnant : ils sont en train de dégoûter les Québécois du Québec et de ses institutions fondamentales.
Le succès de leur affairisme ne durera pas toujours, mais il risque de laisser des traces durables, de véritables stigmates. Le règne libéral est en passe de tourner à la promotion et la pratique de l’anomie globale, au brouillage voire à la destruction de tout l’ordre symbolique indispensable au respect de soi et à la confiance requise pour se donner un avenir. Sa politique ne produit que mépris et autodénigrement, prolongeant et servant bien en cela la politique d’oblitération que pratique sans vergogne un gouvernement fédéral plus déterminé que jamais à en finir une fois pour toutes avec sa province récalcitrante.
Les scandales de corruption ne sont pas d’abord des problèmes d’éthique et de gouvernance. Ce sont les manifestations d’une nécrose du politique. Une nécrose que les partis d’opposition ne parviennent guère à nommer et encore moins à combattre. Enferrés dans des luttes clientélistes aussi féroces que stériles, ils ne produisent pas une élite de remplacement. Ils sont incapables de la hauteur de vue et de l’élévation d’esprit pour se porter à la hauteur des moyens qu’il faudrait prendre pour combattre ce mal qui pourrait bien nous être fatal.
Les partis d’opposition sont devenus folkloriques. La politique provinciale dans laquelle ils pataugent ne sera jamais plus qu’un accélérant de la décomposition qu’inflige au Québec la nécrose libérale. Ce n’est pas de convergence et d’alliances tactiques dont le Québec a besoin, c’est d’unité de la nation pour contrer les maîtres chanteurs et le délabrement institutionnel. L’électoralisme va tuer le politique. C’est cela la régression nationale.
Aurons-nous trimé pendant quatre siècles pour finir ainsi dans les ambitions médiocres des pilleurs d’héritage ?