Le dossier Catalogne, la résilience d’une nation a fait l’objet d’une mention d’honneur spéciale dans le cadre du prix André-Laurendeau.
Il fallait le faire. Il fallait un instrument de plus pour raffermir les liens. Le Québec et la Catalogne ont déjà tant à partager, il fallait une passerelle de plus. Depuis quelques décennies déjà, les relations entre nos deux peuples s’intensifient. Les contributions ne sont plus seulement celles d’individus venus ici partager notre destin, elles trouvent forme désormais dans des institutions qui canalisent les dynamismes et accroissent la portée des échanges. Il est maintenant possible d’envisager de passer à un autre stade de coopération. Nos deux peuples peuvent s’enrichir mutuellement non seulement des leçons de leur persévérance, mais encore et surtout des innovations qu’ils auront à déployer pour bien s’inscrire dans le vingt-et-unième siècle.
Au fil des ans, la Catalogne a trouvé à s’inscrire dans le paysage québécois et L’Action nationale est fort heureuse de pouvoir consacrer ce numéro spécial – un précédent dans l’histoire de la revue – qui fera mieux connaître la résilience de cette nation, résilience à bien des égards exemplaire, pour nous Québécois et pour bien d’autres peuples qui cherchent les voies d’un développement conforme à ce qu’ils sont, comme à ce qu’ils peuvent offrir au concert des nations. Grâce au soutien de l’Institut Ramon Llull, et à la détermination d’Éric Viladrich i Castellanas et d’Agusti Nicolau Coll qui ont su mobiliser les énergies de toute une équipe de collaborateurs au Québec et en Catalogne pour piloter la réalisation de ce numéro, la revue est fière d’offrir ce premier panorama qui donnera le goût, nous en sommes certains, de multiplier les occasions de rencontre et les projets de collaboration.
Le Québec et la Catalogne ont en commun un même défi: trouver les voies politiques et les formes d’affirmation qui leur permettront de s’émanciper à l’heure des grands ensembles. Nos défis politiques renvoient aux mêmes nécessités de composer avec des États qui ont déployé et continuent de déployer d’énormes moyens pour oblitérer nos identités respectives en les enfermant dans des logiques folklorisantes et des carcans juridiques qui briment tout aussi bien nos aspirations démocratiques et que nos volontés légitimes de maîtriser notre développement. Nos défis culturels ont de curieuses similitudes, tant nos deux peuples sont, chacun à sa manière, pris dans le même paradoxe d’une vitalité culturelle extraordinaire, mais qui reste continuellement en deçà de sa puissance instituante parce qu’elle ne peut se répercuter pleinement dans tous les lieux et selon toutes les formes qui donneraient à la nation la plénitude des moyens pour capter tous les fruits et les effets en retour de son dynamisme. C’est particulièrement vrai pour les deux métropoles entravées que sont Montréal et Barcelone.
On le verra tout au long des textes qui suivent, autant les convergences que les différences entre nos deux situations nationales sont extraordinairement inspirantes. Et en ce sens, ce n’est certainement pas un hasard si l’un des plus grands précurseurs dans la construction de notre amitié a été un sculpteur dont tout l’œuvre traduit la puissance incandescente du désir, la force tellurique de la solidarité et de l’espérance. Jordi Bonet, artiste québécois d’origine catalane, a laissé dans notre paysage des œuvres d’une force rare, des œuvres qui ont bien capté le bouillonnement des forces créatrices de notre société et qui continuent d’en faire vivre la nécessité. De la Murale du Grand Théâtre de Québec à l’oeuvre de la station Pie-IX, des gravures les plus méditatives aux toiles d’une modeste chapelle de la Mauricie en passant par ses magnifiques créations de Saint-Hilaire, Jordi Bonet a tissé les liens de l’amitié, ouvert la voie au partage d’idéaux qu’on trouvera ici évoqués et partagés. Il n’a pas laissé seulement un héritage dont le Québec est redevable à son génie propre et à ce qui, en lui, relie à la Catalogne, il a matérialisé la rencontre de nos deux peuples. Il n’était que justice que la voie qu’il a tracée soit élargie et nous espérons vivement que ce numéro y contribue.