
Ainsi, depuis la fin de 2018, le Québec a un ministre délégué à la « transformation numérique gouvernementale » en la personne de M. Éric Caire, député de La Peltrie, formé en informatique au Collège Multi-Hexa, ancien programmeur-analyste et enseignant en informatique au collège François-Xavier-Garneau. Le ministre délégué évolue au sein du Conseil du trésor présidé par M. Christian Dubé, député de La Prairie, également ministre responsable de l’Administration publique.
Comment M. Caire comprend-il l’intitulé de son poste, qui est inédit dans l’histoire du Québec et même dans celle de la langue française ? Étant donné les missions de l’État et de l’administration publique, il est à souhaiter que les ministres Caire et Dubé entendent l’expression « transformation numérique » (traduction littérale de digital transformation) dans un sens plus profond et moins idéologique que celui que lui donne le milieu des affaires qui en fait la promotion ces jours-ci.
En effet, dans le sens le plus répandu, la « transformation numérique » est une expression à la mode qui signifie en gros transformer sa culture organisationnelle et ses processus d’affaires, innover et créer de la valeur pour être plus compétitif ou mieux encore « disruptif » (de l’anglais disruption) sur le marché. Ce type de transformation n’a évidemment rien à voir avec le rôle et les grandes responsabilités de l’État et de l’administration publique vis-à-vis du bien commun, de la démocratie, de la justice, de la sécurité, de l’éducation, etc. Qu’elle s’inscrive dans la vision d’un État interventionniste ou non interventionniste, la « transformation numérique » des organismes de toutes sortes qui sont rattachés à l’État doit impliquer plus de choses et surtout autre chose que la recherche d’un avantage compétitif face à des concurrents, la simple réduction des dépenses, l’optimisation ou la satisfaction des clients.
Comment la « transformation numérique » du secteur public peut-elle servir l’atteinte de nos grands objectifs de société ? Comment doit-elle être bénéfique à l’action publique en général ? Par exemple, comment un secteur public qui se transforme par le numérique peut-il être plus directement utile à une « transition numérique » globale qui sera positive pour l’être humain ? Voilà peut-être quelques-unes des grandes questions de nature politique qui devraient trotter dans la tête de M. Éric Caire au cours des prochaines années.
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