Gentilés V: La volonté de se nommer

Avant d’attaquer le noyau dur de notre recherche et de notre propos, savoir les ouvrages québécois consacrés aux gentilés du Québec, voyons quel traitement on leur réserve dans les dictionnaires et ouvrages réalisés en France.

En 1982, le Robert Méthodique consignait, en annexe, la triade classique de la gentilistique québécoise, Canadien, Québécois et Montréalais, à l’exemple des ouvrages plus anciens. Mais voici que Paul Robert, dans le Grand Robert de la langue française, deuxième édition, 1985, allait augmenter cette liste assez significativement à 18 mentions dans l’annexe intitulée « Liste à double entrée des noms propres de lieux et des noms communs ou adjectifs correspondants ». La nouvelle version revue et augmentée de ce dictionnaire, publiée en 2001, ne comporte toutefois plus que 16 gentilés québécois, Outremontais et Maskoutain ayant été inexplicablement retranchés de la « Liste des noms propres de lieux et gentilés correspondants ». Si canadien et québécois sont traités dans des articles à part dans le corps de l’ouvrage, c’est en vertu de la politique qui a cours en lexicographie française et qu’Alain Rey résume ainsi : « […] leur [les adjectifs et noms d’habitants] valeur étant absolument régulière, ils ne méritent pas de définition propre dans le corps du dictionnaire, mais leur forme exacte mérite d’être répertoriée.» (Rey 2001, tome VI, annexe 2, p.  x). Cette philosophie affectait Le Nouveau Petit Robert (3e édition, 1993) tout comme la version 2007 de cet ouvrage publiée en 2006 qui recense exactement la même liste, soit 11 gentilés en annexe, de Gaspésien à Labradorien en passant par le toujours inexact Saint-Fidéen. Toutefois, le Robert Junior illustré (1994), dans son édition nord-américaine, fera une plus large place aux gentilés d’ici, compte tenu du public visé et de la popularité du sujet. Par contre, le Petit Robert des noms propres 2007 (2006), en raison d’un francocentrisme bien vérifiable n’indique que Canadien, Montréalais et Québécois (habitants de la province) aux articles des toponymes concernés.

 

La timidité manifestée par les responsables de l’édition des dictionnaires Robert ne trouve pas son pendant chez son concurrent principal, la maison d’édition Larousse. En effet, dans le Nouveau Larousse encyclopédique : Dictionnaire en deux volumes (1994), on retrouve, dans le second volume, une annexe qui fournit une liste de noms d’habitants qui compte pas moins de 72 désignations collectives ayant cours au Canada dont 67 concernent le Québec. Un exception toutefois, le Lexis : Larousse de la langue française (2002) qui traite Canadien et Québécois en entrée, mais qui ne comporte pas de liste de noms d’habitants. Pour sa part, Le Petit Larousse illustré 2007 (2006) consigne dans la partie langue une entrée à canadien, à laurentien, à montréalais et à québécois et mentionne, dans la partie des noms propres, 69 gentilés du Québec, mais ne contient pas, lui non plus, de liste de noms d’habitants. Il n’en va tout de même pas ainsi pour le Nouveau Dictionnaire du français (2006) de Larousse qui, s’il ne retient en entrée que les adjectifs canadien et québécois, se montre davantage généreux à l’égard des gentilés québécois en incluant pas moins de 92 formes dans une liste en annexe, simplement coiffée du titre « Les gentilés », laquelle compte plus de 2000 dérivés provenant de villes et de lieux connus importants ou d’endroits moins célèbres, mais dont le nom des habitants présente une forme étonnante.

 

Pour demeurer dans l’univers langagier français, soulignons qu’en 1988, la Fédération internationale de Scrabble francophone a sollicité une liste de gentilés québécois qu’il serait souhaitable de voir figurer dans son édition de 1989 de l’Officiel du jeu de Scrabble. Sur 83 propositions, huit seulement ont été retenues : Abitibien, Canadien, Gaspésien, Labradorien, Madelinot, Montréalais, Outaouais et Québécois. Cette retenue gentiléenne devait faire place, dans l’édition 2004 de cet ouvrage, à davantage d’ouverture avec 18 nouvelles dénominations, portant ainsi à 26 le grand total de nos dénominations mises à la disposition des scrabbleurs de la francophonie.

Gentilés et adjectifs géographiques québécois dans des ouvrages à caractère lexicographique québécois

Comme nous l’avons vu précédemment, certains almanachs des années 1970 ont ouvert leurs pages, quoique parcimonieusement, aux gentilés du Québec.

Poursuivant cette tradition, l’Almanach du peuple Beauchemin 1983 (1982) offre à ses lecteurs, une série de 56 gentilés, tirés de notre Répertoire de 1981, parmi « les plus intéressants et parfois les plus drôles ». Cette liste se veut « tout simplement amusante et, si possible, instructive ». Voici élargie à la dimension culturelle la désignation des citoyens du Québec. L’Almanach 7 jours 1996 (1995) pour sa part porte à 83 le nombre d’appellations consignées au chapitre « Noms des habitants du Québec », celles-ci ressortissant à des régions, des villes et des municipalités surtout. Dernier-né de ce type de publication, l’Almanach du peuple 2007 (2006) consacre, sous le titre de « Renseignements utiles », une rubrique aux 25 villes les plus populaires du Québec, de Montréal (1 637 563 habitants) à Salaberry-de-Valleyfield (40 036 habitants), accompagnées des gentilés appropriés, à l’exception de Dollard-Des Ormeaux. Cette catégorie d’ouvrages, visant une clientèle large et populaire, n’a pas contribué pour peu à la connaissance, à la diffusion et à l’utilisation du patrimoine gentiléen d’ici.

Dans un autre ordre de préoccupation, Sinclair Robinson et Donald Smith, qui visent le marché anglophone intéressé par la langue québécoise et acadienne, mettent à sa disposition leur Practical Handbook of Quebec and Acadian French. Manuel pratique du français québécois et acadien (1984) et révèlent les secrets de 14 gentilés du Québec parmi les plus connus. Toutefois, ils réduisent ce bloc à 12 unités dans la version ultérieure de l’ouvrage intitulé NTC’S Dictionary of Canadian French (1991), retirant certains dérivés pour les remplacer par d’autres.

Le Trésor de la langue française au Québec (TLFQ), groupe de chercheurs en langue québécoise, n’a guère besoin de présentation pour qui s’intéresse un tant soit peu au parler d’ici. En 1985, il publiait un Dictionnaire historique du français québécois : Volume de présentation ne comportant, ô surprise, aucun gentilé, et ce, malgré que le fondateur du TLFQ, le linguiste Marcel Juneau, ait soutenu : « Le TLFQ enregistrera […], comme d’autres dictionnaires le font, les dérivés de noms propres, par ex. l’adj. abitibien (dér. d’Abitibi), etc. » (Juneau 1977, p. 66). Or, le fichier manuel du TLFQ regorge de plusieurs milliers d’attestations de formes gentiléennes et d’adjectifs géographiques inédits, anciens et récents. L’attente était, on le comprendra aisément, fort élevée lorsque fut annoncée la parution du Dictionnaire historique du français québécois, réalisé sous la direction du linguiste Claude Poirier, en 1998. Seulement trois monographies lexicographiques consacrées à des gentilés et adjectifs géographiques figuraient, soit Abitibien, Anticostien et Appalachien. De toute évidence, des choix ont dû être opérés en raison de l’abondance de la matière et l’on a préféré examiner des ethnonymes autochtones comme Algonquin, Cristinaux, Esquimau, Iroquois… Soulignons toutefois, en toute équité, que le TLFQ met de plus en plus à la disposition des chercheurs ses matériaux considérables et de premier ordre, tant matériellement qu’électroniquement, mais nous y reviendrons de manière plus approfondie.

Devant l’énorme expansion prise par le domaine des gentilés, nous nous sommes interrogés sur la place que devraient occuper ces dérivés dans les dictionnaires confectionnés au Québec. Ainsi à l’occasion d’un colloque organisé sous la direction de Lionel Boisvert, Micheline Massicotte, Claude Poirier et Claude Verreault, en avril 1985, et dont les actes ont été publiés sous le titre La lexicographie québécoise : Bilan et perspectives (1986), nous avons dégagé les « Modalités d’inclusion et de traitement des gentilés, des adjectifs toponymiques et des dérivés de noms de personnes dans des dictionnaires de langue québécois » (p. 233-258). Les principaux critères retenus portaient sur la fréquence de la lexie, le nombre de citoyens concernés, le découpage administratif, le caractère officiel du gentilé, la multiplicité des formes dérivées ou variantes, le poids historique du nom. En annexe de cet article, une liste de gentilés et d’adjectifs toponymiques susceptibles de figurer dans un dictionnaire de langue québécois était proposée et comptait 155 formes estimées importantes et de premier plan. Cette démarche, qui nous paraissait fondatrice d’une méthodologie rigoureuse de traitement lexicographique des dérivés gentiléens, paraît avoir porté fruit puisque les linguistes Jean-Claude Boulanger et Monique C. Cormier déclaraient il y a quelque temps : « toutes les descriptions des gentilés dans les DGM [dictionnaires généraux monolingues] québécois des dix dernières années ont d’ailleurs une source commune, à savoir les travaux de Jean-Yves Dugas, le linguiste et le « gentiliste » québécois qui a certainement poussé la gentilistique ou la « gentiléologie » à son point le plus achevé. » (Boulanger et Cormier 2001, p.  57).

En 1986 également, voyait le jour une nouvelle édition revue et augmentée du Dictionnaire CEC jeunesse, préparée sous la direction de Raymonde Abenaim et Jean-Claude Boulanger et publiée par le Centre Éducatif et Culturel. Si la nomenclature ne compte aucun gentilé, un index historique et géographique comporte 147 formes gentiléennes. Toutefois, les troisième et quatrième éditions de cet ouvrage, parue respectivement en 1992 et 1999, comporte 20 adjectifs géographiques en entrée et 221 gentilés québécois dans une annexe qui porte le titre « Gentilés québécois et canadiens », lesquels correspondent aux noms de lieux qui figurent dans la partie des noms propres de cet ouvrage lexicographique. Cet accueil généreux se reflète également dans un produit similaire destiné à des jeunes plus âgés, le Dictionnaire CEC intermédiaire qui consigne, dans la partie consacrée aux noms propres, pas moins de 207 gentilés du Québec et du Canada.

En 1987, l’aboutissement de plusieurs années de recherche de notre part prenait la forme d’une somme gentiléenne – sans fausse modestie – composée de 1429 entrées accompagnées de commentaires, d’explications, de datations, de variantes, de données bibliographiques, etc., le Répertoire des gentilés du Québec. Cet ouvrage traduisait l’extraordinaire effervescence de la désignation collective, mise en branle en 1981 avec l’opuscule que constituait le premier répertoire. Cet ouvrage pouvait être considéré sans conteste comme une première canadienne, tant par son ampleur que par l’importante préoccupation sociale qu’un tel phénomène sous-tendait. Dernier-né des ouvrages à caractère lexicographique consacrés aux gentilés d’ici, notre modeste supplément au Répertoire des gentilés du Québec (Dugas 1995), édité par les Publications du Québec sous les auspices de la Commission de toponymie, témoigne, avec ses 201 nouvelles entrées, d’une vitalité certaine et d’une pérennité de l’intérêt dénominatif des gens de cette province. Au 15 août 2007, 1872 dénominations gentiléennes scintillaient dans le firmament onomastique québécois.

Le monde de l’éducation a pu régulièrement bénéficier d’instruments de travail où les gentilés occupaient une place de choix. Nous en voulons pour preuve la confection d’un Aide-mémoire grammatical, dressé par Michel Therrien en 1987, qui intègre une substantielle liste de 130 gentilés du Québec. La deuxième édition de ce vade-mecum, publiée en 1998, voyait ladite liste portée à 330 entrées, la plus considérable, à notre connaissance, nos répertoires exceptés.

La fin des années 1980 et le début des années 1990 sont marqués par la parution de quelques ouvrages lexicographiques riches en matière de gentilés. Publié sous la direction de A.E. Shiaty, le Dictionnaire du français Plus (1988) compte 24 articles- entrées de gentilés québécois et 32 concernent le nom des habitants d’autant de lieux du Canada. Il s’agit de la plus large place accordée aux dérivés toponymiques québécois dans un dictionnaire de langue jusqu’à ce moment-là. Qui plus est, une riche annexe constituée d’une « Liste de noms de lieux et des gentilés correspondants » enrichit l’ouvrage de 180 attestations d’appellations d’ici. Bien que de manière plus modeste, le Dictionnaire des canadianismes de Gaston Dulong, paru en 1989, intègre 96 gentilés du Québec dans sa nomenclature, quoique dans la seconde édition de cet ouvrage, dix ans plus tard, le corpus se réduise à 73 unités gentiléennes. La même année, Michel Veyron signe un Dictionnaire canadien des noms propres qui

porte sur 3 500 noms de lieux et de personnes parmi lesquels on distingue environ 1500 toponymes. Les endroits qui ressortissent au Québec et qui sont habités sont systématiquement accompagnés du gentilé spécifique dans la mesure où celui-ci existe et figure dans notre Répertoire des gentilés du Québec, paru deux ans plus tôt. Cette tendance lourde continue de se vérifier dans Le petit Breton : Dictionnaire scolaire (1990) de la pédagogue Rita Breton qui consacre un article à trois dénominations collectives des citoyens du Québec et consigne, dans la section des noms propres, 182 désignations.

La popularité de notre Répertoire des gentilés du Québec (1987) se vérifie aisément au début des années 1990 alors que Renald Tremblay et Pierre-Isidore Girard le « phagocyte » en quelque sorte en y extrayant environ 1500 gentilés qu’ils intègrent aux noms de lieux géographiques traités dans leur Dictionnaire des noms propres géographiques du Québec (1991) tout comme Lorenzo Proteau, auteur quelque peu brouillon du document Le français populaire au Québec et au Canada : 350 ans d’histoire (1991) qui agit de même en plagiant, sans le signaler, notre ouvrage en consignant quelque 1300 gentilés dans une annexe intitulée « Noms donnés aux habitants des villes et villages du Québec ».

Publié sous la direction du linguiste Jean-Claude Boulanger, le Dictionnaire québécois d’aujourd’hui (1992) occupe une place à part dans l’univers de nos gentilés. Toutes catégories confondues, il demeure le seul dictionnaire de langue à consacrer autant d’articles à ces dérivés onomastiques, soit 115, ensemble largement complété dans une annexe qui recense pas moins de 247 « Noms et adjectifs (gentilés) tirés de noms propres de lieux (toponymes) ». Le DQA fait ainsi la preuve, si nécessaire, que le trésor patrimonial des gentilés est désormais intégré à part entière au domaine des dictionnaires de langue d’ici, suivant le vœu que nous formulions en 1986.

À l’instar des Tremblay, Girard et Proteau, évoqués plus avant, Jean Cournoyer, dans son Petit Jean : Dictionnaire des noms propres du Québec (1993), puise largement dans notre répertoire de 1987, via le Répertoire des municipalités du Québec pour consigner le gentilé adéquat de chacune des très nombreuses municipalités et lieux habités dont il traite. Cet ouvrage, qui a fait l’objet d’une nouvelle édition revue, mise à jour et augmentée, parue sous le titre de La mémoire du Québec : de 1534 à nos jours. Répertoire des noms propres en 2001, continue de semer largement la bonne parole gentiléenne. Dans une veine similaire, la Commission de toponymie, organisme responsable de la gestion des noms de lieux du Québec, publie, en 1994, une véritable somme toponymique, Noms et lieux du Québec : Dictionnaire illustré, dans laquelle on retrouve plus de 1000 gentilés du Québec assortis aux lieux habités traités et qui proviennent du fichier que son responsable de la recherche et spécialiste des gentilés a dressé. Ce dictionnaire a été réédité en 2006 dans une version augmentée et le nombre de gentilés consignés y a crû également.

Les ouvrages à caractère lexicographique ou normatif de la fin du XXe siècle et du début du présent millénaire vont continuer de faire un sort, à des degrés variables, à notre patrimoine collectif dénominatif. Ainsi, le Multidictionnaire de la langue française (3e édition, 1997) de Marie-Éva de Villers retient dans sa nomenclature cinq dérivés gentiléens : beauceron, canadien, québécois, gaspésien et madelinot qui reçoivent une définition alors que Lionel Meney, dans son Dictionnaire québécois-français (2e édition, 2003), traite 34 dérivés de noms de lieux, d’abitibien à verdunois en passant par nord-côtier, 26 recevant les statuts grammaticaux de substantifs et d’adjectifs et huit autres n’étant considérés que comme des qualificatifs.

La Bible incontestée des guides linguistiques québécois, Le français au bureau, qui a pour auteures Noëlle Guilloton, Hélène Cajolet-Laganière et Martine Germain et dont l’Office québécois de la langue française assure la préparation n’échappe pas non plus à l’engouement suscité depuis près de 20 ans par le phénomène des gentilés. En particulier, le 6e édition de cet ouvrage publiée en 2005 accueille dans sa 5e partie consacrée à la toponymie un ensemble de 204 gentilés d’ici coiffé du titre « Noms d’habitants, ou gentilés ». Compte tenu de l’immense succès de ce document normatif qui ne se dément pas d’une édition à l’autre, les dénominations d’habitants sont l’objet d’une diffusion et d’une visibilité exceptionnelles et reçoivent la « sanction » de l’organisme phare en matière de langue correcte au Québec.

Benjamin des ouvrages consacrés aux gentilés, notre Dictionnaire universel des gentilés en français (2006), qui recense 8166 dérivés de noms de lieux de partout dans le monde, décrit et commente 755 gentilés et adjectifs géographiques qui ressortissent au Québec, soit près de dix pour cent de la nomenclature totale. Ce volet important de notre patrimoine culturel participe désormais, à part entière, au concert des nations en ce qui a trait à la désignation des groupes humains relativement à leurs différents milieux de vie.

Si la mort du document papier ne peut être officiellement annoncée, il s’en faut de beaucoup, il convient toutefois de souligner la présence envahissante de l’informatique et des documents électroniques au détour des années 1990. Le domaine des gentilés n’échappe pas au chant de sirène de ce moyen de communication, désormais un incontournable de la vie courante. Ainsi, à compter de 1998, la Commission de toponymie, qui diffuse l’information sur les gentilés depuis 1979, intègre à son site Web [www.toponymie.gouv.qc.ca] une liste des gentilés du Québec dont les données reprennent celles de notre répertoire de 1987 et qui compte pas moins de 1646 entrées. Ladite liste est régulièrement mise à jour et les nouvelles désignations recueillies, des appellations créées en collaboration avec certaines autorités municipales et sanctionnées par elles, y sont intégrées. À noter que la Commission alimente le Répertoire des municipalités du Québec [www.mamr.gouv.qc.ca/ repertoir_mun/] du ministère des Affaires municipales et des Régions (MAMR) dont l’entièreté des données gentiléennes lui sont redevables. Rappelons que la consignation des dérivés gentiléens par le MAMR a débuté dès 1984 dans la version papier de ce document d’information grâce à la transmission des données par la Commission de toponymie et qu’elle diffuse toujours sur ce support, mais de manière plus espacée au cours des dernières années. Cette association entre les organismes gouvernementaux s’est également étendue à l’Office québécois de la langue française qui, depuis octobre 2002, par l’intermédiaire de sa Banque de dépannage linguistique [www.oqlf.gouv.qc.ca] – sous la rubrique « Toponymes et gentilés du Québec » – met à la disposition de ses usagers des renseignements sur 1528 gentilés du Québec dont la teneur reprend largement celle de la liste informatique de la Commission de toponymie, évoquée à l’instant. Par ailleurs, le gouvernement fédéral du Canada se joint également au concert gentiléen québécois par l’intermédiaire de sa base de données terminologiques et linguistiques dénommée Termium ® [www.termium.gc.ca]. Créée en 1976 et administrée par le Bureau de la traduction, cette dernière compte plus de 3 500 000 termes et diffuse de l’information sur de nombreux gentilés du Québec, laquelle trouve sa source, à l’instar des organismes signalés plus haut, dans notre Répertoire des gentilés du Québec de 1987.

Les organismes universitaires ne demeurent d’ailleurs pas en reste avec les institutions gouvernementales quant au traitement et à la diffusion électronique d’informations à caractère gentiléen. En effet, au cours de l’année 2003, le Trésor de la langue française au Québec [TLFQ] mettait en ligne un instrument de travail précieux, l’Index lexicologique québécois [www.tlfq.ulaval.ca/ilq/] qui répertorie l’ensemble des mots et expressions ayant fait l’objet d’une étude ou d’un commentaire depuis 1750 jusqu’à nos jours dans des glossaires, des listes de mots, des dictionnaires, des articles de revues, des chroniques de langage, etc. Le présent travail a d’ailleurs pu en bénéficier dans un peu plus d’une trentaine de cas portant sur des gentilés ou des adjectifs géographiques. Deux ans plus tard, en mars 2005 plus précisément, le même organisme rendait disponible aux internautes le Fichier lexical [www.tlfq.ulaval.ca/fichier/], un corpus de citations tirées du fichier lexical papier du TLFQ qui comptait, fin mars 2007, 245 000 fiches électroniques. Une recherche menée en janvier 2007 a permis de repérer des attestations écrites pour près de 35 gentilés du Québec, nombre qui ne doit pas être considéré comme exhaustif. Parallèlement à ces données informatisées, le TLFQ préparait une Base de données lexicographiques francophones (BDLP), mise en ligne en mars 2004 [www.tlfq.ulaval.ca/bdlp/]. Dans la BDLP-Québec, on a versé le contenu du Dictionnaire historique du français québécois (1998) qui comportait déjà les noms et adjectifs gentiléens Abitibien, Anticostien, Appalachien, auquel on a joint Bas-Canadien et bas-canadien, relatif au Bas-Canada et à ses habitants, suivant le nom porté par le Québec de 1791 à 1840. Ici encore, on peut difficilement estimer la place qu’occuperont les gentilés dans les publications ultérieures de ce groupe à partir de seulement cinq fiches sur un total de 3384 (mise à jour de mars 2006).

En dernier lieu, deux linguistes de l’Université de Sherbrooke, Hélène Cajolet-Laganière et Pierre Martel, ont mis en chantier en 2001 un projet de dictionnaire dont il a déjà été question. En janvier 2007, il était envisagé d’y traiter 99 gentilés québécois sous forme d’articles et de verser, en annexe, dans une « Liste de noms de lieux et des gentilés correspondants » un ensemble de 563 gentilés du Québec sur un total général de 1242 formes dérivées, soit plus de quarante-cinq pour cent. Si les intentions mises de l’avant se concrétisent, cet ouvrage assurera une visibilité non négligeable à ce volet de notre culture patrimoniale et marquera l’intégration sentie des gentilés et adjectifs géographiques dans les dictionnaires de langue québécois en s’inscrivant de manière non équivoque dans la foulée de ses prédécesseurs évoqués plus avant.

Pour clore la catégorie des sources lexicographiques, on ne peut passer sous silence l’apport sous cet aspect de l’ex-politicien Jean Cournoyer dont l’ouvrage La mémoire du Québec : de 1534 à nos jours. Répertoire des noms propres (2001) a été mise en ligne sous le titre « La mémoire du Québec en ligne » [www.memoireduquebec.com/wiki/], document qui fait l’objet d’une mise à jour continuelle. Ainsi, en juillet 2007, le site comportait un important corpus de 23 720 noms propres, dont 6000 toponymes. Ces derniers, en particulier dans le cas des municipalités, des municipalités régionales de comté et des réserves amérindiennes, sont assortis des gentilés ad hoc, dans la mesure où de telles formes existent. Ce document diffuse de la sorte 1047 noms d’habitants, ce qui en fait l’une des ressources informatiques les plus riches en dénominations d’habitants, anciennes, récentes ou actuelles. q

 

Cinquième d’une série de six articles consacrés aux gentilés du Québec