Gilbert Paquette. Un pays en tête

Gilbert Paquette
Un pays en tête, Montréal, Les éditions du Renouveau québécois, 2017, 208 pages

Ceux et celles qui connaissent un tant soit peu Gibert Paquette savent que c’est un fidèle à la cause de l’indépendance du Québec. Depuis plus de quarante années, il a été quasiment de tous les combats, et à tous les niveaux, même celui de la candidature à la direction du Parti québécois. Son dernier ouvrage, Un pays en tête, illustre cette opiniâtreté militante. C’est un vibrant plaidoyer pour l’indépendance du Québec doublé d’un document argumentaire pour les militants.

Au cœur de la démarche de monsieur Paquette, on trouve la notion de convergence. Selon lui, maintenant que le bipartisme traditionnel semble être chose du passé, il ne fait pas de doute que l’indépendance du Québec ne pourra naitre que par la convergence des différents partis politiques et organismes de la société civile partageant l’idéal indépendantiste. Pour cela, il faut élaborer une espèce de tronc commun autour d’un projet de pays. À cette fin, Paquette propose « dix chantiers collectifs » susceptibles de faire consensus parmi la population québécoise dans un Québec futur, toute idéologie mise à part. L’objectif consiste aussi à « figurer » de quoi aurait l’air un Québec indépendant. L’auteur nous dit qu’en effet, la « guerre » entre Ottawa et le mouvement indépendantiste en est une de perception : « Le Canada existe et possède une réalité physique perceptible » (p. 9) ; le Québec indépendant, pas encore, donc importance de lui donner « au moins » une existence, la plus claire et la plus concrète possible, dans l’imaginaire des gens. Autrefois on parlait de « projet de pays ». Gilbert Paquette est conscient que dans un Québec souverain les modalités de la réalisation de ces chantiers peuvent varier en fonction des sensibilités politiques. Il faut quand même noter que, même si le « tronc commun » proposé par l’ancien député veut ratisser large, une sensibilité de gauche et une certaine aversion envers les politiques dites libérales, ou « néolibérales » prédominent. On ne peut alors s’empêcher de se demander s’il est possible que des pensées libérales ou conservatrices indépendantistes puissent trouver place dans cette convergence.

L’ancien ministre est conscient que, pour les plus jeunes, ceux qui n’avaient pas l’âge de voter au référendum de 1995, l’indépendance du Québec peut être perçue comme déconnectée de leurs préoccupations actuelles ; par exemple les questions environnementales ou internationales. C’est donc prioritairement à la clientèle jeune que l’ouvrage s’adresse. Il tente de démontrer que, pour participer pleinement aux grands débats actuels, le Québec a besoin de disposer de la totalité des pouvoirs d’un État entier capable de « décider de son avenir ». À l’aide d’un vaste survol historique, et dans un dessein pédagogique avoué, Gilbert Paquette veut démontrer que le Québec constitue une nation annexée et subordonnée au pouvoir canadien. Une société québécoise indépendante disposerait de la totalité de ses ressources financières et de la capacité entière de faire ses propres lois. Elle aurait également le droit exclusif d’établir ses relations extérieures. Toujours dans un souci argumentaire, l’auteur s’efforce de prouver que les bénéfices de l’indépendance du Québec sont supérieurs à ceux de l’intégration au Canada.

L’ancien ministre distingue dix champs de la société québécoise indépendante dans lesquels autant de « projets » pourraient être réalisés : développement régional, pauvreté, précarité, justice, démocratie, éducation, santé et autres. Pour chacun de ses projets, il énonce un objectif majeur, des mesures significatives à mettre en œuvre et les « blocages spécifiques » émanant du régime canadien. Ainsi, et à titre d’exemple, la pauvreté et la précarité sont des problèmes sociaux pour lesquels la société québécoise, débarrassée du carcan fédéral, pourrait être plus efficace. Un Québec indépendant serait plus à même d’assurer une sécurité du revenu et de l’emploi s’il récupérait sa part des fonds de l’assurance emploi. Il pourrait également se donner une politique de logement abordable en récupérant sa part des fonds de la Société canadienne d’hypothèque et de logement. La démonstration vaut pour d’autres secteurs de la société.

La mission pédagogique de l’essai ne se limite pas aux possibilités qu’offrirait aux Québécois leur indépendance ; elle traite aussi du processus juridico-politique d’accession à cette indépendance. Gilbert Paquette privilégie une démarche constituante. Il mentionne tout d’abord « les arguments juridiques qui fondent le droit du Québec à acquérir son indépendance et qui invalident les peurs injustifiées » (p. 159). Puis il considère trois scénarios d’accession à l’indépendance : un premier, basé sur un référendum, plus classique et déjà utilisé ; un second, qui tiendrait compte du désir chez une majorité de citoyens d’améliorations importantes de la Constitution canadienne avant d’approuver la sécession du Québec ; et finalement, celui privilégié par l’auteur, un scénario basé sur le « pouvoir constituant » de la société québécoise, qui lui permettrait d’adopter sa propre constitution (p. 173).

Cette démarche se résume en cinq étapes : en premier, évidemment, l’élection d’une majorité de députés indépendantiste à l’Assemblée nationale et adoption par ces derniers d’une loi « transitoire », c’est-à-dire une loi qui encadre la « marche » vers l’indépendance. Création ensuite de la fameuse Assemblée constituante, le « peuple » représenté par une assemblée de citoyens de tous les horizons. Cette assemblée aura pour mission de consulter la population et de rédiger « un projet de constitution » reflétant les valeurs de cette population. L’Assemblée nationale devra alors consulter les Québécois sur ce projet et sur l’indépendance du Québec. Pour que tout ceci se réalise, il faut bien entendu que tous les partis indépendantistes constituent un front commun et que leurs intérêts à courts et à moyen terme convergent vers un objectif commun : l’indépendance du Québec. Reste à l’ancien président des Organisations unies pour l’indépendance du Québec (OUI-Québec) à convaincre les partis politiques de jouer le jeu.

Daniel Gomez
Sociologue