L’héritage musical du Québec

2014janvier250L’auteur est chercheur postdoctoral en musicologie CRILCQ-UQAM

L’histoire du Québec est un grand puzzle/
Dont les morceaux/
Ont été volontairement jetés dans l’oubli/
Par ceux qui nous ont exploités et menti/
Et qui n’ont pas intérêt/
À ce qu’on retrouve les morceaux./
Chaque morceau du puzzle est une mémoire/
Qui remet la vérité à sa place.

–Félix Leclerc, Rêve à vendre

Parler d’histoire de la musique du Québec équivaut dans l’esprit de tout un chacun à faire le parcours de la chanson depuis Madame Bolduc, incluant un préambule au sujet des airs de folklore comme « À la claire fontaine » et des reels de violoneux. À tort ou à raison, tout ce grand répertoire est considéré comme porteur d’une identité collective, particulièrement depuis Félix Leclerc et les chansonniers de la Révolution tranquille. Or, les Québécois n’imaginent généralement pas que leur coin de pays possède, comme l’Europe, un riche héritage de pratiques musicales classiques. Sans trop y réfléchir, cette culture savante est automatiquement rattachée à l’ailleurs, sinon à l’universel. On fait ainsi l’impasse sur un grand pan du patrimoine d’ici.

Depuis quelques années, le pianiste de concert Alain Lefèvre attire l’attention du grand public sur la musique d’André Mathieu (1929-1968). C’est certainement un pas dans la bonne direction. Mais au-delà de ce compositeur, que sait-on, par exemple, de Calixa Lavallée (1842-1891), un homme dont la vie créatrice est loin de se limiter à l’hymne patriotique « Ô Canada », exécuté pour la première fois en 1880, dans une version originale française destinée aux fêtes de la Saint-Jean-Baptiste ? On pourrait aussi se demander si l’on connaît suffisamment les réalisations du chef d’orchestre Wilfrid Pelletier (1896-1982), qui a donné son nom à la plus grande salle de concert de la Place des Arts. A-t-on oublié l’histoire plus que centenaire des chanteurs lyriques du Québec, hautement précurseurs des Marc Hervieux, Karina Gauvin et Marie-Nicole Lemieux d’aujourd’hui ? Savons-nous le prestige dont jouissent internationalement les orgues Casavant de Saint-Hyacinthe ? Ou la réputation des Productions d’Oz de Saint-Romuald en tant qu’éditeurs de partitions musicales, spécialisés en guitare classique depuis maintenant un quart de siècle ? Ce ne sont là que quelques bribes de notre héritage musical à tous.

La somme de quatre siècles de pratiques musicales classiques au Québec est trop rarement enseignée, même dans les facultés de musique et conservatoires. Ce savoir demeure essentiellement partagé par une poignée de spécialistes, gravitant pour la majorité autour de la Société québécoise de recherche en musique sqrm.qc.ca – comme c’est mon cas, vous l’aurez deviné. Fort heureusement, de sérieux efforts de synthèse ont mené depuis quelques années à d’importantes publications, que ce texte se donne pour but de vulgariser. Aussi suis-je hautement redevable à tous les auteurs cités en fin d’article et dont je ne fais que relayer les connaissances. Les lecteurs désireux d’approfondir le sujet pourront notamment consulter la Chronologie musicale du Québec (Septentrion, 2009) et les ressources du web mentionnées en bibliographie.

Autant que faire se peut, j’entends insister ici sur un certain nombre de compositeurs, d’interprètes, d’œuvres et d’institutions clés du passé musical au Québec. Pour éviter une lecture trop linéaire, j’aborderai les nombreuses facettes du sujet selon un classement à trois sections : la « Musique religieuse », la « Musique en société » et la « Musique de concert ». La conclusion m’amènera à proposer quelques pistes d’interprétation sociétales.

La musique religieuse : plain-chant, évangélisation et orgue
Plain-chant

L’histoire du Québec enseigne que les explorateurs des Amériques étaient accompagnés dans leurs voyages de membres du clergé. Aussi les écrits de Jacques Cartier rapportent-ils une « messe dite et chantée » dès 1536. L’établissement par Samuel de Champlain d’une première colonie française permanente entraîne rapidement vers le Nouveau-Monde les Jésuites (1611) et les Récollets (1615). Ces ordres religieux seront suivis par ceux des Ursulines et des Hospitalières, fondatrices de l’Hôtel-Dieu de Québec (1639) et de l’Hôtel-Dieu de Montréal (1642). La recherche musicologique permet aujourd’hui de reconstituer les pratiques musicales de ces organisations cléricales lors des messes quotidiennes et de l’évangélisation des Amérindiens.

Le cérémonial religieux de la Nouvelle-France est largement influencé par ce qui se fait en France dans les décennies suivant le Concile de Trente et la Contre-Réforme, au milieu du XVIe siècle. En musique, ce renouveau comprend un retour aux sources du répertoire de plain-chant[1], à la messe chantée et aux cantiques, aux racines de rituels journaliers comme les vêpres, au calendrier liturgique pour l’année et à certaines prescriptions concernant les événements extraordinaires. En Europe, le modèle est Palestrina (v. 1525-1594), compositeur de la Messe du Pape Marcel (v. 1567). La papauté célèbre cette partition à l’écriture vocale en harmonies limpides, permettant de bien entendre le texte sacré. En Nouvelle-France, les célébrants se doivent de chanter le texte sacré en latin, a cappella, soit à une seule voix – un chantre au lutrin –, soit à plusieurs voix – à l’unisson, en polyphonie ou en faux-bourdon[2]. Tout dépend des ressources humaines limitées qui, dans chaque paroisse de la colonie, peuvent être affectées à la célébration. Lors d’occasions spéciales, on entonne le Te Deum ou le Veni Creator. Sauf dans le cas de l’orgue, la musique instrumentale est inconvenante et donc proscrite pour le culte. En dehors des rituels de l’église, toutefois, les membres du clergé s’adonnent à un certain répertoire instrumental, dont il sera question un peu plus loin. Même après la conquête britannique, l’ensemble de cette pratique musicale du chant liturgique demeurera pratiquement inchangé.

On peut légitimement se demander si des œuvres nouvelles ont été composées en Nouvelle-France, ne serait-ce qu’à partir d’un assemblage de fragments liturgiques européens ? La seule vraie messe originale d’Amérique française que nous connaissons est la Prose de la Sainte-Famille (1684). L’œuvre est attribuée à Charles Glandelet (1645-1725) et Charles-Amador Martin (1648-1711), deux membres de la Confrérie de la Sainte-Famille, dont la fondation est avalisée en 1663 par Mgr de Laval.

Les livres de musique retrouvés dans les inventaires après décès des habitants de Nouvelle-France proviennent d’Europe. On retrace par exemple un livre de motets composés par Nicolas Bernier (v. 1664-1734). Cet ouvrage daté de 1703 porte la signature de Mgr de Saint-Vallier. L’exposition Les Arts en Nouvelle-France (2012-1013) du Musée national des beaux-arts du Québec nous donnait récemment à voir le manuscrit du Livre d’orgue de Montréal, un ouvrage apporté dans la colonie en 1724 par le sulpicien Jean Girard (1696-1765). À cette époque, Jean-Sébastien Bach vient d’achever les Six Concertos brandebourgeois en Allemagne. Jean-Philippe Rameau et François Couperin sont les maîtres du clavecin en France. Et Georg Friedrich Handel compose des opéras à Londres. La toute première impression d’un livre de musique au Québec sera un Graduel romain, recueil de plain-chants édité en l’an 1800 par John Neilson (1776-1848). Il sera suivi d’un Processionnal romain et d’un Vespéral romain.

Les chantres et chorales continuent d’essaimer dans les paroisses du Québec au XIXe siècle. En 1903, le Motu Proprio du pape Pie X marque une nouvelle volonté de retour aux sources du plain-chant liturgique. Cette lettre condamne la « musique théâtrale » à l’église – c’est-à-dire l’opéra –, les chorales « mixtes » et les instruments autres que l’orgue. On favorise bien entendu le chant grégorien et la polyphonie de style Contre-Réforme, celle de Palestrina. La réponse canadienne-française à cette invitation papale mène à la création par Jean-Noël Charbonneau (1875-1945) de la Schola cantorum de Montréal (1915). L’institution comptera parmi ses professeurs Arthur Laurendeau (1880-1963), Arthur Letondal (1869-1956) et Éthelbert Thibault (1898-1953).

Évangélisation

La conversion au catholicisme des Amérindiens, Hurons et Souriquois, donne lieu à un choc des cultures qui n’est pas sans conséquence sur le plain-chant en Nouvelle-France. Afin de communiquer adéquatement le message chrétien aux Premières Nations, les prêtres apprennent à parler le huron, l’algonquin, le montagnais et l’abénaquis. On possède des traces de la messe et des vêpres en huron à Sillery à partir de 1637, mais le métissage autochtone s’amplifie surtout après 1650. Selon le principe du timbre folklorique, on utilise une mélodie liturgique inchangée, sur laquelle se greffe un texte original, réécrit en langue amérindienne[3]. L’un des cas les plus célèbres est le lesous Ahatonhia, un chant de Noël en langue huronne, attribué au père Jean de Brébeuf, sur la mélodie française traditionnelle « Une jeune pucelle ». Des chants liturgiques comme Conditor Alme, Ave Verum, Iste Confessor et Veni Creator servaient également de timbre pour l’évangélisation. Notons encore qu’il existe une traduction en abénaquis de la Prose de la Sainte-Famille.

La pratique liturgique quotidienne et l’évangélisation des Amérindiens ne vont pas sans une préparation qui passe par la formation des chantres dans les collèges et séminaires de Nouvelle-France. Le professeur de musique Martin Boutet (1617-1686) arrive dans la colonie en 1645. C’est lui qui va enseigner l’art musical au chantre Charles-Amador Martin et à Louis Jolliet, le futur explorateur du Mississippi. Charles-Amador Martin devient en 1674 le premier professeur de plain-chant au Séminaire des missions étrangères. Cette même année est celle de l’érection de la cathédrale de Québec, avec prescriptions sur le rôle du chant et de l’orgue selon le vœu de Mgr de Laval. Petit à petit, les paroisses de la vallée du Saint-Laurent sont dotées de prêtres habiletés à dire et à chanter la messe.

Orgue

Le premier orgue de Nouvelle-France est installé dans la paroisse de Québec en 1657. Au Séminaire de Québec, c’est Louis Jolliet qui enseigne l’orgue à partir de 1665. Rappelons que Jean Girard apporte dans la colonie en 1724 l’ouvrage français de musique d’orgue connu sous le nom de Livre d’orgue de Montréal. Le premier orgue construit par Joseph Casavant père (1807-1874) date de 1840. La Maison Casavant Frères de Saint-Hyacinthe est quant à elle fondée en 1879. Tout au long de l’histoire, de très nombreux maîtres de musique du Québec vivent de leurs fonctions d’organiste de paroisse, tout en s’adonnant à la composition et à l’enseignement :

  • Ernest Gagnon (1834-1915), auteur des Chansons populaires du Canada (1865)
  • Son frère, Gustave Gagnon (1842-1930)
  • Son neveu, Henri Gagnon (1887-1961), qui a donné son nom à la salle de concert de la Faculté de musique de l’Université Laval
  • Gustave Smith (1826-1896)
  • Romain-Octave Pelletier (1843-1927)
  • Arthur Letondal (1869-1956)
  • Alphonse-Lavallée Smith (1873-1912)
  • Amédée Tremblay (1876-1949)
  • Joseph-Antonio Thompson (1896-1974), qui a donné son nom à la salle de spectacle du centre-ville de Trois-Rivières
  • Antoine Reboulot (1914-2002)
  • Claude Lagacé (né en 1917)
  • Raymond Daveluy (né en 1926)
  • Kenneth Gilbert (né en 1931), également musicologue, spécialiste de Couperin
  • Antoine Bouchard (né en 1932)

Plain-chant ou orgue, cette tradition musicale religieuse est plutôt discrète, mais encore vivante au Québec. Depuis 1989, on publie deux fois par année le bulletin Laudem de l’association des musiciens liturgiques du Canada. La Société des Amis de l’orgue de Québec a été mise sur pied en 1966 à l’instigation d’Antoine Bouchard. À Montréal, les facteurs d’orgues Juget-Sinclair créent des instruments neufs et en restaurent d’autres partout dans le monde depuis 1995. En 2008, Gilles Vigneault et Bruno Fecteau créaient une Grand-messe complètement originale. En 2012, un grand-orgue Casavant a été installé à la Maison symphonique de Montréal. En 2013, c’est la nouvelle salle de concert rénovée du Palais Montcalm de Québec qui a inauguré le sien.

La musique en société : folklore et danse, musique militaire, opéra, critique et presse
Chants de folklore

De retour aux origines historiques, on peut rappeler de façon anecdotique que Jacques Cartier fit sonner les trompettes à Hochelaga en 1535. Du reste, il est assez bien connu que les pionniers de la colonisation en Nouvelle-France avaient en mémoire des airs de folklore et des chansons à répondre, matériau qu’ils utilisèrent pour forger leurs timbres au gré de l’actualité. Un type particulier de chansons à répondre, que les spécialistes nomment la chanson en laisse, possède une structure de texte à survivance médiévale[4]. Les chants de folklore accompagnaient bien sûr les coureurs des bois, portageurs et canotiers dans leurs longs voyages. Dans les villes de Québec, Montréal et Trois-Rivières, des chansons comiques sur timbres permettaient aussi de se moquer des gens de pouvoir, qu’ils appartiennent au clergé ou qu’ils représentent le roi. On entendait donc des chants dans les cabarets ou débits de boissons et même jusque dans la rue, sur la place publique. Avant le XIXe siècle, notre connaissance plus détaillée des pratiques du chant de folklore demeure malheureusement fragmentaire.

En 1821, l’imprimerie de James Brown publie un Recueil de chansons choisies. Cette anthologie de chants de folklore serait la première du genre au Québec. Vers 1830, la collection de onze chansons de voyageurs d’Edward Ermatinger (1797-1876), un employé de la Compagnie de la Baie d’Hudson, est un autre rare témoignage des chansons qui rythmaient les coups de pagaie des canotiers sur la rivière et l’exténuante marche en forêt des voyageurs. Dans les décennies suivantes, la chanson circule plus librement grâce à certains organes de presse comme Le Canadien, Quebec Mercury, Le Ménestrel, La Minerve, Le Fantasque, Literary Garland et L’Album littéraire et musical de la Revue canadienne. Les chansons de ces journaux prennent le plus fréquemment la forme de timbres à saveur politique et patriotique, comme c’est le cas d’« Un Canadien errant » (1842) d’Antoine Gérin-Lajoie. Les principales chansons originales du XIXe siècle que l’on connaît sont l’œuvre conjointe d’un compositeur et d’un parolier. En voici quelques exemples :

  • « Ô Canada, mon pays mes amours » (1834) de Georges-Étienne Cartier (paroles) et Jean-Baptiste Labelle (musique)
  • « Le Drapeau de Carillon » (1858) d’Octave Crémazie (paroles) et Charles Wugk Sabatier (musique)
  • « Ô Canada » (1880) d’Adolphe-Basile Routhier (paroles) et Calixa Lavallée (musique), devenu l’hymne national du Canada en 1980
  • « Restons français » (1888) de Rémi Tremblay (paroles) et Calixa Lavallée (musique)

Arrivé à Québec en 1835, le compositeur, poète et éditeur Napoléon Aubin (1812-1890) publie « Le Dépit amoureux », la première chanson de musique en feuille de l’histoire du Québec. Pour faire suite aux recueils de folklore sous forme d’étude savante réalisés par François-Alexandre-Hubert LaRue (1863) et Ernest Gagnon (1865), plus d’une centaine d’autres livres de chants de folklore paraissent dans la deuxième moitié du XIXe et au début du XXe siècle. En 1899, Ernest Myrand (1854-1921) lance un ouvrage historique sur les Noëls anciens de la Nouvelle-France. Avec l’histoire de la chanson québécoise au XXe siècle, on revient en terrain familier.

Musique de danse

Les rares témoignages qui nous sont parvenus, notamment ceux de Pehr Kalm (1716-1779) et Pierre Sales de Laterrière (1743-1815), établissent que les Canadiens français adoraient fêter et danser aux chansons. Les types de danses le plus fréquemment identifiés sont le menuet, la gavotte et les contredanses[5]. En retournant aux sources européennes du temps, on peut avoir une idée relativement juste du goût en matière de musique de danse sous le règne de Louis XIV et de ses successeurs.

Les documents sont plus loquaces à partir de la fin du XVIIIe siècle, surtout après la Conquête britannique et l’émergence de la presse. Élisabeth Bégon (1696-1755) et l’Intendant François Bigot (1703-1778) organisent des bals à Montréal et à Québec, particulièrement en hiver. Le Château Saint-Louis est un lieu privilégié pour tenir ces nombreuses assemblées. La redécouverte récente d’un Livre de contredanses avec les figures (1766) aux Archives du Séminaire de Trois-Rivières nous renseigne encore davantage sur la pratique des pas et des figures en Amérique française. Avec les bals surgit évidemment une demande pour les leçons de bons maîtres à danser, capable de former adéquatement les adeptes. Le peintre et professeur de musique Louis Dulongpré (1759-1843) ouvre son école de danse à Montréal en 1787. Curiosité s’il en est, on ne tolérait pas que les garçons et les filles reçoivent leurs leçons le même jour. De 1797 à 1823, Antoine Rod ouvre un autre studio pour enseigner le menuet, le cotillon, les « contre dances angloises » et éventuellement la valse.

Alors que la tendance est à l’abandon du menuet, l’immigration en provenance des îles britanniques – Irlandais, Écossais, Anglais de la région du Lancashire – contribue à l’intégration par les Canadiens français des danses percussives de pieds : les gigues, reels, hornpipes, galops et clogs[6]. Au milieu du XIXe siècle, l’invasion des danses de couples européennes en position fermée comme la valse, la polka, la mazurka et le schottische vont renouveler la pratique musicale et, cela va presque de soi… scandaliser le clergé.

Musique militaire et orchestre à vents

Replongeons dans l’effervescence de la place publique à Québec, Montréal et Trois-Rivières au XVIIe siècle. On peut croire que la vie des villes de Nouvelle-France était rythmée tout autant par le carillon des cloches de l’église que par le son des tambours, batteries, hautbois, fifres et trompettes de la garde militaire[7]. Vu ainsi, le son était un lieu symbolique de lutte entre clergé et gouverneur du roi Louis XIV. C’est dans ce bruit que la criée annonçait à la populace des ventes particulières. Le rituel du ban permettait quant à lui de rassembler le corps de milice et de lui transmettre les ordres du commandement concernant les déplacements et combats, les pourparlers ou cérémonies. Le journal La Gazette de Québec porte en 1767 une première trace de la présence locale d’une section de la franc-maçonnerie anglaise. Parmi les activités annoncées, des chansons, hymnes et odes, assemblées de danse, concerts publics et pièces de théâtre.

La fin de la guerre de Sept Ans ne signifie pas l’arrêt complet des hostilités. La menace d’une invasion américaine est bien réelle. Le musicien militaire Frédérick Glackemeyer (1759-1836) est arrivé à Trois-Rivières en 1777 avec un régiment de mercenaires. De 1784 à 1819, il se fait pianiste, marchand de partitions et devient l’un des premiers professeurs de musique installés à Québec. Ses compositions manuscrites incluent quelques marches d’inspiration militaire comme la General Craig’s March et la Marche Châteauguay (perdue), mais aussi des arrangements de chants de folklore pour piano tels qu’En roulant ma boule et Mon père a fait faire un étang.

Jean-Chrysostome Brauneis, père (1785-1832) s’établit en 1813 à Québec en qualité de musicien au sein du 70e Régiment de fantassins. Ses fonctions lui laissent le temps d’enseigner la musique et d’œuvrer dans le commerce d’instruments. En 1831, il devient directeur du Régiment d’artillerie de Québec. Jean-Chrysostome Brauneis, fils (1814-1871), également musicien, sera l’auteur d’une Marche de la Saint-Jean-Baptiste (1846) et d’une Montreal Bazaar Polka (v. 1848).

Théodore Frédéric Molt (1795-1856) s’installe à Québec de 1822 jusqu’à 1833, puis de 1840 à 1849. Professeur de musique au Séminaire de Québec, il enseigne le piano, l’orgue, la basse chiffrée et le chant, en plus de rédiger des livres de pédagogie du piano, du chant et de théorie musicale. En 1826, Molt effectue un grand voyage en Europe afin de rencontrer en personne le compositeur Ludwig van Beethoven. Lorsqu’il écrit au maître germanique, il lui fait savoir qu’il est professeur de musique à Québec en Amérique du Nord et qu’il lui a fallu 3000 heures de voyage pour arriver en Autriche. Molt demande humblement à Beethoven de composer quelque chose pour conserver le souvenir de ce très long périple. Qu’on se le dise, le mythique créateur ne demeure pas sourd à telle demande ! Sa réponse prend la forme du canon Freu dich des Lebens – en français, Réjouis-toi de la vie –, daté du 16 décembre 1825. Il s’agit là du seul et unique contact que Beethoven a établi de son vivant avec l’Amérique du Nord… et c’est à la ville de Québec qu’il est destiné. En fait de composition, Molt lègue lui-même quelques marches, valses et chansons, en plus du manuscrit d’une messe. Les plus connues sont l’air Sol canadien et la Post Horn Waltz.

À la fin du XIXe siècle, les chefs québécois de fanfares militaires sont avant tout des compositeurs de musique pour ensemble à vents. Leur approche de l’orchestration rappelle les valses viennoises des Johann Strauss, père et fils, les traditions d’harmonies militaires britanniques d’un Percy Grainger, le style français de certaines œuvres pour ensemble à vents de Berlioz et Gounod et la pratique américaine de John Philip Sousa. On peut en nommer quelques-uns :

Adam Schott (1794-1864), directeur fondateur de la Société Sainte-Cécile (1833-1836), chef de musique des Grenadier Guards (1844-1856) ;

Charles Sauvageau (1807-1849), chef du Quadrille Band (1833) et directeur de la Musique canadienne pour les premières fêtes officielles de la Saint-Jean Baptiste (1842) ;

Ernest Lavigne (1851-1909), chef de la Bande de la cité à l’ouverture du parc Sohmer de Montréal (1889) ;

Edmond Hardy (1854-1943), directeur de l’Harmonie de Montréal (1874-1934) ;

Louis-Philippe Laurendeau (1861-1916), chef de musique à l’École militaire Saint-Jean, compositeur d’environ 200 œuvres pour harmonie ;

Joseph Vézina (1849-1924), directeur musical de la Société Sainte-Cécile (1884-1924), de la Fanfare des Voltigeurs de Québec (1869-1879) et chef fondateur de l’Orchestre symphonique de Québec (1902-1924) ;

Jean-Josaphat Gagnier (1885-1949), chef des Grenadier Guards (1913-1947), dernier directeur de l’Harmonie du parc Sohmer (1917-1919) ;

Charles O’Neill (1882-1964), directeur du Royal 22e Régiment à Québec (1922-1937) et de la Petite Symphonie de Radio-Canada.

Opéra, opérette et musique de salon

L’histoire de l’opéra au Québec pourrait bien commencer par la représentation à Port-Royal en Acadie du Théâtre de Neptune (1606) de Marc Lescarbot, une œuvre donnée en hommage au Baron de Poutrincourt. Cette création est parfaitement contemporaine de l’Orfeo (1607) de Claudio Monteverdi, le premier « vrai » opéra en histoire de la musique classique occidentale. En Nouvelle-France, il est fait allusion à l’Ordre de bon temps de Samuel de Champlain de même qu’à des représentations de pièces de Molière. Par exemple, à l’intention du gouverneur Frontenac, on donne en 1694 le Tartuffe avec violons et danseurs, au grand déplaisir de Mgr de Saint-Vallier.

Le premier « vrai » opéra de l’histoire du Québec est Colas et Colinette, ou Le Bailli dupé, du compositeur Joseph Quesnel (1746-1809). L’ouvrage lyrique est créé en 1790 au Théâtre de société de Montréal, une institution mise sur pied en collaboration avec le peintre et maître à danser Louis Dulongpré. La partition de Quesnel est composée seulement un an avant La Flûte enchantée, l’ultime opéra de Wolfgang Amadeus Mozart. Joseph Quesnel laisse un autre opéra inachevé, qui a pour titre Lucas et Cécile. En 1846, avec la Société des amateurs canadiens, Napoléon Aubin présente l’opéra-comique Le Devin du village du philosophe Jean-Jacques Rousseau, une œuvre dont s’était justement inspiré Quesnel.

À compter de 1840, des compagnies d’opéra étrangères visitent de plus en plus fréquemment les villes de Montréal et Québec. Ce qui se passe dans ces zones urbaines n’est ni plus, ni moins que ce que l’on observe ailleurs en Amérique du Nord. On y entend de l’opérette, du burlesque, du vaudeville, des comic operas et, dans une moindre mesure, du grand opéra européen. Les troupes itinérantes s’arrêtent au Québec une fois par saison, mais pour une durée d’une semaine à dix jours, le temps de présenter cinq à dix opéras différents ! Localement, maintes petites compagnies vont tenter de lancer une production lyrique régulière, mais l’ambition des initiateurs de ces projets sera longtemps plus grande que les moyens financiers disponibles. L’effort le plus notable au tournant du XXe siècle revient à L’Opéra français de Montréal (1893-1896). Il faut ensuite attendre la fondation de la Société canadienne d’opérette (1921-1934) d’Honoré Vaillancourt et Albert Roberval, suivie des Variétés lyriques (1936-1955) de Lionel Daunais et Charles Goulet ainsi que de l’Opera Guild of Montreal (1941-1969) de Pauline Donalda. De nos jours, ce sont l’Opéra de Montréal (1980) et l’Opéra de Québec (1984) qui assurent les meilleures productions d’opéra au Québec.

On connaît encore mal le monde de la musique de salon au Québec depuis la Belle Époque, mais il vaut la peine d’en esquisser un tant soit peu les contours. Il est d’abord bien établi que la chansonnette de France est accessible dans les magasins de musique du dominion. Une quantité considérable de feuilles de musique légère pour voix et piano paraît aussi dans les revues montréalaises Le Passe-temps (1895-1945) et La Lyre (1922-1931). D’autres mélodies, valses et chansons sont publiées dans des recueils chansonniers d’Ernest Lavigne comme Le Succès du salon (1866) et L’Album du chanteur (1891). Cette musique se compare tout à fait aux airs lyriques populaires des Massenet, Saint-Saëns et Gounod de France. À cette époque, le piano est devenu un instrument de musique commun dans les salons de familles bourgeoises canadiennes. Toutes les jeunes filles en apprennent les rudiments durant quelques années. On sait à ce sujet que la région de Montréal possède elle-même les fabriques de pianos des marques Pratte, Willis et Lesage. Dans les années 1920, la Baronne d’Halewyn, Anne-Marie Dard de son vrai nom, tenait un salon dont le détail des réunions nous échappe.

De l’Eldorado (1899-1901) jusqu’au cabaret Au matou botté (1929-1931), on commence à peine à redécouvrir la vie musicale des cafés-concerts de type montmartrois ouverts dans la métropole. Les passages chez nous du chansonnier breton Théodore Botrel (1868-1925) et de la diseuse Yvette Guilbert (1865-1944) ne passent pas inaperçus auprès d’une partie des intellectuels canadiens-français. D’Achille Fortier (1864-1939) à Lionel Daunais, Emma Bourgeois-Lacerte (1870-1935) et Joséphine Doherty-Coderre (1875-1954), la composition de mélodies françaises est un genre cultivé. Avec l’émergence du cinéma muet, la pratique du piano d’accompagnement entraîne le développement d’un ragtime à la québécoise avec Jean-Baptiste Lafrenière (1874-1912) et d’un novelty rag avec Willie Eckstein (1888-1963), le pianiste virtuose du théâtre Strand. Il est vrai que les grandes carrières lyriques se bâtissent surtout aux États-Unis et en Europe. La suite de l’histoire annonce d’ailleurs un rayonnement international accru des artisans québécois du monde de l’opéra.

Le chef d’orchestre Wilfrid Pelletier (1896-1982) fait ses débuts vers 1910 comme pianiste répétiteur et chef de chœur de l’éphémère Compagnie d’opéra de Montréal. Fort de ses études musicales avec Alexis Contant et Alfred Laliberté, il se mérite le Prix d’Europe de 1915. Il séjourne en France pendant la guerre, rencontre le chef Pierre Monteux – celui lui qui dirigeait l’orchestre lors du grand scandale auquel donne lieu la première exécution du Sacre du printemps de Stravinski, en 1913 – et noue ainsi contact avec le milieu lyrique nord-américain. Wilfrid Pelletier devient vers 1920 le répétiteur du répertoire français et italien au renommé Metropolitan Opera (MET) de New York. De 1929 à 1950, il est chef régulier de l’institution américaine, aux côtés du légendaire Arturo Toscanini. En 1934, Wilfrid Pelletier devient chef du tout nouvel Orchestre symphonique de Montréal. De 1951 à 1966, il dirige l’Orchestre symphonique de Québec. Wilfrid Pelletier est par ailleurs le fier créateur de Matinées symphoniques pour la jeunesse, un lieu de découverte de la musique classique depuis 1935. Aujourd’hui, c’est Robert Lepage qui vient de compléter la mise en scène de la Tétralogie de Wagner pour le MET de New York.

La cantatrice Emma Albani (1847-1930) est la première chanteuse lyrique du Québec à acquérir une véritable réputation internationale. Vers 1860, elle étudie le chant entre Paris et Milan. Sa carrière commence vraiment en 1869 dans les théâtres de province d’Italie. En 1872, elle se produit au prestigieux Covent Garden, un théâtre de Londres. Emma Albani sera une amie et confidente de la reine Victoria, fervente d’opéra. Après avoir chanté en Europe, en Russie et aux États-Unis, elle reçoit un accueil triomphal à Montréal en 1883. Avec du recul, il n’est nullement étonnant que « L’Albani » ait suscité l’admiration de membres de l’École littéraire de Montréal, au temps de Nelligan.

La soprano Éva Gauthier (1885-1958) est une autre artiste québécoise au parcours hors du commun. Après ses premières études, elle bénéficie en 1902 l’appui de Wilfrid Laurier pour aller parfaire sa formation musicale en Europe. En 1905, elle rencontre Emma Albani à Londres. De là, une carrière européenne de chant lyrique est lancée. Avant la guerre, Éva Gauthier aura visité Java, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Elle fait bientôt ses débuts à New York avec l’intention de défendre la musique moderne des Ravel, Schœnberg et Stravinski. L’un de ses récitals, en novembre 1923, est littéralement passé à l’histoire. Alors qu’elle interprète quelques airs de Gershwin, le chef d’orchestre symphonique de danse Paul Whiteman se montre fort impressionné. On raconte que c’est à ce moment qu’il commande à Gershwin une œuvre nouvelle : la célèbre Rhapsody in Blue.

Le ténor Raoul Jobin (1906-1974) connaît aussi une carrière lyrique remarquable. Après des études à Québec, il part pour Paris en 1930. Il fait ses débuts au Théâtre des Champs-Élysées. Pour des raisons familiales et des occasions professionnelles, il effectue durant cette décennie quelques allers-retours entre la France et le Québec. En 1940, à l’invitation de Wilfrid Pelletier, il réussit brillamment son audition pour le MET. À la fin des années 1950, il accepte d’enseigner aux conservatoires de Montréal et de Québec. Raoul Jobin demeure l’un des plus grands ténors d’expression française de sa génération.

La liste des grandes voix lyriques québécoises du début du XXe siècle pourrait encore s’allonger :

François-Xavier Mercier (1867-1932) ;

Joseph Saucier (1869-1941) ;

Jeanne Maubourg (1875-1953) ;

Rodolphe Plamondon (1876-1940) ;

Béatrice La Palme (1878-1921) ;

Pauline Donalda (1882-1970) ;

Honoré Vaillancourt (1892-1933) ;

Cédia Brault (1894-1972) ;

Sarah Fischer (1896-1975) ;

Camille Bernard (1898-1984) ;

Lionel Daunais (1902-1982) ;

Anna Malenfant (1905-1988) ;

Jules Jacob (1906-1969) ;

Paul-Émile Corbeil (1908-1965).

De la génération active après la Deuxième Guerre mondiale, citons au moins :

Léopold Simoneau (1918-2006) ;

Pierrette Alarie (1921-2011) ;

Yoland Guérard (1923-1987) ;

André Turp (1925-1991) ;

Louis Quilico (1925-2000) ;

Richard Verreau (1926-2005) ;

Robert Savoie (1927-2007) ;

Maureen Forrester (1930-2010) ;

Joseph Rouleau (né en 1929) ;

Colette Boky (née en 1935) ;

Bruno Laplante (né en 1938) ;

Claude Corbeil (né en 1940).

Parmi les talents d’aujourd’hui s’illustrent notamment Richard Duguay, Karina Gauvin, Daniel Taylor, Suzie LeBlanc, Hélène Guilmette, Marie-Nicole Lemieux et Marc Hervieux.

À défaut de présenter une liste exhaustive d’opéras et opérettes composés par des Québécois, je voudrais à tout le moins offrir une sélection d’œuvres :

Joseph Quesnel, Colas et Colinette (1790), Lucas et Cécile (1809) ;

Calixa Lavallée, Loulou (1872), La Veuve/The Widow (1881) ;

Célestin Lavigueur, La Fiancée des bois (1871), Un mariage improvisé (1882) ;

Joseph Vézina, Le Lauréat (1906), Le Rajah (1910), Le Fétiche (1912) ;

Henri Miro, Le Roman de Suzon (v. 1914), Lolita (1944) ;

Oscar O’Brien, Forestiers et voyageurs (1928) ;

Ulric Voyer, L’Intendant Bigot (1929) ;

Omer Létourneau, Mam’zelle Bébé (1933) ;

Maurice Blackburn, Une mesure de silence (1954-1955) ;

Harry Somers, Louis Riel (1967) ;

Claude Vivier, Kopernikus (1980) ;

Marc Gagné, Menaud (1986), Évangéline et Gabriel (1987-1990) ;

André Gagnon et Michel Tremblay, Nelligan (1990)

Musique imprimée, disque, critique et presse

De l’édition du Graduel romain (1800) par John Neilson et de la feuille de musique « Le Dépit amoureux » (v. 1840) de Napoléon Aubin jusqu’aux Chansons populaires du Canada (1865) d’Ernest Gagnon et autres recueils chansonniers, le milieu de l’édition de la musique classique au Québec se développe lentement. À Montréal, ce sont John Lovell (1810-1893), Adélard-Joseph Boucher (1835-1912) et Joseph-Georges Yon (1857-1945) qui s’occupent de mettre la plupart des partitions européennes à la disposition des musiciens. Il faut dire que l’arrivée en 1855 du navire français La Capricieuse facilite l’importation de livres et feuilles de musique en provenance de l’Hexagone. Au plan local, quelques œuvres de Jean-Chrysostome Brauneis fils, Calixa Lavallée et Alexis Contant trouvent le chemin des presses. La situation est un peu meilleure avec l’arrivée en 1896 du magasin Archambault Musique, un commerce qui tient à la fois lieu de comptoir de musique imprimée et de vendeur de pianos. Archambault reprend bientôt les Éditions de la Schola cantorum, publie des pages de Claude Champagne, Léo-Pol Morin, Albertine Morin-Labrecque et Lionel Daunais. À Québec, ce sont les éditeurs J & O Crémazie, Robert Morgan, Gauvin & Courchesne et la Procure générale de musique d’Omer Létourneau qui alimentent les instrumentistes. Les œuvres québécoises publiées sont celles d’Antoine Dessane, Charles Wugk Sabatier et Joseph Vézina.

De 1983 à 1999, la Société pour le patrimoine musical canadien a entrepris l’édition de 25 volumes d’œuvres classiques canadiennes composées avant 1950. Depuis 2004, les Éditions du Nouveau Théâtre musical ont à leur tour entamé la publication d’un grand corpus d’œuvres classiques québécoises méconnues des XIXe et XXe siècles, à commencer par celles de Calixa Lavallée, Lionel Daunais et André Mathieu. La distribution de ces partitions est assurée par les Productions d’Oz, le prolifique éditeur de guitare classique établi à Saint-Romuald, sur la rive sud de Québec.

Le brevet canadien d’invention du phonographe à disque plat d’Emile Berliner (1897) est suivi de peu par l’ouverture à Montréal de la Berliner Gramophone Company, une première usine de pressage de disques au pays (1899). La trace de cette époque existe encore sous les traits du Musée des ondes Emile-Berliner, dans le quartier Saint-Henri. En 1918, Herbert Samuel Berliner, le fils d’Emile, fonde Compo, une compagnie de disques dont l’étiquette Starr aura pour vedette Madame Bolduc. Aujourd’hui, les principales étiquettes de disques classiques du Québec sont Analekta (1988) et Atma classique (1995). À cela s’ajoutent les disques pressés par la Société Radio-Canada – collection Musique et musiciens du Canada – et l’étiquette SNE.

Il existe au Québec des traces de critique musicale au moins depuis la fondation de La Gazette de Québec en 1764. Pendant plus d’un siècle, toutefois, le regard porté sur la musique tient davantage du compte-rendu que de la critique sérieuse. Le compositeur Guillaume Couture (1851-1915), qui prend plume à La Minerve, est peut-être le premier à s’adonner professionnellement à l’art critique. Il est suivi de Gustave Comte (1874-1932), qui écrit pour la revue Le Passe-temps ; de Frédéric Pelletier (1870-1944) qui commente la vie musicale pour Le Devoir ; et de Léo-Pol Morin (1892-1941), qui écrit pour La Patrie et La Presse. À Québec, les critiques musicaux les plus respectés sont les compositeurs Omer Létourneau (1891-1983) et Léo Roy (1887-1974). Du côté anglophone, nos critiques sont Thomas Archer (1899-1971) pour The Gazette et Hugh P. Bell (1872-1961) pour The Montreal Daily Star. Après la Deuxième Guerre mondiale, Claude Gingras (né en 1931) est le critique de musique classique pour La Presse. Jean Vallerand (1915-1994) et Gilles Potvin (1923-2000) œuvrent au journal Le Devoir, Marc Samson (1929-2008) écrit pour Le Soleil et Eric McLean (1919-2002), pour le Montreal Daily Star. Quelques revues comme Aria (1979-1991), Sonances (1981-1992) et La Scena musicale (depuis 1991) portent un discours critique en musique classique. Du côté des publications savantes, il faut compter la Revue de musique des universités canadiennes /Intersections (depuis 1981), Les Cahiers de l’ARMuQ/Les Cahiers de la SQRM (depuis 1983, maintenant en ligne sqrm.qc.ca), L’Encyclopédie de la musique au Canada, (d’abord publiée chez Fides en 1983, puis mis en ligne dans le site thecanadianencyclopedia.com[8]) et Circuits (depuis 1991).

Musique de concert : compositeurs, institutions, interprètes
Compositeurs du Québec

L’idée d’une représentation de concert n’a pas en Nouvelle-France le sens que l’on peut aujourd’hui lui attribuer. Il existe néanmoins une pratique de la musique instrumentale en société et dans les institutions religieuses, hors des rituels propres au culte. Les inventaires après décès d’habitants de la colonie portent la trace de violons et violes, flûtes, luths et guitares, clavecins, épinettes[9] et petits orgues. Les œuvres jouées proviennent du répertoire baroque français, celui de compositeurs comme Rameau, Lully, Couperin et Marin Marais. Après la Conquête britannique, la pratique du concert public s’organise par souscription annoncée dans les journaux. Le répertoire reflète davantage le goût de Londres que celui de Paris. Les œuvres fréquentes incluent Bach, Corelli, Handel, Haydn, Mozart et Pleyel.

Jusqu’à l’entre-deux-guerres, la composition musicale n’est pas encore un métier vraiment professionnalisé au Québec. Depuis le début du XIXe siècle, les compositeurs laissent surtout des œuvres d’inspiration folklorique ou profane – chansons, marches, quadrilles, valses, polkas et galops –, des créations religieuses – messes, cantates, oratorios et motets –, du répertoire vocal – mélodies et romances, opéras et opérettes –, des œuvres instrumentales à forme classique – fugues, suites, sonates, concertos, thème et variations, ouvertures et poèmes symphoniques – et vers le début du XXe siècle, certaines pièces d’essence populaire – ragtimes, two-steps et fox-trots.

À défaut de poursuivre une véritable carrière de compositeur chez les siens, le jeune Calixa Lavallée (1842-1891) va beaucoup voyager aux États-Unis et même en Amérique du Sud. Il prend part à la Guerre de Sécession avant de se fixer à Boston, puis à New York. De 1873 à 1875, il effectue un séjour de formation musicale à Paris. À son retour au pays, il occupe d’importantes fonctions d’enseignement à l’Académie de musique de Québec. Lorsqu’il meurt, il est enterré aux États-Unis dans l’indifférence totale, et ce, pendant plus de quarante ans. C’est son biographe Eugène Lapierre qui, en 1933, organise le rapatriement à Montréal des restes de sa dépouille. Calixa Lavallée laisse les opéras Loulou et La Veuve/The Widow, des mélodies et chansons patriotiques dont L’Absence, Restons français et Andalouse, l’ouverture orchestrale Patrie ainsi que de nombreuses pages pour piano : Le Papillon, Valse de salon no 1, l’Ellinger « Polka de salon », la Grande valse de concert, Shake Again Galop et L’Oiseau-mouche. Par moments, son style rappelle volontiers celui de Chopin.

Le chef d’orchestre Joseph Vézina (1849-1924) est membre fondateur de l’Orchestre symphonique de Québec (1902-1924), le plus ancien orchestre professionnel du pays à être encore aujourd’hui actif. En musique instrumentale, il a composé plusieurs marches, valses, polkas et galops pour orchestre. Parmi ses œuvres les plus remarquables, il faut citer la valse La Brise, Souffle parfumé, Souvenirs du Nord-Ouest, la Suite caractéristique et la Mosaïque sur des airs populaires canadiens, écrite à partir de chants de folklore.

Le compositeur Guillaume Couture (1851-1915) effectue en 1873 des études à Paris auprès de Théodore Dubois et Romain Bussine. Il œuvre à son retour en qualité d’enseignant et de critique à La Minerve et à La Patrie. Il est par ailleurs chef de la Société philharmonique de Montréal, un ancêtre éphémère de l’actuel Orchestre symphonique de Montréal. Ses compositions incluent de la musique religieuse dont l’oratorio Jean le Précurseur – sur la vie de Jean le Baptiste –, la cantate Atala et une Messe de requiem. Il laisse en outre une Rêverie pour orchestre. À noter, Guillaume Couture et Calixa Lavallée figurent tous les deux sur la fresque de Frédéric Back, à la station de métro Place-des-Arts, à Montréal.

Alexis Contant (1858-1918) est pianiste, organiste à l’église Saint-Jean-Baptiste de Montréal et enseignant au Collège du Mont Saint-Louis. Contrairement aux autres compositeurs québécois de sa génération, il a reçu toute sa formation musicale au pays. Ses œuvres phares sont l’oratorio Caïn, des messes, la cantate Le Canada, un Trio pour violon, violoncelle et piano, La Charmeuse pour violon et piano, La Lyre enchantée et La Valse Yvonne pour piano solo, en plus des chansons patriotiques Vive Laurier, Nous sommes enfants de la France, d’une Méditation et d’une Romance.

Dix ans après Guillaume Couture, vers le milieu des années 1880, Achille Fortier (1864-1939) s’embarque pour Paris et fait aussi des études musicales auprès de Théodore Dubois et Romain Bussine. De retour au Québec, il participe à la mise sur pied d’un conservatoire de la Société artistique canadienne, en activité seulement pendant quelques années vers le tournant du XXe siècle, faute de fonds suffisants. Achille Fortier devient ensuite traducteur du journal des débats à la Chambre des communes. On se souvient particulièrement de ses mélodies lyriques, dont Philosophie, Mon bouquet, Ici-bas, Marguerites et Orgueil. On compare parfois le style celles-ci à la musique de Fauré. Achille Fortier est aussi l’auteur d’une Messe de Sainte-Cécile, d’une méditation, de motets et de chants de folklore harmonisés.

Les compositeurs québécois du début du XXe siècle comptent un Alfred Laliberté (1882-1952), à ne pas confondre avec le sculpteur du même nom. Ce musicien est le seul Canadien français du temps à séjourner en Allemagne pour parfaire son savoir musical. Alfred Laliberté noue un contact avec le pianiste compositeur russe Alexandre Scriabine. Son corpus comprend l’opéra Sœur Béatrice, un cycle de 15 mélodies lyriques, le chant patriotique Le Canada, sur des paroles d’Octave Crémazie, et des chants de folklore harmonisés.

Claude Champagne (1891-1965) ira en France dans les années 1920. Il y rencontre Charles Koechlin, Paul Dukas et Vincent d’Indy. À son retour, il est l’un des instigateurs du Conservatoire de musique du Québec (1942), une institution qui existe encore aujourd’hui. Il compose une Suite canadienne, le poème symphonique Hercule et Omphale, une Danse villageoise pour violon et piano, une Symphonie gaspésienne, Habanera, Quadrilha brasileira pour piano et des chants de folklore harmonisés. On a donné son nom à la salle de concert de la Faculté de musique de l’Université de Montréal.

Léo-Pol Morin est sacré Prix d’Europe 1912. L’honneur lui permet d’aller étudier en France avec Isidore Philipp et Ricardo Viñes. Il est l’un des rares Québécois qui assistent en direct au scandale de la création du Sacre du printemps, en 1913. À son retour à Montréal, il fraye avec les jeunes intellectuels fondateurs de la revue culturelle Le Nigog (1918). Il retourne en France de 1919 à 1925. Pianiste de concert, il joue la musique de Debussy, Ravel, Bartók et Scriabine. Ses critiques parues dans plusieurs journaux sont recueillies dans le livre Papiers de musique (1930). Sous le pseudonyme de James Calihou, il compose une Suite canadienne, Three eskimos, des Chants de sacrifice sur des airs indiens et inuit, en plus de chants de folklore harmonisés.

Lionel Daunais fait ses études à Montréal. Il apprend le chant avec Céline Marier et l’harmonie avec Oscar O’Brien. Alors qu’il reçoit le Prix d’Europe 1926, il effectue ses débuts à l’opéra sur la scène du théâtre Orpheum. En 1930, il participe au Troisième Festival des métiers du terroir du Canadien Pacifique, au Château Frontenac de Québec. Parallèlement, il s’associe aux activités de la Société canadienne d’opérette. En 1932, il fonde le Trio lyrique avec Anna Malenfant et Ludovic Huot. En 1936, il lance avec Charles Goulet les Variétés lyriques. Lionel Daunais a composé des mélodies dont les Cinq poèmes d’Éloi de Grandmont, la Fantaisie dans tous les tons et les Sept épitaphes plaisantes. Il a composé nombre de chansons originales (paroles et musique), telles « Le Petit chien de laine », « La Tourtière », « Les Patates », « À Montréal » et « Aglaé ». En 1958, on retrouve Lionel Daunais, Félix Leclerc, Anna Malenfant et Dominique Michel et dans le documentaire Chantons maintenant de l’Office national du film (ONF).

André Mathieu (1929-1968) écrit ses premières compositions à l’âge de quatre ans. Sous la tutelle de son père Rodolphe, il donne un récital de sa musique à l’hôtel Ritz-Carlton dès l’année suivante. L’accueil enthousiaste qu’il reçoit suffit à la presse pour en faire un enfant prodige du piano, un « Mozart canadien ». Avec son père, André Mathieu va effectuer deux séjours de formation musicale à Paris. Il regagne Montréal en 1939, donne un premier concert à New York en 1940. De l’adolescence à l’âge adulte, il partage son temps entre la composition, les concerts et l’enseignement. Ne trouvant jamais vraiment la place de compositeur qu’il convoite dans le milieu musical, il organise une série de « pianothons » qui font du tort à sa réputation. Un problème sérieux d’alcoolisme fait aussi surface chez lui. L’homme aurait sans doute fait un excellent pianiste de concert, mais il meurt avant l’âge de 40 ans, dans l’oubli et l’indifférence généralisée. La musique d’André Mathieu sert aux cérémonies des Jeux olympiques de Montréal, en 1976. Ces dernières années, le pianiste Alain Lefèvre a contribué à une redécouverte d’œuvres d’André Mathieu, dont le Concerto pour piano no 3 « de Québec » (1947), le Concertino no 2, la Rhapsodie romantique, la Sonate pour violon et piano, le Prélude romantique, le Chant du Bloc populaire de même que plusieurs courtes pièces pour piano solo comme les Laurentiennes, les Bagatelles et les Préludes.

Quelques autres compositeurs québécois d’avant-guerre méritent au moins une mention :

Émiliano Renaud (1875-1932) ;

Amédée Tremblay (1976-1949) ;

Henri Miro (1879-1950) ;

Léo Roy (1887-1974) ;

Albertine Morin-Labrecque (v. 1890-1975) ;

Omer Létourneau (1891-1983) ;

Émile Larochelle (1891-1958) ;

Oscar O’Brien (1892-1958) ;

Georges-Émile Tanguay (1893-1964) ;

Hector Gratton (1900-1970) ;

Gabriel Cusson (1903-1972).

Et voilà qu’un immense vent de modernité souffle sur le Québec, alors qu’émerge une première génération de compositeurs de musique contemporaine. Rodolphe Mathieu (1890-1962), le père d’André, est un précurseur de la musique moderne au Québec. C’est aussi un pionnier du métier professionnalisé de compositeur en ce pays. Né dans le comté de Portneuf, près de Québec, il a été formé au chant par Céline Marier, à l’harmonie et à la composition par Alexis Contant. Il découvre assez tôt la musique de Scriabine grâce à Alfred Laliberté. Tout en fréquentant des artistes et écrivains de la métropole, il gagne son pain par ses fonctions d’organiste et de professeur en solfège, harmonie et contrepoint. Rodolphe Mathieu va lui-même enseigner à Wilfrid Pelletier, Claude Champagne, Arthur Laurendeau (ndlr : père d’André Laurendeau, directeur de L’Action nationale) et au chansonnier Raymond Lévesque. Il effectue un séjour à Paris entre 1920 et 1925, puis se consacre à la composition. De son catalogue, on retient particulièrement les Trois préludes pour piano, un Quintette pour piano et quatuor à cordes, une Sonate pour violon, le Sanctus et Benedictus pour voix d’hommes et orgue, des mélodies françaises et le chant patriotique Lève-toi, Canadien.

Pierre Mercure (1927-1966) fait ses études au Conservatoire de musique de Montréal dans les années 1940. Un peu comme Wagner en son temps, on le dit animé par une rare volonté de fusion entre musique, théâtre, danse, peinture et sculpture. Pierre Mercure est proche d’artistes modernes tels Paul-Émile Borduas, mais il garde une saine distance par rapport à l’idéal de Refus global. Il fait un séjour à Paris pour se perfectionner avec Nadia Boulanger et Luigi Dallapiccola, puis à Darmstadt, en Allemagne. En création, il se dit influencé par Stravinski, Milhaud et Honegger. Il travaille un temps comme réalisateur à Radio-Canada. En 1961, il organise la Semaine internationale de musique actuelle, événement précurseur de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ). Il meurt accidentellement en France. De ses œuvres, retenons Kaléïdoscope, Pantomime, Cantate pour une joie, Structures métalliques I et II et Tétrachromie.

Maurice Blackburn (1914-1988) fait ses études à l’Université Laval avec Henri Gagnon, Robert Talbot et Jean-Marie Beaudet, puis en cours privés à Montréal avec Claude Champagne. En 1938, il termine deuxième lors du concours de composition Lallemand. Il suit un séjour de perfectionnement au New England Conservatory de Boston. En 1941, il signe une première musique à l’Office national du film (ONF). Cette institution devient son refuge de création. Maurice Blackburn compose la musique de nombreux documentaires, devient collaborateur de Norman McLaren, signe la musique du film À tout prendre de Claude Jutra. De ses œuvres, j’attire l’attention sur la Fantaisie en mocassins, la musique du film Blinkity Blank de McLaren, les opéras Pirouette et Une mesure de silence, le ballet Rose Latulippe.

Serge Garant (1929-1986) fait ses études à Sherbrooke avec Sylvio Lacharité. Il se fixe à Montréal au tournant des années 1950 pour approfondir la composition avec Claude Champagne. Il fréquente la classe d’analyse musicale d’Olivier Messiaen à Paris et voue un culte à la musique d’Anton Webern. À son retour, il est parmi les compositeurs québécois l’un des plus ardents promoteurs de la voie d’avant-garde. En 1966, il sera l’artisan fondateur derrière la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ). Il devient par la suite professeur à l’Université de Montréal. Pour un échantillon de son style exigeant, écoutez Offrande II, Anerca, Rivages, Circuits I et Ouranos.

Claude Vivier (1948-1983) est l’un des élèves de Gilles Tremblay au Conservatoire de musique de Montréal. Boursier du Conseil des Arts du Canada, il entreprend un séjour en Europe, notamment en Hollande pour l’électroacoustique, en France pour la musique spectrale et en Allemagne pour côtoyer Karlheinz Stockhausen. En 1977, il trouve l’inspiration à Bali, en Indonésie. Le milieu de la musique contemporaine est sous le choc lorsque Claude Vivier est assassiné en 1983. De ses œuvres, on peut rappeler Pulau dewata pour ensemble de claviers, Siddhartha pour orchestre, Shiraz pour piano, l’opéra Kopernikus, Lonely Child pour soprano et orchestre, de même que Zipangu pour ensemble à cordes.

Gilles Tremblay (né en 1932) fait ses premières études au Conservatoire de musique de Montréal avec Jean-Papineau Couture, Edmond Trudel et Claude Champagne. Une rencontre avec Edgard Varèse est pour lui une révélation. De 1954 à 1961, il poursuit sa formation à Paris auprès d’Yvonne Loriod et d’Olivier Messiaen. Il côtoie Boulez, Stockhausen, Schaeffer, Marthenot, Boucourechliev et Xenakis. À son retour, il devient professeur au Conservatoire de musique de Montréal, collabore à la radio, réalise des œuvres de commande, s’associe durablement à la SMCQ. Sa musique, qui se veut exploratrice de sonorités, est parfois empreinte d’une dimension religieuse qui rappelle la démarche de Messiaen. Parmi ses œuvres, Champs II, Levées et les Vêpres de la vierge.

Le milieu de la musique contemporaine québécoise est méconnu, mais non moins dynamique. La SMCQ existe toujours. Le Nouvel ensemble moderne (NEM) de Lorraine Vaillancourt offre des saisons de concerts depuis 1989. Parmi les autres compositeurs et artisans qui ont laissé leur marque :

Maryvonne Kendergi (1915-2011), animatrice des Musialogues (1969-1980) ;

Jean Papineau-Couture (1916-2000) ;

Clermont Pépin (1926-2006) ;

François Morel (né en 1926) ;

Roger Matton (1929-2004) ;

André Prévost (1934-2001) ;

Micheline Coulombe Saint-Marcoux (1938-1985) ;

Jacques Hétu (1938-2010) ;

André Gagnon (né en 1939), compositeur du Petit concerto pour Carignan et orchestre ;

Marcelle Deschênes (née en 1939) ;

François Dompierre (né en 1943), orchestrateur de chansons de Félix Leclerc ;

José Evangelista (né en 1943) ;

John Rea (né en 1944) ;

Nil Parent (né en 1945) ;

Michel Longtin (né en 1946) ;

Walter Boudreau (né en 1947) ;

Michel Gonneville (né en 1950) ;

Denys Bouliane (né en 1955) ;

Jean Derome (né en 1955) ;

René Lussier (né en 1957).

Institutions de la musique classique au Québec

Il aura fallu plusieurs tentatives avant d’établir au Québec un orchestre symphonique permanent. Les premiers essais viennent de la Bande de la cité d’Ernest Lavigne au parc Sohmer (1889-1919), de l’orchestre dirigé par Guillaume Couture (1894-1896) et de celui de Joseph-Jean Goulet (1898-1919). Le plus vieil orchestre actif au Canada est l’Orchestre symphonique de Québec (depuis 1902), dirigé à l’origine par Joseph Vézina. La professionnalisation de cet orchestre en 1960 est l’œuvre conjointe des chefs Françoys Bernier et Wilfrid Pelletier. Le premier a laissé son nom à la salle de concert du Domaine Forget, dans Charlevoix. C’est aussi Françoys Bernier qui, en 1968, a l’idée originale de fonder le Festival d’été de Québec, dont la vocation d’origine était la musique classique.

L’Orchestre symphonique de Montréal (depuis 1934) naît de la volonté d’avoir dans la métropole une formation pour les Canadiens français et un espace au concert pour les œuvres du Québec. L’orchestre nouveau bénéficie de l’appui de maestro Wilfrid Pelletier, mais c’est Rosario Bourdon qui en dirige le premier concert, au programme duquel figure Le Papillon pour piano solo de Calixa Lavallée. Sous les règnes successifs de Charles Dutoit (1977-2002) et Kent Nagano (depuis 2006), l’OSM connaît le rayonnement international que l’on sait.

Les autres régions du Québec sont également bien pourvues en musique symphonique. Voici une liste des orchestres actifs, avec l’année de leur fondation :

  • Sherbrooke (1939), orchestre fondé par Sylvio Lacharité
  • Trois-Rivières (1978)
  • Saguenay (1978)
  • Orchestre métropolitain (1981), dirigé par le chef Yannick Nézet-Séguin depuis l’an 2000
  • Laval (1984)
  • Longueuil (1985)
  • Lévis (1985)
  • West Island (1985), orchestre des jeunes
  • Drummondville (1991)
  • Estuaire (1993)
  • Gatineau (2007)

La musique de chambre pour ensemble à cordes possède des racines centenaires au Québec. Le Septuor Haydn (1871-1902) est dirigé par le compositeur folkloriste Ernest Gagnon avant sa fusion à l’Orchestre symphonique de Québec. Le Quatuor Dubois (1910-1938), ensemble du violoncelliste Jean-Baptiste Dubois, a joué pendant plus de 25 ans un rôle clé pour faire connaître à Montréal les pages du répertoire pour quatuor à cordes. Plus près de nous, I Musici de Montréal (depuis 1983) est le legs de Yuli Turovsky, décédé au début de 2013. En 30 ans, l’ensemble d’une quinzaine de musiciens a fait de nombreux concerts internationaux. Dans la Vieille Capitale, les Violons du Roy (depuis 1984) de Bernard Labadie font un clin d’œil à l’orchestre à cordes du Versailles de Louis XIV. Spécialisée en musique de chambre baroque et classique, la quinzaine d’instrumentistes rayonne à l’étranger. Le Québec peut encore s’enorgueillir du prestige dont jouissent le Quatuor Arthur-Leblanc (depuis 1988), le Quatuor Alcan (depuis 1989) et le Quatuor Molinari (depuis 1997). L’ensemble La Pietà (1997) d’Angèle Dubeau est formé uniquement de femmes, par allusion à l’orchestre de filles orphelines de Vivaldi, dans le Venise du début du XVIIIe siècle. On compte aussi sur l’expertise du Studio de musique ancienne de Montréal (depuis 1974) et sur L’Ensemble Nouvelle-France de Louise Courville (depuis 1977). Au moment du 400e anniversaire de la ville de Québec, l’Ensemble Terra Nova du guitariste classique François Leclerc consacrait deux disques à la musique au temps de Samuel de Champlain.

Le Ladies’ Morning Musical Club, une institution québécoise active depuis 1891 (!), s’est donné pour mission de faire connaître la musique classique par des saisons de concerts sur invitation des meilleurs solistes internationaux. Cette association centenaire porte aujourd’hui le nom de Club musical de Québec. Dans un esprit semblable, le Festival de Lanaudière (depuis 1978), fondé par le Père Fernand Lindsay (1928-2009), organise un camp musical de formation aux jeunes et une saison estivale de concert. Cette scène est un tremplin pour les musiciens québécois. Le Festival international du Domaine Forget, dans Charlevoix, célébrait en 2013 ses 35 ans d’activités. Ce lieu offre une académie de musique et danse, des cours de maître et, bien entendu, une saison de concerts. En 2001, le chef Jean-Philippe Tremblay fonde l’Orchestre de la francophonie dans le but d’offrir un stage aux jeunes musiciens d’orchestre aspirant à une carrière professionnelle.

En 1942, on assiste à l’instauration des Conservatoires de musique du Québec, un réseau public de sept établissements en région, basé sur le modèle européen. Le chemin parcouru avant la mise sur pied de cette institution aura toutefois été long. Nous avions connu auparavant l’Académie de musique du Québec (depuis 1868), une école privée. Il y a ensuite eu le Conservatoire national de musique (1896) d’Alphonse Lavallée-Smith, installé dans la Maison Archambault, et affilié à l’Université de Montréal ; puis le McGill Conservatorium of Music (1904-1966) ; le Conservatoire d’Adine Fafard-Drolet, à Québec (1911-1939) ; et enfin, le Conservatoire national de musique (1922-1950).

Les musiciens classiques les plus talentueux se livrent annuellement une compétition lors du Prix d’Europe (depuis 1911). D’autres formes de concours prennent place aux Jeunesses musicales du Canada et avec les Prix Opus du Conseil québécois de la musique (CQM). Un Centre de musique canadienne (depuis 1973) a pignon sur rue à Montréal.

Interprètes au concert

La spécialisation du métier de compositeur au début du XXe siècle a inévitablement une contrepartie avec la professionnalisation des interprètes instrumentistes de musique de concert. Sans dresser un inventaire encyclopédique, j’aimerais insister sur quelques musiciens qui se sont distingués au piano, au violon, au violoncelle, au clavecin et à la guitare classique.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, les compositeurs Calixa Lavallée et Charles Wugk Sabatier sont reconnus comme des virtuoses du clavier. De la génération suivante se démarquent Alfred Laliberté, Émiliano Renaud, Auguste Descarries, Jean Dansereau, Arthur Letondal, Léo-Pol Morin et Berthe Roy. Il y aura ensuite le compositeur pianiste André Mathieu, Guy Bourassa, Anton Kuerti et les duettistes Victor Bouchard et Renée Morisset. Plus près de nous dans le temps, nos pianistes de grande réputation sont :

André Laplante (né en 1949) ;

Henri Brassard (né en 1950) ;

Angela Hewitt (née en 1958) ;

Louis Lortie (né en 1959) ;

Louise Bessette (née en 1959) ;

Stéphane Lemelin (né en 1960) ;

Marc-André Hamelin (né en 1961) ;

Alain Lefèvre (né en 1962)

À la fin du XIXe siècle, un certain nombre des meilleurs violonistes du Québec sont des Européens ayant implanté localement la didactique franco-belge. Les instrumentistes Jules Hone (1833-1913) et Frantz-Jehin Prume (1839-1899) sont, à ce titre, exemplaires. De la liste des violonistes classiques ayant marqué leur époque :

Joseph-Alexandre Gilbert (1867-1950), premier violon solo de l’OSQ ;

Louis Bailly (1882-1950) ;

Albert Chamberland (1886-1975), membre du Quatuor Dubois ;

Robert Talbot (1893-1954) ;

Arthur LeBlanc (1906-1985) ;

Gilbert Darisse (1909- v.1996) ;

Maurice Durieux (1907-1976) ;

Edwin Bélanger (1910-2005) ;

Alexander Brott, (1915-2005) ;

Calvin Sieb (1925-2007) ;

Chantal Masson (née en 1937), altiste ;

Chantal Juillet (née en 1960) ;

Angèle Dubeau (née en 1962).

Les violoncellistes solistes sont certes moins nombreux que les chanteurs lyriques, les pianistes et les violonistes. De la fin du XIXe siècle à nos jours, le Québec a néanmoins produit de grands musiciens. Le compositeur Antoine Dessane était pianiste et violoncelliste. Jean-Baptiste Dubois, un violoncelliste, est le fondateur du Quatuor Dubois. Il a joué un rôle clé dans l’organisation de la vie musicale en son temps que ce soit au parc Sohmer, à l’Opéra français de Montréal, dans le premier Orchestre symphonique de Guillaume Couture de même qu’avec plusieurs autres formations de chambre. S’il fallait retenir le nom d’autres violoncellistes, il faudrait citer :

Paul Letondal (1831-1894), musicien aveugle, professeur de Calixa Lavallée ;

Gustave Labelle (1878-1929) ;

Raoul Duquette (1879-1962) ;

Rosario Bourdon (1885-1961) ;

Jean Belland (1895-1965) ;

Gabriel Cusson (1903-1972), Prix d’Europe 1924 en violoncelle ;

Roland Leduc (1907-2001) ;

Pierre Morin (né en 1936) ;

Yuli Turovsky (1939-2013), fondateur d’I Musici de Montréal ;

Stéphane Tétreault (né en 1993).

Chez les artisans du clavecin au Québec, Kenneth Gilbert (né en 1931) a laissé une contribution musicologique remarquable par l’édition critique des pièces de Couperin, Scarlatti et Rameau. Il a aussi travaillé avec Élisabeth Gallat-Morin à l’édition critique du Livre d’orgue de Montréal, l’ouvrage apporté dans la colonie en 1724 par le sulpicien Jean Girard. D’autres interprètes du clavecin à signaler sont Réjean Poirier (né en 1950), Scott Ross (1951-1989), Geneviève Soly (née en 1957), Catherine Perrin d’I Musici et Richard Paré des Violons du Roy.

Le milieu de la guitare classique est peut-être plus marginal, mais non moins effervescent, surtout depuis le milieu du XXe siècle. Il faut rappeler ici que l’instrument a une longue histoire ancrée dans le répertoire pour luth renaissance, guitare baroque et autres instruments anciens à cordes pincées, en plus des pièces romantiques espagnoles, italiennes et françaises. À l’international, c’est Andrés Segovia qui donne à la guitare ses lettres de noblesse lorsqu’il reprend au concert en 1935 la Chaconne en ré mineur, extraite de la Partita no 2 de Bach. Au Québec, les premiers instrumentistes à adopter la guitare classique suivent des cours de maître d’Alexandre Lagoya et Ida Presti, Alirio Diaz et Emilio Pujol. C’est le cas de Stephen Fentok (né en 1930), de Martin Prével et Marie Lévesque (née en 1943). Le guitariste Paul Gerrits (1935-2010) est fondateur des éditions Doberman-Yppan, spécialisées en musique contemporaine. Paul-André Gagnon (né en 1947) est le premier titulaire de la classe de guitare classique au Conservatoire de musique de Québec. Peter McCutcheon (né en 1951), Jean Vallières (né en 1952) et Alvaro Pierri (né en 1953) enseignent à Montréal tandis que Jacques Chandonnet (né en 1947) Claude McKinnon (né en 1949) et Claude Gagnon (né en 1950) sont à Québec.

Les Productions d’Oz, une maison d’édition spécialisée en guitare classique, ont été fondées il y a maintenant plus de 25 ans par Sylvain Lemay (né en 1958). L’entreprise est aujourd’hui reconnue partout en Europe et aux États-Unis. C’est également elle qui distribue Les Éditions du Nouveau théâtre musical, responsable de la publication récente d’œuvres québécoises de Calixa Lavallée, André Mathieu, Lionel Daunais et bien d’autres. Le virtuose Rémi Boucher (né en 1964) a obtenu en l’espace de 18 mois le premier prix à l’unanimité des cinq plus importants concours internationaux de guitare classique. D’autres instrumentistes locaux comme François Leclerc, Guy Ross et David Jacques ont opté pour une spécialisation en luth, guitare baroque et musique ancienne.

En guise de coda

Au terme de ce portrait historique concentré, il apparaît légitime de se demander s’il peut exister une quelconque spécificité aux multiples pratiques de la musique classique au Québec. Aucune réponse trop absolue ne saurait être satisfaisante, mais j’aimerais au moins suggérer quelques lieux symboliques de réponses. Je voudrais pour cela m’appuyer sur la description nuancée de valeurs patrimoniales consensuelles au Québec[10], à savoir le fait français, un passé de tradition chrétienne et une forme partagée de conscience historique.

D’Ernest Gagnon et Antoine Dessane jusqu’à Roger Matton et André Gagnon, il saute aux yeux que des compositeurs du Québec ont cherché, comme en Espagne et en Russie, à donner une couleur nationale à la musique classique par l’intermédiaire du folklore. Tous sont loin de s’entendre sur la valeur patrimoniale de ce répertoire, mais il reste que des quadrilles, des danses sauvages, des chants patriotiques et des arrangements classiques pour voix et piano de chants de folklore ont été composés par nos prédécesseurs. De même, les œuvres et les ensembles instrumentaux marqués par la Nouvelle-France ou par les villes et les artistes d’ici donnent à la musique classique une certaine saveur locale. Ainsi des Violons du Roy, du Livre d’orgue de Montréal, du Concerto de Québec d’André Mathieu, de la Symphonie gaspésienne de Claude Champagne, par exemple.

Tout le rapport à la France apparaît ensuite dans l’histoire musicale comme un autre lieu symbolique d’intérêt. On a vu à quel point les compositeurs de jadis faisaient presque tous un séjour de formation à Paris. Alors qu’à peu près aucune institution n’existait au pays, Joseph Quesnel aura donné l’opéra français Colas et Colinette. Plus tard, Achille Fortier et Lionel Daunais privilégient la mélodie française et non le lied allemand. En chant lyrique, les Raoul Jobin, Anna Malenfant et Wilfrid Pelletier se sont distingués par leur maîtrise du répertoire vocal français des Gounod, Bizet, Massenet et Saint-Saëns. En violon, c’est la méthode franco-belge qui s’est imposée à Montréal au début du XXe siècle. Par ailleurs, on ne peut que s’étonner de la faveur accordée au répertoire de France dans la recherche menée par les universités québécoises depuis quelques décennies. Depuis les travaux musicologiques de Kenneth Gilbert et Jean-Pierre Pinson sur le baroque français jusqu’aux spécialistes de Fauré, Ravel et Debussy actuellement en poste à l’Université de Montréal, sans oublier les défenseurs de la musique contemporaine de Messiaen et Boulez, la musique de France est au Québec un secteur privilégié de la recherche musicologique.

Les œuvres d’inspiration chrétienne sont un autre lieu symbolique récurrent de ce passé musical classique du Québec. Du plain-chant de Nouvelle-France à l’orgue Casavant, l’église habite les pratiques musicales depuis les origines. Guillaume Couture a composé une Messe de requiem, Alexis Contant l’oratorio Caïn, Gilles Tremblay les Vêpres de la vierge. Même Gilles Vigneault cultive cette tradition liturgique dans sa Grand-messe.

L’histoire de la musique classique du Québec ne se compare pas au riche patrimoine musical d’Allemagne, de France ou d’Italie, mais elle soutient peut-être mieux la comparaison avec les États-Unis, l’Amérique du Sud, la Scandinavie et l’Europe de l’Est, surtout depuis le milieu du XXe siècle. Quoi qu’il en soit, ce répertoire mérite d’être nommé. Il pourrait potentiellement alimenter la création culturelle, que ce soit en littérature, au cinéma ou sur scène. Pour d’innombrables œuvres, il n’existe même pas encore d’enregistrement facilement accessible. Il est question ici de renouer avec une histoire musicale de longue durée, non limitée à la seule chanson depuis la Révolution tranquille. Reconnaître l’héritage musical européen enraciné au Québec ne pourra qu’aider à définir la voix d’un peuple dans le concert des nations.

Lectures complémentaires

Sélection d’essais, livres et thèses

Barrière, Mireille. 1990. « La Société canadienne-française et le théâtre lyrique à Montréal entre 1840 et 1913 ». Thèse de doctorat, Québec, Université Laval.

Bouchard, Gérard. 2012. L’Interculturalisme : un point de vue québécois. Montréal : Boréal.

Côté-Angers, Jean-Philippe. 2010. « Joseph Vézina et l’orchestre à vent : l’expression d’un nationalisme musical canadien ». Mémoire de maîtrise, Université Laval.

Coutu, Mario. 2008. « Chant liturgique dans le diocèse de Montréal entre 1903 et 1951 : construction et essor d’un réseau ». Thèse de doctorat, Université de Montréal.

Dubois, Paul-André. 1997. De l’oreille au cœur : naissance du chant religieux en langues amérindiennes dans les missions de Nouvelle-France, 1600-1650. Les Nouveaux cahiers du CELAT, 19. Sillery : Septentrion.

Dumont, Fernand. 1996. Genèse de la société québécoise. Montréal : Boréal.

Gallat-Morin, Élisabeth et Jean-Pierre Pinson. 2003. La Vie musicale en Nouvelle-France. Sillery : Septentrion.

Guay, Bertrand. 2002. Un siècle de symphonie à Québec : l’Orchestre symphonique de Québec, 1902-2002. Sillery : Septentrion.

Kallman, Helmut. 1960. A History of Music in Canada, 1534-1914. Toronto : University of Toronto Press.

Keillor, Elaine. 2008. Music in Canada : Capturing Landscape and Diversity. Montréal : McGill-Queen’s University Press.

Laforte, Conrad. 1993. Poétiques de la chanson traditionnelle française. Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval.

Lefebvre, Marie-Thérèse. 2004. Rodolphe Mathieu (1890-1962) : l’émergence du statut professionnel de compositeur au Québec. Coll. Cahiers des Amériques. Sillery : Septentrion.

Lefebvre, Marie-Thérèse et Jean-Pierre Pinson. 2009. Chronologie musicale du Québec, 1535-2004. Avec la collaboration de Mireille Barrière, Paul Cadrin, Élisabeth Gallat-Morin, Bertrand Guay et Micheline Vézina. Sillery : Septentrion.

Monière, Denis. 1977. Le Développement des idéologies au Québec, des origines à nos jours. Montréal : Québec Amérique.

Plante, Jean-François. 2010. « Les Musiciens militaires dans l’espace sonore, social et rituel de la Nouvelle-France ». Thèse de doctorat, Québec, Université Laval.

Poirier, Lucien et Juliette Bourassa-Trépanier, dir. 2003. Répertoire des données musicales de la presse québécoise. Tome I, vol. 2, 1800-1824 (3 documents). Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval.

_______. 1990. Répertoire des données musicales de la presse québécoise. Tome I, vol. 1, 1764-1799. Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval.

Tremblay, Jean-Philippe. 2006. « Par-delà la ténacité et l’abnégation : la presse musicale au Québec, 1890-1959 ». Mémoire de maîtrise, Montréal, UQÀM.

Vincent, Odette. 2000. La Vie musicale au Québec : art lyrique, musique classique et contemporaine. Sainte-Foy : Presses de l’Université Laval / Éditions de l’IQRC.

Sites Web

Société québécoise de recherche en musique
sqrm.qc.ca

Voir onglet «Publications » > « Musiques du Québec »

Encyclopédie de la musique au Canada
thecanadianencyclopedia.com

Comme mentionné à la note 8, les articles de cette encyclopédie ont été intégrés dans la plate-forme d’Historica sans qu’on puisse maintenant les identifier comme tels.

 

 

 


 

[1] L’expression chant grégorien est certes mieux connue du grand public que celle de plain-chant. Pour les spécialistes, toutefois, le chant grégorien désigne un corpus bien localisé sous le pape Grégoire 1er, à Rome, au VIe siècle. Afin d’inclure tous les autres répertoires de la liturgie catholique du Moyen Âge (le chant ambroisien, le bénéventain, le gallican, le mozarabe, etc.), et surtout leurs réformations en France et en Nouvelle-France entre les XVIIe et XIXe siècles, on préfère parler de plain-chant.

[2] La polyphonie désigne le chant harmonisé à plusieurs voix en contrepoint (à l’horizontale). C’est la pratique de composition qui prévaut dans les siècles précédant l’établissement de l’harmonie tonale (à la verticale), soit jusqu’à la fin de la Renaissance. Même si la polyphonie vocale perd du terrain vis-à-vis de la nouvelle musique instrumentale, Jean-Sébastien Bach (1685-1750) demeure dans ses fugues un champion incontesté du contrepoint. Le faux-bourdon, que l’on oppose au contrepoint, est une technique de chant essentiellement mélodique. L’air quelque peu improvisé se délie sur l’intervalle maintenu de la basse chantée, que l’on appelle justement le bourdon. Autrement dit, on pourrait imaginer des chanteurs imitant les sons d’une cornemuse, mais avec ici un air de plain-chant liturgique comme dessus.

[3] Dans le répertoire de folklore, un air musical traditionnel devient un timbre lorsqu’il est chanté sur de nouvelles paroles originales. Cette pratique d’appropriation des chansons est extrêmement répandue dans la population au cours du XIXe siècle, avant l’invention de l’enregistrement sonore. La technique est commode pour les gens qui ne connaissent pas la théorie musicale et l’art de composer. Au Québec, des exemples célèbres de timbres sont les chansons « Un Canadien errant », sur l’air « Si tu te mets anguille », ou encore « Vive la Canadienne », sur l’air « Par derrière chez mon père ».

[4] La chanson en laisse est composée de couplets à deux lignes (une rime). À chaque nouveau couplet, on reprend la dernière ligne du précédent et on complète avec une ligne originale. Entre chaque couplet est généralement intercalé un refrain. Au Québec, un exemple populaire de chanson en laisse est « À la claire fontaine ».

[5] Le menuet est une danse baroque française à trois temps. Prisé à Versailles, on le retrouve chez Jean-Baptiste Lully, le musicien complice de Molière. Il figure également au troisième mouvement des symphonies classiques viennoises, celles de Mozart et d’Haydn, par exemple. La gavotte est une autre danse baroque française, mais à rythme de deux temps, avec levée d’une demi-mesure. On la retrouve chez Bach et Rameau. Les contredanses sont des danses de groupe pratiquées au XVIIIe siècle dans les cours britanniques et françaises. Elles requièrent plusieurs couples sur le plancher pour l’exécution de figures enchaînées. Un peu partout en Occident, les contredanses ont donné naissance au quadrille, au cotillon et au set carré.

[6] La gigue irlandaise et le reel écossais n’ont pas besoin d’une trop longue présentation. Il s’agit le plus communément de danses percussives de pieds à deux temps, exécutées au son du violon. Le hornpipe et le clog anglais présentent plusieurs similarités avec la gigue du Canada français. Répandus sur la côte est américaine, ils se caractériseraient toutefois par un rythme pointé et un break en fin de phrase. Le nom même de clog est le terme britannique pour désigner les souliers propres à la danse en question. Enfin, le mot rigodon circule pour discuter indifféremment toutes les danses traditionnelles du Québec, mais la danse européenne qui porte ce nom spécifique n’aurait jamais pénétré au pays.

[7] Le fifre est un instrument à vent dans la famille de la flûte traversière.

[8] Rachetée en 2006 par la Fondation Historica du Canada (aujourd’hui l’Institut Historica-Dominion), les articles de L’Encyclopédie de la musique au Canada sont maintenant intégrés dans la plate-forme thecanadianencyclopedia.ca sans indications particulières permettant de les identifier comme tels.

[9] L’épinette est un instrument à clavier, comme le piano et le clavecin.

[10] Voir Monière (1977), Dumont (1996) et Bouchard (2012).