La commémoration d’octobre 1970. Entre Pierre Laporte et Pierre Trudeau

Conférence d’ouverture au colloque « La violence politique » organisé par la SOPPOQ à l’occasion du 50e anniversaire de l’imposition des mesures de guerre.

Dans le souvenir de ceux qui l’ont vécue, dans la narration qu’en font les médias, la « crise d’Octobre » apparaît comme une affaire entre Canadiens français : d’un côté, les Lanctôt, et autres frères Rose. De l’autre, Lucien Saulnier, Jean Drapeau, Jérôme Choquette, Robert Bourassa. Même du côté d’Ottawa, ce sont des Canadiens français que l’on voit, ceux du French Power comme on disait à l’époque : Trudeau, bien entendu, mais aussi Marchand, Pelletier, Pépin, Lalonde. Même chose aussi dans les Forces armées à la tête desquelles Pearson avait pris soin, en juillet 1966, de placer le général Jean-Victor Allard, premier Canadien français à accéder à ce poste, comme il placera Léo Cadieux, en septembre 1967, à la tête du ministère de la Défense nationale, lui aussi premier Canadien français à occuper ce poste. Quelques vedettes aussi, Pierre Vallières, Michel Chartrand, Claude Ryan, René Lévesque, les avocats Robert Lemieux et Robert Demers, sans oublier Julien Giguère et ses compagnons de la police. Bref, des Canadiens français partout. Suprême ironie : pour un peu, on croirait que le Québec s’est séparé du Canada.

Sur cette scène, bien des choses se sont passées : deux enlèvements, un manifeste politique lu sur les ondes, des communiqués de presse semi-clandestins, le « Just Watch me » de Trudeau, des hélicoptères au-dessus de nos têtes, des soldats partout, à Montréal surtout, mais aussi sur les rives du Saint-Laurent et de la Saguenay, formant ainsi un front de 600 kilomètres de long.

Mais de tous les morceaux de ce casse-tête, la pièce principale, c’est la mort de Laporte. À la question : « Que savez-vous d’Octobre ? », on vous répondra – on vous répondait en tout cas jusqu’en 2010 – par une énumération de ces éléments, et presque toujours en commençant par Laporte. « Quand celui-ci est-il mort ? » « Comment est-il mort, qui l’a tué ? » « Que pensaient ceux qui l’ont tué ? » Au 40e, on devint plus empathique : « Qu’est devenue sa veuve ? Et ses enfants ? Comment sa famille a-t-elle vécu son premier Noël sans lui ? » « Et l’ami Bourassa, et son collègue Choquette, comment ont-ils vécu ça ? » Un exemple pris dans les médias : le magazine L’Actualité, dans son numéro du 15 octobre 2010, a barré sa page couverture du grand titre « FLQ. QUI A SACRIFIÉ PIERRE LAPORTE ? », accompagné d’une photo de Paul Rose. Autre exemple, pris au domaine de l’histoire populaire : le long chapitre que le Mémorial du Québec a consacré à la crise d’Octobre s’intitule tout uniment : « ON A TUÉ LAPORTE ». Les médias ne sont pas les seuls à s’être fixés sur Laporte. Lors du 30e anniversaire, les députés de l’Assemblée nationale ont voulu s’exprimer. C’était lors de leur séance du 17 octobre, date à laquelle Pierre Laporte fut assassiné. Ils adoptèrent tout naturellement à l’unanimité une motion qui soulignait le courage et le sacrifice de la victime. Mais sur tout le reste, les mesures de guerre, la suspension des libertés, le débordement policier, absolument rien ne fut dit1.

En occupant la place centrale dans la mémoire collective, le cadavre de Laporte laisse peu de place pour les autres éléments du drame, notamment tout ce qui se situe autour d’Ottawa et du « Just watch me! » Non seulement en parle-t-on moins, mais on en rend même la discussion douteuse, suspecte même : soulever cet aspect, c’était – c’est encore ? – avoir l’air de se ranger du côté des terroristes, de se montrer favorable à la violence. (Cette suspicion, très répandue au Québec, s’étendait aussi au Canada anglais, où elle venait alors questionner le patriotisme de certains propos.)

Et c’est nul doute pour cette raison – qui s’apparente à celle de la rectitude politique – qu’à chaque anniversaire, on nous servait la même recette, qui consiste à nous faire assister à une espèce de rodéo urbain autour de Cross et de Laporte, opposant le FLQ aux corps policiers, quand ce n’était pas les cellules du FLQ entre elles, sorte de « Bonnie and Clyde » de la politique canadienne, palpitant certes, un peu triste et même tragique à la fin, mais totalement impropre à nous éclairer sur la vraie nature de la « crise d’Octobre ». Commencer avec Laporte en tête, c’est risquer fort de finir avec lui, notre mémoire enfermée, bâillonnée avec lui dans le coffre arrière d’une voiture, là où elle est certaine de ne déranger personne et surtout pas le pouvoir politique. On ne s’étonnera pas que le Pouvoir lui en fut si reconnaissant qu’il donna son nom à un grand et magnifique pont, faisant ainsi de Pierre Laporte, de tous nos hommes politiques qui ont servi depuis 1760, celui qui aura eu droit au plus imposant de nos monuments de mémoire.

Cette censure de la mémoire, comment l’expliquer ?

Est-ce la honte, la culpabilité d’un crime de sang auquel nous aurions tous participé collectivement pour avoir trop souvent, trop bruyamment manifesté dans nos rues, trop fortement applaudi dans nos assemblées surchauffées du centre Paul-Sauvé, ou simplement trop ressenti d’émotions en entendant lire, un certain soir d’octobre, le fameux manifeste du FLQ ? Relisons ici le Quartier latin, qui fut proche de ces milieux d’étudiants-manifestants, et qui écrit aux lendemains des « événements » d’Octobre :

Tout le monde, au lendemain de la déclaration de la loi de guerre, se sentait coupable d’être ce qu’il était. Tous auraient voulu se sentir à mille milles d’ici. Pourtant, de quoi sommes-nous coupables ? D’être Québécois avant d’être fédéraliste ? De vouloir changer notre société ? Oui, de tout ça. Quiconque […] s’est déjà affirmé indépendantiste, est coupable.

Ce climat d’auto-répression et de culpabilité n’était pas nouveau ; nous nous sommes toujours sentis coupables de tout, coupables de ne pas être riches, coupables de ne pas être instruits, coupables de ne pas être bilingues, coupables d’être Québécois, simplement2 !

Est-ce l’humiliation de s’être fait rappeler brutalement que le Québec, malgré les beaux discours des Bourgault, Lévesque et de Gaulle, n’était toujours qu’une simple province du Canada et non un vrai État ? Qu’après avoir pensé que nous étions en train de devenir maîtres de notre destin, nous fûmes aussitôt ramenés à notre véritable condition par une énième démonstration de force, laquelle venait remuer dans nos mémoires toutes celles qui les avaient précédées, et qui avaient fait de nous un peuple assujetti à la supériorité du nombre et de la violence d’État d’un autre ? Toutes, c’est-à-dire bien entendu, celles de 1760, de 1837, et de 1885, mais aussi, il ne faudrait surtout pas les oublier, celles de 1917 et de 1942, c’est-à-dire celles des deux crises de la conscription, qu’un grand clerc de chez nous, brillant intellectuel de la politique, et futur grand acteur de la crise d’octobre, décrivait ainsi quelques années seulement avant les « événements d’Octobre » :

Le sentiment de supériorité des Canadiens de langue anglaise ne s’est jamais dédit et n’a jamais cessé de caractériser leur attitude vis-à-vis des Canadiens français. À Ottawa, et dans les autres provinces, ce nationalisme put porter le masque pieux de la démocratie. Car à mesure que les Canadiens de langue anglaise devenaient les plus nombreux, ils se mirent à voiler leur intolérance sous le couvert de la règle majoritaire : grâce à cette règle, ils purent […] imposer férocement la conscription en 1917, et manquer en 1942 à la parole donnée. […] Lors du plébiscite de 1942, l’État fut mis au service du nationalisme canadien-britannique et abusa de la faiblesse numérique des Canadiens français pour se délier de ses engagements envers ceux-ci3.

Est-ce la peur ? « Nous avons eu les reins cassés, il y a deux siècles, et ça paraît », disait en 1960 le frère Untel dans ses Insolences4. La peur qu’ayant provoqué l’ire du maître, on subirait cette fois encore les foudres de sa colère, le souvenir de toutes ces peurs passées venant renforcer celle d’aujourd’hui ? Peur, en somme, d’avoir été encore une fois vaincus par une force supérieure, toujours la même ?

La victoire de Trudeau

On fait fausse route si on reste « entre nous », claquemurés entre quelques dates du calendrier d’octobre 1970. Pour rouvrir notre mémoire collective et pour commencer à comprendre ce qu’a été la « crise d’Octobre », ouvrons nos fenêtres, l’une vers le haut, qui nous fera remonter dans notre propre histoire, l’autre vers l’ouest, qui nous fera prendre en compte nos voisins du Canada anglais.

L’ouverture vers le haut. Pour comprendre Octobre, n’hésitons pas à remonter l’histoire de nos conflits avec les Canado-Britanniques, comme les appelait Trudeau. Du reste, il s’est trouvé des Canadiens anglais pour le faire avant nous. Quelques exemples. Eric Kierans, ministre dans le cabinet Trudeau, raconte dans ses Mémoires que cette décision sur les mesures de guerre lui rappela instantanément la Seconde Guerre mondiale et le sort qui fut réservé alors à la population d’origine japonaise de Colombie-Britannique. Pour sa part, Lester Pearson, le prédécesseur immédiat de Trudeau, remonta plus haut, et pensa à la crise de la conscription de 1917 et à l’exécution de Louis Riel. Grattan O’Leary, journaliste et commentateur politique, qui fut nommé au Sénat, se rappela, lui, l’époque des patriotes de 1837.

Et là ne s’arrête pas cette remontée dans l’histoire que firent certains Canadiens anglais pour mieux comprendre ce qui se passait sous leurs yeux. Ainsi, Thomas Berger, avocat, député du NPD à Victoria, juge à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, et grand ami de la cause autochtone, est aussi l’auteur d’un important essai sur les droits et libertés dans l’histoire du Canada, Fragile Freedoms, dans lequel il se penche sur huit épisodes dramatiques où ces droits et libertés furent brimés. Et pour mieux nous aider à comprendre, il situe octobre 1970 dans une lignée de répressions qui s’ouvre par la déportation des Acadiens, passe par la répression des Métis et l’exécution de Louis Riel ainsi que la répression des écoles françaises en Ontario et dans l’Ouest, et qui se termine par Octobre 1970, non sans, au passage, rappeler la répression du communisme dans les années 1920 et 1930 ainsi que la répression des Témoins de Jéhovah et de leur mouvement dont on oublie parfois qu’ils ont été, eux aussi, frappés par les mesures de guerre en 1939-1945, et dont des centaines furent envoyés dans des camps d’internement5.

Une affaire de Canadiens français ? Mais non ! La réalité vraie, c’est qu’il y avait, juste à côté, le Canada anglais avec son opinion, son gouvernement, son État, son armée, son nationalisme. En le laissant de côté, on vient de le dire, on s’interdit de comprendre Octobre 1970.

Heureusement, un homme se présenta, tout disposé à nous faire comprendre. Il fut porté à la tête du Canada et il savait qu’il n’avait pas été placé là pour régler quelque problème de police criminelle, mais bien pour régler un problème de nature politique, la défense du territoire national du Canada. « On dit que j’ai été élu pour mettre le Québec à sa place. Et sa place, c’est dans le Canada », se vanterait Trudeau.

Confronté aux violences qu’il craignait tant depuis celles de l’automne 1968 à Chicago (voir infra) et qui éclateront à Montréal en octobre 1970, Trudeau choisira – et imposera à sa police fédérale ainsi qu’à ses ministres – la voie royale des mesures de guerre, pour ce que celles-ci allaient lui apporter de pouvoir, de prestige, et de clarté dans sa conception du Canada.

Cette loi, il la connaissait, pour l’avoir vu fonctionner pendant la guerre, et l’avoir dénoncée vertement en février 1948 dans la revue Notre Temps, et plus tard, pour l’avoir évoquée à divers moments de sa carrière d’intellectuel engagé et de professeur de droit. Mais quid ? À partir de quand, devenu premier ministre, commença-t-il à songer à s’en servir lui-même ? Suivons-le dans son itinéraire : on constatera qu’il y songea d’entrée de jeu, et on verra que ce ne fut pas par un simple coup de tête, mais suite à une longue réflexion qu’il asséna son coup de force.

Est-ce en octobre 1968, quand il fit remarquer à ses ministres qu’on ne saurait discuter d’une charte des droits et libertés sans d’abord s’interroger sur l’impact éventuel de pareille charte sur le droit du gouvernement à recourir à la Loi des mesures de guerre, remarque qu’il conclura en disant « qu’il n’y a pas d’autre option que de permettre la suspension de la charte, si nécessaire, en temps de guerre6 » ?

Est-ce en novembre 1968, quand il expliqua à des étudiants de Kingston qui l’interrogeaient sur sa politique militaire, que ce qui l’inquiétait maintenant, ce n’était plus ce qui se passait à Berlin, derrière le rideau de Fer, mais bien plutôt les violences interethniques qui venaient de semer la terreur et la destruction à Chicago et qui pourraient aussi se produire « dans nos grandes villes canadiennes ». Inquiétude profonde qui le conduira, quelques mois plus tard, le 3 avril 1969, à renverser l’ordre des priorités qui s’imposait jusqu’alors en matière de défense, pour y placer au premier rang, celle qui, jusqu’alors, n’était que la petite dernière, à savoir « la surveillance de notre territoire et de nos côtes », autrement dit « la sécurité interne7 ».

Est-ce en octobre 1969, dans son fameux discours des « Finies les folies » quand il déclara : « C’est dans la rue, pas à Québec, pas à Ottawa, c’est dans la rue qu’on va décider de l’orientation de cette société. Alors, ça veut dire qu’il faut y être dans la rue, nous aussi.[…] Il faut y être, dans la rue, parce que c’est vrai, peut-être, que c’est là où la politique se décidera. Et si on n’y est pas, nous autres libéraux, elle se fera sans nous. Elle se fera par l’anarchie, elle se fera par les fauteurs de troubles ». Après quoi, Trudeau conclut par une solennelle promesse :

Aucune crise nulle part au Canada ne nous laissera indifférents […] vous pouvez compter sur nous. On ne laissera pas diviser ce pays, ni de l’intérieur, ni de l’extérieur. […] Je vous le répète, aucune crise ne nous trouvera absents d’aucune partie du Canada, et surtout pas du Québec. Et je vous le dis, quant à nous, ç’a assez duré les folies depuis quelques années. Finies les folies8.

Toutes ces dates ont chacune leur importance dans le cheminement de Trudeau vers les mesures de guerre, mais les deux suivantes seront plus décisives encore.

D’abord, le 21 décembre 1969, dans la foulée immédiate de son discours sur « Finies les folies », réuni avec ministres et hauts responsables au sein du Comité sur la Sécurité et le Renseignement, Trudeau détailla ce qu’il attendait dorénavant de la GRC :

A : amasser de l’information sur les sources de financement des mouvements séparatistes ;

B : amasser de l’information sur l’influence séparatiste au sein : du Gouvernement du Québec, de la Fonction publique du Québec, des partis politiques du Québec, des universités du Québec, des syndicats et des professions au Québec ;

C : amasser de l’information sur les troubles politiques au Québec9.

Ensuite, le 7 mai 1970, (soit 10 jours après l’élection au Québec dans laquelle le PQ obtint 24 % des votes), secoué par le score que venait de faire le Parti québécois auprès de l’électorat, en réunion avec ses ministres, il fit mettre à l’ordre du jour l’étude des étapes à franchir dans l’éventualité où la Loi des mesures de guerre serait invoquée en raison d’une insurrection – « by reason of insurrection10 ».

L’occasion qui allait se présenter à lui en octobre 1970, il la crut trop belle, et il ne la rata donc pas. Il imposera ses mesures de guerre, contre l’avis formel de Higgitt de la GRC, et malgré les réticences de certains de ses ministres canadiens anglais : Eric Kierans (dans ses Mémoires), et sur place, le 15 octobre, à l’heure de la décision, les ministres Joe Greene, Allen MacEachen, Bob Drury (dont aucun toutefois n’osa aller jusqu’à présenter sa démission). Nous connaissons la suite.

Cette guerre, ceux qui l’ont déclarée et menée l’ont gagnée et facilement, faute d’adversaires sérieux, il est vrai. Non dans la joie d’un triomphe franc, comme en novembre 1918 ou en mai 1945, mais plutôt dans le silence et la gêne – comme cela se produit souvent dans les guerres civiles.

Pour le Québec, ce fut une défaite. Pour son « État », dont était démontrée la totale impuissance en période de crise, comme l’illustra, entre autres choses, la piteuse scène des députés de l’Assemblée nationale qui, le 15 octobre, ayant appris l’arrivée imminente de l’armée, partirent vite se mettre au vert pour trois semaines.

Une défaite aussi pour l’idée de l’indépendance du Québec, pour ceux en particulier qui croyaient la chose facile, soit parce que le Canada n’était « pas un vrai pays » (Lucien Bouchard), soit parce qu’il était un pays de grande civilité anglo-saxonne (René Lévesque).

Mais la plus grave des défaites, ce serait celle de ne pouvoir, un jour, nommer la « crise d’Octobre » pour ce qu’elle était vraiment : l’affrontement de deux collectivités, dont l’une aligna son armée et usa de la violence d’État pour réaffirmer son emprise sur l’autre, et d’en être toujours incapables des décennies plus tard. Incapables aussi – et peut-être est-ce cela la source du problème ? – de rattacher cette défaite d’octobre 1970 à toutes celles qui l’ont précédée et suivie dans notre histoire, à commencer par la première, celle de 1760. Tant que nous ne reconnaîtrons pas pour ce qu’elles sont, aussi bien l’agression militaire dont le Québec a été l’objet en 1970 que la défaite qui s’ensuivit, nous continuerons d’en subir les conséquences.

 

 

 


1 Débats de l’Assemblée nationale, 17 octobre 2000, p. 7164-7166.

2 « Quand la “democracy se défoule”, QL Le Quartier latin, du 24 octobre au 6 novembre 1970.

3 Pierre Elliott TRUDEAU, « La nouvelle trahison des clercs », Cité libre, avril 1962, à la p. 8, notamment la NBP no 18.

4 Jean-Paul DESBIENS, Les insolences du frère Untel, préface d’André Laurendeau, Éditions de l’homme, 1960.

5 Thomas R. Berger, Fragile Freedoms, Human Rights and Dissent in Canada, Toronto/Vancouver, 1981. Paru en français sous le titre Libertés fragiles. Droits de la personne et dissidence au Canada, traduit de l’anglais par Marie-Claire Brasseur en collaboration avec Daniel Séguin, Montréal, 1985.

6 Cabinet Minutes (BCP, Canada, 31 Oct. 1968), p.6.

7 Cette idée n’était pas entièrement nouvelle dans les milieux dirigeants d’Ottawa : elle fut exprimée par le général Jean-Victor Allard, le 21 juin 1966, – quatre ans avant la « crise d’octobre – devant les députés fédéraux membres du Comité parlementaire de la défense, lesquels se déplacèrent à Saint-Hubert, là où le général venait de situer le commandement de sa nouvelle «force mobile», loin de la capitale peut-être, mais bien proche de la métropole. En substance, comme le décrivait Dan Loomis, un officier de l’armée qui fut proche collaborateur du général ce n’est pas une puissance étrangère, mais plutôt des forces révolutionnaires locales déterminées à détruire le pays de l’intérieur qui constituent maintenant la principale menace pour le Canada. En conclusion de son exposé, et pour illustrer la description qu’il venait de donner du combat à mener contre le terrorisme intérieur, le général Allard usa d’une image saisissante : «Si un homme sort un couteau, vous ne réagissez pas en sortant un couteau un peu plus long et en vous battant. Non. Vous rassemblez un peloton de soldats, qui pointeront leurs armes vers son cœur et lui dites de déposer son couteau ou il sera abattu.» Dan G. LOOMIS, Not much Glory : Quelling the F.L.Q., 1984).

8 Charles-Philippe COURTOIS et Danic PARENTEAU (éd), Les 50 discours qui ont marqué le Québec, 2011, p 234-246.

9 Ce programme d’action, qui montre bien quel était l’ennemi qu’il avait dans son collimateur, il en était tellement fier qu’il le reproduira presque intégralement dans ses Mémoires politiques (pages 119-120). Mais comment ne pas comprendre Trudeau d’avoir cherché ainsi à se positionner face aux générations futures ? Lui, l’adversaire d’Ottawa, l’anticonscriptionniste de 1942, parti se planquer à Harvard en septembre 1944, (quand le gouvernement se mit à recruter, non plus seulement des volontaires, mais aussi de vrais conscrits), voici qu’en octobre 1970, il refaisait surface du côté d’Ottawa comme chef suprême des Forces armées canadiennes qui viendrait sauver le Canada de la menace séparatiste. Ainsi, se trouvait-il, grâce à ses mesures de guerre, blanchi à la fois des soupçons de sympathies fascistes qui pesaient sur les anticonscriptionnistes canadiens-français dans les milieux anglophones du Canada et des États-Unis, et, dans son cas personnel, des accusations de couardise qui lui furent adressées à deux moments précis de son cheminement : à Harvard en septembre 1944, comme l’ont bien montré ses biographes, Monique et Max Nemni, puis de nouveau à l’hiver 1968, quand il fit connaître son intention d’accéder au poste de premier ministre du Canada. Sur ce dernier point, voir George RADWANSKI, Trudeau,Toronto, 1978.

10 Cabinet Minutes (BCP, 7 mai 1970), p. 23 (traduction).