La démarche de Monsieur Lambert

Adaptation de l’entrevue réalisée avec Yves Lambert, chanteur, accordéonniste et cofondateur de La Bottine souriante, Françoise Boudrias, ancienne gérante de La Bottine et Sylvie Genest, professeure de musique à l’UQAM et collaboratrice d’Yves Lambert

Le Québec devait se donner en spectacle le 11 septembre 2001 près du World Trade Center dans le cadre de La Saison du Québec à New York. Le contretemps cataclysmique que l’on sait ayant compromis la tenue du spectacle d’ouverture, une adaptation de circonstance avait été organisée à Montréal quelques jours plus tard sous le thème « Québec-New York : un show pour la vie ».

Alors que les mêmes images d’avions percutant deux gratte-ciel continuaient de hanter des commentateurs à court d’analyse, la musique endiablée de la Bottine souriante retentissait au-dessus des décombres. Plus réel que les images de la catastrophe, « monsieur Lambert » entonnait gaillardement : « Le démon sort de l’enfer pour faire le tour du monde/Envoyé par Lucifer pour rapailler son monde ». Nous n’étions plus devant la fin de l’histoire. L’icône de la musique traditionnelle du Québec nous faisait l’éclatante démonstration de la force incomparable de la culture populaire devant l’inédit. Dans cette vieille chanson actualisée, le diable sollicite tour à tour le policier (T’es pas tanné de nous gazer/Avec ta maudite clôture – souvenir du sommet de Québec du mois d’avril précédent), le politicien (Tes promesses ne valent rien/Avec tes maudites coupures), le journaliste (Avec ton sensationnalisme/Et pis toutes tes censures), le forestier (Nos forêts sont dévastées/Avec toutes tes sciures), et une vaste galerie de personnages coupables de mauvaises actions envers leurs concitoyens. Chaque interpellation se termine invariablement par l’invitation sulfureuse : « Embarque dans ma voiture ». Aucun docte spécialiste n’avait su nommer aussi justement la nature de l’événement auquel nous étions confrontés. Au final, le chanteur, refusant d’embarquer lançait : « Lâche-moé, maudite bête, moé j’y vas pas ! ».

Un an plus tard, le 28 septembre 2002, Yves Lambert quittait la Bottine souriante qu’il avait fondée 25 ans plus tôt. Alors qu’il trônait avec plaisir sur le char du Conteur à la tête du défilé de la fête nationale du Québec de 2003, ses anciens compères de la Bottine souriante divertissaient les Canadians à Ottawa pour la fête du Canada. Le patrimoine vivant est, pour lui, indissociable du politique.

Fêtes nationales

Une fête nationale est un véhicule de propagande, que tu le veuilles ou pas. Tu ne peux pas faire abstraction du fait que ce sont des fêtes politisées. Pour moi, c’est une question physique, morale et mentale à la fois. Je ne pouvais pas décider tout seul avec la Bottine parce qu’on était un groupe. Mais on refusait parce qu’on savait ce que j’en pensais. L’année après mon départ, la Bottine faisait la fête du Canada ! On ne l’avait jamais fait avant. Jamais à Ottawa dans le show officiel pour la télévision.

(F. Boudrias) : On est allés à Toronto une fois par exemple. On voyait ça comme une fête internationale où l’on était invités. On n’a rien contre les Anglais pour ce qui concerne la musique. Mais pour le show officiel, il était convenu à l’intérieur du groupe qu’Yves n’était pas capable de faire cela. Même au niveau de l’image, une bonne partie de notre public ne l’aurait pas pris. Même de mon point de vue stratégique de gérante du groupe, ça ne me semblait pas bon de le faire. Pour moi, c’était une question d’être bien ou non avec la chose. J’ai fait un show l’été d’avant pour la gouverneure générale. Rendu sur place, j’étais complètement viré à l’envers. Et ça allait mal avec le groupe aussi.

Ma conception de l’indépendance a beaucoup évolué avec le temps, mais ça prend toujours des gens qui prennent position. Et moi je le fais. Pour ce qui concerne les festivités canadiennes des fêtes du Canada, j’ai réglé ça. Je n’y vais pas parce que je ne me sens pas bien avec ça. Ce n’est pas que je ne veux pas faire de business avec les Anglais. J’étais bien content de faire mes deux chansons à Toronto, une de la Bolduc et une autre qui venait des recherches de Marius Barbeau. Je ne suis pas fermé aux Anglais, mais au niveau du symbole de la chose, maintenant, moi, non, ça ne me tente pas. Je pourrais y aller, mais je ne serais pas capable de défendre cela. J’aime autant perdre de l’argent. Parce qu’à un moment donné, il te faut défendre tes actions. Si quelqu’un le fait et qu’il est capable de le défendre, c’est parfait pour lui. S’il ne voit pas de conséquence idéologique à la chose, c’est son affaire, je respecte cela, mais c’est dangereux de « manger à tous les râteliers » comme disait Falardeau. Moi, je suis prêt à sacrifier ce cachet-là et rester chez nous à la fête du Canada.

L’indépendance et les minorités francophones

Il reste que la musique traditionnelle elle-même n’est pas indépendantiste ou fédéraliste. Il ne faut pas oublier, non plus, que le Canada, c’est aussi les minorités francophones.

Une des grandes erreurs du nationalisme québécois des trente, quarante dernières années a été d’ignorer les minorités francophones du Canada. Quand Yves Beauchemin a traité les minorités francophones du Canada de « cadavres encore chauds », j’ai trouvé ça d’une ignorance…

J’ai joué souvent dans des coins francophones de l’Ouest et il me semble qu’il nous aurait fallu les encourager, les intégrer dans le processus. Il fallait faire attention à eux. Il y a là de fantastiques peuples de découvreurs. C’est une grosse partie de l’essence de ce que nous sommes. L’Acadie aussi, à côté, c’est très important pour le Québec. Ignorer cela, parce qu’on est dans sa petite bulle, c’est se fourvoyer d’aplomb !

Il était inévitable qu’il y ait une confrontation des intérêts de chacun, mais politiquement, on aurait pu faire les choses de manière plus fine. Les minorités sont bien obligées de négocier avec les Anglais dans leur situation. Cette attitude consistant à les ignorer est un gros problème. On parle d’une culture francophone d’Amérique. On parle de la survie du français au Québec comme à Sudbury ou à Saint-Albert en haut d’Edmonton. L’Acadie et les Louisianais sont connectés, eux. Mais au Québec, on est tombés dans notre soupe. Pourtant, l’essence même de ce que nous sommes est là aussi. Ces minorités ont contribué à la sauvegarde de notre culture. On a des affinités indéniables.

Les politiciens sont restés concentrés sur des contextes politiques étroits en taisant complètement cette réalité. Les Français hors-Québec n’existaient pas. C’est peut-être un détail pour des politiciens ou des professionnels de la chose, pas pour moi.

Heureusement, je sens que ça change. Les Coups de cœurs francophones font maintenant un tour chez les minorités francophones. C’est un geste concret qui ouvre l’esprit de ce côté. C’est une reconnaissance, minimale, mais elle est là au moins. Parce qu’ils existent. Tu ne peux pas dire qu’ils n’existent pas.

Mondialisation et pratiques identitaires

(F. Boudrias) : Sur l’aspect politique de la musique traditionnelle, je pense qu’il faut surtout relier ça à la mondialisation. La résistance à la mondialisation passe par la musique, mais également par le développement de produits du terroir, par exemple. La musique traditionnelle devient un geste politique parce qu’elle renforce ta culture. Si tu ne sais pas ce que tu es, tu ne pourras résister et tu deviendras n’importe quoi sous l’impact de la mondialisation. Le mouvement n’est pas que québécois. Comme lors du folk revival et du retour à la terre des années soixante-dix, le mouvement de renforcement des identités est mondial. Au Québec, le retour aux racines était très étroitement lié à la lutte pour le statut politique de l’indépendance dans les années soixante-dix alors que ce n’est plus exactement le cas maintenant. Le mouvement, aujourd’hui, est à mon avis porté à un niveau plus humain, plus social, de résistance à l’homogénisation que réclame la mondialisation.

La démarche de la Bottine souriante

La musique traditionnelle, c’est aussi beaucoup plus vaste que ce qu’on voit maintenant. L’effervescence actuelle est forte, mais elle ne touche pas tous les aspects de la musique traditionnelle. Suite aux succès de la Bottine avec ses fusions à la fin des années quatre-vingts, la jeune relève s’y est intéressée. On a intéressé aussi des gens à cette musique en montrant qu’elle pouvait s’intégrer à des rythmes latins, jazz, tous les rythmes à la mode, de partout.

La version québécoise du folk revival

La Bottine, au début, était composée de jeunes qui découvraient le patrimoine musical québécois. On avait un souci d’authenticité. C’était une de nos priorités. On était en contact avec des légendes de la musique traditionnelle québécoise comme Louis Pitou Boudreau, violoneux de Chicoutimi, qui avait joué à la Veillée des veillées en 1973 et 1974. Il a joué jusqu’à la fin des années soixante-dix. C’était quelqu’un d’important dans la tradition. Nous autres, on le connaissait. Au Festival d’été de Québec en 1977, Pitou Boudreau jouait tout seul, tapait du pied à quatre temps. J’étais avec ma guimbarde, mes cheveux longs et ma salopette sur le bord de la clôture. J’avais crié « Pitou, as-tu besoin d’un joueur de guimbarde ? » Il m’avait dit « Aweye » et j’étais monté sur la scène avec lui. On les connaissait bien. On était émerveillés par eux. Il y avait Philippe Gagnon, le violoneux de la chanson Dolorès de Charlebois (1969) : « Vas-y mon Philippe ! ». Il était tombé en amour avec Janis Joplin lors d’une tournée dans le Midwest américain à la fin des années soixante ! C’était un illuminé de la musique traditionnelle. Quand je l’ai connu, il se promenait avec son camion dans les villages en Gaspésie et partout au Québec. Il s’était organisé, à même le camion, une scène qu’il appelait sa « garouine ». Il s’arrêtait dans les villages et sortait son violon. Tous les grands, comme Jean Carignan, Philippe Bruneau, c’étaient nos références quand on a commencé.

Dans les années soixante-dix, j’étais à la petite brasserie avec André Marchand, Mario Forest et Gilles Cantin – les premiers de la Bottine – quand on avait entendu à la radio « Le reel du pendu » à la guitare électrique par le groupe Garolou. On trouvait ça ben effrayant ! On disait que c’était pas bon. À cette époque, Garolou avait les faveurs des médias parce que c’était moderne.

Le traditionnel faisait partie d’un courant mondial de folk revival dans les années soixante-dix, l’époque des grands groupes irlandais. Le Rêve du diable travaillait depuis 1973, la Bottine avait été fondée en 1976, et tout ça faisait partie d’un courant mondial de revalorisation de la musique traditionnelle. Ce n’était pas qu’au Québec. Ici, le mouvement a été récupéré par les indépendantistes, mais le courant était mondial. Il était associé au « retour à la terre » qui était, lui aussi, mondial. Quand le référendum a été perdu, le mouvement s’est considérablement affaissé au Québec. Presque du jour au lendemain. Ailleurs, là où le mouvement n’était pas relié à de telles revendications politiques, le ralentissement a été beaucoup moins important. Mais encore là, l’affaissement au Québec était surtout médiatique. Dans les campagnes, la musique traditionnelle a continué, mais de façon plus obscure. Le Rêve du diable, par exemple, dure encore !

Des nouvelles sonorités aux cuivres des années quatre-vingt-dix

L’arrivée des cuivres à la Bottine a été l’aboutissement d’un cheminement qui a commencé dans les années quatre-vingts. J’étais un des instigateurs de cela. J’avais besoin de voir ailleurs. Je me sentais limité dans la tradition à cette époque. On avait formé un groupe parallèle qui s’appelait les Nouvelles sonorités joliettaines avec des membres de la Bottine et des nouveaux comme Michel Bordeleau, Denis Fréchette, Réjean Archambault. J’ai amené du répertoire, de la musique juive, italienne. Je chantais (et je chante encore) Petite fleur de Sidney Bechet, Dédé chantait du Dylan. Personnellement, je faisais ça pour ouvrir à autre chose parce que je trouvais que l’approche puriste me limitait. Dédé est parti quelques années plus tard parce qu’il ne chapeautait pas ce changement de tendance. J’étais celui qui poussait le plus pour ouvrir à d’autres sonorités. Ce qui a amené les cuivres au début des années quatre-vingt-dix – par le biais de Denis Fréchette qui connaissait des « brasseux » à cause d’un band de musique latine dans lequel il jouait de temps en temps – et créé la révolution dans la musique traditionnelle.

Standardisation et recettes

Mais après cinq albums avec des cuivres comme ça, j’en avais plein mon casque. C’était une question de lourdeur de la patente. Il y avait aussi des choix idéologiques, philosophiques, qui allaient avec ça. Ça englobait beaucoup de choses. Je ne trouvais plus de liberté là-dedans. J’ai été content de participer à ce mouvement, mais quand j’ai donné ma démission, j’avais fait le tour. Je ne voyais plus d’avenir pour moi là-dedans pour mon développement en tant qu’artiste.

J’ai toujours aimé l’expérimentation, la recherche et j’ai toujours eu le souci de ne pas appliquer les mêmes recettes. La Bottine en était rendue là, à mon avis : appliquer les mêmes recettes. Quand j’écoute le dernier album du groupe, je reconnais la recette puisque j’ai contribué à l’élaborer. C’est absolument l’application de la méthode de travail qu’on a développée depuis le début, et plus spécialement depuis que Jean Fréchette, le saxophoniste, a pris la direction musicale du groupe vers 1995-1996. C’est l’application de la formation académique de Jean Fréchette sur une musique traditionnelle. Pour moi, ça manque de contenu, de « ground ». Même au niveau des paroles, le fait de chanter « j’ai du fun, j’ai du fun, j’ai du fun » ne m’a pas l’air bien connecté avec ce qu’on vit. Ce n’est pas très drôle ce qu’on vit présentement. Ça me donnerait plus le goût de brailler !

Les trompettes de la renommée

Avec la Bottine, on jouait à Londres, au Queen-Elizabeth Hall, et tout. Pour le jubilé de la reine, la BBC avait organisé un gros festival dans les villes d’Angleterre. Il y avait un gros show à la fin avec Elton John. Je parle de la grande star Elton John ! À la fin du show, on entend, le Rap à Ti-Pétang, la musique de la Bottine enregistrée la veille quelque part en Angleterre. C’était la gloire absolue pour certains membres. « On est-tu bons, on passe après Elton John ! » Ce besoin d’être une star ou, comme le disaient nos communiqués de presse parfois, « ce que Jacques Villeneuve est à la formule un, ce que Céline Dion est à la chanson pop, la Bottine souriante l’est à la musique traditionnelle » ! Comme l’expression Best Band In The World. C’était une amie qui avait lancé cela à un journaliste qui l’a répété dans un article et, comme on s’était servi de l’expression plus tard dans nos communiqués, les gars se sont mis à y croire !

(F. Boudrias) : Tant que tu sais que tu joues à un jeu avec ces choses, ça peut aller. C’est quand tu te mets à croire à tes propres inventions qu’il y a un problème ! On exagère un peu, mais c’est ce qu’on voyait. Certains y croyaient. Voyons donc, ce n’est pas comme ça que ça marche. De toute façon, la question n’est pas d’être meilleur ou pire. Ça n’a pas de rapport avec ce qu’on fait. C’est de jouer qu’il est question.

(F. Boudrias) : C’est sûr que le groupe, à neuf musiciens, déménageait pas mal. C’était certainement un très bon band. On répétait ça pour faire la promotion du groupe et cela devenait attaché au groupe à force d’être répété. Mais dans les faits, on pouvait très bien préférer un autre groupe pour un BBC award. Ce que j’ai trouvé spécial, c’est que ceux qui savaient qu’on répétait pour la promotion se mettaient à y croire. L’être humain est ainsi fait que, s’il est impressionné par le fait d’être une vedette, il va se laisser prendre. Diane Dufresne disait qu’elle descendait de scène à la fin de ses spectacles pour redescendre au niveau du sol. Pour bien sentir qu’elle n’était plus sur scène. Pour dire : oui, j’assume mon identité de star, mais sur scène seulement. Après, je reviens avec vous, je suis parmi vous, je suis comme vous.

Sur scène je dois maintenant m’adapter et jouer mon rôle sans la Bottine. On a fait une veillée de campagne à Gentilly de Colomban l’autre soir et je me suis pratiqué à faire crier « Yves Lambert » ! Faut que je m’occupe de mon image !

L’exploitation frénétique de la fête

Il reste que la Bottine est toujours composée d’excellents musiciens et que je suis capable d’apprécier la démarche des nouvelles recrues comme Éric Beaudry. Il a une belle démarche pour ce qui concerne les racines de la musique traditionnelle, mais il reste à savoir ce qui va advenir de cela au sein du groupe. Parce que la Bottine a toujours été prisonnière de cette image de groupe festif. J’ai souvent été celui qui essayait d’amener autre chose. Quand j’ai ressorti la vieille chanson bien connue Le démon sort de l’enfer, j’ai voulu la mettre dans le contexte actuel en interpellant le politicien pour ses promesses qui ne valent rien, le journaliste pour son sensationnalisme. Je trouve ça bien important dans ma démarche. C’est bien beau fêter, mais je trouvais intéressant, par exemple, de ressortir la chanson de Raymond Lévesque Jusqu’aux petites heures, une chanson d’un gars sur la brosse qui en bave. Au bout du compte, j’étais toujours le fatigant là-dedans qui essayait d’amener un contrepoids par la douceur. Je ne suis pas allergique à la douceur, à l’harmonie. Mais le groupe est encore allé dans la direction du festif absolu avec le dernier album.

Ce n’est pas qu’une question de contenu des chansons. Hier, quand j’entendais le Henri Band qui fait des textes très politisés, j’avais aussi cette impression que le groupe était prisonnier de cette pulsion de faire danser à tout prix. Je comprends que les gens en demandent, mais est-ce que notre rôle c’est de leur donner ce qu’ils demandent ou d’être le fatigant qui provoque autre chose. C’est beau avoir seize ans et découvrir son corps, mais ce n’est pas tout ! Dans la dernière tournée de la Bottine, je voulais faire La complainte du folkloriste de Philippe Bruneau, un grand accordéoniste qui vit maintenant en France. C’était un compositeur qui avait travaillé beaucoup dans les années soixante avec Jean Carignan – avec qui il s’était brouillé parce qu’il trouvait que Carignan ne jouait que de l’irlandais alors que lui était dans la « grosse tradition » ! Je voulais jouer cette pièce qui est très douce pour finir en douceur. C’était la seule pièce que j’avais proposée parce que j’étais déchiré à ce moment. On ne l’a pas faite. Pas en tournée, en tout cas. Ça aurait été correct de la faire. On l’a faite sur disque, quand même, avec de très beaux arrangements impressionnistes de Jean Fréchette.

Pouvoir scénique et démarche artistique

Il reste que c’est un dilemme qu’on retrouve dans tous les genres musicaux : choisir entre ce que tu as le goût de faire et ce à quoi les gens s’attendent parce que c’est ce que tu as donné avant. Est-ce que tu te bats contre ça ou tu leur donnes, comme au MacDonald’s, toujours la même chose standardisée ?

Il y en a qui gaspillent leur pouvoir scénique à cause de prérogatives, qui s’obligent à donner ce que le monde attend. C’est ce que fait Céline. C’est populaire, mais c’est insipide. C’est ça qui « marche ». Les gens finissent par croire que si tu as une recette qui marche, tu as réussi. Je n’ai pas cet esprit. J’ai l’esprit de contradiction ! Quand ça marche trop, je débarque ! Maintenant, je fonctionne simplement sous mon nom. Les musiciens jouent avec moi si cela leur tente. Que ça marche, dans le sens commercial, n’est plus un critère important pour moi. Pourvu que je m’envoie en l’air. Pourvu que les gens qui sont avec moi sont bien, qu’ils s’amusent, qu’ils sont capables de me supporter dans mes extravagances – parce que je suis un être extravagant sur scène. J’ai besoin que les musiciens avec moi soient capables d’accepter mon exubérance et mes prises de position aussi. Ce que je ne pouvais plus vivre avec la Bottine. Mes positions hors-normes étaient mal vues par le reste du groupe.

Prendre position face aux pratiques industrielles du star system

J’ai fini par prendre ma décision le 28 septembre à deux heures et quart du matin. J’ai rédigé ma lettre de démission et j’ai appuyé sur « enter » !

Prendre position, ça règle de quoi. Surtout pour nous qui sommes souvent ambivalents. J’ai vraiment l’impression de prendre position présentement. Pour plusieurs raisons. Au cours des dernières années, j’étais très ambivalent entre mon collectivisme et l’idolâtrie du star system. J’avais vraiment besoin de revenir sur le plancher des vaches. Je sentais cette incohérence entre l’artisan (l’artiste) et la star. Je vivais cela. Je sais maintenant que je préfère être artisan. C’est sûr que je profite un peu de mon nom, du nom que je me suis fait dans le star system. Mais je voulais revenir à mes valeurs. Je ne me sentais pas bien à penser en termes de développement commercial, à faire telle performance pour telle raison. À faire du Corporative Traditional ! Du traditionnel corporatif. Il y avait la machine à fabriquer de la musique commerciale et le problème relié à l’importance que le monde ordinaire accorde au fait qu’on passe à la télé. Comme dans le phénomène de la téléréalité. Être connu, reconnu, parce qu’on passe à la télé. Je l’ai été, connu. J’ai réglé ce problème. Il y a même des choses que je ne peux plus faire maintenant à cause de cela !

Statut légal et gestion artistique

Il y a eu une évolution administrative qui ne correspondait pas à nos besoins. La Bottine a commencé par être une organisation à but non lucratif et n’a pas vraiment trouvé une structure satisfaisante et équitable pour la suite des événements.

(F. Boudrias) : Le mode coopératif aurait probablement été plus adapté. Quand on a fondé Milles-pattes, on devenait producteur, donc à but lucratif. Il y avait un problème à parler de cela avec les phénomènes de groupe habituels. Dans un collectif, la reconnaissance du rôle de chacun ne va pas de soi. Il y avait tout de même à peu près vingt personnes en tout dans l’organisation. Il aurait fallu définir une mission, comme celle de faire connaître la musique traditionnelle et la diffuser, et s’assurer que les individus travaillent en fonction de la mission plutôt que de leur carrière propre, des rentrées d’argent immédiates. Ma formation administrative était basée sur le collectif. Quand tu arrives avec des musiciens, des artistes de scène, les égos deviennent très gros. À un moment donné, tu n’appuies plus ton leader parce que cela te brime dans ton individualité. La notion de mission du groupe s’éloigne.

(F. Boudrias) : Dans un groupe, tout le monde n’est pas pareil. Le chanteur devient le porte-parole dans le star system. Il est étroitement lié à l’image. Les gens vont associer le groupe à une personne. Le problème de la Bottine actuellement, selon certains, c’est qu’elle n’a plus d’image. Quand j’ai commencé avec la Bottine, c’était un peu ça. Il y avait des musiciens qui changeaient et, sur le plan médiatique, c’était difficile à vendre. Yves Lambert était là, mais personne ne voulait nommer l’image. Il avait le charisme, les gens le réclamaient, mais il fallait le reconnaître et supporter cette image pour arriver à dépasser l’image du musicien traditionnel anonyme.

(F. Boudrias) : Il y avait beaucoup de conflits. Dans mon cas, je voyais que je ne pouvais plus faire de développement, c’était devenu trop gros. Pour développer il faut investir et la machine était devenue trop grosse. Quand on est venu pour signer avec EMI, on me demandait comment il se faisait que je ne pouvais pas faire venir le groupe gratuitement. On ne pouvait pas le faire parce qu’il y avait beaucoup de monde et que certains étaient à salaire, d’autres pigistes, des statuts différents qui faisaient que ça ne voulait pas dire la même chose pour tous. (S. Genest) : Une apparence de collectivisme mais avec, dans les faits, une grosse division des tâches. Il y avait une couche « socialisante » avec, en-dessous, une couche « capitalisante » provoquant une « collision idéologique ».

L’impossible mise en marché du patrimoine vivant

(S. Genest) : Le Québec est une société basée sur le communautarisme, sur les projets collectifs. La musique traditionnelle québécoise doit être collectiviste pour répondre aux critères dont on parle : musique de terroir, fidélité aux sources, l’importance de la notion de ground, de mise à la terre. Si elle exige des instruments acoustiques, c’est que les instruments amplifiés incitent à jouer chacun tout dans sa bulle alors que le son des instruments acoustiques se mélange. C est un son collectif. Il est souvent joué en rond avec les danseurs.

(S. Genest) Mon hypothèse, c’est que cette musique n’est pas faite pour le succès commercial. Qu’il faut trahir cet aspect de la musique traditionnelle pour connaître le succès. Tu as un micro, des amplis, un public face à la scène. Il faut une vedette, un produit qui se vend. Ce sont des choses qui obligent à la division du travail et, à partir de là s’organise une hiérarchie. Le succès fait en sorte qu’on se met à se demander qui mérite le plus gros cachet. Même avec le même cachet. Il se développe des luttes internes, des hiérarchies psychologiques qui s’installent. C’est le star system. Si tu as du succès, il te faut embarquer là-dedans et trahir la source de ta musique. On peut même se demander si la culture québécoise communautariste est faite pour ce type de succès. Si on peut la « machandiser ». Est-ce qu’on peut vendre nos tourtières du Lac Saint-Jean – le gros plat qu’on met au milieu de la table où tout le monde pige ? Ça ne se vend pas, ça. On pourrait la vendre en petits morceaux emballés individuellement, mais ça ne serait plus pareil. Même chose pour les danses traditionnelles. Il faut que ce soit gros, collectif, ça ne peut pas se faire autrement. 

(S. Genest) : Dans les études musicales, quand on essaie d’identifier un élément qui serait typique de la musique traditionnelle québécoise et qu’on répond « les cueillières », on voit que c’est faux puisqu’il y en a ailleurs. Le tapement de pieds ? Même chose. Le violon aussi. Non, ce qui identifie la musique québécoise, c’est son esprit (voir le texte de Sylvie Genest à ce sujet dans ce dossier). Yves prend souvent ce mot là. Lui, il est collectiviste dans sa façon de pratiquer la musique. Il n’a pas la mentalité d’une vedette du genre à mettre sa face sur des t-shirts.

(S. Genest) : Le lien politique, c’est là que je le vois. Peut-on se présenter sur une scène et garder cet esprit collectiviste québécois ? On vit dans une société de consommation, individualiste, et on ne retrouve cet esprit communautariste que dans les fêtes du jour de l’an ou de la Saint-Jean. (F. Boudrias) : Un documentaire vu récemment montrait comment des immigrants avaient de la difficulté, au début, à comprendre la culture québécoise. Ils peuvent reconnaître quelque chose dans le temps des fêtes, mais comme ce n’est pas intégré dans la culture de tous les jours c’est plus difficile. On essayait, avec la Bottine, de faire en sorte que ça soit une musique de tous les jours, mais en même temps, on profitait du temps des fêtes.

Porteurs de tradition et rapports interculturels

Dans ma démarche artistique, je suis présentement plus près de la tradition. Je vais dans des veillées traditionnelles où l’on danse. J’ai besoin d’un retour aux sources. Je suis allé le mois passé dans un gala folklorique à Saint-Wenceslas un dimanche après-midi. Participants de 65 ans et plus. J’ai été renversé par le nombre de musiciens – de vieux musiciens – qui ont été encouragés à continuer par les succès de la Bottine souriante. On parle des jeunes, mais moi je suis aussi impressionné par le nombre de vieux qui font de la musique traditionnelle !

J’ai parlé avec un musicien de 83 ans qui venait de s’acheter une nouvelle Saltarelle, un maudit bon accordéon à trois rangées. À 83 ans ! « C’est ça qui me tient » qu’il dit. Il y avait un vieux joueur de musique à bouche de 80 ans, la main lui allait de même, et il swingnait au boutte. Le succès de la musique traditionnelle les stimule peut-être, mais ce sont surtout eux qui me stimulent et stimulent les plus jeunes ! Ça me rappelait Dellis McGee, un vieux joueur de violon cajun de renommée internationale. Il a joué jusqu’à 96 ans. Je l’ai vu en 1985 à LaFayette, pas de dents ! Toute la richesse qu’il y a dans le jeu d’un vieux musicien de musique traditionnelle me touche beaucoup. J’en suis là maintenant.

Pour ce qui est de la fusion, je la vois maintenant du côté des musiciens eux-mêmes. Ce sont eux les porteurs de traditions. Tant qu’à faire de la fusion en allant chercher des sonorités, je préfère travailler avec des musiciens qui ont un bagage traditionnel relié à ces sonorités. C’est de ce côté que je vois la fusion. Plutôt que d’entendre une gang de Québécois qui cherchent à reproduire une sonorité arabe – procédé dépassé pour moi – j’aime mieux jouer avec un musicien arabe. La directrice du festival MultMontréal m’avait invité et voulait que je rencontre Hassa El Hadi, musicien marocain qui vit à Montréal. Elle m’avait mis dans la même loge que lui. Ça a cliqué. Il jouait un reel québécois avec son oud marocain. On a développé une amitié. Il est venu me voir pendant les répétitions pour mon spectacle aux Coups de cœur francophones avec deux autres musiciens avec qui il venait de jouer pour le gros festival arabe l’automne dernier. Ils s’appelaient aussi Hassan. J’avais vu leur spectacle. Il y avait Hassan El Hadi, Hassan Hakmoun et autre Hassan (Mohamed Mirsal) qui jouait d’une « harpe pharaonique » et fumait du nargile ! L’occasion s’y prêtait, alors on a joué ensemble. Des reels avec une harpe pharaonique ! On n’a pas enregistré malheureusement. On a échappé quelque chose là ! Je sentais qu’on avait quelque chose !

Avec Hassan, j’ai un projet qui concerne une chanson berbère qui ressemble beaucoup à la chanson traditionnelle Aweye aweye ma petite jument. Il la chante en arabe. Il y a là une avenue intéressante. J’ai le goût de chanter en arabe aussi parce que je suis tanné de voir George Le Boucher manger de l’arabe. Un gars de « Holiette » doit avoir des bonnes dispositions pour l’apprendre !

En tout cas, tant qu’à métisser la musique traditionnelle québécoise, il vaut mieux chercher à la métisser avec ceux qui connaissent la tradition des cultures qu’on veut métisser. Parce que je vois ça aussi comme un geste politique de rapprochement avec le « Québec d’aujourd’hui » Ça fait partie de mes capacités de symboliser quelque chose de ce genre. Je ne sais pas ce que ça va donner. Ça fait partie de ce rapprochement musical des cultures. Parce que, c’est évident, il y a une médiane qui passe à travers toutes les musiques traditionnelles. Cela fait partie aussi de notre patrimoine comme la musique irlandaise qu’on a intégrée au XIXe siècle.

Ce n’est pas que qu’il n’y ait rien d’intéressant dans les fusions faites autrement. C’est juste que je l’ai fait et que ce n’est plus ce que je veux faire. Mettre n’importe quoi sur un tapement de pied, ça peut devenir gratuit.

Mais j’ai aussi le goût d’approfondir des formes plus épurées issues du terroir. Ça n’empêche pas d’esthétiser. Il y a tellement de façons d’esthétiser la musique. En travaillant avec Sylvie Genest, qui est une musicienne très compétente sur le plan harmonique notamment, le résultat sera moderne quand même, mais plus proche des sources.

Du surplace individuel à la danse traditionnelle

Avec la Bottine, on a intégré une section de cuivres, grosse comme ça et forte comme ça. C’était une direction. Il y en avait beaucoup d’autres. Il y a aussi des formations comme Groovy Aardvark, un groupe de musique alternative qui intègre de la musique traditionnelle, de la musique de terroir, dans une expérimentation rock’n’roll. J’ai vu en fin de semaine le groupe de mon gendre, le Henri Band, qui fait, selon son expression, du « rock de campagne ». Toutes ces expériences ont quelque chose en commun : elles font danser. En fait, elles font grouiller, sauter mais elles ne sont pas connectées à la danse traditionnelle. Même La Bottine parfois adoptait un rythme beaucoup trop rapide pour la danse, pour une gigue ou un set carré.

(F. Boudrias) : Les gens aiment la musique traditionnelle, mais ne savent pas la danser. Ils font des petits pas, des trucs clichés, parce qu’ils ont appris à danser de façon individuelle. Chacun danse tout seul. Plusieurs danses latines sont appréciées maintenant parce que, déjà, il s’agit de danses qui se font au moins à deux. La danse traditionnelle est basée sur des mandalas. Des carrés qui se transforment en ronds sur le principe de mandalas. Cela n’a rien à voir avec la « danse en ligne » par exemple. Parce que les danses en ligne restent des danses individuelles dansées en groupes. Tout le monde fait la même chose et les gestes de l’un ne répondent pas à ceux de l’autre. Dans la danse traditionnelle, tu entres en contact avec l’autre. Les gens sont souvent mêlés avec ça parce qu’ils ne sont pas habitués, mais c’est simple. Il y a un effort de coordination, de mémorisation, pour comprendre la structure, mais c’est un peu comme apprendre à compter. Dans la chaîne des dames, les hommes vont d’un côté, les femmes de l’autre et ils se rejoignent ensuite. Les gens qui ont appris à danser seuls, n’importe comment, peuvent trouver ça compliqué au début, mais ce ne l’est pas. Dès que tu comprends certaines figures, que tu embarques dedans, le reste suit facilement parce que le tout est basé sur des structures universelles. Pour un musicien, jouer pour des danseurs est un acte d’humilité. Il est là pour les autres. Le rapport n’est plus basé sur le regard que le public pose sur lui. Les arrangements particuliers prennent moins d’importance. Il fait partie de la gang. Il se passe quelque chose parce qu’il y a des musiciens et des danseurs qui font un tout. Ce n’est vraiment pas comme jouer devant un public passif. Ça amène d’autres choses et ça nourrit un processus créatif. La danse traditionnelle est un peu le parent pauvre de l’évolution du patrimoine vivant des vingt dernières années. Elle est restée plus pointue dans ses spécifications traditionnelles parce qu’elle est demeurée entre les mains de quelques spécialistes. Chaque région a gardé ses particularités, comme au Lac Saint-Jean, dans le comté de Portneuf, partout. La série Le son des Français d’Amérique d’André Gladu – une fantastique série de 27 émissions tournées entre 1974 et 1978 – montrait une véritable légende vivante, Georgiana Audet, une spécialiste de l’île d’Orléans. Elle jouait du violon. Il y a vraiment quelque chose là. Au niveau de la recherche, il y a encore beaucoup à faire.

(F. Boudrias) : Le problème avec la danse traditionnelle est qu’elle a arrêté d’évoluer faute de pratiques sociales de la danse. Elle est restée associée aux ceintures flèchées, aux troupes de danse qui se donnent en spectacle avec des costumes. Au côté scénique de la chose. La danse traditionnelle a un potentiel beaucoup plus vaste que ça, elle est beaucoup plus le fun. Elle est un contact avec les autres.

Je veux m’occuper de renouveler la manière aussi, de rendre la danse traditionnelle plus accessible. Ça fait partie de mes explorations. Il y a quelque chose là. Quand je lis ce que les gens retiennent de la Bottine, c’est le côté festif. Je suis tanné de faire danser le monde de façon béate. Je n’ai rien contre les partys, j’ai fait swigner le monde pendant vingt-cinq ans, mais à la longue, le contenu m’échappait dans tout cela. La danse traditionnelle est justement une façon de redonner du contenu à la musique traditionnelle. C’est pour ça qu’on l’a fait la fin de semaine passée. Ça amène de l’eau au moulin de l’analyse du phénomène. Traditionnellement, le musicien faisait danser. Il y était plus secondaire mais mieux intégré dans l’assemblée.

En fin de semaine, je suis allé jouer à la Veillée du Plateau avec Sylvie Genest – qui ne connaissait pas ces airs traditionnels de danse ! – un violoneux-tapeux de pieds et un calleur. On a eu du fun pendant trois heures et demie de temps ! Il y avait là toutes sortes de monde, des jeunes, des vieux, des étudiants, des artistes, provenant de toutes les couches sociales. Pas besoin de s’occuper de s’adresser au public, le calleur s’occupait de régler la patente. Le son de deux cent cinquante personnes qui dansent, c’est impressionnant, mais il y a aussi une chimie qui est à découvrir. Au lieu de faire la sauterelle, comme je l’ai vu souvent aux shows de la Bottine pendant vingt-cinq ans, la danse traditionnelle permet de mieux sentir ce qu’est la musique traditionnelle.

Épilogue

L’immense Lambert accepte avec plaisir l’humble rôle de musicien participant à une danse traditionnelle. Que ce soit dans un gala folklorique à Saint-Wenceslas un dimanche après-midi avec des anciens ou dans une Veillée du Plateau où l’on apprend à danser ensemble un samedi soir, il retrouve la source du patrimoine vivant qui nourrit sa quête artistique. Après vingt-cinq ans à regarder sauter des individus sur la musique du Best Band In The World, il apprécie alors ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il sent dans ces soirées. Les sources authentiques qu’il recherche se trouvent au milieu du monde. Lambert travaille son ground parce que tout indique qu’un fort courant va passer !