L’auteur a été sous-ministre à la réforme des institutions démocratiques dans le gouvernement Lévesque.
Lorsqu’en 1977, la Loi sur le financement des partis politiques a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, ce fut sans doute mon plus grand moment de gloire ! Être sous-ministre dans le gouvernement dirigé, à mes yeux, par le plus grand personnage politique de notre histoire, c’était déjà un grand privilège ! Être affecté à son dossier de prédilection, la réforme des institutions politiques, c’était avoir tiré le gros lot ! Et, chaque fois que René Lévesque réitérait sa conviction voulant que toute sa carrière politique eût été justifiée, si, comme bilan politique, il n’avait mené à bien que l’adoption de cette unique loi, aussi appelée loi 2, ma fierté était à son zénith !
Mais voilà que cette fierté est complètement bafouée, le 6 décembre 2012 – jour sombre s’il en est. Tenant depuis récemment les rênes du pouvoir, le parti, fondé par René Lévesque, vient de procéder au sabotage définitif de la loi de René Lévesque. C’est pourquoi il est temps, pour moi, de tirer ma révérence à la vie politique active.
Grâce au financement populaire, le projet de loi 2 de 1977 avait pour but principal de remettre le contrôle des partis politiques entre les mains des seuls citoyens. La loi 2 de 2012, quant à elle, rend ce financement populaire en mettant les choses au mieux, marginal ; et au pis, inutile. Tandis qu’avec la loi 2 de 1977 on tâchait de sortir l’État des partis, avec le plus récent on le met au cœur de leur financement. La première reposait sur l’adhésion volontaire des citoyens ; la seconde fait en sorte que l’État finance les partis, car, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, chaque fois qu’un électeur exerce son droit de vote, son geste se change en espèces sonnantes et trébuchantes. Autrement dit, la Loi sur le financement des partis politiques de 1977 « sortait l’argent de la politique », celle de 2012, à l’opposé, fait de l’acte même de voter un geste financier !
Par son contenu, la seconde loi 2 est en contradiction directe avec les principes et l’esprit de la première. On ne pouvait faire pire ! Quand une banque se fait voler, le geste le plus immédiat consiste généralement, non pas à modifier la loi des banques, mais à arrêter les voleurs ! La banque du peuple se fait voler depuis des années, et cela, toutes les fois que l’on s’écarte, par exemple, de la Loi sur le financement des partis politiques. Tout le monde savait, bien avant la mise sur pied de la commission Charbonneau, que la loi était contournée par tous les partis… y compris le PQ. Enquêtant pour le Directeur général des élections du Québec (DGEQ), le juge Jean Moisan l’avait, en effet, condamné de manière explicite dans son rapport du 12 juin 2006. Or, quand il y a un vol, il y a un voleur. Les premiers voleurs à blâmer, dans le contournement de la Loi sur le financement, ce ne sont pas les contributeurs illégaux, fussent-ils de la mafia, mais les receveurs illégaux. Il n’y aurait pas de donneurs s’il n’y avait pas de receveurs. Or les receveurs illégaux, les voleurs, ce sont les partis politiques !
Le mot est peut-être fort, mais il est juste. Ce sont les partis politiques qui devaient veiller à appliquer la Loi, mais voilà que ces voleurs ont pris sur eux-mêmes de la modifier ! Désormais, l’État remplace le citoyen ! Si l’État est une notion juridique fondamentale, dans les faits, ce sont les personnes représentant les partis politiques à l’Assemblée nationale qui décident pour l’État. Aussi qu’ont-elles décidé ? Elles ont opté pour ce qui suit :
- Lutter contre la corruption sans toucher aux personnes corrompues, c’est-à-dire elles-mêmes ;
- Fixer, relativement aux contributions des citoyens, un plafond de 100 $ pour mettre fin à l’utilisation de prête-noms, comme si la corruption politique se limitait aux prête-noms ;
- Marginaliser les contributions des citoyens en éliminant le crédit d’impôt ;
- Se servir elles-mêmes directement dans la caisse de l’État en s’attribuant des allocations sans avoir désormais à fournir de justifications au Directeur général des élections du Québec, ce qui équivaut à émettre un chèque en blanc puisque ce sont les partis qui en détermineront eux-mêmes le montant ;
- Partager les allocations aux partis en proportion des votes obtenus par chacun d’eux à l’élection précédente. Il s’agit, ici, d’un des principes les plus conservateurs qui soient et qui reposent sur l’idée selon laquelle on considère les citoyens comme figés dans leurs opinions quatre années durant. C’est comme si la Ligue nationale de hockey donnait des allocations particulières aux équipes qui ont atteint la finale de la coupe Stanley l’année précédente et accordait la prérogative au gagnant de la coupe de déterminer la date des prochaines séries ! (Soit dit en passant, il faut saluer la remarquable compréhension de la proportionnalité qu’ont les partis lorsqu’ils se distribuent les fonds publics entre eux, alors que, après quarante ans de débats, ils n’ont pas encore compris ce même principe dans la distribution des sièges à l’Assemblée nationale !) ;
- Faire mine de s’attaquer au problème important des dépenses électorales. La limite théorique de la Loi électorale était de 11,5 millions $. Les dépenses réelles des deux vieux partis ont été de l’ordre de 8 millions $. La nouvelle loi baisse les dépenses permises à 8 millions $ ! On n’aboutit à aucune diminution des dépenses réelles ; on n’a fait qu’abaisser un seuil théorique qui n’avait jamais été atteint ! Dire que la Coalition avenir Québec (CAQ), qui demandait un plafond de 4,5 millions de $, et Québec solidaire (QS), qui se veut un parti citoyen, ont avalé cela ! Belle hypocrisie !
De la loi 2 de 1977 à la loi 2 de 2012, on mesure l’immense dégringolade dans les exigences que la classe politique s’impose à elle-même. Y a-t-il quelqu’un de vraiment surpris que l’on soit aujourd’hui réduit à s’en remettre à la commission Charbonneau ?
Les citoyens versus les élus
En 1977, j’ai eu la responsabilité du Secrétariat à la réforme électorale et parlementaire. Ma première initiative a été de faire, avec le concours d’une petite équipe de recherchistes, l’inventaire de ce que René Lévesque entendait par réforme des institutions. Cela s’est résumé en dix points et, donc, en autant de réformes. Cinq de ces réformes ont été effectivement mises en place par le gouvernement Lévesque, à savoir :
- la Loi du financement des partis politiques ;
- la refonte complète de la Loi électorale ;
- la Loi de la représentation électorale (carte) ;
- la Loi de la consultation populaire (référendum) ;
- la Loi sur l’accès aux documents publics.
Cinq autres sont restées en plan, ce sont les suivantes :
- la réforme du mode de scrutin
« Le présent mode de scrutin est démocratiquement infect » (René Lévesque) ;
« Notre mode de scrutin continue d’être simpliste, brutal et taillé sur mesure pour assurer la prépondérance de gentlemen privilégiés et de ces groupes d’intérêt que sont les vieux partis » (René Lévesque) ;
Le projet de loi sur une « proportionnelle régionale », annoncé dans le discours inaugural du premier ministre, René Lévesque, a été laissé en plan à cause de la résistance du caucus des députés et celle d’un certain nombre de ministres. (J’aurais plaisir de vous faire parvenir copie du projet de loi par courriel.)
- l’introduction de l’initiative populaire
« Le Livre blanc (sur le référendum) évoquait l’initiative populaire que nous aimerions voir se développer au Québec comme pratique politique. » (René Lévesque, dans La Passion du Québec) ;
Le projet de loi sur l’initiative populaire a été laissé en plan (également disponible par courriel).
- les élections à date fixe
La prérogative du premier ministre l’autorisant à fixer la date des élections « est à remiser au plus tôt dans quelque musée de folklore tribal » (René Lévesque).
- l’élection du premier ministre au suffrage universel
« Un régime présidentiel, fondamentalement c’est la séparation du pouvoir exécutif et du pouvoir parlementaire. Le premier est alors détenu par un vrai Président, élu par tous les citoyens pour gouverner et administrer avec droit de choisir son cabinet n’importe où dans la société et non plus seulement parmi les effectifs forcément restreints d’un groupe parlementaire. Une fois débarrassé de cette encombrante présence gouvernementale, le Parlement peut alors se revaloriser sérieusement et non plus pour rire. Il a le loisir et la liberté de se désencarcaner des partisaneries mesquines, d’assurer pleinement et professionnellement son rôle de législateur, de scrutateur des comptes publics et de contrepoids populaire à la puissance exécutive » (René Lévesque).
- la décentralisation des pouvoirs vers les régions
« La décentralisation est un vaste projet collectif qui renouvelle la façon de vivre en société et de s’administrer […]. Elle est une conception démocratique de l’organisation sociale et politique fondée sur un nouveau partage des pouvoirs » (René Lévesque).
Le fondateur du Parti québécois, dès le départ, avait bien saisi que le vice fondamental était dans nos institutions mêmes. Citons-le : « Il faut bien le dire, nos institutions de type britannique étaient et demeurent faites sur mesure pour perpétuer l’allure de clubs privés, à la fois caricaturale et malsaine que s’y donnent volontiers les partis », et que la solution se trouvait dans de nouvelles institutions adaptées à notre réalité et donc axées sur l’initiative populaire, la représentation proportionnelle, la séparation des pouvoirs exécutif et législatif, les élections à date fixe et, enfin, la décentralisation des pouvoirs vers nos régions.
Cet ensemble de réformes, je l’ai appelé l’héritage démocratique de René Lévesque. J’ai passé trente-cinq années de ma vie à chercher à réaliser cet héritage. Force m’est de constater que là où il a le moins progressé, c’est au sein du Parti libéral (PLQ) et… du Parti québécois (PQ) ; et où il a fait le plus de chemin, c’est dans l’Action démocratique du Québec (ADQ).
Bien des gens, y compris parmi mes amis, n’ont jamais tout à fait compris ce que j’étais allé faire du côté de l’ADQ de Jean Allaire et de Mario Dumont. Pourtant, de 1999 à 2011, date de sa dissolution, l’ADQ avait inscrit à son programme officiel non pas une ou deux réformes proposées par René Lévesque, mais bien les cinq !
Pour mémoire, en 2000, Mario Dumont saisit l’Assemblée nationale du projet de loi 192 sur l’initiative populaire. Ce n’était pas n’importe quel projet, c’était celui de René Lévesque ! Au PQ, non seulement personne ne le reconnaît, mais en outre le gouvernement de Lucien Bouchard refuse d’en débattre. En 2004, Dumont toujours dépose le premier projet de loi en vue d’établir les élections à date fixe. Au tour du gouvernement de Jean Charest de refuser d’ouvrir toute discussion. Le second projet à être déposé à l’Assemblée sur le même sujet est le projet de loi 496 d’Amir Khadir, en 2011. Ironiquement, ce projet du député de Mercier est un décalque de celui de Dumont ! L’Assemblée nationale est actuellement saisie du troisième projet de loi sur les élections à date fixe (projet de loi 3). Curieusement, il ne reprend pas le modèle Dumont-Khadir, mais s’inspire plutôt de la loi fédérale. Enfin, l’ADQ a été le seul parti dans notre histoire à avoir inscrit à son programme officiel la décentralisation au profit de gouvernements régionaux élus au suffrage universel et à faire adopter par ses instances « une Constitution pour le Québec ». Laquelle incorpore les cinq réformes Lévesque.
Le 22 mai 2007, Daniel Turp, député du PQ de Mercier, a, pour sa part, déposé à l’Assemblée nationale le projet de loi 191 relatif à une Constitution du Québec, puis le 18 octobre 2007, le projet de loi 196 relatif à une Constitution québécoise. À la différence de l’ADQ, dont le premier article se lit comme suit : « La constitution est fondée sur la souveraineté populaire », les deux projets ci-dessus maintiennent les institutions britanniques actuelles et se fondent sur le Parlement plutôt que sur le peuple.
L’héritage de Lévesque s’est de nouveau retrouvé devant les États généraux sur la réforme des institutions démocratiques en 2002-2003. Il s’agit de la plus vaste consultation populaire de notre histoire sur la qualité de notre démocratie. Elle a été conduite par Claude Béland. Vingt-sept assemblées publiques dans vingt villes et seize régions ont abouti à un rassemblement de trois jours de mille citoyens venant de toutes nos régions. Ces derniers ont opté pour ce qui suit :
- la réforme du mode de scrutin (à 90 %) ;
- l’introduction de l’initiative populaire (à 80 %) ;
- des élections à date fixe (à 82 %) ;
- l’élection du premier ministre au suffrage universel
- (à 82 %) ;
- la décentralisation des pouvoirs vers les régions (à 77 %).
Cette liste des priorités relative aux réformes a été reprise par un mouvement issu des États généraux, le Mouvement démocratie et citoyenneté du Québec (MDCQ) qui, encore aujourd’hui, est présidé par Claude Béland.
Le Parti québécois n’a pas été complètement absent de la démarche. Son programme actuel, adopté en 2011, prévoit qu’un gouvernement du PQ fera adopter par l’Assemblée nationale une constitution québécoise pour l’immédiat et créera une assemblée constituante pour préparer la Constitution de l’État d’après l’indépendance. La seconde évidemment est hypothétique. La première, comme toute constitution qui se veut démocratique, devrait être établie non pas par le Parlement, mais par une assemblée constituante citoyenne. Il reste encore à faire comprendre au PQ que l’État appartient à ses citoyens et donc que la souveraineté de l’État procède de la souveraineté populaire, et non pas l’inverse.
Cette erreur fondamentale est répétée dans le projet de loi du PQ sur l’identité québécoise (2012). Celui-ci prévoit que l’Assemblée nationale crée une commission parlementaire mandatée pour rédiger une constitution, commission formée de quinze députés désignés par les chefs de partis auxquels s’ajoutent quinze représentants de divers milieux nommés par le premier ministre après consultation du chef de l’Opposition officielle. Voilà une démarche de plus sous le contrôle des partis politiques ! C’est vite oublier que la légitimité des élus actuels et des personnes qu’elle désignerait tient de la présente constitution… celle justement qu’il s’agit de remplacer ! En d’autres mots, les élus actuels n’ont pas la légitimité pour créer une nouvelle constitution. En démocratie, cette légitimité ne peut appartenir qu’aux citoyens. L’assemblée constituante doit être celle des citoyens à l’abri du contrôle des partis. Son acceptation finale doit se faire non pas par un Parlement issu de la constitution actuelle, mais par l’ensemble des citoyens lors d’un référendum.
Sur un registre plus positif, après que le député de Marie-Victorin, Bernard Drainville, eut participé à une importante consultation citoyenne, où il fut littéralement submergé par les opinions de tout un chacun, il a, le 25 août 2011, rendu public son rapport intitulé Dix idées pour redonner confiance aux citoyens. On y dresse quatre premières grandes solutions pour rétablir cette confiance, solutions qui sont les suivantes :
- élire le premier ministre au suffrage universel ;
- tenir des élections à date fixe ;
- doter le Québec d’un processus de référendums d’initiative populaire ;
- tenir un référendum sur le mode de scrutin.
Parallèlement, Sylvain Pagé, député de Labelle, a procédé à une consultation similaire. Rendu public le 8 septembre 2011 et intitulé Manifeste pour une nouvelle culture politique, son rapport recommande une longue série de réformes, dont celles-ci :
- l’initiative populaire ;
- les élections à date fixe ;
- la réforme du mode de scrutin ;
- la décentralisation des pouvoirs vers les régions.
Plus près de nous encore, Dominic Champagne, artiste québécois, a publié récemment un opuscule, intitulé Le gouvernement invisible, dans lequel l’auteur milite pour une réforme des institutions démocratiques centrée sur
- les élections à date fixe ;
- l’initiative populaire ;
- la représentation proportionnelle ;
- une assemblée constituante ;
- la limitation des mandats des élus.
En un mot comme en cent, depuis 1977, chaque fois que l’on consulte les citoyens sérieusement, l’on obtient les mêmes réponses ! Faites vous-même l’essai ! Évidemment, il ne faut pas utiliser un vocabulaire alambiqué. Les citoyens ne parlent pas la langue de bois, en revanche, ils connaissent fort bien les objectifs à poursuivre. Ce sont ces objectifs qu’il faut identifier bien avant que les spécialistes ne s’en mêlent. Par conséquent, posez les questions ci-dessous à vos amis, à des citoyens, ou encore à vous-même.
Seriez-vous d’accord :
- pour que les Québécois élisent le premier ministre directement, soit au suffrage universel ?
- pour que les députés soient exemptés de la ligne de parti ?
- pour qu’un parti qui obtient 24 % des votes dans une élection se voie allouer 24 % des sièges à l’Assemblée nationale ?
- pour que les élections se tiennent à date fixe ?
- pour que les régions aient plus de pouvoirs pour leur garantir un développement plus autonome ?
- pour que les citoyens puissent soumettre eux-mêmes un projet de loi à l’Assemblée nationale ?
- pour que le Québec se dote, dès aujourd’hui, de sa propre constitution ?
Je serais bien surpris que vous n’ayez pas répondu oui à chacune de ces questions ou du moins à la grande majorité ! Alors, demandez-vous pourquoi ces réformes ne sont pas encore réalisées. Et ne soyez pas surpris que le fossé continue à s’élargir entre les citoyens et leurs institutions politiques traditionnelles. C’est que les partis n’entendent rien. Pourtant, les citoyens s’expriment clairement ! Pour preuve, voici quelques courts extraits, tirés de différentes sources.
États généraux sur la réforme des institutions démocratiques :
« Le cœur citoyen, si on nous permet l’expression, est inquiet. Un profond sentiment de désabusement à l’égard de la politique traverse le Québec. La frustration du citoyen est palpable devant son impuissance à influer, comme il le voudrait, sur les décisions qui ont un impact sur la vie et sur celles de ses pairs […]. La dichotomie cœur-tête est présente et déchirante. Le citoyen a beau faire l’effort de comprendre la complexité de la vie démocratique dans notre monde moderne, il sent bien que les choses ne vont pas dans le sens souhaité. Il répète à satiété ne pas avoir le sentiment de participer activement et réellement aux destinées politiques, économiques et sociales du Québec » (Rapport du Comité directeur des États généraux, p. 21).
Bernard Drainville :
« Les Québécois ont perdu confiance envers leurs élus et leurs institutions démocratiques. Ils ne s’y reconnaissent plus. Ils ont l’impression de ne pas être entendus et pis encore, de ne pas être écoutés par leurs représentants politiques. Ce cynisme […] puise en grande partie sa source dans le sentiment qu’ont les citoyens d’être complètement écartés des décisions qui les touchent, de n’y être aucunement impliqués. [Je] ne puis que tirer une seule conclusion : la seule façon de remettre le Québec en marche, c’est de donner plus de pouvoir aux citoyens en renforçant considérablement leur prise sur les institutions démocratiques. Il ne faut plus que le citoyen se retrouve seul face au système, aux machines organisées des partis et des lobbies » (Dix idées pour redonner confiance aux citoyens », p. 1sq.).
Sylvain Pagé :
« Le cynisme politique se répand de plus en plus chez les Québécois. Pendant ce temps, une grande majorité des élus semble ignorer l’étendue du problème et continue d’exercer la politique de la vieille manière : une politique de confrontation et de publicité négative. Pour rétablir la confiance des citoyens et pour réaliser des projets de société porteurs d’avenir, une nouvelle culture politique est nécessaire » (Manifeste pour une nouvelle culture, p. 14).
Les gens des partis ne lisent peut-être pas les rapports, mais certainement les sondages. On connaît le sondage annuel de l’évaluation des politiciens par les citoyens. Comme l’affirmait le député de Marie-Victorin, lors d’un discours prononcé le 10 mai 2012 à l’Assemblée nationale alors qu’il était député de l’opposition : « Nos concitoyens ont perdu confiance en nous […] notre crédibilité comme hommes et femmes politiques a atteint le même niveau que les vendeurs de chars usagés [sic]. »
Sa constatation, si accablante qu’elle fût, n’était pas précise. En effet, un sondage, paru dans Le Soleil du 17 février 2003, il y a près de dix ans déjà, donnait 14 % de popularité aux élus et… 20 % aux vendeurs de voitures d’occasion ! On a beau en rire, ce n’est à l’évidence pas drôle !
Évidemment qu’il y a une crise des institutions. Ce ne sont pas nos institutions.
On sait pertinemment bien que nos institutions sont britanniques. Elles sont issues de la culture politique britannique et nous sont venues, on l’oublie souvent, par voie de conquête militaire. Or, la culture politique québécoise est aux antipodes de celle des Anglais. En effet, la société britannique est monarchiste, protestante, individualiste et capitaliste. La société québécoise est, au contraire, antimonarchiste ou républicaine (même si le mot lui-même tarde à s’implanter), catholique, coopérative et sociale-démocrate.
Notre survie même a planté fermement en nous un très profond sens de la solidarité, de la concertation et du destin commun. Or, hérités tour à tour de l’Angleterre, le système parlementaire et le mode de scrutin sont fondés sur des valeurs contraires. Le système parlementaire favorise la confrontation et la rivalité : il place face à face le gouvernement de Sa Majesté et la loyale Opposition de Sa Majesté dans un perpétuel duel simplificateur, où un dialogue de sourds oppose les bons aux méchants, les bleus aux rouges, les fédéralistes aux souverainistes. Un cul-de-sac érigé en système ! Et ce système s’étend en dehors du Parlement. Ainsi, on pourrait penser qu’il serait utile que l’on soit à la fois lucide et solidaire. Mais notre petit système d’incontournable compétition en fait tout de suite un débat entre contraires !
Le scrutin anglais est le petit frère de l’autre. Sa mission est de déformer l’expression de la volonté populaire pour la rapetisser justement à un système de deux partis seulement (avec généralement un troisième qui aspire à entrer dans leur club sélect). En dépit de la grande pièce de théâtre qui se joue à l’Assemblée nationale, les deux vieux partis s’entendent comme larrons en foire pour se succéder au pouvoir. Chacun prétend qu’il fera de la politique autrement, mais comme le dit bien la sagesse populaire et l’illustre bien le gouvernement Marois, le résultat finalement est le même : blanc bonnet, bonnet blanc !
Il faut croire que les Anglais sont heureux avec leurs institutions. En tous les cas, il faut le leur souhaiter. Néanmoins, qui peut prétendre que les Québécois, hormis ceux de la classe politique traditionnelle qui y font carrière, se reconnaissent vraiment dans un régime, où l’on affirme :
- que sa Reine est la reine d’Angleterre (et la chef de l’Église anglicane !) ;
- que son Parlement est souverain, alors que le seul vrai centre de souveraineté est le bureau du premier ministre ;
- que son peuple élit le gouvernement, alors que, dans les faits, ce sont les partis politiques qui déterminent qui sera premier ministre ;
- que son Assemblée nationale représente le peuple, alors que le vote, exprimé par ce dernier, est constamment déformé pour servir les intérêts des partis ;
- que son peuple élit des députés pour le représenter, mais que ceux-ci sont soumis à la discipline de parti ;
- que son peuple ne s’est jamais donné une constitution de plein gré, mais que ses gouvernements se soumettent à celle qu’il a, en connaissance de cause, refusée ;
- que son peuple vit au sein d’une confédération, alors qu’en réalité elle en est à des années-lumière ?
Comment expliquer que, depuis longtemps, un peuple vit en marge de ses institutions, sinon par le fait que, ici comme ailleurs, ses petites élites ont très bien appris à coucher dans le lit du pouvoir venu d’ailleurs en se gardant d’en modifier les règles ? Et, cela vaut manifestement pour celles du parti qui prétend vouloir amener le Québec à son indépendance ! Le PQ de René Lévesque avait comme ligne d’action de transformer les institutions traditionnelles du Québec. Devenu avant tout une machine électorale, le PQ d’aujourd’hui ne survit que par ces institutions désuètes. Pendant que somnole l’idée d’indépendance du pays, il se maintient exclusivement au pouvoir à cause du mode de scrutin. Pour l’heure, s’il forme le gouvernement, c’est avec seulement 31.9 % de soutien populaire, le plus faible de notre histoire !
British government is party politics
Un professeur britannique a bien résumé le système politique anglais : en régime anglais, le gouvernement du peuple, c’est le gouvernement d’un parti. Tandis que les Révolutions américaine et française ont, chacune à sa manière, transféré le pouvoir de la monarchie au peuple, la Révolution anglaise de 1688, tout en maintenant la forme monarchique, a cédé les pouvoirs du roi au Parlement.… Oui, oui, au Parlement, non pas au peuple ! Le Parlement, ce sont les partis politiques. La révolution anglaise en est encore là, trois cent vingt-cinq ans plus tard. Le pouvoir réel est entre les mains des partis politiques, réduits, pour les besoins du pouvoir, au nombre de deux. Les partis politiques sont entre les mains de leurs chefs. Ceux-ci sont choisis à l’intérieur des partis, bien loin du suffrage universel des citoyens. Ils imposent la ligne de parti à leurs députés loin, loin de l’écoute des citoyens.
Il s’ensuit que la participation réelle des citoyens, dans une démocratie où ils sont censés être les maîtres, est réduite à apposer un X pour un candidat dans l’une des cent vingt-cinq circonscriptions. Les partis s’occupent du reste. Pour s’en convaincre, citons Lévesque :
« On sera toujours aux prises avec le bon vieux système parlementaire à la britannique : le gouvernement faisant partie intégrante d’un parlement soi-disant souverain, mais en réalité ficelé par la ligne de parti et asservi à toutes fins utiles [sic] à la dictature effective du cabinet du premier ministre et de son entourage. »
Dictature… Le mot est lâché. En régime parlementaire britannique, le premier ministre a des pouvoirs beaucoup plus larges et immensément plus discrétionnaires que le chef de gouvernement en régime présidentiel. En effet, le premier ministre, sans jamais recevoir de mandat direct du peuple, assume tour à tour une pléiade de fonctions, que voici : chef de son parti, chef du gouvernement, chef du Parlement, chef de l’Administration et chef réel de l’État. Ce faisant, à sa guise, il convoque, proroge et dissout l’Assemblée nationale. Selon son bon vouloir, il nomme sous-ministres, dirigeants des sociétés d’État, juges des cours du Québec ; il choisit le directeur de la Sûreté du Québec et même, le chef de police de Montréal ! De plus, il est celui qui approuve 99 % des projets de loi soumis à l’Assemblée nationale, qui détermine le budget de l’État, qui organise ou réorganise, comme il lui plaît, l’administration publique et, enfin, qui détient un droit de vie ou de mort sur nos municipalités.
En somme, le Québec ressemble à une vaste copropriété de huit millions de propriétaires. Évidemment, l’affaire est trop grosse pour que tout le monde prenne toutes les décisions tout le temps. L’histoire veut qu’on ait adopté un système de gérance, où le gérant détient un contrat de cinq ans maximum. Cependant, avec le passage du temps, les propriétaires se rendent de plus en plus compte que le gérant fait à sa tête. C’est lui qui détermine le moment où son contrat entre en vigueur et se termine ; qui choisit les règles selon lesquelles on élit le gérant ; qui puise librement dans l’argent de la copropriété pour financer son élection, ou rembourser ses dépenses, ou encore se donner des services dits de recherche et autres. C’est lui qui verra à la nomination du Directeur de ces élections ; qui réaménagera le vote exprimé par les propriétaires pour qu’ils lui donnent une majorité disproportionnée ; qui, au besoin, fera même fi du vote des propriétaires en se proclamant lui-même élu même par une minorité ! C’est lui encore qui contrôle de façon absolue les finances de la copropriété, faisant miroiter aux propriétaires, selon qu’il est en élection ou non, qu’elles soient inépuisables ou, au contraire, réduites à une faible marge. Même que, au nom de la loi de la concurrence, dans ses transactions, le gérant se croit justifié de ne pas informer les propriétaires quand il brade des pans du territoire national ou encore nos richesses naturelles. Lorsque les propriétaires exigeront massivement une enquête sur la corruption où ils le soupçonnent d’être impliqué, il fera la sourde oreille ou l’autruche. Et cela, même si, depuis des années, les propriétaires crient leur perte de foi dans son système de gérance et que, depuis une vingtaine d’années, ils lui accordent moins de confiance qu’aux vendeurs de voitures d’occasion ! Que reste-t-il aux propriétaires à faire ? Il lui faudrait changer non seulement le gérant, mais surtout de système de gérance ! Mais, comment fait-on ? Il faut se conformer aux règles établies par le gérant !
Avec le régime parlementaire britannique et le mode de scrutin qui l’aggrave, les Québécois vivent dans un régime d’usurpation du pouvoir citoyen par les partis politiques. On mesure toute la force d’intuition d’un René Lévesque qui a voulu que son premier – et plus important – geste soit de faire des électeurs les propriétaires exclusifs des partis politiques. On constate aujourd’hui l’immense recul parcouru, puisque la nouvelle loi sur le financement banalise la contribution des électeurs et veille à ce que les partis politiques soient entretenus par l’État. « Il ne faut pas que le citoyen se retrouve seul face au système, aux machines organisées des partis et des lobbies », avait écrit l’actuel ministre des Institutions démocratiques dans son rapport intitulé, on s’en souvient, Dix idées pour redonner confiance aux citoyens. Avec la nouvelle loi 2, voilà les citoyens plus seuls que jamais devant les machines des partis !
La souveraineté populaire avant la souveraineté de l’État : « We the People… »
En usurpant le pouvoir citoyen, le Parti libéral vole le peuple dans ce qu’il est. En usurpant le pouvoir citoyen, le Parti québécois, quant à lui, fait bien pis : il vole le peuple dans ce qu’il voudrait et pourrait être ! Quarante-cinq ans après sa fondation, le PQ a entraîné le projet de société qu’aurait pu être la souveraineté dans un cul-de-sac. Comment ? Essentiellement, en le rapetissant à un projet de parti politique. Parce que, hélas !, l’indépendance, on le sait, est devenue la propriété du PQ. Il en détermine le contenu, la stratégie, les étapes et la date. Tandis que Pauline Marois dit que l’initiative populaire doit être subordonnée à l’initiative partisane, Gilles Duceppe affirme, pour sa part, qu’il nous faudrait un nouveau mode de scrutin, un scrutin à deux tours. Pourquoi ? Parce qu’il permet une coalition des souverainistes ! Mais, que fait-on du principe qu’un mode de scrutin, c’est fait pour les citoyens, et non pas pour les partis politiques ! On proclame solennellement la patrie avant le parti, quand, dans les faits, la patrie est continuellement passée au moulinet du parti. Les institutions nouvelles que réclament les Québécois et qui peuvent être largement mises sur pied dès maintenant, notamment, par une constitution pour aujourd’hui doivent attendre qu’on ait d’abord répondu oui au Parti québécois. La souveraineté que le PQ réclame n’est pas celle des citoyens, celle de We the People… mais celle de l’État. Celle-là justement est la chasse gardée des partis politiques.
Dès aujourd’hui, combien serait plus fertile la démarche pour rebâtir un pays, si elle était entreprise à partir des citoyens et en fonction du pouvoir citoyen. Combien plus authentiquement distincte cette société serait,
- si elle élisait son chef de l’exécutif au suffrage universel ;
- si son Assemblée nationale reflétait fidèlement la volonté populaire ;
- si ses députés libérés de la discipline de parti étaient de vrais législateurs et avaient un réel contrôle sur l’administration publique ;
- si ses régions avaient l’initiative et la maîtrise politique de leur propre développement ;
- si les citoyens avaient l’initiative des lois.
Bref, ce qui importe, c’est que cette société se constitue. Se donner une constitution, c’est énoncer ses valeurs fondamentales, offrir une vision de la société pour demain, déterminer comment on entend se gouverner et aménager l’exercice du pouvoir non seulement à Québec, mais encore sur l’ensemble du territoire.
Se constituer, c’est d’abord proclamer, comme c’est le cas à l’article 1 de la Constitution suédoise, que : « Tout pouvoir émane du peuple ». Or, les deux projets de constitution, soumis par le PQ en 2007, commencent comme suit : « Nous, le peuple… » Ces mots restent suspendus en l’air, il n’y a pas de verbe ! Il faudrait imiter la Constitution américaine, dans laquelle il est écrit ces premiers mots : « Nous le peuple ordonnons et établissons la présente constitution. » Dans les projets du PQ, on y lit ceci à la place : « Le Parlement décrète ce qui suit […] » Encore un beau cas où la primauté du Parlement, donc des partis, l’emporte sur la souveraineté populaire ! Pour revenir à l’image de la copropriété, c’est comme si le gérant s’arrogeait l’immense pouvoir de refaire l’ensemble des règles du condominium au lieu d’en laisser l’initiative aux propriétaires.
Une traversée du Québec à mon goût
Avant même qu’elle n’ait été prononcée, j’ai toujours été inspiré par le contenu d’une réponse que René Lévesque donnait en entrevue à la fin de sa carrière et qui, en réalité, avait fondé toute son action politique. La question de la revue L’Actualité (octobre 1985) posée à Lévesque était la suivante : « Au moment de quitter la vie politique, que souhaitez-vous comme avenir politique au peuple québécois ? » Et, Lévesque de répondre : « Qu’il se rende compte d’un fait primordial : qu’il est probablement un des deux ou trois peuples les plus le fun, les plus intéressants, les plus capables d’aujourd’hui. »
Il est de la nature des élites, sinon de mépriser carrément le peuple, tout au moins de mener son propre combat au mépris de celui du peuple. Ici, tout comme ailleurs, ce fut le cas. Ce l’est encore. La monarchie française a abandonné le Québec. Le haut clergé québécois s’est rangé du côté de la Couronne britannique. Nos hommes d’affaires, notaires et communautés religieuses n’ont protégé qu’eux-mêmes dans l’acte de la Confédération. Aujourd’hui, une élite nationaliste mène une bataille négative, défaitiste, querelleuse, où nous serions les perpétuelles victimes des Anglais et du fédéralisme, et où la prise de conscience de nos malheurs nous mènerait à un État nouveau !
La réalité est bien différente. Depuis la découverte de l’Amérique, il existe sur ce territoire, d’abord canadien, puis canadien-français et, enfin, québécois, un peuple l’fun, intéressant et capable, mais à qui son élite politique refuse de donner les conditions pour se gouverner lui-même. Ce peuple, il pète le feu culturellement. Il est très riche socialement, notamment, quant à l’émancipation inégalée dans le monde, sinon chez les Scandinaves, de la femme québécoise. De plus, il s’est bâti économiquement en un temps record, mais, MAIS, il souffre d’être dépossédé politiquement. Il est beau non pas à cause de, mais en dépit de sa classe politique dirigeante. Comme l’exprimait tout récemment Fred Pellerin : « Il y a la flouidité québécoise, mais une chance qu’il y a le peuple ! » Que serait-il, ce peuple, si, à sa fougue culturelle, à sa force sociale et à son dynamisme économique, il y ajoutait le pouvoir de décider par lui-même et pour lui-même ? Quelle revalorisation de la classe politique pourrait s’opérer, si le peuple choisissait lui-même le premier ministre ! Quel admirable instrument collectif pourrait être l’Assemblée nationale, si on la fondait enfin sur la volonté nationale ! Enfin, quel État modèle pourrait s’exprimer ici à travers une constitution qui, pour la toute première fois en quatre cents ans d’histoire, serait l’œuvre des citoyens d’ici !
L’hiver des institutions appelle un printemps citoyen
Heureusement que les citoyens savent se mobiliser en dépit de leurs institutions sclérosées. Pour n’en rester qu’aux événements récents, c’est la pression populaire qui a fini par donner naissance à la commission Charbonneau. Qui aurait pu prédire qu’en l’espace de quelques semaines la vieille classe politique se verrait délester de Jean Charest, de Gérald Tremblay et de Gilles Vaillancourt ? Et ça ne fait que commencer ! Ce sont les étudiants essentiellement qui ont eu la tête d’abord de la ministre de l’Éducation, puis du premier ministre. Il faut souhaiter que Léo ne se fasse pas bouffer par son parti, que Gabriel donne un sens large aux mots travaux communautaires, que Martine poursuive son combat… et que les centaines, peut-être les milliers de jeunes qu’ils ont éveillés trouvent un écho à leurs aspirations.
Si, du haut de mes soixante-seize ans, je peux me permettre de donner un conseil aux jeunes, ce serait celui de lire l’opuscule d’un nouveau venu à la politique. Dominic Champagne a réussi à faire marcher dans la rue 300 000 personnes à l’unisson à l’occasion du Jour de la Terre de 2012. Dans Le gouvernement invisible, il a cette merveilleuse réflexion : « Je rêve d’une force politique qui puisse se mettre en phase avec l’extraordinaire élan de démocratie et de mobilisation citoyenne que le Québec a connu ces derniers temps. »
De mon point de vue, ce livre se lit comme la mise à jour d’Option Québec, de René Lévesque. À l’instar de ce dernier, Champagne rompt avec le nationalisme diviseur et voit le Québec comme « l’un des endroits où le bonheur par habitant est l’un des plus élevés [et comme] l’un des pays les plus riches au monde ». Il écarte la victimisation comme base de combat et l’hostilité comme carburant. Il appelle, au contraire, à partir « du pays réel qui existe aujourd’hui », au rassemblement ; il se place au-delà des questions d’ordres ethniques ou de clivages gauche-droite. Il ne craint pas de mettre le cap sur des défis de taille, à savoir « faire du Québec une puissance mondiale en énergie verte ». Enfin, il fait le lien avec les institutions :
« La solution pour les peuples passe par la reprise en main de leurs institutions politiques […]. Je n’ai aucun doute sur le fait que nous ayons le potentiel et la capacité de nous gouverner et que nous saurions mieux œuvrer pour le bonheur de tous avec une nouvelle Constitution pour le Québec. »
En cela Champagne rejoint encore Option-Québec :
« Il n’y a rien d’aussi fondamental dans une société que la question de ses institutions, de ses structures politiques qui forment le cadre de la vie de tout le monde et de toutes les activités. » (René Lévesque)
Comblé par la traversée
Si j’accroche mes patins avec l’amère déception de voir le parti que j’ai contribué avec bien d’autres à fonder en 1968 devenir la toute petite chose politique qu’il est aujourd’hui, en revanche je n’ai pas le plus petit regret pour l’ensemble de ma traversée du Québec. Je fus d’abord étudiant, ensuite professeur, puis militant dans l’Opposition comme au gouvernement, puis recherchiste, puis sous-ministre et, enfin, professeur en fin de carrière. Il m’a été donné de me frotter tout au long de ma vie aux magnifiques qualités des citoyennes et des citoyens d’ici. J’en sais quelque chose de leur ténacité, solidarité, créativité, intensité, enthousiasme, ouverture, tolérance et attachement à leur communauté.
Je serai toujours profondément ému du fait que ma vie s’est déroulée à l’ombre de géants. Géant moral, d’abord : Jean Piché p.s.s., qui donnait un extraordinaire cours de philosophie, axé sur la notion d’amitié. Géant intellectuel : Jean Meynaud, lequel alliait une immense réserve de connaissances à une non moins grande réserve d’humilité. Et bien sûr, mes trois géants politiques. Il s’agit de Robert Burns, chez qui amitié et équité sont synonymes ; de Claude Béland, « monsieur coopératisme », « monsieur démocratie », le prototype même du parfait citoyen, et de René Lévesque, dont l’histoire d’amour avec son peuple représente, selon moi, l’apogée de la vie politique des Québécois.
Je me garderai de nommer une seule des dizaines, des centaines, voire des milliers de personnes qui ont alimenté ma vie de citoyen. Les plus proches ne sentiront pas le besoin d’être désignées. Elles connaissent bien notre lien d’amitié. Les autres personnes peuvent difficilement être nommées puisque ce sont des jeunes à qui j’ai enseigné ; des militants avec qui je me suis battu ; des collègues avec qui j’ai travaillé ; des gens dans toutes les régions que j’ai eu la chance de rencontrer. À tout ce beau monde, je leur dis : merci d’être ce que vous êtes… et merci d’en avoir partagé une part avec moi.
Comme je l’ai fait à de multiples occasions, en particulier avec mes étudiants, je cède les dernières paroles à Jean-Jacques Rousseau, dont l’extrait est tiré de son Contrat social :
« Il ne peut y avoir de patriotisme sans liberté ; de liberté sans vertu ; de vertu sans citoyens. Créez des citoyens et vous aurez tout ce dont vous avez besoin ; sans eux, vous n’aurez rien que des esclaves avilis, à commencer par les autorités de l’État. »
Le 6 janvier 2013
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