La militante Andrée Ferretti, notre amie

Andrée Ferretti parle avec clarté. Des mots assertifs. Dans les lieux publics, devant des assemblées. Les gens veulent l’entendre. La soif pour ses déclarations nettes, sculptées. Andrée a du souffle. Elle est désirée pour cela : ses phrases formulées en langue affirmative. Elle est une oratrice, une grande.

Nous avons vu tant de fois ces désirs qu’on peut avoir de la parole : la pensée et la parole d’une femme militante, libre penseuse, du même élan, une écrivaine originale qui s’est éteinte paisiblement le 29 septembre dernier, au bout de son âge.

Des déclarations d’amitié, il y en a eu entre nous.

L’amitié tient de l’usage verbal. Les échanges tendent vers l’intelligence. Avant ou après, cela n’importe pas, la tendresse dite une nouvelle fois.

Andrée a écrit des fictions, des romans. La plupart de ses personnages sont des philosophes, des femmes érudites. Elle croit au savoir, à sa nécessité tout autant qu’à l’amour, le corps et la passion.

Elle proclame qu’il est plus facile d’être féministe que d’être indépendantiste. L’irrévérence.

Des personnages de femmes inventés par elle, des fictions de violence. Figures violentées, qui violentent à leur tour, largement situées au milieu de la brutalité et des terreurs. En résumé, des images de femmes libres.

La liberté est un arrachement.

Lectrice, elle se réclame de la joie. Les écrivains, qu’elle suit de livre en livre, ce sont pour la plupart des hommes traçant le bonheur de vivre. Comme libre penseuse, elle va du côté de la victoire.

Son œuvre est exceptionnelle par la qualité de l’expression, de sa pensée et de son engagement.

Andrée Ferretti rappelle constamment qu’elle est une autodidacte. Au cours des années 1970, elle a étudié la philosophie à l’Université de Montréal et s’est reconnue dans l’œuvre de Spinoza, le philosophe de la joie.

Son écriture est résolument classique. Son premier roman, Renaissance en Paganie (1987), ouvre sur la pensée philosophique d’Hypatie d’Alexandrie. La clarté de la langue va de pair avec ce qu’elle raconte, illustre, débat : une invitation à penser. Son roman Bénédicte sous enquête (2008), sur Spinoza dans une identité de femme, propose un personnage lumineux.

Andrée Ferretti est aussi une nouvelliste accomplie. Octobre de lumière raconte son incarcération lors des événements d’octobre 1970. La nouvelle reprend donc les événements historiques et la narration se hausse à cette dimension. Elle a fui l’école très tôt, l’école étant une prison. La prison a été son université.

Dans une entrevue avec Jean Royer, Andrée Ferretti a dit privilégier la liberté en retraçant des destins de femmes. Des méditations sur la liberté traversent ses fictions. Tard venue à l’écriture littéraire, elle écrit un monde contrasté dans une langue limpide.

Passionaria de l’Indépendance, elle a écrit plusieurs essais. À 80 ans, elle a publié Mon désir de révolution qui relate l’histoire de ses idées et son parcours. Comment dire que le seul titre de cet essai est iconoclaste ?

Andrée Ferretti était une vraie amie.

 

* Claire Aubin est artiste visuelle et France Théoret est autrice.