La retraite en commun. Fondements, enjeux et propositions

Riel Michaud-Beaudry
La retraite en commun. Fondements, enjeux et propositions
Québec, Presses de l’université Laval, 2022, 268 pages

Généralement perçues comme des enjeux complexes qui n’intéressent que les experts et les aînés, il est plutôt rare que les questions de retraite fassent la manchette. L’esprit du temps nous amène souvent à les reléguer au registre de la responsabilité individuelle et reposant en grande partie sur l’épargne personnelle. Or, la retraite concerne pourtant tout le monde, ne serait-ce qu’en raison de l’ampleur du filet social qui l’entoure. En dépit de son importance, la littérature visant à vulgariser la retraite dans sa globalité se faisait toujours attendre. Cet ouvrage vient combler ce vide. Car mieux saisir les fondements de cette étape de la vie et cerner davantage les enjeux sociaux qu’elle soulève est l’ambition de La retraite en commun. Fondements, enjeux et propositions.

Œuvrant dans le domaine de la recherche depuis plusieurs années, notamment comme chercheur à l’Observatoire de la retraite (OR), son auteur, Riel Michaud-Beaudry, offre un assemblage de ses travaux produits dans le cadre de ce groupe de recherche, assemblage qu’il a complété par une large part de contenu inédit.

Divisé en trois parties, le livre s’attelle, dans un premier temps, à tracer les grandes lignes du système de retraite au Québec. Le lecteur pourra y découvrir l’histoire de cette institution et les paramètres qui l’encadrent. Qu’est-ce que la retraite au Québec aujourd’hui ? La retraite c’est « la sortie définitive du marché du travail après un certain nombre d’années » (p. 11). Durant cette période, les personnes retraitées recevront une rente qui est une forme de salaire différé. Un peu à la manière de l’immeuble qu’on peut voir en page couverture, l’architecture de notre système de retraite compte trois étages. Le premier comprend les mesures universelles du gouvernement fédéral – Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG) –, le deuxième est le régime de base obligatoire apportant une rente offrant environ 25 % du salaire moyen des cotisants tels que le Régime de retraite du Québec (RRQ) et son équivalent pour les Canadiens, le Régime de pension du Canada (RPC). Le troisième étage de l’édifice concerne particulièrement la classe moyenne et quiconque souhaite maintenir un train de vie confortable jusqu’à son décès : ce sont les régimes de retraite individuels (REER et épargnes personnelles) et collectifs qui viennent compléter l’édifice. La portée pédagogique de cette section est renforcée par la présence d’un glossaire à la fin de l’ouvrage.

Une fois les fondements posés, le lecteur pourra mieux naviguer à son gré dans la deuxième partie qui aborde les nombreux enjeux de la retraite. La lecture de cette section remettra sans doute en question un certain nombre d’idées reçues. Par exemple, faut-il augmenter l’âge de la retraite à 67 ans comme les conservateurs de Stephen Harper le proposaient il y a plusieurs années ? L’auteur démontre de façon assez convaincante que les économies ainsi générées seraient plutôt modestes et ne feraient que renforcer la précarité des plus âgés. Bref, il s’agit bien : « [d’]une solution simpliste à des enjeux complexes » (p. 67). Autre exemple, le lecteur qui penserait qu’en 2022 la question des inégalités économiques entre les hommes et les femmes est réglée sera renversé de constater l’écart significatif entre les sexes au chapitre du revenu des personnes âgées de 65 ans et plus (p. 87).

Comment les immigrants s’insèrent-ils dans notre système de retraite ? À quel point les régimes collectifs des entreprises sont-ils protégés en cas de faillite ou de restructuration ? Quels sont les effets des crises économiques sur le système de retraite ? Le lecteur trouvera la réponse à toutes ces questions et bien d’autres dans cette deuxième partie qui offre un bon tour d’horizon.

La troisième section est consacrée à l’élaboration de solutions pour améliorer les institutions de la retraite. Pour renforcer la protection des régimes collectifs des travailleurs en cas de faillite d’une entreprise, on y propose notamment de réformer les lois fédérales en matière de restructuration des entreprises et de faillite de même que la création d’une assurance protégeant les régimes collectifs. L’auteur suggère aussi d’établir des cibles quant au taux de remplacement du revenu pour les régimes de retraite tels que la SV et le RRQ de même que de reconnaître le travail socialement utile, mais non rémunéré comme l’aide à un proche malade ou la prise de responsabilités parentales. Enfin, il suggère la création d’un conseil des partenaires de la retraite dont le fonctionnement s’inspirerait de celui du Conseil du statut de la femme.

Dans un monde où l’individualisme est roi, l’idée maîtresse de ce livre est que la retraite est l’affaire de tous. Véritable vade-mecum de la retraite, La retraite en commun est un incontournable pour quiconque s’y intéresse et contribuera certainement à l’enrichissement du débat public grâce à sa portée à la fois civique et pédagogique. Il s’agit d’un ouvrage qui aura sans doute une longue vie et qui gagnerait à être réédité de façon périodique.

Louis-Philippe Sauvé
Coordonateur adminsitratif à l’IREC