Le chef en porte-à-faux face à la jeunesse souverainiste

En toutes sociétés, les jeunes ont un rôle déterminant pour l’avenir. Tel un diamant brut, à peine ciselé, ils affirment leurs convictions profondes le plus simplement du monde. Les jeunes du Parti québécois, réunis en Grand rassemblement, se sont exprimés clairement en vue du prochain congrès national.

Il est intéressant de constater que ces jeunes, malgré les pressions de « la machine » politique du Parti québécois, ont adopté l’essentiel des thèses dites « Parizeau-Laplante ». Et ils ont particulièrement adhéré à ce qui est le plus contesté par cette même machine, soit les gestes de souveraineté. Dans ce cas, les jeunes sont très clairs : il est primordial d’effectuer des gestes de ruptures irréversibles avant même la tenue d’une éventuelle consultation sur la souveraineté du Québec.

 

Ces jeunes donnent des exemples de ce que pourraient être ces gestes. La nationalisation des impôts, l’établissement d’un CRTC québécois et la création d’une citoyenneté québécoise indépendante de la citoyenneté canadienne en sont quelques exemples. Ce n’est ici que la pointe de l’iceberg, de ce que représente la voie stimulante des gestes de souveraineté nationale.

Cependant, le Rassemblement des jeunes n’était même pas terminé, lorsque M. Landry a affirmé : « nous ne poserons aucun geste qui sorte de la légalité (canadienne) » puisque «quand on va quitter (le Canada), ce sera pour de bon, et légalement. »

Sur ce, il est d’abord pathétique de constater la portée réelle de l’alliance intergénérationnelle à laquelle monsieur Landry nous a tous conviés il y a maintenant plus d’un an. Elle est à sens unique. En effet, rejeter d’importantes propositions du revers de la main avant même que les délégués réunis en Congrès national en aient disposées, ne peut que contribuer à accréditer la thèse que la Saison des idées n’était qu’une mascarade permettant au chef d’imposer ses idées.

Sur le fond des choses, le fait d’en appeler à la légalité canadienne est non seulement dangereux, mais irresponsable. Et il semble impossible que monsieur Landry, qui affirme pourtant à qui veut l’entendre qu’il « a donné quarante ans de sa vie à la souveraineté », ne sache pas cela. Comment sort-on « légalement » de ce pays ?

Afin de répondre à cette question, la Cour suprême du Canada nous explique dans son Renvoi sur la sécession du Québec (1998) qu’il existe quatre principes constitutionnels sur lesquels notre régime fonctionne. Il y a le fédéralisme, la démocratie, le constitutionnalisme et la primauté du droit puis le respect des droits des minorités. Comme on peut le remarquer, la démocratie n’est qu’un principe parmi d’autres, lequel semble égal aux autres. Car pour la Cour suprême, « cette expression (la démocratie) doit aussi être considérée dans le contexte des autres valeurs institutionnelles (paragraphe 66) », notamment le fédéralisme.

Mais alors, quelle est la conséquence de ce principe dans le processus légal d’indépendance d’un membre de la fédération ? Afin d’y répondre, la Cour explique franchement que « l’expression claire par la population d’une province du désir de réaliser la sécession donne naissance à une obligation […] de négocier des modifications constitutionnelles » (paragraphe 88) tout en prenant le soin de préciser que le résultat de ces négociations sont politiques. Donc sans obligation de résultat. Autrement dit, il faut incontournablement un amendement constitutionnel afin de répondre « légalement » au désir exprimé par le peuple du Québec ayant dit oui à son avenir.

Dans le cadre de ces conditions gagnantes, cela signifie qu’il faut que les dix provinces et les deux chambres du parlement fédéral approuvent unanimement un amendement à la constitution permettant au Québec de sortir du Canada. Une question en apportant une autre, on peut se demander suite au refus de Meech en 1990 par le Canada (cet accord étant franchement à des années lumières de l’indépendance), comment peut-on sérieusement penser que même si nous obtenions une majorité claire à une question claire lors d’un référendum sur la souveraineté du Québec, que le Canada acceptera de modifier sa constitution pour accorder la permission au Québec de faire la souveraineté. Poser la question, c’est y répondre ?

En pratique, respecter la légalité canadienne signifie qu’il faut faire l’indépendance tout en respectant la loi C-20 sur la clarté référendaire. Qu’il faudra respecter toutes les lois canadiennes qui seront adoptées pour contrecarrer la souveraineté du Québec par le parlement fédéral. Qu’il faudra subir l’actuelle constitution de 1982 qui nous a été imposée par un coup de force. Rappelons que la constitution de 1982 a rendu inconstitutionnelles plusieurs dispositions de la loi 101. In extremis, on pourrait même affirmer que respecter la légalité canadienne signifie que nous ne nous reconnaissons pas comme une nation, puisque nulle part la constitution canadienne ne reconnaît l’existence du peuple québécois !

Entendons-nous bien en ce qui concerne ce grief. Il ne s’agit pas de violer les lois. Il s’agit de construire notre propre légitimité et notre propre régime de droit. Sans la dénigrer, il faut repenser la « légalité » en fonction de nouveaux principes. Le premier de ceux-ci est notre existence en tant que peuple. L’Assemblée nationale du Québec a pourtant adopté à l’unanimité la loi 99 affirmant l’existence de la nation québécoise. En ce sens, la loi 99 affirme que la seule source de légitimité et donc de notre régime de droit doit être le peuple du Québec. Nous ne sommes pas libres, c’est vrai. Mais nous existons. Penser autrement nous condamne à subir ad vitam aeternam les abus politiques et juridiques du gouvernement canadien.

Pierre Bourgault a déjà dit « c’est parce qu’on a peur de perdre le pouvoir provincial qu’on a peur tout court ». Et c’est exactement le cas. Comment comprendre autrement cette partie de cache-cache que M. Landry joue avec la souveraineté ? Cette vision de la souveraineté n’est rien d’autre qu’une démission politique face à ses responsabilités de chef du mouvement souverainiste et de l’article un de son propre programme. Quand faire l’Indépendance c’est respecter C-20 qui a pourtant été conçue pour la combattre, il est juste et normal de comprendre où se trouve le vrai problème de crédibilité du PQ.