Rarement a-t-on vu une ambition collective être détournée à ce point. Les Québécois avaient élu, en 1994, un gouvernement qui devait recentrer l’école autour des matières de base, consacrer plus de temps au français, à l’histoire et aux sciences. – Éric Bédard1
Comment imaginer une démocratie où des citoyens responsables émergeraient des déserts de l’esprit ? – Fernand Dumont2
Dans Raisons communes, Fernand Dumont s’interrogeait : « Qu’avons-nous fait de la culture ? » Pour y répondre, il revenait sur un texte qu’il avait écrit en 1974 en réaction à la dégradation de la culture et de l’éducation qui se manifestait de manière éclatante à l’occasion de la publication d’un manifeste de la CEQ, L’école au service de la classe dominante, qui dénonce la culture comme un des éléments de l’aliénation des couches populaires. Dumont y voyait un détournement des aspirations de la Révolution tranquille. Dans ce texte, Dumont commence par évoquer une nouvelle pièce de théâtre : « “Pour faire changement à l’heure du lunch, écrit le critique du Devoir … un divertissement facile, agréable […] L’amour c’est le Q… et le Q c’est l’amour. Tel est le sujet de la pièce. […] La façon amusante dont le sujet est traité aide à distraire le public.” […] Elle aide aussi, je présume, à oublier Tristan et Iseult3 » note, caustique, Fernand Dumont. Voilà pour le climat général, qui n’a, au fond, guère changé. Ce climat n’est pas sans incidence sur l’école, surtout que celle-ci est en pleine transformation. Il faut la mettre au goût des idéologies d’avant-garde du jour. Dumont poursuivait :
On a bien du mérite à mettre ainsi la culture dans votre sandwich. Ce ne sont pourtant que des représentations. Il faut aller plus loin, déraciner courageusement les alibis bourgeois qui vous incitent à envoyer votre enfant à l’école […] La culture, c’est de la politique ; les classes dominantes se pressent dans la boîte du souffleur quand s’agitent sur la scène les personnages de Racine […] la [CEQ] vient de tracer un vaste programme de remise en question de l’école, lieu de toutes les aliénations. En effet, qui sait mieux qu’un professeur que la culture, c’est de la foutaise ? Il gagne sa vie avec la culture4.
Bref, Dumont dénonçait cet anti-élitisme typique de la contre-culture des années 1970 et la place qu’elle avait réussi à prendre dans un lieu qui devait pourtant lui échapper : l’école. La démagogie égalitariste avait pris le pas sur la démocratisation de la culture. À ses yeux, rien n’était plus urgent qu’un redressement de l’éducation au Québec. À la même époque, un Jean Leduc, professeur à l’UQAM presque depuis le début de l’institution, spécialiste de Sade, fondateur de Cul-Q, pontife de contre-culture, « déclarait que “la postmodernité est fondée quasi essentiellement sur des processus de parodie”, ajoutant qu’ “un des gros problèmes de la culture québécoise est qu’elle se prend éminemment au sérieux […] pour une bonne part à cause de la démarche nationaliste”. 5» Sur ce point, la contre-culture, bien loin de reculer dans notre système d’éducation depuis les années 1990, s’y taille une place de maître, reléguant la culture classique à la portion congrue. On ne le dit plus de la même manière, mais c’est toujours de la foutaise élitiste.
Dans la même veine, Marc Chevrier rappelait récemment que, toujours dans les années 1970, Céline Saint-Pierre, future présidente du sibyllin Conseil supérieur de l’éducation de 1997 à 2002, et membre de la commission des États généraux en 1996, écrivait dans la revue d’extrême gauche Chroniques, pour stigmatiser les valeurs « petites-bourgeoises » de tout ce qu’on associe habituellement à l’action d’éduquer : « Ce que l’école désigne comme désobéissance, manque de respect, insubordination, impolitesse […] absence non autorisée, excentricité vestimentaire […] fautes d’orthographe, je propose de le considérer comme autant de formes de résistance6 ». Elle plaidera bien sûr plus tard, couverte de la pourpre, pour la réforme pédagogique et l’inclusion de tous dans une école plus accueillante.
Ce mal affecte l’Occident au complet depuis lors, cependant le contexte de la Révolution tranquille a favorisé l’institutionnalisation de la contre-culture au Québec, étant donné le nombre d’institutions à fonder, ou refonder (souvent dans un processus brutal de destruction non dépourvue d’accents vandales et iconoclastes), et de réformes. Éric Bédard, dans sa lumineuse « Note au (futur) ministre de l’Éducation », rappelle le rôle des personnalistes et des marxistes dans la transformation de l’école à la faveur de la Révolution tranquille. « À leurs yeux, la transmission de la culture, de la culture “seconde”, qui a fait de nous des êtres civilisés, constitue une finalité élitiste7 ». Devant ce naufrage de l’esprit, Dumont nous posait naguère la question : « Comment imaginer une démocratie où des citoyens responsables émergeraient des déserts de l’esprit ? 8» Or, dans la citation en exergue, Éric Bédard a relevé combien ce programme de redressement de l’éducation, que Fernand Dumont appelait de ses vœux, bien qu’agréé par le peuple québécois à l’élection de 1994, a été complètement détourné, au profit d’un renforcement des défauts de notre instruction publique que précisément nous espérions collectivement corriger.
L’anti-élitisme culturel ou la médiocrité pour horizon
Ainsi, Georges Leroux, dans son plaidoyer en faveur du nouveau cours d’Éthique et de culture religieuse, qu’il a contribué à élaborer, écrit-il que la culture classique serait périmée, sous prétexte que c’est une culture d’élite, remontant d’ailleurs à la Renaissance européenne9 – comme s’il s’agissait d’un stigmate. Force est de croire que, dans une optique contre-culturelle, c’est le cas. Inversement, le présent est plus riche en modèles, d’une part, et il faut s’ouvrir sur le monde, d’autre part, soutient-il. Au surplus, les « jeunes » sont plutôt attirés spontanément par la culture populaire (entendre l’industrie culturelle). Il y aurait long à dire sur la « spontanéité » de la chose : comment pourraient-ils être férus de quelque chose qu’ils ignorent ?
L’école démocratique doit intégrer les élèves à la nation et la culture seconde qu’elle a pour vocation de transmettre devrait être à la base de l’éducation de l’élève. Or, avec le renouveau pédagogique, la culture seconde est non seulement minorisée, elle est complètement dénaturée : « En ce début du XXIe siècle, les productions artistiques, philosophiques et scientifiques de toutes origines sont si nombreuses qu’il faut opter pour l’ouverture à la culture plutôt que pour l’initiation à un univers culturel prédéterminé. » Voilà pour éliminer les classiques. Pour les remplacer, quoi de mieux que les produits de l’industrie culturelle internationale ? L’accès à la culture est défini de la sorte : « L’école doit d’abord considérer la culture immédiate 10». La « culture immédiate » n’est, le plus souvent, rien d’autre que du show-business. Alain Finkielkraut, dans La défaite de la pensée dénonçait déjà ce relativisme absolu en matière culturelle : la réforme, au contraire, veut le consacrer, dans une version relookée et faceliftée de l’idéologie défendue par la CEQ dans son manifeste de 1974, L’école au service de la classe dominante.
En somme, la culture seconde qu’il incombe précisément à l’école de transmettre, mission encore plus cruciale pour ceux qui n’y ont guère accès à la maison, est reléguée au second plan par la réforme, derrière la culture première que l’élève reçoit de sa famille, en plus des éléments de showbiz auxquels il s’identifie. Sur ce plan, il faut coller à la réalité des « jeunes » plutôt que de les instruire en leur faisant fréquenter autre chose. De fait, cette culture « immédiate » reçoit la priorité, précisément parce qu’elle est au cœur de l’identité que le « jeune » apporte avec lui avant d’aller à l’école : elle « permet à chaque jeune de se définir dans l’univers social à partir de représentations, de valeurs, de symboles qui sont issus de son milieu » et est « à la source de son identité personnelle et sociale 11». Autrement dit, il faudrait que les élèves arrivent à l’école cultivés dès le premier jour pour que l’école québécoise réformée daigne accorder de l’importance à la haute culture ! D’ores et déjà, relevons que cette disqualification de la mission de base de l’école, l’instruction, au profit d’un recentrage sur le « vécu » des identités individuelles, va ouvrir la porte à la conception multiculturaliste.
Comment qualifier les résultats de la récente réforme pédagogique, et plus largement les résultats de l’instruction publique au Québec depuis les années 1970 ? « Le niveau monte », nous répètent souvent les spécialistes des facultés de pédagogie. « Oui, sans doute, car aujourd’hui, de quasi analphabètes peuvent obtenir un diplôme universitaire de 1er cycle », serait-on tenté de répondre. Cette boutade renvoie en fait à la divergence entre deux objectifs. Le premier comprend la mission démocratique de l’éducation publique comme une mission d’instruction ; l’école doit exposer tous les élèves, peu importe leur naissance, à la « haute culture », tout en assurant au préalable puis simultanément une instruction de base, en français, en mathématiques, et quelques repères (histoire, géographie, etc.), pour tous, y compris ceux qui ne poursuivent pas des études avancées et qui suivront, par exemple, une formation professionnelle. Le second comprend la mission de l’école publique d’abord et avant tout comme un devoir d’inclusion de tous, et conçoit les exigences élevées comme des brimades favorisant l’exclusion – l’exclusion des moins cultivés, des moins intelligents, des moins studieux, des enfants « à difficultés », etc. Cette seconde conception a insidieusement mené à concevoir l’obtention d’un diplôme d’abord et avant tout comme un droit, le droit de chaque enfant, plutôt que le résultat d’une réussite, récompensant un travail bien fait et l’atteinte de certains niveaux. L’objectif devenant la diplomation plutôt que l’instruction, il fallait trouver des moyens de multiplier celle-ci coûte que coûte. L’important était, au sortir de l’école, de disposer d’un citoyen capable de s’adapter – plutôt qu’instruit et doté d’un esprit critique. L’instruction apparut bientôt comme un obstacle et un facteur de discrimination. Il fallait éliminer le redoublement, ainsi que les critères d’évaluation liés à des connaissances, pour accroître au plus vite le nombre de diplômés – réduire le décrochage scolaire. Inutile de souligner que cette seconde optique triompha dans notre ministère de l’Éducation. Et voilà comment, insidieusement, l’école québécoise se donna bientôt la médiocrité comme objectif, en matière d’instruction. Elle semble désormais se plier à l’idéal moderne décrit par Nietzsche : former des « hommes tous pareils et pareillement médiocres », sur le modèle « extrêmement adaptable 12».
Sur ce plan, la réforme présente un progrès considérable et indiscutable. Les résultats aux examens internationaux le prouvent : les élèves québécois sont de plus en plus médiocres13. Les responsables de la réforme ne veulent pas s’attribuer le mérite de ces résultats probants, mais ne soyons pas dupes de cette fausse modestie. Les intentions sont énoncées clairement dans le nouveau programme du ministère. Citons-le : « Le renouvellement du système éducatif repose sur une compréhension également renouvelée du concept de réussite et de la façon de l’apprécier. Il s’agit de passer de la notion de réussite du plus grand nombre à celle de réussite pour tous, ce qui constitue pour l’école une invitation à revoir sa conception de l’apprentissage, de l’enseignement et de l’évaluation.14 ». Voilà qui est clair. Il faut donc accorder à tous une « réussite formelle » de scolarité, en octroyant une forme de brevet ou de certificat, pour les parcours spéciaux, selon les besoins particuliers de chacun. De sorte qu’il faut définir « une réussite à la mesure de chacun » – ce qui explique d’ailleurs l’abolition des moyennes. Il n’y a pas de minimum à maîtriser : « La réussite porte alors sur les défis que chaque jeune devrait accepter de relever. Vue sous cet angle, la réussite s’adresse à tous les élèves15 ». Surtout, il faut relativiser l’évaluation : elle ne doit servir, en fait, qu’à aider l’enseignant à évaluer la progression des élèves par rapport à leur objectif particulier, et l’efficacité de ses stratégies d’enseignement – lire qu’elle ne doit surtout pas servir à évaluer des connaissances et à trier ceux qui réussissent et ceux qui échouent. « L’évaluation ne constitue pas une fin en soi16 » assène ainsi le ministère. Elle doit être au service de cette réussite de tous…
Par décret ministériel, l’échec serait ainsi aboli de l’école. Tout ceci sous prétexte que le monde change rapidement, nous précise-t-on. Certes, cela pourrait apparaître comme un objectif louable et généreux, convenons-en. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions, dit l’adage. De fait, est-ce que la réussite, pour exister, n’implique pas comme corollaire logique, la possibilité de l’échec ? Si la réussite pour tous est décrétée d’avance, celle-ci n’est plus le résultat d’un effort de l’élève, mais découle plutôt d’un droit qu’on lui accorde. Constatons combien ce principe, du coup, est insidieux, puisqu’il implique de faire passer et de diplômer tout le monde sans exiger grand-chose de leur part. Cette philosophie est celle de l’approche par compétences et d’une évaluation conçue en fonction de « la réussite pour tous », alors que la référence de l’échec, et l’apprentissage par d’éventuels échecs, aident en fait à réussir, tout comme les repères que sont les moyennes et les minimums de connaissances à maîtriser – aussi bien que certaines capacités – servent de balises pour l’effort.
Mais voilà : la médiocrité ne stimule ni ne motive guère. Comment s’étonner, dès lors, que le décrochage scolaire, déjà problématique, soit en pleine explosion au Québec depuis l’application de la réforme17 ? Avec pour double résultat que non seulement le nombre d’enfants obtenant un diplôme d’études secondaires diminue, mais que les exigences ont été diminuées pour l’obtention de ces diplômes – et d’ailleurs de ceux qui suivent, du moins au collège et au 1er cycle universitaire. Les États généraux de l’éducation avaient été convoqués en vue de favoriser un double redressement : un renforcement des exigences en termes de connaissances à la sortie du primaire et du secondaire, et réduire le décrochage scolaire. Double objectif pulvérisé par le renouveau pédagogique. Quand l’ancien premier ministre Jacques Parizeau avait lancé un cri d’alarme au sujet du décrochage l’an dernier, demandant « Qu’est-ce qui se passe ? » plusieurs l’avaient vertement critiqué. « Il a parlé, et puis ?18 » avait même titré Le Devoir dans un éditorial assez inélégant qui accusait les critiques de la réforme d’être des « nostalgiques finis ». En d’autres mots, ce qui est nouveau – le renouveau pédagogique – est bon et progressiste, ce qui est ancien est mauvais et nostalgique, peu importent les résultats. N’épiloguons pas sur le degré primaire de réflexion, sur l’indigence mentale de cette optique. Seulement, il est clair qu’elle constitue aujourd’hui un obstacle de taille, au Québec, qui empêche d’aborder de front ce problème criant et honteux, à cause de son imprégnation de certains milieux.
Ceux qui préfèrent par principe l’école privée seront confortés dans leurs choix par cette déchéance. Ceux qui pensent que la mission de l’école publique est essentielle à la santé de la nation, que c’est une exigence démocratique de base que de fournir une éducation de qualité à tous les citoyens, et c’est notre cas, ne pourront qu’être alarmés par la situation pitoyable dans laquelle notre éducation scolaire s’enfonce. Il faut de toute urgence redresser la barre, remettre l’instruction, l’effort, la discipline, au cœur de l’école, et ce, dans l’intérêt général.
Faire communier les élèves au multiculturalisme, finalité suprême de la nouvelle école
D’autant plus que le renouveau pédagogique ne s’en tient pas à la promotion tous azimuts de la médiocrité. Non pas : la nouvelle école a une « triple mission ». La première, est de « qualifier dans un monde en changement », ce qui implique la réussite pour tous, avec les diplômes et la réussite sur mesure, sans exclusion, en favorisant la fameuse capacité d’adaptation. La seconde est d’« instruire dans un monde du savoir » ; pour autant, l’instruction n’est pas véritablement au rendez-vous. Il s’agit, ici aussi, de favoriser avant tout la capacité d’adaptation sous prétexte de « l’augmentation constante des savoirs et la nécessaire ouverture à des sources culturelles planétaires », l’école devant, au-delà de l’acquisition de connaissances de base, aider les élèves « à développer leur aptitude à accéder à d’autres données lorsque le besoin s’en fait sentir ». Bref, il s’agit moins d’une culture et d’une instruction à acquérir que d’une ouverture et d’une capacité d’adaptation au nom de la mondialisation19.
Reste un autre élément d’adaptation à assurer dans ce monde mondialisé et, bien entendu, « pluriel » : « Socialiser dans un monde pluraliste ». Depuis la Révolution tranquille, le Québec a commencé à prendre en main son immigration et donc à se soucier de l’intégrer à la société d’accueil, la communauté politique nationale québécoise, avec sa langue, son identité, son histoire. Jusqu’alors une forte proportion de notre immigration s’intégrait à la nation canadienne-anglaise et donc à l’anglais. La loi 101 a véritablement donné la grande impulsion à cette intégration en favorisant la francisation de plusieurs milieux de travail et plus encore en précisant les règles de l’école publique, faisant de l’école publique québécoise une école d’intégration, comme partout en Occident, à la culture nationale. À cet égard, la triple mission de l’école du renouveau pédagogique constitue une rupture de taille. Il ne s’agit plus d’intégrer les enfants de toute origine à la nation québécoise, à la « culture seconde » québécoise. Il ne s’agit plus, du coup, d’intégrer les enfants de l’immigration à la nation. Non, il s’agit dans l’école réformée d’intégrer tous les enfants québécois au multiculturalisme – qualifié ici de « pluralisme ». Cinq « domaines généraux de formation » sont attribués à toute la scolarité ; ainsi, toutes les matières doivent y relier leurs cours et leurs apprentissages. Ces cinq domaines sont : Santé et bien-être, Orientation et entrepreneuriat, Environnement et consommation, Médias, Vivre-ensemble et citoyenneté20.
Le domaine « vivre-ensemble et citoyenneté » se résume lui-même au pluralisme. Voici en effet son « intention éducative » c’est-à-dire sa finalité : « Amener l’élève à participer à la vie démocratique de la classe ou de l’école et à développer une attitude d’ouverture sur le monde et de respect de la diversité. » Notons au passage la conception absurde de la démocratie qui est véhiculée – dans un domaine consacré à la citoyenneté ! – comme si la démocratie n’était pas un régime, mais une réalité dans la classe. Les élèves élisent-ils leur professeur ? Adoptent-ils leur charge de travail par vote ? La démocratie concernerait la classe et le monde, mais pas nos communautés politiques effectives du Québec et du Canada. Après son but, voyons à présent la description du domaine :
[…] l’école constitue un lieu privilégié pour apprendre à respecter l’autre dans sa différence, à accueillir la pluralité, à maintenir des rapports égalitaires et à rejeter toute forme d’exclusion. Elle permet aussi de faire l’expérience des valeurs et des principes démocratiques sur lesquels est fondée l’égalité des droits dans notre société21 .
Il faut comprendre ici quelle acception du terme égalité des droits est en circulation. En fait, on confond la démocratie, qui est l’autodétermination d’un peuple, avec le droit-de-l’hommisme et le multiculturalisme. Selon Georges Leroux, en effet, une nouvelle définition de l’égalité s’est imposée depuis les années 1960, qui justifie l’implantation du cours d’ECR pour répondre à l’exigence suivante : « Comment en effet tenir compte du pluralisme de fait qui caractérise la société, sinon en favorisant le respect mutuel des valeurs et des croyances ? » et d’ajouter « comment cultiver ce respect, qui est la vertu fondamentale de la démocratie, sans soutenir la connaissance de l’autre et sans valoriser la différence ?22 ». On le voit, la démocratie est à nouveau définie sans aucune référence à l’autodétermination d’un peuple – et strictement en fonction d’une conception différenciée de l’égalité qui tend par ailleurs à l’égalitarisme.
Pour revenir aux domaines généraux de formation, notons qu’ils ont une « dimension interdisciplinaire incontestable. Ils concrétisent la mission de l’école, inspirent les pratiques éducatives et concourent à donner plus de sens et d’authenticité aux situations d’apprentissage. Ils devraient constituer les assises du projet éducatif de l’école et leur prise en compte devrait relever de l’ensemble des intervenants scolaires23 ». Partant, le multiculturalisme doit être au cœur des apprentissages de la nouvelle école, dans le plus de disciplines possible.
C’est ainsi qu’il faut comprendre la transformation du nouveau cours d’histoire du Québec et du Canada. Au départ, suite au rapport Lacoursière, on était en droit de s’attendre à ce que la réforme, faisant passer ce cursus d’une à deux années, augmente la connaissance de l’histoire du Québec et du Canada24. Mais c’était avant le renouveau pédagogique et le résultat, comme l’on sait, a soulevé un scandale en 200625 ; le nouveau cours évacuait la nation, et tous les épisodes de conflit national, au nom du « vivre-ensemble »… Or, son nouveau nom, « Histoire et éducation à la citoyenneté » n’est intelligible qu’en relation avec la conception absurde de la démocratie que nous venons de rencontre dans la description de la finalité du domaine « vivre-ensemble et citoyenneté ». Il ne s’agit pas d’un régime où le peuple à le pouvoir, il ne s’agit pas de former de futurs citoyens du Québec et du Canada, mais de cette prétendue démocratie de l’école axée sur une égalité différenciée des droits, en d’autres mots le multiculturalisme.
Du reste, malgré quelques ajustements cosmétiques en réponse au tollé général soulevé par la fuite du nouveau cours d’histoire en 2006, la deuxième version du cours produite en 2007 demeure foncièrement fidèle à l’orientation postnationaliste de départ. La Conquête doit servir de réflexion sur la « dualité » qui caractérise non pas le Canada, mais le Québec ; la Révolution tranquille ne concerne que l’instauration d’un État providence, mais aucune mesure d’affirmation nationale ; la loi 101 y est présentée comme une loi « controversée », mais le rapport Durham n’est pas mentionné, etc. Chacun des chapitres du cours met en avant une conception multiculturelle de la société québécoise comme agrégat d’identités individuelles plurielles, jamais présentée comme nation ni comme creuset. Alors que le précédent cours d’histoire, élaboré en 1982, mettait l’accent sur l’intégration à la culture nationale commune, « l’identité de convergence », celle-ci est évacuée du cours de 200726.
La haute culture en général, et du même fait la culture seconde québécoise, étant abolies au nom de l’anti-élitisme, il restait à faire maintenant de l’école un lieu d’expression pour les cultures premières des élèves. Le cours d’ECR va offrir à la nouvelle école le cadre rêvé pour ce faire. L’impératif de l’adaptation est ici double : il y a d’une part un marché du travail qui intègre de plus en plus d’immigrés et on espère ainsi trouver la clé d’un développement harmonieux dans l’économie mondialisée. Il y a d’autre part, et surtout, l’impératif moral catégorique de cette nouvelle norme, l’égalité différenciée des droits, que symbolise le multiculturalisme canadien, et qu’on présente comme la seule incarnation possible de la vertu et de la « démocratie », en déformant le sens de ce mot. Peu importe que le gouvernement du Québec lui-même ait toujours défendu une autre conception de l’intégration, celle à la culture nationale commune « de convergence », cela est balayé du revers de la main, aussi bien que toute considération de l’intérêt national, au nom des idéaux défendus par Georges Leroux dans ses Arguments pour un programme.
Pour tout dire, ce cours est le joyau de la réforme. Il vient la couronner. Il va permettre un matraquage idéologique pluraliste durant les onze années du cursus primaire et secondaire ! Le ministère précise qu’il revient « à l’école de se préoccuper du développement socioaffectif des élèves, de promouvoir les valeurs qui sont à la base de la démocratie » – « démocratie » à comprendre toujours à la manière biscornue de Georges Leroux – et que l’école a « un rôle d’agent de cohésion sociale en contribuant à l’apprentissage du vivre-ensemble », cherchant « ainsi à prévenir les risques d’exclusion ». Or, inculquer à tous la catéchèse multiculturaliste était urgent aux yeux du ministère, certains élèves risquant au surplus de quitter le système de l’éducation assez tôt :
Ceci est particulièrement important pour la majorité des jeunes du parcours de formation axée sur l’emploi puisque le système d’éducation n’aura plus d’autres occasions de les accompagner dans ces apprentissages avant qu’ils n’entrent sur le marché du travail et n’amorcent leur vie de citoyens actifs27.
Bref, peu importe qu’ils sortent de l’école analphabètes, pourvu qu’ils communient au multiculturalisme et aient bien intégré la catéchèse pluraliste. Cette dernière citation nous paraît spécialement révélatrice de l’esprit de la réforme et du cours d’ECR qui en est indissociable. Alors que le but de l’école démocratique est d’offrir l’instruction à tous – au plus grand nombre – la mission de l’école du renouveau pédagogique est de mouler les élèves à une morale bien particulière. Morale qui ne correspond ni au sens commun ou au consensus des Québécois, ni aux valeurs énoncées par leur État, ni non plus à leur intérêt national, mais qui constitue la lubie d’une certaine clique. L’apprentissage du « vivre-ensemble » selon les normes du modèle du multiculturalisme canadien devient ainsi une grande priorité de l’école québécoise, tellement qu’on espère, au ministère, ne pas échapper un seul « jeune », même ceux qui seront peu scolarisés. Mais comment inculquer cette morale multiculturelle même aux élèves les moins scolarisés ?
La mission du cours d’Éthique et de culture religieuse
Le cours d’ECR permet de pallier cette crainte des beaux esprits du MELS : il répond directement à cet objectif. Car le but de ce cours d’ECR n’est aucunement de transmettre une instruction minimale aux élèves en termes de notions de base sur les grandes religions et leur histoire. Non pas : tout au long du parcours de onze années, onze longues années de bien-pensance commandée, les élèves ne seront aucunement évalués sur la base de connaissances. Mais ils le seront, pour le volet religieux du cours, strictement sur la base d’une « compétence », au nom lénifiant, « pratiquer le dialogue ». Voilà qui est pour le moins orienté et tendancieux. Car l’élève va être évalué sur sa capacité d’« ouverture à l’autre », à toutes les confessions, sur son acceptation de la diversité religieuse, avec la compétence « pratiquer le dialogue ». Ironiquement, on se doute bien que l’élève qui critiquerait des pratiques religieuses risque d’être vu comme manquant à « pratiquer le dialogue ». En outre, combiner la culture religieuse à l’enseignement moral provoque l’amalgame : la morale et la religion sont liées, sans compter que la morale et le multiculturalisme sont confondus.
Georges Leroux, dans sa défense du nouveau cours, en expose clairement la mission : l’élève « doit être amené à déduire que la pluralité n’est pas un obstacle à surmonter, mais une richesse à connaître et à intégrer dans sa vision du monde ». Cela constitue non seulement un commandement, mais un commandement qui prime tous les autres objectifs de la formation scolaire. Car « Ce cadre [l’école] doit intégrer la connaissance de l’autre dans toutes les composantes de sa culture, et au premier rang de ses valeurs et de ses croyances, qu’elles soient ou non religieuses28 ». Le multiculturalisme est bel et bien érigé au premier rang des priorités de l’école – au détriment, répétons-le, de l’instruction.
La laïcisation des commissions scolaires des années 1990 a donc elle aussi été détournée, comme la volonté consensuelle en 1994 de renforcer l’instruction. Ce n’est pas à une laïcisation du curriculum que répond le cours d’ECR, mais à l’inculcation des valeurs du multiculturalisme canadien telles qu’enchâssées dans la Charte fédérale des droits – partie d’une constitution imposée au Québec sans son consentement en 1982, soulignons-le. Entendons par là que c’est la version communautaire libérale nouveau genre, c’est-à-dire multiculturaliste, d’appréhension de la diversité religieuse qui prévaut, et non la version laïque, qui consiste plutôt à confier à l’école une culture laïque commune, nationale – laquelle n’a pas l’idée d’enfermer les élèves dans une identité ethnoreligieuse, mais d’insister d’abord à transmettre ce qu’ils auront en commun comme citoyens adultes : la culture seconde à la fois universelle et nationale.
Pour qui douterait de cette volonté d’inculquer les valeurs du multiculturalisme canadien qui est à la base du cours d’ECR, Georges Leroux s’empresse de dissiper toute ambigüité : « on doit surtout faire l’effort de concevoir une éducation où les droits qui légitiment la décision de la Cour suprême [sur le kirpan], tout autant que la culture religieuse qui en exprime la requête, sont compris de tous et font partie de la conception de la vie en commun.29 » Fi de l’opinion du peuple québécois, du modèle québécois ou des autres options en matière de démocratie libérale que le modèle du multiculturalisme canadien. La mission primordiale de l’école québécoise est désormais d’imposer à tous les enfants québécois le respect des valeurs du multiculturalisme canadien30.
Somme toute, la nouvelle école québécoise du renouveau pédagogique a érigé le multiculturalisme en valeur cardinale. Elle en fait même un objet d’évaluation tout au long des onze années du cursus primaire et secondaire. Le dessein de bourrage de crâne idéologique est crûment exprimé. Le multiculturalisme, nommé par divers euphémismes, est au cœur de l’ensemble du nouveau programme. C’est d’abord un des cinq domaines généraux de formation auxquels toutes les matières doivent revenir et référer, par exemple dans le choix des sujets des travaux et des évaluations en général. C’est ensuite en fonction de ce « domaine » que le cours d’histoire du Québec et du Canada, élargi sur deux ans, a été refondu pour être mis aux normes des valeurs du multiculturalisme canadien, effaçant au passage tout référant national québécois, ainsi que toute volonté d’intégration de l’immigration à la nation québécoise, bien qu’on réaffirme celle-ci dans toutes les tribunes officielles par ailleurs, avec de nouveaux « contrats moraux » notamment. Enfin, c’est le cœur du nouveau cours d’Éthique et de culture religieuse, dont les travers sont nombreux : ce cours fait l’amalgame entre morale et religion, et surtout entre la tolérance dans sa version multiculturaliste et la morale. Son objectif explicite est d’inculquer la conception de l’égalité différenciée mise en place par le multiculturalisme canadien, bien que les Québécois la rejette, voire, justement pour ne plus qu’ils formulent un autre idéal, comme l’exprime Georges Leroux. En évaluant pendant onze ans la culture religieuse de l’élève en fonction d’une seule compétence tendancieuse, pratiquer le dialogue, ce cours promet d’être un véritable matraquage idéologique en faveur du multiculturalisme. Quand bien même l’application du cours connaîtrait des ratés, avec des professeurs peu zélés ou trop peu imprégnés de cet idéal du multiculturalisme canadien, chose certaine, c’est l’esprit qui est évacué de ce cours, comme de l’école dans son entier.
En effet, l’évaluation par compétences, dans le cours d’ECR, apparaît comme particulièrement vicieuse. Elle met de côté l’acquisition d’une certaine culture générale en matière de grandes religions pour être exclusivement au service de la rééducation idéologique. Mais dans l’ensemble du curriculum, l’approche par compétences, le rejet de la culture classique, l’exclusion des moyennes et des cibles en matière d’instruction au nom de la réussite pour tous à formater sur mesure, produit une éducation d’une pitoyable médiocrité. Cette baisse généralisée des exigences s’est faite en vue d’accroître la diplomation et de limiter le décrochage, mais elle produit déjà l’effet inverse, ce dont il ne faut guère s’étonner. Résultat : non seulement il y a moins de diplômés du secondaire au Québec, mais leur diplôme est encore moins garant d’un niveau minimal d’instruction que dans les années 1970 et 1980. En revanche, il garantit qu’en s’efforçant de les éloigner le moins possible du nombrilisme et du présentéisme, on a tenté d’inculquer aux élèves tous les poncifs de la rectitude politique. Notre ministère de l’Éducation n’a pas hésité à détourner un grand élan de redressement de l’école en faveur du renforcement de l’instruction, ni non plus une réforme de laïcisation de l’école qui devait, dans le lignage de la loi 101, favoriser l’intégration à la nation. Le tout en faveur d’idéologies fumeuses, et sans considération pour l’intérêt national ni non plus, en réalité, l’intérêt élémentaire de nos enfants, qui demeure d’être instruits et éduqués grâce à l’école – et non rééduqués. Plus que jamais, il presse de mérite répondre par l’affirmative et de manière effective à l’interrogation de Jean Éthier-Blais : « Le temps n’approche-t-il pas où le nettoyage de ces écuries d’Augias deviendra nécessaire ?31 ». Éric Bédard a esquissé de manière remarquable le moyen d’y remédier.
1 Éric Bédard, « Note au (futur) ministre de l’Éducation », dans Robert Comeau et J. Lavallée (dir.), Contre la réforme pédagogique, Montréal, VLB, 2008, p. 120
2 Fernand Dumont, Raisons communes, Montréal, Boréal, 1995, p. 173.
3 Fernand Dumont, Raisons communes, Montréal, Boréal, 1995, p. 99.
4 Ibidem.
5 Paul Cauchon, « Trésor à vendre », Le Devoir, 5 février 2009.
6 Céline Saint-Pierre, « Petite-bourgeoisie et consommation des besoins/désirs », Chroniques, no 13, 1976, p. 44-49, cité dans Marc Chevrier, « Le complexe pédagogo-ministériel », dossier « L’état des lieux en éducation au Québec – la nouvelle guerre des éteignoirs », Argument, IX-1, aut. 2006 – hiv. 2007, p. 29.
7 Éric Bédard, « Note au (futur) ministre de l’Éducation », op.cit., p. 118.
8 Fernand Dumont, Raisons communes, Montréal, Boréal, 1995, p.173.
9 Georges Leroux, Éthique, culture religieuse, dialogue. Arguments pour un programme, Montréal, Fides, 2007,p.82-83.
10 Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport du Québec (MELS), Programme de formation de l’école québécoise, chapitre 1 : « Un programme de formation pour l’école du XXIe siècle », Québec, 2007, citations p. 8.
11 Ibidem.
12 F. Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, VIII, §242, p. 309 cité dans p. -A. Taguieff, Les contre-réactionnaires, Paris, Denoël, 2007, p. 556.
13 Voir « Réforme de l’éducation – piètres résultats des élèves québécois », Radio-Canada, 6 décembre 2005 : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2005/12/06/001-Reforme-Education.shtml ; Marie Allard, « Science et mathématiques : net recul des élèves du Québec », La Presse, 6 décembre 2005 ; Ludovic Hirtzmann, « La déplorable orthographe des élèves québécois », Le Figaro, 14 février 2008.
14 MELS, op.cit., chapitre 1, « Un programme de formation pour l’école du XXIe siècle », p. 11.
15 Ibidem.
16 MELS, op.cit., chapitre 1, « Un programme de formation pour l’école du XXIe siècle », p. 16.
17 Presse canadienne, « Statistique Canada – Le décrochage au Québec a augmenté sous les libéraux », Le Devoir, 9 février 2009 ; Alexandre Shields, « Le décrochage continue d’augmenter au Québec », Le Devoir, 17 décembre 2008.
18 Jean-Robert Sansfaçon, « Il a parlé, et puis ? », Le Devoir, 12 septembre 2008.
19 MELS, op.cit., chapitre 1, « Un programme de formation pour l’école du XXIe siècle », p. 5.
20 MELS, op.cit., chapitre 1, « Un programme de formation pour l’école du XXIe siècle », p. 27.
21 MELS, op.cit., chapitre 2, p. 9.
22 Georges Leroux, op.cit., p. 12 (nous soulignons).
23 MELS, op.cit., chapitre 1, p. 28.
24 Voir le dossier « Le rapport Lacoursière sur l’enseignement de l’histoire, dix ans plus tard », Bulletin d’histoire politique, vol. XIV no 3, printemps 2006.
25 Voir le dossier « Débat sur le programme d’enseignement de l’histoire du Québec », Bulletin d’histoire politique, vol. XV no 2, hiver 2007 ; François Charbonneau et Martin Nadeau (dir.), L’histoire à l’épreuve de la diversité culturelle, Bruxelles, Presses interuniverstaires européennes – Peter Lang, coll. « Diversitas », 2008, notamment la bibliographie du débat. Voir aussi mon article « Examen d’un programme d’histoire «post-nationaliste» », L’Action nationale, vol. XCVII, nos 9-10, nov.-déc. 2007, p. 187-217.
26 Pour une analyse approfondie de ce nouveau cours, voir C.-P. Courtois, « Le nouveau programme d’histoire du Québec au secondaire : l’école québécoise au service du multiculturalisme canadien ? » Cahier de recherche, Institut de recherche sur le Québec, février 2009, 50 p.
27 MELS, op.cit., chapitre 1, p. 6.
28 Georges Leroux, op.cit., p. 17.
29 Georges Leroux, op.cit., p. 45-46.
30 Voir C.-P. Courtois, « Éthique et culture religieuse : analyse d’un programme et d’un argumentaire multiculturalistes », dans Robert Comeau et Josiane Lavallée (dir.), Contre la réforme pédagogique, Montréal, VLB, coll. « Partis pris actuels », 2008, p. 251-264.
31 Jean Éthier-Blais, Le siècle de l’abbé Groulx. Signets IV, Montréal, Leméac, 1993, p. 257.
* Chercheur postdoctoral à la Chaire de recherche en rhétorique de l’UQTR.