La période couverte s’étend du 22 mai au 20 septembre 20171.
Le gouvernement fédéral régit désormais les matières qui concernent la vie interne du Québec, et celles qui sont liées à la sphère privée de nos vies. Il se plante ainsi dans les champs premiers des responsabilités de l’État provincial. Déjà, au XXe siècle, Ottawa avait commencé à assurer sa visibilité en envoyant les chèques de pensions de vieillesse, d’assurance-chômage et d’allocations familiales. Mais de nos jours, par empiétements successifs et grâce au déséquilibre fiscal, Ottawa peut offrir à chacun de nous, à un titre ou à un autre, une aide personnelle directe ou un crédit d’impôt. Vérifiez pour vous-mêmes. De plus, la plupart d’entre nous avons des activités susceptibles d’être régies par une norme fédérale. Ottawa a en outre des politiques, des programmes d’investissement et une règlementation pour toutes les catégories d’organisations : établissements publics provinciaux, entreprises, institutions culturelles, groupes communautaires, associations professionnelles. Avec la complicité de leurs dirigeants il faut le dire, nos grands outils économiques eux-mêmes, Hydro-Québec et la Caisse de dépôt, sont dans la mire de la nouvelle Banque de l’infrastructure du Canada. Chacun de nous et chacune de nos institutions sont aspirés dans le cadre politique de l’État unitaire canadien, gérés par des structures, des normes et des programmes conçus en fonction des priorités et des intérêts du Canada, et sur lesquels nous avons peu d’influence. Car il est là le revers : nous avons de moins en moins d’influence sur Ottawa. Et donc, nous avons de moins en moins de moyens de l’obliger à prendre en compte nos intérêts individuels et collectifs.
Bref, partout, l’État fédéral est en mesure de contourner, de neutraliser ou de réduire la portée de l’État québécois. Après soixante-dix ans de centralisation fédérale, celui-ci n’est plus que l’ombre de lui-même, il a été vidé de sa substance. Il n’est plus du tout capable de constituer le Québec en société cohérente ni les Québécois en nation. Il n’est plus capable d’orienter notre développement collectif en fonction de nos besoins ni de nos intérêts spécifiques. Ce qui désormais se donne à voir, c’est le processus d’élimination, par recouvrement fédéral, de l’ordre provincial de gouvernement. Le seul où nous sommes majoritaires.
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Le sort réservé cet été à la politique d’affirmation conçue par le gouvernement Couillard est à cet égard très révélateur. Intitulée Québécois : notre façon d’être Canadiens, elle n’avait rien à voir avec les « demandes traditionnelles » du Québec. Mais elle osait espérer au moins quelques petits accommodements en faveur de l’État provincial. Elle tenait aussi spontanément pour acquis qu’existe encore telle chose que la collectivité québécoise.
Le premier ministre Trudeau n’a pas pris la peine de lire le document, il l’a rejeté d’emblée en dévalant un escalier du Parlement, pressé d’aller aux vraies affaires. Le Canada unitaire, on l’a vu, se construit de manière décomplexée sans presque plus chercher à maintenir la façade provinciale. En outre, on va le voir, il est fini le temps où les Canadiens étaient encouragés à l’être de manière diversifiée, certes, mais collective.
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En 2006, le gouvernement Harper avait reconnu les Québécois comme une nation (seulement les « francophones » puisque « Québécois » est en français même dans la version anglaise). Dans cette motion, « nation » signifiait en réalité « communauté culturelle ». Mais le Canada de Justin Trudeau n’en est plus là. Le multiculturalisme était le moyen trouvé par P. E. Trudeau pour combattre la forte vision québécoise, y compris fédéraliste, qui définissait le Canada comme pays binational puis plurinational (pour tenir compte des autochtones). Mais les Québécois sont en voie de perdre les outils qui créent leur nation et entretiennent leur conscience nationale. Du coup, ceux qui pensent le Canada peuvent désormais élaborer une idéologie beaucoup moins corrosive pour la cohésion sociale. Les jugements rendus récemment sur les crimes d’honneur ou la polygamie révèlent que le principe selon lequel « l’interprétation de la Charte des droits doit concorder avec l’objectif de refléter et de promouvoir le caractère multiculturel du Canada » est manié par les tribunaux avec de plus en plus de circonspection et de restriction.
Désormais, il y a plutôt 35 millions de façons d’être Canadiens, une par individu. Toutes peuvent être célébrées tant qu’elles ne cherchent pas à modifier les institutions canadiennes ni ne contestent la nouvelle définition que le Canada propose de lui-même comme pays postnational. Le multiculturalisme et la « mosaïque » canadienne ont été remplacés par l’idéologie diversitaire et l’atomisation. C’est la grande force du nationalisme unitaire canadien que de se présenter comme postnational. Dans le Canada one nation de 35 millions d’individus ne subsistent que trois catégories de groupes particuliers, ceux dont la constitution cristallise l’existence : les autochtones, les parlant français hors Québec et les Anglo-Québécois. Les deux premiers, vrais minoritaires, ont bien du mal à faire valoir les droits collectifs que leur statut juridique leur confère.
Dans le Canada one nation, les Québécois ne jouissent d’aucune reconnaissance juridique comme minorité nationale ; comme province, ils n’ont plus de poids politique ; le Canada a voulu un temps nous transformer en communauté culturelle, ce qui est une sorte de réalité sociologique, mais cela ne l’intéresse plus. Que reste-t-il ? Chacun des huit millions de résidents de la région administrative canadienne (historiquement ou accessoirement) appelée Québec est un Canadien, individuellement différent de chaque autre, et tout aussi inoffensif. Certes, le processus n’est pas achevé, mais c’est par là qu’on va.
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En résumé, le Canada investit presque tout l’espace politique en réduisant l’État provincial à l’insignifiance, il émiette notre peuple en individus canadiens et il nous inonde de Quebec bashing et de sa propagande culpabilisante chaque fois que, alertés par ce qui nous reste du sentiment de notre existence comme nation, nous osons protester contre notre dissolution. Heureusement, l’avenir n’est jamais écrit d’avance.
Ottawa : un pouvoir colonial
Non aux négociations constitutionnelles. Le premier ministre Couillard aurait bien aimé que le Québec signe la constitution de 1982 cette année. À sa politique d’affirmation, Justin Trudeau répondu un NON aussi catégorique que cavalier. Quant aux provinces, elles n’ont pas démontré grand enthousiasme ! Nous sommes soumis à un ordre constitutionnel auquel nous n’avons jamais consenti (S. Langlois, 23 juin ; 17, 19 et 26 juillet).
Oui au « pouvoir de perturbation ». Les espions canadiens se sont toujours donné le droit d’infiltrer les groupes jugés nuisibles et de perturber leurs actions. Mais voilà qu’Ottawa légalise le pouvoir de perturbation des agents du renseignement. (21 juin). Avis aux mouvements indépendantistes québécois s’ils finissent par reprendre un peu de vigueur.
Réduire les prérogatives de la Cour d’appel du Québec. La Cour supérieure a décidé de s’en prendre à la compétence de la Cour d’appel du Québec dans les litiges dont la valeur excède 10 000 $ et dans les appels des décisions des tribunaux administratifs. Cela revient à faire de celle-ci une cour des petites créances. Le gouvernement Couillard conteste, mais en reconnaissant plutôt qu’en dénonçant la validité de la prétention de la Cour supérieure de réduire l’étendue de la juridiction du Code civil (24 août, 1er, 2 et 8 sept.).
Occuper le territoire québécois. Le gouvernement Trudeau a fait sien le projet d’un Canada pétrolier. Il n’a pas désavoué l’oléoduc Énergie Est. Il était prêt à accommoder TransCanada en faisant évaluer son projet par l’ONE même si cet organisme discrédité sera bientôt remplacé par un autre (28 juin). C’est finalement la compagnie elle-même qui a demandé la suspension de l’étude (8 sept.), mais sans renoncer officiellement à son oléoduc ni fermer la porte à du transport par train. En passant : le mépris de TransCanada pour le processus d’évaluation québécois d’Energie Est se poursuit (15 sept.)
Occuper le territoire québécois. Un autre projet reste actif, celui de Chaleur Terminals : il s’agit de faire passer au Québec, chaque jour, deux convois de 110 wagons chacun, pleins de pétrole sale albertain ; 110 wagons, c’est trois fois le train qui a déraillé à Lac-Mégantic (Gilbert Paquette, 6 juillet).
Occuper le territoire québécois. Le projet de loi C-44 permet aux promoteurs financés par la Banque de l’infrastructure du Canada d’échapper aux lois et aux règlements des provinces et des municipalités. Le privilège du gouvernement fédéral et des organismes à charte fédérale s’étendra désormais jusqu’à ces entreprises privées (Journal de Montréal, 31 mai).
S’emparer des richesses du Québec. Par la Banque de l’infrastructure, Ottawa se donne les moyens d’orienter le développement des infrastructures selon ce qu’il estime être l’intérêt du Canada. La BIC financera les lignes de transport d’électricité entre le Québec et l’Ontario. Hydro-Québec court désormais un risque très réel d’échapper à la juridiction du Québec (La Presse, 8 août).
Obliger, sans le consulter, Québec à dépenser. Itinérance. Les organismes québécois ont douté dès le départ de l’efficacité du programme fédéral « Chez soi », dit aussi « Logement d’abord ». Celui-ci met l’accent sur le logement sans tenir compte suffisamment de la situation globale des itinérants. Une étude récente de chercheurs de l’Université McGill conclut que cette approche coûte cher pour des résultats mitigés (31 juillet). De plus, le financement de ce programme n’est pas pérenne. Québec devra donc prendre la relève même s’il n’a pas été consulté dans un domaine de sa compétence exclusive (13 juillet).
Obliger, sans le consulter, Québec à dépenser. Recherche savante. La recherche universitaire est un domaine de compétence provinciale même si depuis des décennies Ottawa s’y est immiscé en subventionnant les chercheurs plutôt que la recherche. Un nouveau programme de chaires réservées aux chercheurs étrangers vient d’être lancé sans consultation des provinces. Dans sept ans, après le retrait fédéral, le gouvernement québécois devra payer seul ; du coup, il aura évidemment moins de ressources pour un éventuel plan de recherche dans des secteurs d’intérêt pour le Québec (2 août).
Obliger, sans le consulter, Québec à dépenser. Justice. Les juges du Québec, y compris plusieurs civilistes, sont mobilisés pour accélérer le traitement des causes criminelles imposé par l’arrêt Jordan. La ministre Vallée implore le fédéral de nommer davantage de juges à la Cour supérieure, mais Ottawa prend son temps. Du coup, non seulement les dossiers civils et familiaux prennent du retard, mais Québec a dû embaucher 20 avocats permanents et 27 employés de soutien supplémentaires pour les causes criminelles (21 juin). Certes, le premier ministre Couillard aurait pu user du « nonobstant » et exercer ainsi une pression plus efficace pour obtenir des juges. Mais c’est une autre histoire…
Obliger, sans le consulter, Québec à dépenser. Le ministre Gaétan Barrette a calculé que le Québec ne reçoit pas sa part de financement fédéral pour l’informatisation des dossiers médicaux. C’est son ministère qui doit payer les 117 millions $ manquants (22 août).
Obliger Québec à dépenser. C’est le Canada qui signe les conventions internationales sur les réfugiés et les demandeurs d’asile. Mais c’est Québec qui assume l’essentiel de la charge financière. D’ailleurs, la ministre Weil a demandé plus d’une fois au fédéral d’accélérer l’aménagement d’un centre d’hébergement, l’octroi du permis de travail et celui du statut de réfugié (17 et 24 août). Accueillons les demandeurs d’asile, mais puisque c’est le fédéral qui signe, c’est à lui d’assumer les coûts.
Obliger Québec à dépenser. Et en plus, lui imposer comment. Marijuana. La priorité du fédéral est de couper l’herbe sous le pied (c’est le cas de le dire) au marché noir. Pour ça, le cannabis devra être peu taxé. Mais les provinces, dont le Québec, auront besoin de revenus pour payer les coûts engendrés par la légalisation (santé, sécurité publique et éducation à la prévention). Quel sera le niveau des recettes fiscales et comment seront-elles partagées ? Il n’y a pas eu d’entente sur ces questions à la dernière rencontre des ministres des Finances. La ministre fédérale de la santé, Jane Philpott, a laissé entendre qu’au lieu de laisser aux provinces une part de la taxation suffisamment importante pour couvrir leurs dépenses, Ottawa préférera s’en attribuer une partie plus grande quitte à leur remettre ensuite certaines sommes pour des actions qu’aura ciblées son ministère dans les trois champs de compétence provinciale concernés (19 et 20 juin).
Obliger Québec à dépenser en se retirant d’une entente. Plan d’action Saint-Laurent. Le gouvernement fédéral investira 14 millions $ de moins dans la deuxième phase dans ce plan de protection. De plus, il anémie le centre de recherche sur le fleuve d’Environnement Canada situé à Montréal. Québec devra compenser par deux millions $ de plus. La ministre fédérale McKenna a dit que le fédéral continuera à dépenser dans la protection du fleuve, mais pas dans le cadre de cette entente avec Québec (27 juin). Cela signifie qu’une fois de plus Ottawa agira comme il l’entend, sans consulter Québec.
Un Canada unitaire
Parenthèse sur la gouvernance fédérale actuelle : triomphe de l’autoritarisme
Réduire les prérogatives du Sénat. Certes, le Sénat ne peut amender un projet de loi de sorte à imposer une dépense supplémentaire au gouvernement. Mais le premier ministre Trudeau interprète cette limite comme signifiant que le Sénat n’a aucun droit de regard sur le budget (23 juin).
Présenter des projets de loi mammouth. C’est le cas de C-44 dans lequel a été incorporée la création de la Banque d’infrastructure du Canada. Il fut impossible tant pour les députés que pour les sénateurs d’étudier ce projet de Banque, qui va pourtant requérir un budget de 35 milliards de dollars et favorisera la privatisation des infrastructures (21 et 23 juin).
Tenter de changer unilatéralement les règles de fonctionnement de la Chambre. Et notamment vouloir déterminer à l’avance le temps de débat d’un projet de loi, ce qui limiterait la capacité de l’opposition de suggérer des amendements. Le gouvernement a d’abord reculé (24 juin). Mais il est de nouveau bien décidé à limiter les débats (18 sept.)
Empiétements du gouvernement fédéral dans les compétences des provinces
Les pressions à la centralisation de l’État fédéral ne proviennent pas seulement de la dynamique interne à cet État ou des tendances particulièrement nettes à la centralisation des gouvernements libéraux. L’OCDE par exemple ne cesse de pousser Ottawa à créer une seule agence, fédérale, des valeurs mobilières (20 sept.), des médecins, de leur côté, réclament que le gouvernement fédéral investisse plus significativement dans les programmes sociaux (19 sept.).
À pieds joints. En juin, le premier ministre Trudeau a fait le bilan de son gouvernement, désormais à mi-mandat. Il a évoqué la nouvelle allocation pour les enfants, le financement des infrastructures et la loi fédérale sur l’aide médicale à mourir. Autant de domaines de juridiction provinciale (Denis Ferland, 28 juin).
Garderies. Les garderies sont une compétence provinciale exclusive, confirmée par les tribunaux. Ottawa s’y immisce : il nous retourne une partie de l’argent de nos impôts, mais assorti de multiples conditions (13 juin).
Transport intraprovincial. Les chemins de fer construits dans les limites d’une province sont de juridiction provinciale et le transport collectif de proximité l’est aussi. Le fédéral va investir 1,3 milliard $ dans le REM. Il le fait à titre de « subvention ». C’est déjà inacceptable plutôt que de remettre ce montant directement au Québec, sans condition, sous forme de transferts de points d’impôts. Mais le projet de REM sera aussi présenté à la BIC, et là, attention ! Car si celle-ci l’accepte, ce qui est vraisemblable, l’argent ne sera pas employé pour le REM, mais plutôt pour d’autres projets d’infrastructures : la BIC concurrencera ainsi directement l’État québécois dans le choix des prochains projets d’infrastructures, et elle le fera en fonction de l’intérêt canadien et dans une optique de privatisation (16 juin).
Environnement. L’environnement est une compétence partagée, selon la constitution de 1982 non ratifiée par le Québec. La nouvelle structure d’évaluation qu’envisage de créer Ottawa pour remplacer l’ONE étudiera l’impact des projets de transport de l’énergie non seulement sur l’environnement, mais aussi sur la santé et l’économie et il mesurera leurs incidences sociales. Encore d’autres compétences québécoises bafouées (30 juin).
Éducation. Domaine par excellence de compétence provinciale exclusive. Avec notre argent qu’il tire du déséquilibre fiscal, le fédéral va investir des millions pour aider les étudiants de niveau postsecondaire à trouver un stage en milieu de travail. On parle de dizaines de milliers de stages et d’autant d’occasions pour ces jeunes de dire merci à Ottawa et de le considérer comme le vrai gouvernement qui fait quelque chose pour eux (30 août).
Voter des lois fédérales carrément dans les compétences provinciales, et ce malgré des jugements de la Cour suprême
Valeurs mobilières. Le fédéral a adopté une loi pour créer une agence unique des valeurs mobilières, loi applicable partout au pays. Rappelons que la Cour suprême a reconnu deux fois qu’il s’agit là d’un champ de compétences exclusif des provinces, mais dans son second jugement elle a ouvert la porte à la création d’une agence fédérale auxquelles les provinces pourraient choisir ou non d’adhérer. Ottawa a saisi la balle au bond et modifié sa loi, qui en principe doit entrer en vigueur en 2018. Or, en mai 2017, la Cour d’appel du Québec a jugé que cette nouvelle loi est elle aussi inconstitutionnelle et ne peut pas s’appliquer au Québec contre son gré. Ottawa a immédiatement interjeté en appel (10 juin).
« One country, one nation »
Effacer les « Pères de la Confédération » canadiens-français. Le premier ministre Trudeau a décidé d’effacer le nom d’Hector-Louis Langevin que portait un édifice fédéral au motif que Langevin aurait été l’artisan des pensionnats pour autochtones. Dans les faits, la responsabilité en revient entièrement à John A. Macdonald (Luc-Normand Tellier, 24 juin et 1er sept.). Déjà, en janvier, Simon Couillard avait relevé que la publicité de Tourisme Ottawa en vue des fêtes du 150e anniversaire de l’AANB faisait l’impasse sur George-Étienne Cartier (7 janvier).
Mais pas Macdonald. Un syndicat ontarien d’enseignants du primaire demande qu’on débaptise toutes les écoles John A. Macdonald à cause de son racisme anti-autochtones (25 août). À peine quatre jours plus tard, un sondage a indiqué qu’une majorité de Canadiens s’y opposent ; et le gouvernement a averti que Macdonald conservera sa place dans la toponymie fédérale (29 et 30 août).
Le français, une langue de trop ? – Le président sortant du CRTC, Jean-Pierre Blais, a proposé d’abandonner les quotas de chansons françaises à la radio (J-F. Nadeau, 19 juin). – Les nouvelles règles de l’organisme fédéral nuisent aux productions télé en français, c’est le ministre québécois de la Culture, Luc Fortin, qui le dit (La Presse, 30 mai et 13 juin).
Le français, une langue de trop ? – La qualité de la langue française est déplorable dans les ministères et les organismes de l’État fédéral. Romain Gagné donne plusieurs exemples : gala de remise des prix du Gouverneur général, Bureau de la traduction, ministère de la Francophonie, Bureau du Conseil privé (18 juillet). – Un rapport commandé par le greffier du Conseil privé propose d’abolir les primes au bilinguisme pour les fonctionnaires fédéraux (20 sept.).
Le français, une langue de trop ? Douze des vingt-trois conseillers de la Ville d’Ottawa refusent absolument que leur ville, capitale d’un pays soi-disant bilingue, devienne bilingue (J.-F. Nadeau, 19 juin).
Le français recule partout au Canada et même au Québec. Le recensement de 2016 montre que les individus de langue maternelle française ne forment plus que 21,3 % de la population au Canada et 78,4 % au Québec (3 août). Ni le gouvernement fédéral, ni les gouvernements des provinces, ni le gouvernement québécois actuel n’agissent pour redresser la situation.
Les minorités francophones. – Alors qu’approchent les élections, le gouvernement de l’Ontario a créé un ministère pour les francophones. C’est simplement pour donner une meilleure visibilité aux programmes existants, car ce ministère ne disposera d’aucun budget supplémentaire. – Par ailleurs, l’engagement pris avant les élections de 2014 par la première ministre Kathleen Wynne de créer durant ce mandat une université campus entièrement francophone s’est mué en simple projet de loi pour un campus à Toronto dans son éventuel prochain mandat. Le président de la jeunesse franco-ontarienne est inquiet : les élections auront lieu en juin, c’est-à-dire peut-être avant que le projet de loi soit adopté (29 août). – La Colombie-Britannique fait appel sur une question incidente pour obtenir de ne pas verser ce que la Cour suprême lui a ordonné de payer pour les écoles françaises – et les Fransaskois sont actuellement devant les tribunaux pour obtenir que la province respecte l’article 23 de la Charte canadienne des droits (Laporte et Gagnon, 4 août).
Jouer les nations minoritaires les unes contre les autres. Le gouvernement Couillard réagit particulièrement mal à la revendication des autochtones d’obtenir des gouvernements pour leurs nations, revendication qu’Ottawa dit bien accueillir, mais sans avoir pris la peine de consulter les provinces ni les territoires (18 juillet).
Pas de gouvernements autochtones. Ces relations de « gouvernement à gouvernement » ne nécessiteront pas d’ouvrir la constitution, du moins selon le premier ministre Trudeau. Il suffit de créer un ministère Couronne-Autochtones. On maintient l’appellation Couronne, plutôt coloniale n’est-ce pas, et on place en vis-à-vis non pas « gouvernements autochtones », mais seulement « Autochtones » (29 août). Des gouvernements sans reconnaissance constitutionnelle : toute une garantie !
Pas de gouvernements autochtones. À ces soi-disant gouvernements autochtones, Ottawa ne consentira aucun pouvoir autonome de taxation. Ils seront simplement autorisés à conserver l’assistance financière reçue et non dépensée dans l’année. Il faut croire que celle-ci est assez insuffisante puisque c’est jusqu’à l’eau potable qui manque ou est de qualité médiocre dans plusieurs réserves (26 juillet). – Autre exemple du refus de véritables gouvernements autochtones : le Tribunal canadien des droits de la personne a rendu un jugement favorable aux autochtones dans la question des services à l’enfance dans leurs communautés, mais le gouvernement fédéral regimbe et refuse de l’accepter pleinement (Manon Cornellier, 30 août).
Pas de respect pour les femmes autochtones. – Après l’avoir attendue depuis près de 40 ans, les Premières Nations ont enfin obtenu la création d’une commission d’enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées. Mais le mandat qui lui a été confié par le gouvernement Trudeau est tel qu’il ne peut être efficacement rempli, les démissions se sont succédé dans les derniers mois, certaines ont protesté contre « l’approche coloniale » de la commission, et tout le monde est maintenant mécontent (plusieurs dates en juillet, 8 sept.). Les commissaires encore en poste réclament deux ans de plus, la réponse du fédéral ne vient pas (3 sept.) – On apprend qu’en Saskatchewan, des femmes autochtones ont été stérilisées encore tout récemment sans leur consentement éclairé. Une enquête pancanadienne est réclamée, le gouvernement Trudeau ne répond pas (1er, 5 et 7 août).
Pas de respect pour les autochtones. Le premier ministre Trudeau a confié au magazine Rolling Stone que c’est pour soigner son image qu’il a choisi, dans le ring, de combattre le sénateur Brazeau et précisément lui : « un dur à cuire issu d’une communauté autochtone ». Devant le tollé, il a dû présenter ses excuses (2 août).
Le gouvernement fédéral nuit aux fondamentaux de l’économie québécoise
AECG. Le soutien financier compensatoire de 350 millions offert très tardivement aux producteurs de fromages fins a été jugé à la fois insuffisant et inéquitable par ceux-ci, presque tous concentrés au Québec (29 juin).
ALENA. La gestion de l’offre est dans la mire des Américains. Certains experts et les milieux agricoles québécois craignent qu’Ottawa cède du terrain tout en cherchant simplement à sauver la face (19 juillet).
ALENA. Les Américains n’ont pas formulé de demande précise quant à « l’exception culturelle » prévue dans l’actuel accord. Toutefois, les champs protégés par cette clause sont de plus en plus restreints, tandis que le commerce électronique et la protection de la propriété intellectuelle, eux, seront soumis à discussion. Cela inquiète même le premier ministre Couillard, car l’avenir des industries culturelles est directement concerné (Gérard Bérubé, 20 juillet ; Bernier et Guèvremont, 21 juillet). Les négociateurs fédéraux sauront-ils exiger la modernisation et l’extension de l’exemption culturelle ? Et qu’adviendra-t-il de l’exception culturelle en ligne ? Déjà, contre une demande majeure des milieux culturels et du ministre québécois Luc Fortin, Ottawa a décidé que Neflix ne sera pas taxée (15 et 16 sept.).
ALENA. Jean Aubry rapporte que les États-Unis pourraient exiger le démantèlement de la SAQ et des autres organismes provinciaux qui ont le monopole de la vente d’alcool. Si cela se produit, ou si la SAQ est affaiblie dans le nouvel accord, un autre de nos outils collectifs va nous échapper (18 août). Peut-on compter sur Ottawa ?
Bois d’œuvre. En plus d’avoir tardé considérablement à aider l’industrie canadienne du bois d’œuvre touchée pendant l’été par une surtaxe protectionniste américaine (20 juin, 1er sept.), le gouvernement fédéral se montre attentif à défendre surtout le régime forestier britanno-colombien (3 août).
Bombardier. Le gouvernement fédéral enjoint à Boeing de cesser d’attaquer Bombardier. Mais il faut se souvenir que l’aide que le fédéral a finalement daigné consentir à Bombardier concerne pour l’essentiel la recherche en vue la production d’un nouvel avion qui sera manufacturé en Ontario (19 sept.)
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Même si l’État provincial est exsangue et ne dispose plus des moyens de structurer la société et la nation, le gouvernement a encore la capacité de nuire au plus grand nombre et celle d’avantager ses amis.
L’« effet libéral » dans l’économie québécoise
Le PIB. Il s’était amélioré depuis le début de 2017, mais il a de nouveau diminué de 0,4 % en mai à cause de la grève dans la construction (30 août). Une des raisons de l’embellie est un certain desserrement de l’étau d’austérité dans lequel le gouvernement Couillard a étouffé le Québec depuis 2014. Malgré tout, la balance négative des exportations continue à plomber la croissance (26 et 27 juillet).
L’emploi, pas très mirobolant. Il y a eu création d’emplois récemment. Toutefois, selon l’ISQ, l’emploi a peu varié en nombre depuis décembre 2016 et la qualité s’est détériorée : car ce qui a contrebalancé les 21 100 emplois nets à temps complet perdus entre décembre et juillet, c’est la création de 26 900 emplois nets à temps partiel (8 et 10 août). Toujours selon l’ISQ, la cadence de création d’emplois devient difficile à maintenir (10 sept.) Selon l’économiste Pierre Fortin, rien n’assure que le gouvernement aura rempli d’ici la prochaine élection sa promesse de créer 250 000 emplois. Pourtant, ce n’est que le nombre moyen créé naturellement au Québec en cinq ans (Radio-Canada, 6 sept., « La Vérif : Couillard avait promis 250 000 emplois, où en sommes-nous ? »).
Créer des emplois ailleurs avec notre argent. Le gouvernement du Québec n’exige aucun contenu québécois dans la construction du Réseau électrique métropolitain, un des plus importants projets d’infrastructure jamais réalisés ici, qui va commander des investissements publics considérables. La Caisse a donné des contrats à des entreprises canadiennes (sont-elles québécoises ?) ou à des filiales canadiennes (sont-elles installées au Québec ?) d’entreprises étrangères. Et notre gouvernement s’en contente (16 juin).
Ne pas créer d’emplois en région avec notre argent. Le projet Mine Arnaud ne verra pas le jour (16 sept.)
Ne rien faire pour contrer la dévitalisation des régions. Les cégeps des régions éloignés sont contraints année après année à sacrifier des programmes par manque de soutien financier, ce qui encourage l’exode des jeunes et nuit aussi aux universités régionales. Les solutions sont connues, mais le gouvernement Couillard ne bouge pas (Stéphane Chalifour, 20 sept.).
Des crédits d’impôt pour concurrencer nos entreprises. Ubisoft a annoncé la création de 1000 emplois jusqu’en 2027 et d’un nouveau studio à Saguenay. On parle donc de seulement 100 emplois par année, dont une partie dans le comté du premier ministre (6 sept.). Cette nouvelle est financée par des crédits d’impôt imposants. Il paraît que l’investissement rapporte, c’est ce que disent d’anciens ministres des Finances (13 sept.), quoique le CIRANO doute qu’il s’agisse encore d’une bonne politique industrielle (8 sept.). Plusieurs entrepreneurs québécois estiment, eux, que le gouvernement Couillard finance leurs concurrents directs et que la valeur ajoutée de ces emplois (des milliards) rapporte à des actionnaires étrangers. Pourquoi ne pas encourager plutôt les entreprises et les actionnaires du Québec, se demandent-ils ? (La Presse, 8 sept.).
Niveau de vie en déclin relatif. – Certes, le chômage recule, il était de 5,8 % en juillet, à un creux historique (5 août). Mais le niveau de vie recule aussi. Le Québec travaille davantage tout en s’appauvrissant. Du moins en comparaison. Il est désormais au 21e rang parmi les pays de l’OCDE, en perte de deux rangs en dix ans. Le Québec occupe le dernier rang des provinces pour le revenu disponible (10 août). – Le revenu des ménages québécois est parmi les plus faibles du pays même si le pouvoir d’achat des ménages y est meilleur qu’en Ontario simplement parce que le coût de la vie est plus faible ici (14 et 15 sept.) On prévoit toutefois des augmentations de salaire pour 2018 (10 août).
Réserve de stabilisation et surplus inquiétants. 4,7 milliards $ dans la réserve (25 juin), un surplus budgétaire de 2,5 milliards $ pour 2016 (22 juin), un surplus de 604 millions depuis le début de l’exercice financier actuel (9 sept.). Ces économies ont été réalisées d’une part grâce aux compressions qui ont touché l’éducation, la santé, la protection sociale et presque toutes les missions de l’État, et, d’autre part, par l’inaction du gouvernement québécois dans plusieurs domaines.
Compressions qui continuent malgré les réinvestissements qui s’annoncent en cette année préélectorale. Je ne multiplie pas les exemples. En voici quatre. – « Le soutien à domicile pour les handicapés diminue » (22 juin). – Écoles de langue française surpeuplées dans certains quartiers de Montréal (2 sept.). – Insuffisance de l’aide financière de Québec pour soutenir les élèves en difficulté (28 août). – Selon les directeurs de la santé publique de Montréal et de Montérégie, les coupures à l’aide sociale prévues par le programme Objectif emploi mèneront les plus démunis à l’itinérance (20 sept.).
Priver l’État québécois de revenus. Cannabis. – Contrairement à l’Ontario, qui mise sur sa société des alcools pour le faire (10 sept.), le ministre Leitao a décidé que la SAQ ne commercialisera pas le cannabis, même dans des locaux distincts de ceux consacrés à la vente d’alcool, ni même par une filiale. Le commerce et les profits seront laissés à l’entreprise privée. Couche-Tard est très intéressée (14 juin, 25 août). Cette entreprise se montre même très agressive contre tout projet de vente de cannabis par une société d’État (20 sept.). Il faut croire que le gouvernement Couillard aime Couche-Tard, car au Québec on n’aura même pas le droit de faire pousser son propre pot ; décision qui pourrait faire perdre le Québec devant les tribunaux, puisqu’Ottawa entend autoriser la culture domestique (15 et 20 sept.) Quel contraste avec l’encouragement Couillard à la production privée d’électricité (voir plus bas) !
Priver l’État québécois de revenus. – Pour l’embouteillage de l’eau, l’Ontario exige des droits sept fois plus élevés que le Québec (2 août). – Le gouvernement québécois n’aura pas accès aux listes des hôtes qui fournissent de l’hébergement par le moyen de la plateforme Airbnb : ce sera donc aux inspecteurs du ministère de Revenu de les débusquer et ils ne seront que 25 pour tout le Québec (30 et 31 août). – À un an des élections, le gouvernement envisage de baisser encore les impôts des particuliers et des PME (9 sept.).
ALÉNA. Le gouvernement Couillard ne produira pas d’études d’impact du prochain accord sur les divers secteurs de l’économie. C’est Raymond Bachand qui l’a révélé (12 juillet). On ne saura donc pas si notre négociateur en chef a bien travaillé.
Privatiser Hydro-Québec. Cette privatisation est en cours depuis longtemps. Le premier ministre Couillard annonce qu’elle continuera. Désormais, chaque propriétaire pourra produire sa propre électricité s’il se dote des facilités pour le faire et revendre ses surplus à Hydro-Québec. Il n’y aura plus de constructions de grands barrages (19 sept.)
Un gouvernement et un parti anti-nationaux
Le français en déclin au Québec. Le recensement de 2016 mesure le déclin du français au Québec : déclin lent, mais continu, tant dans la langue maternelle que dans la langue d’usage. Il montre aussi la progression de l’anglais sur ces deux fronts malgré 40 ans de loi 101. À terme, il deviendra encore plus difficile de faire du français la langue commune dans l’espace public (Seymour, 1er sept.). Or, c’est pour les communautés rurales anglophones que s’inquiète le premier ministre Philippe Couillard. Leur « statut minoritaire leur apporte des difficultés concrètes », a-t-il dit (13 juin). Pourtant, comme l’a statué le Comité des droits de l’homme de l’ONU à la fin des années 1980 : « Les citoyens canadiens anglophones [du Québec] ne peuvent être considérés comme une minorité linguistique dans le contexte canadien où ils sont majoritaires »2.
Pas d’effort supplémentaire pour la francisation des milieux de travail. Le gouvernement Couillard a refusé d’amender la Charte de la langue française pour empêcher que les employeurs exigent la connaissance de l’anglais lorsque celle-ci n’est pas nécessaire dans l’emploi à pourvoir (13 juin). Pourtant la francisation des milieux de travail ne progresse pas, au contraire elle recule. Le gouvernement refuse aussi d’étendre la loi aux entreprises de 11 à 49 employés ; et il refuse de faire pression sur Ottawa pour que les entreprises de compétence fédérale soient soumises à la loi 101 (Manon Cornellier, 3 août). Deux Québécois sur trois travaillent dans un environnement où ils doivent utiliser au moins un peu d’anglais (26 août).
Renoncement à appliquer la loi 101 à l’administration publique. La loi 104 a été adoptée à l’unanimité en 2002. Elle fait du français la seule langue de l’administration publique. Le gouvernement Couillard ne fait qu’officialiser la politique du gouvernement Charest en renonçant officiellement à l’appliquer (16 sept.). Il est trop facile de dire que les gouvernements péquistes eux-mêmes ne l’ont pas fait (il y a eu trop peu de temps avant l’élection de 2003, et le gouvernement minoritaire Marois n’a siégé que 14 mois avant 2014).
Pas d’effort pour appliquer la loi 101 aux cégeps. Chaque année, rappelle Michel David, environ 4000 jeunes passent du secondaire français au collégial anglais. C’est l’équivalent d’un gros cégep (23 juin).
Projet d’élargir le droit de fréquenter les écoles anglaises. Que la population des écoles anglophones baisse au Québec est loin d’être un drame puisque les anglophones ne sont pas une minorité nationale au Québec tant que celui-ci reste une province canadienne. Les jeunes libéraux étaient prêts à élargir le droit à l’école anglaise. À un an des élections, le premier ministre Couillard n’a pas voulu les suivre (14 août).
Financement des commissions scolaires anglophones. Une faille dans la loi permet aux adultes sans enfants de choisir par quelle commission scolaire de leur territoire ils seront imposés. En Outaouais, plusieurs privilégient celle de langue anglaise. Cela lui permet de taxer à moindre taux. La situation dure depuis des années, le ministère n’a jamais rien fait, le ministre Proulx s’engage simplement à étudier la question (11 et 21 juillet, 16 août).
Insuffisant soutien pour la culture. – Les compressions dans le budget des Archives nationales compromettent entre autres la numérisation, ce qui creuse des trous dans notre mémoire collective et entraîne une perte d’expertise (20 juin et 6 juillet). – Les milieux culturels sont déçus du manque d’ambition de la politique culturelle libérale, des faibles moyens consentis à sa réalisation, et de la peur de la réglementation qui paralyse le ministre Fortin (19, 22, 29 juin, 7 et 15 sept.). – Le Conseil du patrimoine vivant lance un « cri du cœur » : il n’y a pas grand-chose pour le patrimoine immatériel ni les traditions autochtones du Québec dans la politique culturelle libérale. En fait, l’aide accordée diminue d’année en année et les domaines admissibles ont été restreints (1er sept.).
Projet de loi sur la neutralité religieuse de l’État. Des années d’attente. Des tensions sociales encouragées par l’inaction. La confusion délibérément entretenue. Et maintenant un projet de loi insuffisant, imprécis, éminemment sujet à contestation devant les tribunaux, et auquel veulent être soustraites les villes de Québec et de Montréal (16, 17 et 18 août).
Consultation sur le racisme systémique. Il y a longtemps que sont connues les solutions pour venir à bout des situations de racisme qui existent ici comme ailleurs. La plupart des intervenants le rappellent, mais le premier ministre Couillard tient à sa consultation. Publique, à huis clos, de nouveau publique ? L’improvisation règne en maître au plus haut niveau. Quant à la présidente de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, elle n’a aucune crédibilité. Toute l’affaire est sous-traitée à des organismes communautaires choisis on ne sait pas comment (plusieurs dates en sept.). Plusieurs observateurs voient dans cette consultation une manœuvre politique avant tout, destinée à souder autour des libéraux leurs clientèles électorales, et ce, au détriment de l’harmonie sociale et du règlement de problèmes qui existent ici comme ailleurs même s’ils n’ont rien à voir avec un racisme systémique (Jocelyn Caron, 21 août).
Augmentation de l’immigration. Il n’y aura pas d’abaissement. Pour 2017-2018, les seuils seront de 50 900 à 56 700 personnes (16 sept.). Cela pourrait être acceptable si de vrais moyens de francisation étaient déployés. Mais ce n’est pas le cas, avec les conséquences inévitables sur l’anglicisation du Québec.
Musèlement des citoyens. Le gouvernement Couillard a détruit plusieurs outils de concertation depuis trois ans. De plus, il écarte les citoyens des consultations et des décisions sur plusieurs grands enjeux (Nicole Moreau, 22 juin). Notamment, le projet de loi 122 (sur les municipalités comme gouvernement de proximité) et le projet de loi 85 (sur l’installation de pôles et de corridor de développement aux abords de l’autoroute 30) ne favorisent ni la participation publique ni la démocratie municipale (20 juin, 16 août).
Inaction, attentisme, immobilisme Caribous forestiers. « Ottawa ne nous imposera rien concernant la protection du caribou forestier, ça, c’est clair », a déjà dit le ministre Luc Blanchette (Le Quotidien, 8 novembre 2016). Mais puisque celui-ci n’a fait que cafouiller, c’est Ottawa qui va s’occuper de cette espèce en péril (Le Quotidien, 31 août).
Environnement. Depuis deux ans, un vieux dépotoir déverse des produits toxiques dans le Saint-Laurent à la hauteur de Rivière-Saint-Jean sur la Côte-Nord. Le ministre Pierre Arcand le sait, mais ne fait rien. La mairesse de la ville croit qu’il attend que le problème se règle tout seul (27 juin). – TransCanada refuse d’enfouir un peu plus profondément un gazoduc malgré la demande de la municipalité de Pike River et de l’UPA de la Montérégie. L’impasse persiste, ce qui fait que, selon le journaliste Alexandre Shields, « le ministre de l’Environnement David Heurtel pourrait être forcé d’intervenir » (23 août). – Selon la Société de la nature et des parcs du Canada, le gouvernement Couillard laisse sciemment trainer les projets d’aires protégées, si bien que le pourcentage de telles aires au Québec est inférieur à la moyenne canadienne (25 juillet).
Énergie. La stratégie énergétique dévoilée en juin par le ministre Arcand manque d’ambition, selon Équiterre et Greenpeace. Le seul volet du plan qui fait consensus porte sur l’énergie solaire. Le Parti québécois craint cependant la répétition dans ce nouveau secteur de ce qui s’est produit dans la filière éolienne sous le gouvernement Charest, à savoir le refus d’exiger des entreprises qu’elles incorporent une certaine proportion de contenu québécois (27 juin).
Marché du carbone. Plusieurs acteurs de poids dans le monde de l’environnement, tels Greenpeace, la Fondation David Suzuki et le professeur Normand Mousseau, appuient la demande du Parti québécois de consultations publiques sur le marché du carbone, mais le gouvernement ne répond pas (1er juillet).
Uber. L’industrie du taxi juge que le comité de modernisation mis sur pied par le ministère du Transport pour faire diversion du problème d’Uber est une farce. Pour protester, ses représentants se sont retirés (21 juin). Le gouvernement Couillard semble abdiquer.
Innovation. Aucune trace de l’activité du Conseil de consultation sur l’économie et l’innovation, pourtant financé par le gouvernement à hauteur d’1,7 million $ (15 juillet).
Accès à l’information. On attend depuis des années la réforme pour encourager la transparence plutôt que les entraves et restrictions. La ministre Rita de Santis ne s’est pas engagée à déposer un projet de loi cet automne (20 juin). En attendant, elle et d’autres ministres se mêlent, tout en niant, des demandes d’accès à l’information (17 août). Comme le soulignent des experts dans Le Devoir du 28 août, il reste peu de temps au gouvernement libéral pour améliorer la loi s’il veut respecter sa promesse électorale.
Cannabis. – Québec s’est trainé les pieds. Il semble presque impossible désormais de monter en un an un réseau de vente au détail et de déterminer les règles de contrôle, d’autant plus nécessaires que la vente sera laissée au marché privé (25 août). – De plus, nos terres agricoles sont vendues à des promoteurs d’autres provinces, qui veulent bénéficier de nos bas tarifs d’électricité (16 sept.) Quand Québec se décidera-t-il à agir ?
Égalité des femmes. Après des années d’inaction, la ministre Lise Thériault a finalement dévoilé la stratégie féministe de son gouvernement, mais sans la doter des moyens nécessaires à l’atteinte des objectifs ciblés pour 2021. Notons en passant la modestie des priorités de la ministre : bâtir un indice de l’égalité et faire adopter une loi-cadre (30 juin).
Développement social et culturel autochtone. Le plan du ministre Geoffrey a été accueilli tout juste « comme un pas dans la bonne direction ». La communauté de Manawan a rappelé qu’elle attend des services ambulanciers depuis vingt ans ; selon Philippe Couillard lui-même, la solution est coincée dans une chicane Québec-Ottawa (29 juin).
Éducation. Le projet de loi 144, qui fait actuellement l’objet de consultation, n’autorisera pas le ministère à fermer les écoles religieuses illégales (6 sept.).
Sécurité publique. Les sinistrés des inondations du printemps dénoncent les retards à autoriser la reconstruction de leurs maisons (31 août).
Mais action en faveur des amis
Pétrolia et Junex. Anticosti était censée regorger de pétrole, le gouvernement Charest a donc forcé Hydro-Québec et l’État québécois lui-même à céder pour une bouchée de pain des titres d’exploration à ces deux entreprises, propriétés de promoteurs aux accointances libérales notoires. Le bref gouvernement Marois, à qui ceux-ci ont fait miroiter un potentiel de 45 milliards $ pour l’État québécois, a donc cru utile de protéger les intérêts des Québécois en rachetant à très haut prix une participation aux mêmes droits miniers. Premier bingo pour ces pétrolières libérales, qui ont entretenu tant qu’elles ont pu le « mythe » de l’abondance de pétrole sur l’île (Marc Durand, 21 juin). Puis le gouvernement Couillard a annoncé la fin de l’exploration. Et il a décidé de compenser les promoteurs pour des profits qui auraient éventuellement été réalisés si les compagnies avaient réellement trouvé du pétrole et l’avaient exploité. Second bingo. Québec a payé presque 140 millions $ sans qu’une goutte de pétrole soit sortie d’Anticosti. Pétrolia s’en tire avec 20,5 millions $, Junex avec 5,5 millions $, un vrai pactole (30 juillet et 11 août).
Entreprises gazières. Un autre secteur où le gouvernement Couillard est très actif, c’est celui du gaz. – Ainsi, Gaz Métro sera financé à même le Fonds vert alors que cette entreprise distribue de plus en plus de gaz de schiste (19 juillet). – Gastem poursuit la municipalité de Restigouche Sud-Est qui a adopté un règlement sur la protection des sources d’eau. Non seulement Québec ne lève pas le petit doigt en faveur de la municipalité, mais le ministre Heurtel refuse d’accorder à 230 autres municipalités le droit d’adopter un règlement semblable (5 et 6 sept.)
Conflits d’intérêts, fraudes, corruption et autres manquements à l’éthique
Abandon des poursuites contre Arthur Porter. Le premier ministre ne s’en plaint pas (5 août). Mais les Québécois sont en droit d’espérer que les co-accusés de cette fraude majeure concernant le CSUM et SNC-Lavalin subiront leur procès.
Candidature d’Éric Tétreault en vue de l’élection partielle dans Louis-Hébert. Comme le rappelle Robert Dutrisac, Tétreault est un proche de Jean Charest, de Nathalie Normandeau et de Lino Zambito. L’UPAC a cru nécessaire de l’interroger. Cela n’a pas dérangé le premier ministre (19 août) non plus que le harcèlement psychologique qu’il avait pratiqué dans un emploi précédent. C’est finalement cette affaire qui a eu raison de ce candidat (7 sept.). Celui de la CAQ a dû se retirer lui aussi, mais François Legault, lui, n’avait pas été mis au courant avant sa désignation.
Le ministre Jean-Marc Fournier dans l’eau chaude. Le policier Yves Francoeur est certain que ce ministre était prêt à changer une loi pour accommoder des promoteurs immobiliers liés à la mafia en échange d’une contribution au Parti libéral du Québec. Il laisse entendre que des accusations de fraude et de trafic d’influence n’ont pu être portées contre lui à cause d’obstruction politique (19 sept.). À suivre, car cette affaire n’est pas close (20 sept.).
Promesse de ne pas abuser. Les nominations au BAPE resteront sous le contrôle du gouvernement. C’est pourquoi le ministre Heurtel se sent obligé de dire qu’il n’y fera pas de nominations partisanes. À suivre (15 sept.)
1 À moins d’indication contraire, toutes les dates font référence à l’édition du jour du journal Le Devoir (format papier). Il suffit d’entrer les mots-clés du propos pour trouver la référence exacte des articles utilisés.
2 Décision de l’ONU sur la loi 178, version du texte original obtenue du site Canadiana site @ Carnegie-Mellon University, http://www3.sympatico.ca/rd.fournier/inter.canada/doc/un-178.htm [page consultée le 17 août 2016]