Le démantèlement de la nation (chronique 17)

La période couverte s’étend du 21 septembre au 29 novembre 20171.

Au référendum de 1995, le OUI a perdu par 27 145 voix, car l’écart entre le oui et le non fut de 54 288 voix seulement. Des études ont alors montré que si les milieux moins favorisés s’étaient rangés derrière le OUI, c’est parce que l’État québécois leur semblait mieux en mesure que celui d’Ottawa, qui avait déjà entrepris de vastes compressions dans ses programmes sociaux, de mener la lutte contre la pauvreté et d’offrir un filet social de qualité2.

Mais après le référendum, balayant une telle analyse du revers de la main, le premier ministre Lucien Bouchard s’est employé à dissocier question nationale et engagement de l’État québécois dans la société. Il a fait sienne la lutte contre le déficit. Les compressions ont commencé en santé, en éducation, dans les programmes sociaux et ailleurs. Ce premier ministre prétendait qu’en atteignant le déficit zéro et la réduction de la dette, les Québécois seraient à l’avenir plus libres de leurs choix. C’était vraiment mal lire la réalité. Celle-ci, à l’époque, n’était plus l’insécurité économique ; c’était tout simplement que 60 % de OUI parmi les Québécois de langue française n’avaient pas suffi à l’emporter contre 95 % de NON parmi les non-francophones3.

Or, en rapetissant notre État, Lucien Bouchard laissait de la place à Ottawa. Ça s’est poursuivi depuis, avec encore plus de détermination, sous les gouvernements libéraux de Jean Charest puis de Philippe Couillard. La réduction de la capacité d’agir de notre État résulte de plusieurs facteurs parmi lesquels : des baisses d’impôts qui se traduisent en baisses de revenus, le refus de se servir des revenus hors impôts pour bonifier les budgets, ainsi que l’insuffisance globale des revenus par rapport aux missions, insuffisance due au déséquilibre fiscal contre lequel le gouvernement Couillard refuse de lutter. J’insisterai aujourd’hui surtout sur le deuxième facteur.

En 2006, le gouvernement Charest a mis sur pied le Fonds des générations avec l’objectif de réduire d’ici 2026 la dette québécoise au niveau de la moyenne des autres provinces. Le discours justifiant la création du Fonds faisait valoir qu’on ne voulait pas léguer aux générations futures une dette provinciale qui aurait profité essentiellement à leurs parents et grands-parents. Non seulement l’atteinte du déficit zéro continuait-elle d’être visée dans la confection et la réalisation des budgets annuels, mais il fallait atteindre l’équilibre sans plus compter sur les divers revenus et redevances perçus par l’État québécois en dehors de l’impôt, qui seraient désormais versés dans ce fonds. L’État québécois se privait ainsi de revenus qui auraient pu augmenter ses budgets annuels et lui auraient permis d’investir dans ses missions. Selon un rapport rédigé récemment par Yves Saint-Maurice, Luc Godbout et Suzie St-Cerny, Québec est en bonne voie de réussir : la dette due à l’accumulation des déficits budgétaires ainsi que la dette brute, liée notamment aux infrastructures et aux immobilisations, sont toutes deux sur la pente descendante (étude citée par Éric Desrosiers, 9 nov.).

Mais les générations futures ne seront pas quittes pour autant parce que la dette fédérale, elle, s’accroît sans cesse. Et elle s’accroît notamment parce que, prenant de plus en plus significativement la relève de Québec dans ses propres champs de compétence constitutionnelle, le fédéral finance, à ses conditions, pour la durée qu’il détermine lui-même et selon les intérêts du Canada, la santé, les services sociaux, l’éducation postsecondaire, le logement social, les infrastructures municipales et de plus large portée, le développement régional, la protection du patrimoine, le soutien à la production culturelle, la protection de l’environnement et de la faune, l’aide à la famille, le soutien aux organismes communautaires, alouette. Or, on ne mord pas la main qui nous nourrit. Tous les groupes, toutes les organisations, toutes les institutions publiques au Québec comptent désormais sur le gouvernement fédéral.

C’est là qu’on voit toute la perversité de l’opération des libéraux québécois. Le Fonds des générations ne réduira pas la dette de nos jeunes. Ce qu’ils ne paieront pas en dette québécoise, ils le paieront en dette fédérale. Et ils paieront pour des choix que la majorité canadienne décidera pour elle-même, peu importe les impacts qu’ils auront sur notre capacité d’orienter notre vie nationale. D’ici là, l’État québécois se rabougrit de plus en plus. Il ne remplit plus aucune de ses missions efficacement. Les Québécois ont de moins en moins de raisons d’y tenir. Pire encore, les budgets annuels de cet État desséché sont toujours davantage financés par Ottawa : pour 2017-2018, le budget québécois est composé pour près de 22 % de transferts fédéraux (24 nov.)4. Même un gouvernement qui aurait les intérêts du Québec à cœur serait empêché d’agir tant les contraintes dont Ottawa assortit ses transferts (du reste insuffisants par rapport aux besoins) sont importantes.

1. Il faut reprendre la lutte contre le déséquilibre fiscal : les transferts baisseraient, les revenus autonomes augmenteraient, et Québec aurait alors les moyens d’occuper ses champs de juridiction à sa manière et selon les besoins et intérêts des Québécois. 2. Il faut cesser de prétendre que le Fonds des générations évitera aux jeunes de rembourser la dette de leurs devanciers : ils paieront en dette fédérale ce qu’ils épargnent en dette québécoise. L’argent qui se trouve dans ce fonds pourrait dès maintenant bonifier la présence de l’État québécois selon nos priorités et contenir l’envahissement de nos compétences par l’argent d’Ottawa. 3. Et il faut dénoncer les baisses d’impôt consenties par les gouvernements Charest et Couillard : elles ne donnent rien aux 36 % de nos concitoyens trop pauvres pour être imposés sur le revenu5, et elles se font au détriment de l’ensemble des missions de notre État.

Autrement, non seulement n’aura-t-on pas donné un État souverain à nos enfants, mais on ne leur lèguera même pas un État provincial. Tout juste une administration régionale de l’État canadien, celui du « one country, one nation ».

Ottawa : un pouvoir colonial

Obliger Québec à dépenser. Demandeurs d’asile. « À peine 5 % des dossiers des migrants entrés au pays de manière irrégulière ont été traités », sous-titre Le Devoir du 21 nov. La grande majorité de ces migrants sont entrés par le Québec. Et pendant qu’Ottawa n’alloue aucune nouvelle ressource pour désengorger la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, c’est Québec qui assume les coûts de leur présence (21 oct.). Si au moins, il s’agissait de réfugiés, notre devoir humanitaire s’imposerait de toute évidence. Mais sur les dossiers traités des Haïtiens entrés cet été sans passer par les postes-frontière, seulement 10 % ont été reconnus comme tels (25 nov.). De l’avis même de l’organisme fédéral, les autres sont donc des migrants illégaux. Ottawa présente un visage accueillant, mais c’est Québec qui paie.

Un Canada unitaire

Empiétements du gouvernement fédéral dans les compétences des provinces

Logement social. Le logement social est une compétence québécoise, qu’Ottawa envahit quand ça lui convient. Il y avait beaucoup investi avant les années 1980. Il s’est désengagé depuis les années 1990 en laissant à Québec le soin de rénover un parc immobilier vieillissant sans lui remettre l’argent pour le faire. Et voilà maintenant qu’il se réengage en recyclant de l’argent déjà annoncé et en voulant contraindre les provinces à dépenser sans tenir compte de leurs propres priorités (22 nov.). Le Québec, tout particulièrement, applique déjà une vaste gamme de mesures en logement social, il a l’expertise, et il y met des fonds quoique ses moyens le limitent (6 oct.). Devra-t-il renoncer à tout cela pour adopter les programmes fixés par Ottawa et financer ceux-ci à la hauteur dictée par le fédéral ? Ce serait si simple, selon Jean-Robert Sansfaçon, qu’Ottawa respecte la constitution et se contente de remettre sans condition les fonds qui reviennent aux provinces (24 nov.). Mais non, comme en santé et comme en marijuana, Ottawa agit de manière unilatérale.

Logement social. Au-delà de son « pouvoir de dépenser », fer de lance de tous les empiétements, Ottawa envisage même l’adoption d’une loi pour obliger tous les futurs gouvernements fédéraux à maintenir une forme de stratégie sur le logement : après celle sur les valeurs mobilières, il s’agirait d’une deuxième loi votée carrément dans une compétence constitutionnelle qui n’appartient pas au fédéral (23 nov.).

Allocation canadienne pour enfants. Bill Morneau a expliqué que « les revenus du gouvernement fédéral ont tellement augmenté et ses dépenses tellement diminué » qu’il peut se montrer généreux, notamment en bonifiant l’allocation canadienne pour les enfants dès 2018, soit deux ans plus tôt que prévu (25 oct.).

Marijuana. Les coûts générés par sa légalisation seront assumés pour l’essentiel par les provinces : prévention, maladies, contrôle policier, permis, etc. Ottawa n’aura presque aucune dépense. Mais au lieu de se retirer de ce champ de taxation, il veut 50 % du revenu de la taxe d’accise, estimé jusqu’à 1 milliard $. L’argent soustrait aux provinces servira ensuite à leur imposer des programmes dans leurs champs de compétence, ainsi que des dépenses à la hauteur et selon les normes qu’il aura fixées unilatéralement (4 oct., 12 et 18 nov.).

Prostitution. Ottawa a donné une subvention de 180 000 $ à l’organisme La Sortie, fondé par un pasteur de l’Église évangélique Catch the Fire, pour élaborer un modèle d’hébergement à l’échelle du Québec pour les jeunes femmes désireuses de quitter la prostitution (5 oct.). Est-ce le genre de services sociaux que nous souhaitons au Québec ?

Culture. Le gouvernement fédéral a adopté sa première politique culturelle. Dans la foulée, plusieurs dossiers sont en révision : Loi sur le droit d’auteur, Loi sur la radiodiffusion, Loi sur les télécommunications, et mandat du CRTC (Robert Dutrisac, 14 oct.). Des dédoublements et incohérences, des orientations divergentes, des contraintes à l’action du gouvernement du Québec sont à prévoir (Jacques Laflamme, 4 oct.).

« One country, one nation »

Le Québec, dépouillé de son histoire. Plusieurs millions d’artefacts détenus par Parcs Canada quitteront les régions d’où ils proviennent pour être rassemblés dans un nouvel entrepôt fédéral à Gatineau. Un magnifique projet conçu à Québec pour conserver et mettre en valeur ceux qui proviennent de notre capitale a été carrément ignoré. Archéologues et historiens parlent d’une véritable dépossession (22 nov.).

Pas de loi pour exiger que les juges à la Cour suprême soient bilingues. Justin Trudeau estime que la bonne volonté de son gouvernement suffit pour nommer des juges bilingues (entendus strictement au sens de capacité à comprendre le français, mais pas à le parler). Il craint qu’une obligation de bilinguisme entraîne des contestations judiciaires (26 oct.). Cela en dit long sur la tolérance canadienne face au fait français.

Statistique Canada et le français. Selon l’expert Charles Castonguay, par sa manière de recueillir les données et de présenter ses résultats, « Statistique Canada masque le déclin du français » au Québec, qui serait encore plus considérable qu’indiqué. Selon lui, le Québec est de plus en plus soumis à « une dynamique d’anglicisation » (10 oct.).

Air Canada et le service en français. Le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes a recommandé à l’unanimité au gouvernement de donner au Commissaire sur les langues officielles le pouvoir de mettre à l’amende Air Canada et toutes les institutions soumises à la Loi sur les langues officielles si elles ne respectent pas les droits linguistiques de leur clientèle francophone. La ministre Mélanie Joly n’a pas voulu s’engager à mettre en œuvre cette recommandation. Elle a jusqu’au début de 2018 pour y répondre (3 nov.). À suivre.

Pas de respect pour les femmes autochtones. Une année complète s’est écoulée, 75 % du budget est déjà dépensé, deux nouvelles démissions sont survenues en octobre, ce qui porte leur nombre à neuf depuis la mise sur pied de l’Enquête sur les femmes disparues et assassinées (28 sept., 10 oct.). Jusqu’à maintenant, celle-ci est un désastre. Au moins un rapport provisoire a-t-il été déposé en octobre. Les commissaires restantes y recommandent aux gouvernements fédéral et provinciaux de rouvrir les dossiers et de les confier à des enquêteurs spécialisés. « Intéressant », dit la ministre Bennett, sans plus… (2 nov.).

Pas de respect pour les autochtones. Le nouveau serment de citoyenneté exigera des Néo-Canadiens qu’ils s’engagent à respecter fidèlement les traités avec les peuples autochtones (29 sept.). On ne peut pourtant pas prétendre que ce sont eux qui les ont bafoués jusqu’à présent ; et on ne peut pas dire non plus que ces traités ont été justes envers les Autochtones. S’il voulait vraiment témoigner du respect envers les Autochtones, le gouvernement fédéral leur concéderait de véritables gouvernements, avec pouvoir de décision et pouvoir fiscal.

Mais au moins une certaine réparation. Dans plusieurs provinces anglophones, dans les années 1960, de très nombreux enfants autochtones ont été enlevés à leurs familles et élevés dans des familles non autochtones. Ce fut la « rafle des années 1960 ». Le gouvernement fédéral vient de verser 800 millions $ en compensation (6 et 8 octobre). C’est un geste bienvenu, mais qui ne change pas la relation avec les Autochtones : Ottawa continue de ne financer que ce qui lui plaît, et à la hauteur qui lui plaît.

Le gouvernement fédéral nuit aux fondamentaux de l’économie québécoise

ALENA. Dans les difficiles négociations pour le renouvellement de cet accord, les États-Unis réclament la fin de la gestion de l’offre pour les produits laitiers, les œufs et la volaille. La coopérative Agropur est inquiète. Elle demande à Ottawa de ne pas céder (17, 18 oct.). Mais en ce moment, c’est surtout le gouvernement du Québec qui semble actif sur le terrain (24 oct.). Pour signer le traité avec l’Union européenne, Ottawa a choisi le bœuf de l’Ouest contre les fromages québécois. Choisira-t-il cette fois de sacrifier la gestion de l’offre pour sauver le secteur de l’auto en Ontario ? C’est l’Ontario, surtout, qui pâtirait du non-renouvellement de cet accord (28 nov.). Ou, au vu des exigences américaines le gouvernement fédéral décidera-t-il que le jeu du renouvellement n’en vaut pas la chandelle ? Jean-Robert Sansfaçon semble pencher pour cette option (29 nov.)

ALENA. Parmi les demandes des États-Unis figurent la fin de la reconnaissance de la protection accordée aux industries culturelles. Comédiens et autres artistes, y compris ceux du Québec, plaident pour que le gouvernement fédéral non seulement reste ferme sur cette question, mais qu’il tente d’obtenir des dispositions mieux adaptées aux plateformes numériques utilisées désormais pour diffuser la culture (28 sept.). Ottawa n’a pas l’air d’aller en ce sens, du moins si on se fie à l’entente signée avec Netflix.

ALENA. Très intéressante analyse du professeur Stéphane Paquin le 18 novembre. Ottawa a choisi d’exclure les provinces de la renégociation malgré la demande du Québec et même si ce sont les provinces qui mettront en œuvre le nouvel accord. Plusieurs demandes fédérales constituent des intrusions massives dans les compétences des provinces exclusives ou partagées : « travail et mobilité de la main-d’œuvre, environnement et changements climatiques, femmes, certaines demandes concernant les Premières Nations, mécanismes d’arbitrage, marchés publics ». S’il y a entente, « ce sont les provinces qui paieront le prix de la stratégie fédérale ».

Bombardier. Plusieurs facteurs sont à la source de la braderie de la C-Series. L’un des plus importants selon Loïc Tassé, c’est qu’au cours des dernières années Ottawa n’a pas soutenu l’industrie aéronautique comme d’autres États le font pour la leur :

Nos gouvernements sont résignés à laisser partir ce joyau. Dans d’autres pays où les dirigeants sont plus dégourdis, on ne vend pas de participation majoritaire à des joyaux semblables. Pourquoi ? Parce qu’à la longue, sur vingt ans par exemple, les activités principales autour de la C-Series vont partir vers l’Europe (Journal de Montréal, 17 oct.).

Chantiers navals. Le chantier Davie souhaitait qu’Ottawa lui octroie un contrat pour la construction d’un second navire de ravitaillement, mais le gouvernement fédéral a fermé la porte. Tout ce que l’entreprise peut maintenant espérer, c’est le contrat d’entretien du navire en construction par Irving Shipbuilding. 800 employés de Lévis sont menacés de perdre leur emploi. Le premier ministre Couillard le déplore, mais n’a construit aucun rapport de force pour contraindre le fédéral à un peu plus de justice (29 nov.).

Politique culturelle. L’entente Ottawa/Netfilx nuira à la souveraineté culturelle canadienne. Mais surtout, elle est très dangereuse pour l’écologie de notre industrie culturelle. La double exemption du prélèvement de la taxe de vente sur les produits de Netflix consommés au pays et du versement des redevances pénalise les producteurs québécois soumis, eux, à la taxe et à l’impôt. TVA, Tou.tv, Club illico ou Bell Média, entre autres, sont directement menacés (30 sept.) d’autant d’autres ententes bilatérales entre Ottawa et les géants du web sont annoncées. En outre, si ces exemptions sont accordées en contrepartie d’un investissement de 500 millions $ sur cinq ans en contenu canadien, en revanche Netflix n’a aucune obligation de production en français (29 sept.). Cette décision a soulevé la réprobation unanime au Québec. L’ancien ministre Luc Fortin (29 sept.), le Conseil du patronat (4 oct.), la Coalition pour la culture et les médias (11 oct.), Québecor et Cogeco (23 sept., 4 nov., 15 nov.) et même le Commissariat fédéral aux langues officielles s’insurgent. D’ailleurs, ce dernier enquête pour déterminer si l’entente respecte les obligations du gouvernement fédéral en matière de promotion des deux langues officielles (3 nov.). Au lieu de demander des subventions fédérales, les artistes et les industries culturelles auraient dû depuis longtemps demander à Ottawa de se retirer de la culture avec compensation, afin que notre État puisse assumer sa compétence exclusive.

Politique culturelle. Presse écrite. Ottawa a annoncé en septembre que le Fonds du Canada pour les périodiques serait « modernisé ». Mais rien n’indique s’il comprendra un volet pour les quotidiens autres que locaux. Les journaux sont évidemment très affaiblis par les géants du numérique, qui empochent les deux tiers des revenus publicitaires (29 sept.). Il est regrettable que tant de personnalités supplient Ottawa d’intervenir au lieu d’exiger qu’il se retire et rende des points d’impôts (20 et 21 nov.). Québec a annoncé des mesures concrètes, mais n’a pas les moyens auxquels il pourrait légitimement aspirer (30 sept.).

Environnement. Gérard Bérubé rappelle que le choix du gouvernement fédéral de faire du Canada un pétro-État a coûté et continue de coûter très cher au Québec. Avant 2008, la flambée des cours du pétrole a entraîné la hausse du $ canadien et avec lui la mort de milliers de petites entreprises exportatrices, causant la perte de centaines de milliers d’emplois. Depuis, la hausse exponentielle des GES sous l’influence des sables bitumineux alourdit le bilan environnemental du Québec, par lui-même beaucoup plus propre (12 oct.).

Parenthèse sur la gouvernance fédérale actuelle : les « vraies affaires »

Stephen Bronfman. Les fuites reliées aux Paradise Papers ont montré que ce grand argentier du PLC, dont la famille richissime est très proche des Trudeau depuis des décennies, ne s’est pas privée d’éviter de payer de l’impôt au Canada en ayant notamment recours à une importante fiducie aux îles Caïman. C’est le cas aussi du sénateur Leo Kolber, très influent auprès des gouvernements Trudeau père et fils. Le premier ministre Justin Trudeau s’est aussitôt porté à la défense de son ami : après tout, l’évitement de l’impôt est autorisé (6 et 7 nov.).

Bill Morneau. Il en a mis du temps à mettre ses six compagnies à numéro dans une fiducie sans droit de regard ! Beaucoup, aussi avant de vendre les actions que sa famille et lui possèdent dans Morneau Shepell ! Le ministre se défend : il n’a rien fait d’illégal. En effet, la Loi fédérale sur les conflits d’intérêts interdit seulement aux élus de posséder directement des biens ; ils peuvent toutefois posséder des sociétés, qui elles, possèdent les biens. Et lorsqu’ils sont ministres des Finances, ils peuvent rédiger des projets de loi, comme C-27 sur les fonds de pension, qui enrichiront directement les sociétés qui gèrent de tels fonds, comme Morneau Shepell ! Le Bloc québécois veut savoir combien le ministre Morneau a fait faire de profits à ses compagnies pour chacune des décisions qu’il a prises depuis deux ans. Le NPD veut faire colmater la faille dans la Loi sur les conflits d’intérêts. Devant la tempête, la commissaire à l’éthique finit par se résigner à ouvrir une enquête sur Morneau. Mais voilà que, tout compte fait, il a peut-être vendu ses actions trop vite : ou du moins juste avant que soit connue de tous une décision qui les a fait baisser. On appelle cela le délit d’initié, et tant le NPD que le Bloc sont convaincus que le ministre en est coupable (29 nov.) Quant au premier ministre Trudeau, il défend son ministre ainsi que ses autres ministres qui ont eux aussi omis de placer leurs avoirs dans des fiducies sans droit de regard (27 et 31 oct., 11 et 24 nov.).

La finance canadienne et les paradis fiscaux. Gérard Bérubé transmet les résultats d’une étude réalisée en novembre par l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable. Les 60 plus grosses entreprises canadiennes inscrites en bourse totalisent 1021 filiales ou entreprises apparentées dans les paradis fiscaux. Ce n’est là qu’un aperçu : l’étude approfondie qu’il faudrait réaliser se heurte à la difficulté d’obtenir les informations. L’investissement canadien direct à l’étranger dans les dix principaux paradis fiscaux atteignait 284 milliards $ en 2016. Il existe au moins 400 techniques d’évitement d’impôt. Plusieurs de ces multinationales « paient un taux d’impôt inférieur à celui d’un Ontarien gagnant 42 000 $ », conclut l’étude (Gérard Bérubé, 25 nov.). Ottawa ne s’émeut pas.

*

L’« effet libéral » dans l’économie québécoise

Évidemment, à quelques mois des élections, le gouvernement veut donner l’impression qu’il s’active : quelques micro-réinvestissements ici et là, un comité pour étudier les décès des femmes autochtones (29 nov.), la création d’une aire protégée pour les caribous forestiers qui est « un premier pas » vers une réelle protection de cette espèce menacée (28 nov.), etc. Mais rien pour changer les directions profondes de sa gestion du Québec.

Priver l’État québécois de revenus. Baisse des impôts. Les analystes et les partis d’opposition sont d’accord : la baisse d’impôt de plus d’un milliard $ pour 2017-2018 est une décision électoraliste. Les services en pâtiront : moins de 125 millions seront réinvestis en santé et en éducation d’ici la fin de l’année financière, et quant à la lutte contre la pauvreté, le gros des investissements sera fait seulement dans six ans (22 nov.).

Ne pas contrer l’augmentation du déficit commercial. Même si le volume des exportations internationales du Québec a augmenté de 3 % depuis le début de l’année, Marc Pinsonneault, économiste à la Banque Nationale note que le déficit commercial s’est accru pour un troisième trimestre consécutif, ce qui ralentit la croissance économique (23 nov.)

Se résigner à la précarité de la croissance du PIB. Après un fort recul au 1er trimestre de 2017, la croissance a repris au 2e trimestre, mais le PIB a de nouveau chuté en août (29 nov). Les investissements des entreprises ont reculé. (27 sept., 3 oct.). D’ailleurs, le Conference Board et le ministre Carlos Léitao lui-même s’attendent que le Québec ne maintiendra pas sa croissance l’an prochain (23 nov.).

Laisser tomber le contrôle de leur économie par les Québécois. Bombardier. Airbus est devenu l’actionnaire majoritaire du joyau de l’aéronautique québécoise sans qu’il lui en coûte un seul sou. Le premier ministre reconnaît que nous ne récupérerons jamais les 1,3 milliard $ que nous avons investis collectivement dans la CSeries, mais il se réjouit : « Notre génie est sauf », les emplois sont maintenus (18 oct.). En fait, le soutien d’Investissement Québec et du gouvernement libéral au programme de la CSeries plutôt qu’à Bombardier lui-même a permis à Boeing de prétendre qu’il s’agissait là d’une subvention publique. L’avionneur américain a réussi à faire imposer des droits compensatoires exorbitants, ce qui a jeté Bombardier dans les bras d’Airbus. Et c’est sans compter que l’entente ne prévoit aucune garantie pour les fournisseurs d’ici (24 oct.). Pour Pierre-André Julien, les propos du premier ministre Couillard sont de la frime : rien n’assure le maintien des emplois à long terme ni le contrôle au Québec des résultats du génie québécois. Airbus reçoit une technologie ayant coûté 5,4 milliards $ et l’engagement de Bombardier à y investir encore 700 millions $. Pour Julien, le cas de la CSeries s’apparente à ceux de Provigo, St-Hubert et Rona : le gouvernement « est tout simplement en train de laisser tomber le contrôle de l’économie par les Québécois » (27 nov.)

Financer l’achat de Pétrolia par des intérêts albertains. À peine empochés les 20,5 millions $ donnés par le gouvernement Couillard à Pétrolia pour la dédommager des profits qu’elle n’aurait peut-être jamais faits en tentant d’exploiter un pétrole pas trouvé à Anticosti (!), la compagnie est passée sous contrôle albertain. Avec l’aval du gouvernement !! Pieridae Energy compte développer le projet Bourque, dans lequel Québec a investi pas moins de 12 millions $, et le faire par fracturation (29 nov.). L’albertaine poursuivra aussi le projet Haldimand auquel s’oppose la Ville de Gaspé et, grâce aux fameux 20,5 millions, elle lancera un nouveau projet d’exploration au sud du parc national de la Gaspésie (26 oct.).

Plier les deux genoux devant les mines. – Champion Iron Ltd compte redémarrer en mars 2018 l’activité à la mine du lac Bloom, sur la Côte-Nord. Le montage financier de 350 millions $ comprend une participation de Québec de 51 millions et un prêt de 100 millions de la Caisse de dépôt et placement, pour un total de 151 millions $ de notre argent (16 nov.). – ArcelorMittal réduit ses activités sur la Côte-Nord. Cependant, elle projette d’agrandir son parc près de Fermont pour y stocker 825 millions de tonnes de résidus miniers. Onze lacs, quinze rivières et vingt-cinq ruisseaux seront détruits. Au total, nous hériterons de 1318 millions de tonnes de résidus miniers de cette seule compagnie. Le gouvernement n’a pas encore décidé si un tel projet mérite une étude du BAPE (9 nov.)

Un gouvernement et un parti anti-nationaux

Droit à l’autodétermination du peuple québécois. Dans la foulée des événements survenus en Catalogne, le premier ministre Couillard a prétendu qu’il était très dangereux pour le Québec de reconnaître le droit à l’autodétermination des peuples, car les Autochtones pourraient le revendiquer à leur tour pour réclamer la partition du territoire québécois en cas d’accession du Québec à l’indépendance. Selon lui, les Autochtones auraient le droit de partir avec « au moins la moitié du territoire » (22 sept.) ! Rappelons avec Robert Dutrisac que le premier ministre induit ici les Québécois en erreur. Devant le droit international, le cas des Autochtones est du ressort du droit à l’autodétermination interne. Le premier ministre ne rate jamais l’occasion de lancer des campagnes de peur au détriment de la vérité.

Droit à l’autodétermination du peuple québécois. On attend toujours le jugement de la Cour suprême sur la loi 99. Michel David rappelle que le gouvernement a chargé ses procureurs de défendre celui-ci « le plus mollement possible » (21 sept.).

Le monde à l’envers. Le gouvernement Couillard a créé un Secrétariat aux relations avec les Québécois d’expression anglaise et en a confié la responsabilité à Kathleen Weil, ancienne militante très active d’Alliance Québec et ancienne responsable de l’application de la loi 101 ! À son congrès de la fin novembre, le PLQ a aussi adopté le projet du gouvernement, qui souhaite que tout nouveau projet de loi ou règlement soit analysé à la lumière de son impact sur les anglophones et contienne des dispositions spécifiques à leur égard (15 et 27 nov.).

Loi 101 et écoles à la maison. Après avoir refusé carrément d’assujettir ces écoles à la loi 101 (7 oct.), le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a fait officiellement volte-face (19 oct.). On peut néanmoins douter qu’une inspection rigoureuse soit entreprise.

Loi 101 et français au travail. 40 ans après la loi 101, l’Office de la langue française semble tout soulagé de dire que l’usage du français au travail se maintient à…. 67,3 % (25 nov.) ! Seuls deux tiers des Québécois travaillent presque uniquement en français. Combien, à Montréal ?

Augmentation des seuils d’immigration. Le gouvernement Couillard entend toujours augmenter les seuils annuels d’immigration alors qu’il est de plus en plus difficile d’attirer des francophones : seulement 42 % des immigrants de 2017 parlent français à leur arrivée contre 62 % il y a cinq ans (27 oct.)

Une francisation complètement ratée. Il semble que leur francisation était le cadet des soucis de la ministre Kathleen Weil : seulement un immigrant sur trois ayant besoin de cours de français en a suivi, révèle le rapport de la Vérificatrice générale, et les taux d’échec sont accablants. Le ministère n’évalue pas ses programmes, ni ne vérifie le travail des organismes communautaires à qui il sous-traite ses responsabilités (24 nov.).

Loi sur la neutralité religieuse de l’État. On attendait une loi sur la laïcité de l’État. Ou au moins une véritable loi sur la neutralité religieuse. Ou au moins une définition de ce qu’est la neutralité religieuse. Ou au moins un engagement clair et conforme au jugement de la Cour suprême selon lequel un représentant de l’État doit faire preuve de réserve en matière d’expression religieuse (Julie Latour, 10 oct.). On a eu simplement une loi sur l’obligation de donner ou de recevoir des services publics à visage découvert. Une loi assortie de tant de subtilités que les ministres Stéphanie Vallée et Hélène David ne s’y retrouvent pas elles-mêmes. Une loi que les municipalités, dont Montréal, ne seront pas obligées d’appliquer (19, 20, 25 oct.). L’encre qui a servi à l’imprimer n’était pas encore sèche qu’elle était déjà devant les tribunaux (8 et 18 nov.).

Pourrir les relations avec les minorités visibles. Finalement, le gouvernement Couillard s’est rendu compte que les Québécois n’acceptent pas de se faire injustement suspecter de racisme et que cela risquait de lui coûter plus de votes aux prochaines élections que ce qu’il espérait en gagner par cette consultation clientéliste sur le racisme systémique, lancée à grands frais. Il en a donc changé l’objectif. Celle-ci portera désormais sur les thèmes de l’emploi et de la francisation. Du coup, plusieurs organismes qui vivent de la « diversité » se retirent, mécontents (10 nov).

Insuffisant soutien pour la culture. Le ministre des Finances Carlos Leitao a promis de soumettre Netflix à la TVQ même si Ottawa renonce à taxer ce géant numérique. Mais concrètement, il n’a annoncé aucune mesure (15 nov.). – La mise à jour budgétaire de la mi-novembre ne contient aucune somme d’argent supplémentaire pour la culture (23 nov.).

Pas de défense de la culture québécoise. Le premier ministre Couillard abdique devant le gouvernement fédéral en cessant complètement de réclamer le rapatriement des pleins pouvoirs en culture (Jacques Laflamme, 4 oct.). En fait, il est trop content que 35 % des fonds fédéraux soient dépensés au Québec pour 23 % de la population canadienne (Michel David, 8 oct.). Une telle générosité fait bien voir qu’Ottawa juge capital d’inféoder nos créateurs et d’orienter nos contenus culturels.

Patrimoine. Depuis que Pêches et Océans Canada s’est délesté des phares qui jalonnent les côtes du Québec, plusieurs ont été rachetés par les municipalités, mais nombre des plus anciens sont abandonnés malgré leur valeur historique. Le gouvernement du Québec ne semble pas se sentir concerné par ce patrimoine (1er nov.). Ni par la sauvegarde de l’édifice ayant hébergé l’Institut des sourdes-muettes à Montréal, dont la valeur patrimoniale est reconnue par tous sauf par le ministère de la Culture (16 nov.)

Donner carrément le Québec aux pétrolières et aux compagnies gazières. Quatre règlements adoptés récemment ouvrent nos cours d’eau, nos parcs et territoires, nos villes et nos villages, nos terres agricoles et l’ensemble du territoire aux forages pétroliers, y compris ceux par fracturation sous les zones habitées (22 sept.). Les villes s’y opposent fermement. L’autonomie municipale que le gouvernement se vante tant de leur avoir concédée ne leur permet pas d’empêcher qu’on fore dans la cour d’une garderie ou de protéger leur eau potable (12 oct.). Le pire, c’est que pour obtenir champ libre, les compagnies n’ont eu à débourser que 15 ¢ l’hectare cette année, contre 151 $ l’hectare en moyenne en Saskatchewan pour 2017 et même 575 $ l’hectare en Colombie-Britannique en septembre (18 oct.). Devant la révolte générale, Québec s’est mis à penser qu’il pourrait éventuellement autoriser les municipalités à se soustraire aux projets de forage (19 oct.). Le ministre Pierre Moreau a beau dire que tout compte fait il les interdit dans les cours d’eau (31 oct.) le projet de loi continue à les autoriser (Marc Durand, 14 nov.). Et comme si ce n’était pas assez, le gouvernement vient d’élargir l’accès aux fonds publics pour les projets d’exploitation d’énergies fossiles (20 nov.).

Inaction, attentisme, immobilisme

Culture. Le plan d’action de la Politique culturelle québécoise est reporté au printemps (23 nov.). Il ne propose aucune solution à la menace que fait peser la concurrence des géants du numérique sur nos industries culturelles (Robert Dutrisac, 14 oct.).

Culture. Au début des années 2000, le Québec avait imposé aux plateformes en ligne de lutter contre le contenu illicite. Depuis, plus rien. (Antoine Guilmain et al., 14 oct.).

Santé. Les journaux constatent tous les jours le gâchis en santé. J’ai retenu quelques nouvelles. – La Protectrice du citoyen s’indigne de la diminution dramatique du soutien à domicile (14 oct.). – Manque d’ambulances à Québec (18 nov.). – Toujours pas d’entente avec les sages-femmes, qui attendent leur nouvelle convention collective depuis 2015 (20 nov.). – Coupures estimées à 1,5 milliard $ dans le réseau depuis 2014 (25 nov.)

CPE et garderies. Après avoir sabré dans les CPE, laissé proliférer les petites garderies qui opèrent sans permis dans des lieux non conformes, et encouragé parallèlement l’essor d’entreprises de garde de grande taille à but très lucratif, le gouvernement Couillard est bien obligé d’accorder foi aux rapports qui révèlent qu’à peine 10 % de ces garderies sont de qualité. Le voilà donc, bien malgré lui, contraint d’y voir (22 sept.). Il resserre les normes. Sans gêne, les grandes entreprises de garde demandent maintenant de l’aide financière pour les atteindre ! (24 oct.).

Organismes communautaires. – Il n’y a eu aucun nouveau financement dans le réseau des centres d’aides et de lutte à caractère sexuel depuis 2006-2007, et ce n’est pas le petit million annoncé récemment qui va changer grand-chose (20 oct.). – Le milieu communautaire réclame 475 millions $ de plus (28 sept.). – Mais le budget 2017-2018 en prévoit seulement dix de plus (https://www.riocm.ca/communique-budget-quebec-2017-2018-organismes-faim/).

Uber. Après avoir fait croire qu’il allait exiger que les nouveaux chauffeurs d’Uber suivent une formation de 35 heures, le gouvernement s’est écrasé : l’exigence est différée (14 nov.) Il faudra un jour voir ce qui attache le premier ministre Couillard à cette multinationale.

Conflits d’intérêts, fraudes, corruption et autres manquements à l’éthique, partisanerie abusive

Jean Charest célébré au congrès du PLQ. Faut-il que Philippe Couillard soit certain que les gros poissons libéraux, anciens et actuels, ne se feront pas pincer avant les prochaines élections! (27 nov.)

Enquête Mâchurer. Lancée en 2013 par l’UPAC, elle vise notamment l’ancien premier ministre Jean Charest, le grand argentier du PLQ, Marc Bibeau, et l’ex-directrice des finances du PLQ, Violette Trépanier. Ils sont soupçonnés d’avoir participé à un système de financement politique illégal. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que ça n’avance pas vite ! Et les élections approchent ! (20 oct.) Rappelons qu’avant l’enquête Mâchurer, il a fallu des années d’insistance de la part de l’opposition pour obtenir une commission d’enquête sur les liens entre le milieu de la construction et le financement politique, mais que lorsqu’enfin fut mise sur pied la Commission Charbonneau, celle-ci n’a pas reçu le mandat d’enquêter sur ce qui était désiré, à savoir le financement des partis politiques provinciaux, notamment celui du PLQ.

Enquête Mâchurer. Nathalie Normandeau demande l’arrêt des procédures. L’ex-vice-première ministre libérale veut échapper à son procès, en raison de fuites d’éléments d’enquêtes de l’UPAC dans les médias (31 oct.).

Enquête Mâchurer. Brian Myles souligne que le gouvernement Couillard et l’UPAC marchent main dans la main et qu’on ne voit pas le bout de l’enquête sur le financement politique du PLQ. On ne voit pas non plus le jour où la nomination du grand patron de l’UPAC dépendra de l’Assemblée nationale au lieu de dépendre du parti au pouvoir (30 octobre). Ce que l’épisode rocambolesque de l’arrestation sans accusation de Guy Ouellet a montré, en octobre et novembre, et ce que les dénonciations d’Annie Trudel laissent aussi dans l’esprit, c’est que l’UPAC, l’Autorité des marchés financiers et certaines firmes comptables pourraient elles-mêmes ne pas être intègres (Donald Riendeau, 2 nov.). La corruption et la collusion jusque dans les organisations chargées de lutter contre elles ? (10 nov.)

Gilles Vaillancourt est déjà en demie-liberté (18 nov.). Un an de prison pour quatorze ans de corruption.

Tony Accurso échappe pour l’instant à son procès. En effet, une des jurées a reçu des informations sur le système de collusion à Laval et les a partagées avec deux autres jurés. Sur les 37 personnes arrêtées par l’UPAC en relation avec un système de corruption et de collusion à Laval, aucune jusqu’à présent n’a subi de procès. Six ont bénéficié d’un arrêt des procédures, trois sont morts, vingt-sept ont plaidé coupables, dont seulement quelques-uns ont connu la prison et seulement pour quelques mois (18 nov., Journal de Montréal, 12 juillet). Bref, aucun dévoilement public du fonctionnement de ce système ni des personnes qui, en plus des accusés, y ont été mêlées. Le PLQ peut dormir tranquille.

Financement du PLQ. « Tony Accurso donnait 75 000 $ par an à la caisse du PLQ » (11 nov.) ; Leo Kolber a donné 56 000 $ au PLQ de 1979 à 2017 et Stephen Bronfman, 38 000 $ de 1995 à 2016, selon les révélations liées aux Paradise Papers (8 nov.)

SODEC. Le conseil d’administration de la SODEC a recommandé à l’unanimité de renouveler le mandat de Monique Simard à la direction de l’organisme. Elle s’est acquittée de ses fonctions à la satisfaction non seulement du c.a., mais des entreprises culturelles que la SODEC a mission de soutenir. Mais Monique Simard a le défaut d’être proche du Parti québécois (21 nov.).

Un État québécois menotté

TVQ sur le commerce électronique, dont Netflix. Québec perd environ 270 millions $ par année parce que le commerce en ligne n’est pas taxé (28 nov.). Contre la décision d’Ottawa, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, a annoncé que, par souci d’équité fiscale, la TVQ s’appliquera désormais au commerce électronique effectué par des fournisseurs étrangers. Mais le refus de collaborer d’Ottawa va beaucoup compliquer les choses (22 sept., Robert Dutrisac, 11 nov.).

Paradis fiscaux. Le gouvernement Couillard refuse de se retirer des conventions fiscales du fédéral avec les États reconnus comme paradis fiscaux, il refuse aussi d’imposer une taxe sur les profits détournés de l’étranger (11 nov.) Cela dit, même si les libéraux étaient sérieux, l’État québécois ne pourrait agir efficacement, surtout contre les multinationales, sans qu’Ottawa collabore. Et Ottawa laisse faire (11 et 14 nov.).

Revenu minimum garanti. Le ministre François Blais a déjà été un chaud partisan de cette mesure, brandie comme une solution tant à gauche (caractère universel et non contrôlant, balisé en fin d’année par l’impôt sur le revenu) qu’à droite (simplification bureaucratique consécutive à l’élimination d’une foule de programmes sociaux et de mesures d’insertion à l’emploi ; suppression des emplois publics qui y sont reliés). Sauf que le RMG est inapplicable vu qu’Ottawa envahit les juridictions provinciales et tient à montrer à chaque citoyen qu’il bénéficie d’un soutien fédéral personnel. « Il faudrait fusionner les mesures fédérales et québécoises, ce qui est impensable » (Robert Dutrisac, 15 novembre). D’ailleurs, le ministre Blais n’en parle plus.

Loi sur la neutralité religieuse. Tout insuffisante soit-elle, la loi sur la neutralité religieuse sera peut-être contestée devant les tribunaux par le gouvernement Trudeau (26 oct.).

Port du kirpan dans les avions. Sauf les députés de QS, l’Assemblée nationale a demandé à l’unanimité au gouvernement fédéral de surseoir à sa décision d’autoriser les couteaux d’une lame de moins de six centimètres dans les avions. C’est non (23 nov.).

Marijuana. La volonté du gouvernement Trudeau de légaliser ce produit et de le faire à toute vitesse s’impose aux provinces et donc au Québec. La ministre Lucie Charlebois a bien dit que c’est à contrecœur qu’elle déposait son projet de loi encadrant le cannabis (17 nov.)

Marijuana. Les provinces ont juridiction constitutionnelle sur la distribution commerciale. Or, tant que la marijuana était illégale, Santé Canada octroyait les permis pour la production à des fins médicales. Le gouvernement fédéral prétend désormais que ces producteurs privés pourront aussi distribuer la marijuana consommée à des fins récréatives. Selon Line Beauchesne, professeure au Département de criminologie de l’Université d’Ottawa : « cette distribution par les producteurs licenciés priverait non seulement le gouvernement du Québec de revenus considérables sur la vente, mais affaiblirait ses capacités de prioriser un modèle axé sur la santé publique » puisque les producteurs privés cherchent avant tout à maximiser leurs profits en poussant à la consommation. Elle suggère au gouvernement d’interdire totalement aux producteurs licenciés la vente de marijuana en magasin ou par internet au Québec. (22 sept.). Mais le gouvernement Couillard n’est pas allé jusque-là : le projet de loi de la ministre Charlebois crée la Société du cannabis du Québec, mais ne lui accorde aucun monopole (17 nov.). Est-ce pour laisser à Couche-Tard, entreprise proche des libéraux, la possibilité d’en vendre (29 nov.) ? Est-ce pour éviter d’avoir à exiger en cour, contre Ottawa, le respect du partage des pouvoirs prévu dans la constitution ?

Marijuana. Dans le même projet de loi, le gouvernement du Québec entend être plus sévère qu’Ottawa. Ainsi, un particulier ne pourrait pas cultiver son pot à des fins personnelles sous peine d’amende, tandis que la loi fédérale autorise la possession de quatre plants à domicile. Si Québec maintient son interdiction, elle sera contestée victorieusement devant les tribunaux à cause cette fois du principe de la prépondérance de la loi fédérale sur toute loi provinciale traitant du même objet (17 et 25 nov.).

Marijuana. Le projet de loi prévoit la signature d’ententes entre le gouvernement et les communautés autochtones pour laisser à celles-ci toute latitude dans la commercialisation du cannabis dans les réserves, sous réserve de respecter l’âge légal de la consommation et de s’approvisionner à la nouvelle Société du cannabis. Le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, conteste. 1. Il veut que les communautés reçoivent d’Ottawa, sans passer par Québec, la part des revenus de la taxe d’accise qui y est perçue. 2. Il refuse l’obligation de s’approvisionner à la Société du cannabis et réclame plutôt pour les communautés le droit de produire elles-mêmes du cannabis. 3. Et en fait, il semble se ranger derrière l’Assemblée des Premières Nations, qui exige que les communautés autochtones soient soustraites aux lois provinciales et qu’elles puissent adopter leurs propres lois sur le cannabis (23 nov.). Si c’était accordé, le Québec perdrait juridiction sur une partie de son territoire.

 

 


1 À moins d’indication contraire, toutes les dates font référence à l’édition du jour du journal Le Devoir (format papier). Il suffit d’entrer les mots-clés du propos pour trouver la référence exacte des articles utilisés.

2 Édouard Cloutier, « Le sens du référendum », L’Action nationale, février 1996, p. 39-46.

3 Pierre Drouilly, « Le référendum de 1995 : une analyse des résultats », L’Année politique au Québec 1995-1996, Montréal, PUM, 1996. En ligne : https://pum.umontreal.ca/apqc/95_96/drouilly/drouilly.htm

4 Les transferts fédéraux représentaient 15,3 % des revenus de l’État québécois il y a 20 ans. André Blais et Alain Vaillancourt, « Le budget 1997-1998 », L’Année politique au Québec, 1996-1997, PUM, 1997.

5 Rapport du ministère des Finances, juin 2016, cité par Carl Renaud, « Plus du tiers des Québécois ne paient pas d’impôt », Journal de Montréal, 30 juin 2016.