Le démantèlement de la nation (chronique 18)

La période couverte s’étend du 30 nov. 2017 au 2 mars 20181.

L’ampleur de la matière m’oblige pour cette fois à porter le regard seulement sur l’action/inaction du gouvernement Couillard. Le bilan du gouvernement fédéral sera dressé dans une prochaine chronique.

Réduire et discréditer l’État québécois

Ne rien demander, encore moins exiger, sur le plan constitutionnel

Politique d’affirmation nationale. Comme l’a dit le ministre Jean-Marc Fournier, cette politique se veut avant tout un « dialogue ». Elle a pour objectif « d’établir de plus nombreuses solidarités économiques, sociales et culturelles entre les citoyens du Québec et ceux de partout ailleurs au Canada et de mieux se connaître pour mieux se reconnaître ». Les médias du Canada anglais n’en ont pratiquement pas parlé (4 janv.). Le premier ministre Trudeau n’ouvrira pas la constitution sauf si « tout est à la veille de briser » dans la fédération (19 janv.), et ce n’est pas le monologue de Fournier qui risque de l’inquiéter.

Renoncer à utiliser les pouvoirs de notre état

Les ports. En vertu de la constitution, le gouvernement fédéral a pouvoir sur la navigation et les bâtiments ou navires, mais Québec a compétence sur tout ce qui concerne la propriété et les droits civils. Malgré cela, les ports fédéraux au Québec planifient leur expansion, y compris en empiétant sur le fleuve, comme si l’autorité provinciale n’existait pas : ils refusent d’être assujettis à la législation québécoise. Or, le gouvernement Couillard en rajoute dans la négation de l’État québécois. À Québec, il se désintéresse des nombreux enjeux liés à l’agrandissement du port, comme la diffusion des contaminants dans l’eau et celle des poussières dans l’air (Jacques H. Lachance, 29 déc.). Dans le projet de la construction d’un nouveau terminal à Contrecœur, il pourrait décider de contrevenir à la nouvelle Loi sur la qualité de l’environnement en n’obligeant pas le Port de Montréal à soumettre ce projet à une évaluation environnementale complète. En fait, le gouvernement Couillard abdique et laisse le gouvernement fédéral faire seul cette évaluation (2 févr.).

Environnement. La Loi sur la qualité de l’environnement, qui entrera en vigueur à la fin de mars, réduit de 30 % les autorisations actuellement nécessaires pour réaliser une activité ayant des impacts sur l’environnement. De plus, même si un « test climat » sera désormais imposé à certains projets industriels (miniers ou liés aux énergies fossiles notamment), rien n’est prévu pour empêcher ni même freiner ceux qui ne le réussiraient pas. De toute façon, la ministre Isabelle Melançon a bien dit que tel n’est pas son objectif. Et d’ailleurs, ce « test » n’en est pas un, c’est seulement une demande d’informations supplémentaires, comme l’a constaté l’avocate Prunelle Thibault-Bédard, du Centre québécois du droit de l’environnement ! (13 et 15 févr.). Disons-le tout clair : le gouvernement Couillard retire à l’État québécois son pouvoir de protéger l’environnement.

Aménagement du territoire. Pour contrer l’étalement urbain et le grignotage continu du territoire agricole, il faut une Politique nationale de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. Un tel projet laisse le gouvernement Couillard indifférent, déplore l’alliance ARIANE, une organisation de la société civile qui regroupe des centaines de signataires parmi lesquels l’UPA, l’Ordre des urbanistes du Québec, l’Ordre des architectes du Québec, la Fondation David Suzuki pour le Québec et plusieurs autres groupes (24 févr.).

Monorail vs TGF. Depuis des années, VIA Rail tergiverse à propos de la nécessité de construire un train à grande fréquence dans le corridor Québec-Windsor. Cependant, très récemment, le gouvernement fédéral a commencé à étudier des modèles d’affaires de TGF, ainsi que le remplacement de la flotte par des wagons et locomotives plus modernes propulsées au diesel et à l’électricité. Mais cette solution est ancienne. En outre, elle ne correspond ni aux besoins de la plupart des régions du Québec ni aux capacités de l’industrie québécoise de concevoir et de fabriquer un monorail tout électrique qui pourrait relier rapidement les divers points de notre territoire et donner une vitrine à l’innovation québécoise (Robert Laplante, 6 déc.). Dans cette affaire, le premier ministre Couillard a montré une fois de plus toute sa dépendance au Canada : a) il a commencé par annoncer un monorail en le limitant au trajet Québec-Montréal, sans tenir compte des régions ; b) puis il a dit que ce monorail ne verrait le jour que si Ottawa le finance en partie et s’il peut s’arrimer avec un lien en partance de l’Ontario ; c) Il a ensuite déclaré que si Ottawa préfère un TGF entre Montréal et Québec et accepte d’y investir, c’est cette solution qui sera retenue même si elle appartient « au siècle dernier » ; d) et que si le monorail doit quand même voir le jour, ce sera alors pour relier d’autres points du territoire québécois (2 et 14 déc.). Reconnaissons que la solution de deux types de trains rapides et de deux logiques de développement, celle d’Ottawa et celle de Québec, n’aurait rien pour faire du Québec un territoire intégré : au contraire, les villes de Montréal et Québec seraient alors plus que jamais dissociées des autres régions. Sans compter que le segment le plus rentable serait laissé à VIA Rail sans possibilité que les revenus tirés de son exploitation servent partiellement à financer le transport sur les lignes régionales du monorail. Ce faisant, le gouvernement Couillard renonce réellement à faire de l’État québécois le maître d’œuvre de l’organisation du territoire en fonction des intérêts nationaux du Québec.

Cannabis. Québec pourrait délivrer les permis de production de cannabis récréatif, ce que souhaitent d’ailleurs les producteurs québécois, mais la ministre Lucie Charlebois a décidé de laisser Ottawa s’en occuper. Tout ce qu’elle va demander, c’est qu’à « compétences égales », Ottawa considère l’option d’octroyer des permis aux producteurs québécois pour le marché québécois. Ce n’est pas la tendance : en effet, un seul producteur dont le siège social est au Québec est actuellement autorisé par Santé Canada (1er et 20 déc.)

Bombardier et Airbus. Après la perte de RONA et de St-Hubert, le gouvernement Couillard a laissé faire le don de la CSeries à la transnationale européenne Airbus. Airbus n’a pas payé un seul sou pour acquérir la technologie de pointe déployée dans cet avion, technologie dont le développement a été au fil du temps soutenu par milliards $ de fonds publics québécois (27 janv.). Des fleurons de notre économie passent chez des concurrents étrangers sans que le gouvernement ne bronche. C’est aussi le cas d’Atrium Innovations, acheté récemment par Nestlé (6 déc.).

Caisse de dépôt et placement. Oui, je sais, la Caisse est indépendante du gouvernement. Il n’en demeure pas moins que sur les 298,5 milliards $ d’actif net que compte celle-ci, seulement 42,5 milliards $ sont au Québec, soit moins de 25 %. Une partie significative de l’actif de la Caisse sert désormais à faire rouler plutôt l’économie canadienne. En conformité avec les traités internationaux, le gouvernement du Québec aurait pu exiger 25 % de contenu québécois pour le matériel roulant du REM, ce qui aurait avantagé Bombardier, souligne Robert Dutrisac (23 févr.). Mais les libéraux n’ont rien fait, et le contrat de 6 milliards enrichira plutôt un concurrent et les travailleurs ontariens. Tout ce que le premier ministre Couillard a trouvé à dire, c’est que si les fournisseurs québécois veulent des contrats, ils doivent être concurrentiels (16 févr.) !

Grappe industrielle à Montréal en intelligence artificielle. Dans le cadre de la Stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle, le gouvernement fédéral va verser 100 millions sur 5 ans au gouvernement du Québec pour que celui-ci soutienne des entreprises en démarrage, voire la création d’une grappe industrielle en intelligence artificielle. Comme le fait remarquer Jean-Robert Sansfaçon (6 févr.), il ne faut toutefois pas être naïfs : les entreprises d’ici ont très peu de chances de percer et il faut s’attendre à ce que les plus grands bénéficiaires de la recherche soient les Google et Facebook de ce monde. En conséquence, en échange de ses subventions et d’avantages sur les tarifs d’électricité, le gouvernement québécois exigera-t-il que les géants contribuent à « faire de Montréal un centre mondial et non une succursale de la Silicon Valley ? », demande l’éditorialiste. À suivre.

Ne pas faire de l’État québécois celui des nations autochtones aussi, en partenariat avec celles-ci

Commission Viens. Le gouvernement Couillard a tenté durant toute l’année 2016 de ne pas créer de commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics québécois. Il est allé jusqu’à déléguer les pouvoirs du Québec au gouvernement fédéral pour que celui-ci s’en occupe à sa place dans le cadre de sa commission d’enquête sur les femmes autochtones disparues ou assassinées ! Finalement, sous la pression, la commission québécoise « Écoute, réconciliation et progrès » a été formée et a commencé ses travaux en 2017. Ce que les audiences qu’elle tient démontrent, c’est que le gouvernement Couillard ne fait pas grand-chose pour améliorer la présence de l’État québécois dans les communautés autochtones. — Les Inuits du Nunavik ne bénéficient pas de services de santé ni de services sociaux suffisants. Peu est fait pour que ceux-ci soient dispensés en inuktitut. Des frais considérables doivent être acquittés par les communautés du Grand Nord pour l’hébergement de leurs handicapés dans les établissements du sud, où ils sont soumis à une acculturation non désirée ni désirable (14 févr.). À la clinique mobile de Médecins du monde, à Montréal, ils sont par contre surreprésentés, en partie parce qu’ils fréquentent peu un réseau de la santé dans lequel ils ne se reconnaissent pas (25 févr.). — Les services juridiques québécois offerts aux autochtones sont aussi sous-financés (21 févr.). — Quant à la police, que ce soit la Sûreté du Québec ou le Service de police de la Ville de Montréal, elle suscite une grande méfiance (15 et 22 févr.). — Les témoins entendus par la commission Viens souhaitent entre autres que le gouvernement du Québec investisse davantage dans la formation professionnelle des autochtones ; et qu’il assume ses obligations légales en matière de santé (25 févr.). Là encore, le gouvernement Couillard freine ou bloque le plein déploiement de l’État québécois sur l’ensemble des citoyens du Québec. Cela dit, reconnaissons que les autochtones sont malgré tout mieux servis par Québec que par Ottawa, dont la commission sur les femmes autochtones assassinées ou disparues est enlisée depuis le début dans de nombreux ratés.

Entente avec les Attikameks. Au crédit du Québec, toutefois, notons que le Conseil de la nation atikamekw est devenu en janvier la première nation autochtone à établir officiellement une entente avec l’État québécois par laquelle il pourra instaurer son propre régime de protection de la jeunesse. Au Québec, les enfants autochtones représentent 3 % de la population infantile, mais 17 % des cas de placement. La surreprésentation est encore plus frappante au Canada où, ces années-ci, les enfants autochtones représentent 7,7 % des jeunes, mais 52 % des cas de placement : il aurait été franchement indécent que le fédéral continue d’ignorer le problème, d’où les investissements du budget Morneau (28 févr.).

Faire de l’État québécois l’otage du PLQ

UPAC et financement illégal du PLQ. Il est si difficile de comprendre ce dossier inextricable que le mieux est de revenir à la source. Cela fait déjà depuis au moins 2007 que l’opinion publique, au Québec, soupçonne l’illégalité d’une partie du financement du Parti libéral du Québec, parti qui forme le gouvernement presque sans discontinuer depuis 2003 et salit la réputation de l’État québécois. Alors que les partis d’opposition, des associations de policiers et de procureurs ont réclamé pendant des années une commission d’enquête publique, le gouvernement Charest a d’abord procrastiné tant qu’il a pu, puis il a décidé d’instituer plutôt a) la commission Charbonneau, sans mandat de scruter le financement politique, et b) l’Unité permanente anticorruption pour traquer (ou protéger ?) les fraudeurs et récupérer l’argent sale. Deux élections plus tard et à la veille d’une troisième, après des dépenses de centaines de millions $, on ne sait toujours presque rien du financement illégal du PLQ. Durant les trois derniers mois, les journaux ont été remplis des rebondissements de l’affaire Guy Ouellet ; ils ont révélé le climat pourri qui règne à l’UPAC ; ils ont suivi la transformation de cette Unité en corps policier indépendant et spécialisé. Indépendant des autres polices québécoises peut-être, mais certainement pas du PLQ : les journaux ont aussi amplement fait voir les liens incestueux qui lient cette formation politique à la haute direction de l’UPAC. Et on sait que le gouvernement Couillard a toujours refusé avec la plus grande énergie que le commissaire de l’UPAC soit choisi par un vote des deux tiers de l’Assemblée nationale plutôt que par le ministre de la Sécurité publique.

Yves Francœur et Lino Zambito. Le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francœur, a maintenu ses allégations de fraude et de trafic d’influence au PLQ impliquant entre autres le ministre Jean-Marc Fournier. À noter que, depuis le 22 décembre, celui-ci n’a toujours pas intenté de poursuite en diffamation contre le chef syndical. Quant à Lino Zambito, témoin vedette à la commission Charbonneau, il a déjà dit que les enquêteurs de l’UPAC détenaient assez de preuves pour déposer des accusations contre le premier ministre Jean Charest et le collecteur de fonds libéral Marc Bibeau (12 févr.). Pourtant, on attend encore que débouche l’enquête Mâchurer.

Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et al. Que de diversions là aussi ! L’ancienne vice-première ministre tente de faire avorter son procès et celui de ses 5 coaccusés. Elle a fait deux requêtes en arrêt des procédures, l’une pour tenter de faire valoir que les fuites médiatiques empêchent un procès juste et équitable, et l’autre pour invoquer l’arrêt Jordan pour délais déraisonnables. Les six font face à des accusations de complot, corruption de fonctionnaires et abus de confiance. Normalement, le procès devrait commencer le 9 avril (plusieurs dates en décembre et en février).

Tony Accurso. L’ex-entrepreneur en construction et grand financier du PLQ (75 000 $/an pendant plusieurs années) s’en sort bien dans son procès pour fraude et corruption à Mascouche : les chefs d’accusation ont été retirés les uns après les autres, et il a été acquitté du dernier, celui d’abus de confiance (site de Radio-Canada, 6 févr.). Après son procès avorté en novembre 2017 pour une affaire semblable à Laval, son second procès commencera en principe en mai. Rappelons que dans cette dernière affaire, sur 36 coaccusés, 3 sont morts avant leur procès, 6 ont obtenu un arrêt des procédures en vertu de l’arrêt Jordan, 26 ont plaidé coupables ce qui leur a évité d’avoir à parler publiquement. Rappelons aussi que l’ex-maire Gilles Vaillancourt, un corrompu libéral notoire, est déjà en semi-liberté après seulement quelques mois de détention…. Mais du coup, comme le titre Le Devoir, « plusieurs causes qui découlent de la commission Charbonneau et des enquêtes de l’UPAC tardent à connaître leur dénouement » (7 févr.). À suivre.

Garder les largesses de l’État pour les comtés libéraux. Selon l’émission Enquête, le ministre Gaétan Barrette aurait freiné un projet de regroupement de services pédiatriques spécialisés à l’hôpital Pierre-Boucher parce que cet établissement est situé dans une circonscription péquiste (2 mars).

Financement des journaux libéraux par Investissement Québec. On connaît les liens de la famille Desmarais (La Presse) avec les libéraux provinciaux et fédéraux. En 2015, la famille s’est délestée de ses journaux régionaux, qui ont été rachetés par l’ancien ministre libéral fédéral Martin Cauchon, propriétaire de Groupe Capitales Médias. Le gouvernement Couillard a ordonné en décembre à Investissement Québec, un des bras financiers de l’État, de verser 10 millions en subventions à ce groupe médiatique (La Presse, 13 déc. ; 14 déc.). Québecor conteste cet ordre en Cour supérieure, au motif que « Québec a abusé du pouvoir que lui confère la Loi sur Investissement Québec, rendant ainsi la décision illégale » (22 févr.).

Financement des pétrolières libérales par le gouvernement du Québec. On ne reviendra pas ici sur le scandale d’Anticosti. La facture finale pour l’État québécois est désormais connue : le gouvernement Couillard a dépensé 92 millions d’argent public, dont la plus grande partie est allée en compensation aux pétrolières libérales pour pertes anticipées d’éventuels profits. L’État absorbera en outre tous les coûts de restauration des forages (29 janv.). Les Québécois, parmi lesquels les populations qui vivent non loin du site Bourque, ont aussi investi contre leur gré 20 millions $ dans le projet Bourque pour se faire imposer par l’albertaine Pieridae Energy, avec l’aval du gouvernement Couillard, une fracturation hydraulique dont elles ne veulent pas (29 nov.). À noter aussi qu’il a fallu le tribunal pour confirmer les droits des municipalités à protéger leurs sources d’eau potable, car jamais les libéraux n’ont voulu accorder de dérogation au règlement très permissif sur le prélèvement des eaux et leur protection (1er mars).

Réseau express métropolitain. Oui, je sais, c’est un projet de la CDP. Mais justement ! Le gouvernement libéral y engouffre lui-même et y laisse engouffrer des milliards d’argent public, des sommes toujours plus élevées pour un projet mal ficelé, anti-écologique et sans rapport avec les besoins de la population (Patrick Barnard, 26 févr.). D’autres ont noté que le REM sera payé par tous les Québécois, mais bénéficiera essentiellement aux circonscriptions libérales de la région de Montréal.

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Affaiblir volontairement la nation

Ne pas défendre le français

Langue de travail. Statistique Canada a révélé en novembre que « la proportion des personnes qui travaillent surtout en français au Québec a diminué en 10 ans », titre Le Devoir (30 nov.). Dans la grande région de Montréal, les travailleurs qui utilisent le français de « manière prédominante » ne sont plus que 69,6 %. Le gouvernement Couillard n’y voit rien d’inquiétant et il a bien l’intention de continuer à ne rien faire. Si l’organisme fédéral avait demandé combien de travailleurs québécois travaillent en français « sauf exceptionnellement », le portrait aurait été encore plus sombre.

Examen de français pour professionnels immigrants. Le gouvernement Couillard abaisse l’exigence de connaissance générale du français pour les candidats immigrants désireux de devenir membres d’un ordre professionnel, et exige désormais principalement la connaissance spécifique du vocabulaire lié à la profession. Bien que satisfaite, la présidente du Conseil interprofessionnel du Québec met en garde contre le danger, réel, d’une baisse des exigences et souhaite la bonification des budgets consacrés à la francisation. (20 févr.).Bilinguisme institutionnel. La SSJB de Montréal, soutenue par le Parti québécois, Québec solidaire, le Bloc québécois et les syndicats regroupant les employés de l’État, poursuit le gouvernement Couillard pour qu’il fasse respecter l’obligation légale des organisations, institutions et ministères publics d’utiliser « uniquement » le français dans leur correspondance avec les autres gouvernements et les personnes morales établies au Québec. Cette obligation est restée lettre morte depuis 2002, mais la situation empire, notamment parce que les fonctionnaires qui ne maîtrisent pas l’anglais sont pénalisés et que ceux qui le connaissent sont souvent affectés à des postes où ils ne travaillent qu’en anglais (14 févr. ; Michel David, 17 févr. ; site de Radio-Canada, 19 janv.).La controverse du « bonjour-hi ». L’Assemblée nationale a adopté une motion non contraignante – et non applicable, soulignons-le – pour encourager les commerçants à accueillir leurs clients par un simple « bonjour », plutôt que par « bonjour-hi ». Il n’en fallait pas davantage pour que la ministre Kathleen Weill soit irritée et que l’avocat Michael N. Bergman se dise très inquiet pour les droits linguistiques des anglophones (1er et 7 déc. ; 10 janv.).Le français à la garderie. Déjà le 21 nov. 2009, Le Devoir titrait : « Le français perd du terrain… à la garderie ». L’article faisait valoir que le français était utilisé en exclusivité dans 68 % des CPE, mais qu’il était prépondérant dans seulement 40 % des garderies privées et 25 % des garderies familiales. Il s’agissait déjà d’un déclin depuis 2003, dernière année où on avait colligé des statistiques semblables. Or, depuis 2009, les libéraux de Charest et de Couillard ont fait proliférer les garderies privées et les places en milieu familial : il y avait seulement 94 743 places en CPE en décembre 2017 contre 91 604 places en milieu familial + 112 726 places en garderies privées ! (3 févr.), avec les conséquences qui en découlent sur l’usage du français. On voit à quel point la préférence libérale pour les garderies privées et en milieu familial est un choix politique, quand on découvre que sur le plan économique, il en coûte à l’État 100 millions $ de plus chaque année en crédit d’impôt pour frais de garde que si les parents envoyaient leurs enfants en CPE !

Ne pas soutenir suffisamment la culture québécoise ni son rayonnement

Faire mourir l’Association internationale des études québécoises. Comme l’Organisation internationale de la Francophonie bat de l’aile et que le gouvernement fédéral fait tout ce qu’il peut pour entraver l’État du Québec ; et comme le ministère des Affaires internationales du Québec est devenu une véritable coquille vide depuis 2014, les Québécois n’ont pas beaucoup de choix : pour faire connaître leur culture et nouer des liens internationaux, ils ne peuvent miser que sur les organisations non gouvernementales. Or, pour la seconde fois depuis 2014, le gouvernement Couillard tente de faire mourir l’Association internationale des études québécoises. Sa subvention sera coupée de 40 %, réduite à 52 000 $. La présidente Milena Santoro, et Robert Laliberté, ancien directeur général, ont montré dans Le Devoir avec quelle ampleur l’AIEQ contribue au rayonnement du Québec (12 et 18 févr.). Rien pour faire fléchir ce gouvernement.

Une politique culturelle qui tarde. D’un côté, réagissant à la pièce, le gouvernement Couillard appuie le front commun opposé à l’entente d’Ottawa avec Netflix et annonce que l’État québécois taxera le géant du web même s’il doit être seul au pays à le faire (7 et 13 déc.). Mais par ailleurs, les milieux de la culture et l’ensemble des Québécois attendent toujours la nouvelle politique culturelle et son plan d’action, qui, après avoir été reportés plusieurs fois, sont désormais promis pour le printemps 2018 (15 déc. et 6 févr.). Voilà un autre domaine vital où le gouvernement Couillard tend à désengager l’État québécois, laissant le développement de nos industries culturelles à la merci des priorités fédérales.

Saccager le système public d’éducation

Offrir un autre cadeau aux anglophones. Le gouvernement Couillard a promis d’uniformiser la taxe scolaire au taux le plus bas de chaque région. C’est l’État qui assumerait la différence entre ce qui est perçu actuellement par les commissions scolaires et le montant révisé à la baisse. Sauf en Outaouais, cela revient à faire payer par tous les Québécois une partie encore plus grande qu’actuellement du coût du maintien des commissions scolaires anglophones (8 déc.). La Fédération des commissions scolaires, l’Association québécoise des cadres scolaires et de nombreuses commissions scolaires, dont celle de Montréal, sont inquiètes. En retenant le taux régional le plus bas, le gouvernement prive les commissions scolaires qui appliquent un taux plus élevé de revenus autonomes et fiables, qu’il complétera par une subvention annuelle compensatoire pouvant être réduite arbitrairement à tout moment ! En outre, en retenant le taux le plus bas plutôt que le taux moyen associé à une péréquation par région, sur le modèle du Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal, le gouvernement, selon cet organisme, met en péril les acquis en matière de solidarité sociale et nuit à la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Même l’Association des propriétaires du Québec n’est pas favorable à ce projet de loi qui va réduire la taxe scolaire de ses membres : elle juge moins inéquitable un système de taxation basé sur le revenu que sur la valeur foncière de l’immeuble. Pourtant, pour retenir la clientèle anglophone que la CAQ cajole aussi, les travaux avancent vite et la loi sera adoptée sans délai (7 et 18 févr.).

Ne pas ouvrir assez de maternelles 4 ans en milieu défavorisé. Le ministère de l’Éducation ajoute de nouvelles classes de maternelle à temps plein en milieu défavorisé. Mais il n’investit pas assez dans le nombre de classes, leur aménagement, la réduction du ratio ni dans l’amélioration du service, selon Yolande Brunelle, membre du comité-conseil sur l’implantation de ces classes maternelles. Alors que seulement 18 % des jeunes enfants québécois fréquentent les CPE désormais, les enfants de milieu défavorisé pourraient trouver dans ces maternelles, si elles étaient plus nombreuses et mieux pensées, un moyen de mieux se préparer à l’entrée à l’école (24 janv.).

Laisser la Cour trancher sur la gratuité scolaire. Soumis à la concurrence du réseau privé bien soutenu par l’État, les commissions scolaires cherchent à bonifier l’expérience des élèves en encourageant les écoles à organiser des sorties éducatives et des projets spéciaux. Comme le ministère de l’Éducation ne les finance pas suffisamment, ces activités sont facturées aux parents. Une action collective de 300 millions $ contre les 68 commissions scolaires, pour surfacturation, a été autorisée en décembre par la Cour supérieure à la demande d’une mère de Saguenay. Les commissions scolaires souhaiteraient que ce soit le ministère et non la Cour qui définisse les paramètres de la gratuité scolaire (1er déc.).

Vouloir la peau de la CSDM. La plus grosse commission scolaire du Québec (un milliard $, 200 écoles) ne reçoit pas de la Ville de Montréal, mais surtout du gouvernement libéral l’aide qu’il lui faudrait (6 janv.). Le maire Coderre voulait lui retirer la gestion de ses établissements. Le gouvernement Couillard a multiplié les menaces de mise en tutelle et de démembrement. De plus, il a imposé des compressions budgétaires sauvages à cette commission scolaire qui doit gérer la diversité culturelle, l’immigration récente et donc les classes d’accueil, la grande pauvreté d’une partie de sa clientèle et les besoins particuliers de milliers d’élèves vivant avec divers diagnostics (23 déc.). Par ailleurs, le gouvernement ne fait rien pour que la commission scolaire anglophone de Montréal, dont plusieurs bâtiments sont sous-utilisés, en cède quelques-uns à la CSDM : tout ce que English Montreal School Board propose, c’est accueillir les élèves francophones dans ses bâtiments, augmentant ainsi le risque de leur anglicisation (site de Radio-Canada, 29 août 2017). À force de se traîner les pieds, le gouvernement du Québec a aussi ruiné les espoirs placés par la CSDM dans le projet d’une école intégré à un ensemble immobilier dans le quartier Peter-McGill (1er et 2 mars).

Maintenir les inégalités d’un système scolaire « à trois vitesses ». Même s’il reconnaît que le système scolaire, partagé entre écoles ordinaires, écoles publiques à projets particuliers et écoles privées, est le plus inéquitable au pays, le ministre Sébastien Proulx n’entend pas prendre quelque mesure significative que ce soit pour y remédier. C’est lui-même qui le laisse entendre au Devoir (6 janv.) ! Pourtant, l’économiste Pierre Langlois estime, dans une étude réalisée pour la Fondation pour l’alphabétisation et le Fonds de solidarité FTQ, que l’analphabétisme fonctionnel coûte très cher aux individus et à l’économie : 4,9 milliards $ de PIB nominal ou 1,4 %. 53 % des Québécois de 16 à 65 ans n’atteignent pas le niveau 3 de littératie, contre 47 % en Ontario (22 févr.).

Ne pas mieux soutenir la formation professionnelle au secondaire. Alors que le Québec est en pénurie de main-d’œuvre et que le gouvernement libéral souhaite augmenter les seuils d’immigration soi-disant pour combler les besoins, le ministre n’investira pas davantage dans la formation professionnelle au secondaire (6 févr.).

Ne pas réfléchir aux moyens à long terme de contrer la pénurie d’enseignants. Un nouvel enseignant sur quatre délaisse le métier avant de l’avoir exercé cinq ans. Les suppléants manquent aussi. Si bien que des personnes sans qualification légale sont embauchées au moins occasionnellement (25 janv., 2 et 16 févr.). Le ministre tient mordicus à la création d’un ordre professionnel des enseignants, et propose d’exiger désormais le diplôme de maîtrise pour devenir enseignant. Les syndicats demandent plutôt à parler salaire et conditions de travail (27 et 28 févr.).

Faire passer à tout prix. Nouveau scandale des notes gonflées à la note de passage. Avec les déficiences que traînent les élèves d’une année à l’autre jusqu’au décrochage (16 févr.)

Ne pas ajuster le financement des cégeps. Les jeunes cégépiens étudient plus souvent à temps partiel qu’autrefois, surtout dans les établissements francophones. Le mode de financement actuel cause à ceux-ci des pertes financières considérables (18 janv.).

Se traîner les pieds en formation professionnelle liée à la transition numérique. En l’absence d’une Stratégie nationale de la main-d’œuvre dont on devrait finalement voir quelques éléments dans le prochain budget, le Conseil du patronat reproche à mots couverts au gouvernement Couillard de ne pas encourager la création de programmes de formation initiale et continue, du secondaire à l’université, dans les domaines particulièrement vulnérables à la transition énergétique comme les transports, la construction, ainsi que la transformation et la distribution d’énergie (16 janv.)

Sous-financer le réseau de l’Université du Québec. Plusieurs études, parues notamment dans L’Action nationale, ont documenté le surfinancement des universités anglo-québécoises, surtout en comparaison au poids démographique des anglophones. La situation des établissements francophones et notamment ceux du réseau de l’UQ apparait d’autant plus indécente. Récemment, Lise Bissonnette a démissionné de son poste de présidente du conseil d’administration de l’UQAM en en soulignant le sous-financement chronique (31 janv.). Puis, un professeur de l’UQO a lui aussi mis en lumière le traitement inéquitable subi par son établissement (10 févr.). Le sous-financement concerne aussi la recherche. Le Fonds d’investissement stratégique du Canada a financé pour 37 millions $ de recherche à Concordia contre 33 millions pour tout le réseau de l’UQ ; Bishop à elle seule a obtenu davantage que l’UQAM ; quant au Plan québécois des infrastructures, il a réservé 3 milliards pour les 4 universités à charte, dont McGill, contre 850 millions pour les dix établissements du réseau UQ (Manon Cornellier, 3 févr.)

Faire pourrir la question des accommodements religieux et laisser constamment entendre que les Québécois sont racistes

Loi sur la neutralité religieuse. On ne dira jamais assez qu’on attendait une loi sur la laïcité de l’État, et qu’on a eu à la place une loi sur la neutralité religieuse mal ficelée et déjà soumise au jugement des tribunaux. À peine voté, l’article 10 a été porté devant la Cour. Dans son jugement libellé en anglais, le juge Babak Barin a ordonné que soit suspendue l’obligation de donner et de recevoir des services publics « à visage découvert ». Du coup, la ministre Stéphanie Vallée a aussi reporté l’application de tous les articles qui portent sur les demandes d’accommodement (2 déc.). Le gouvernement n’en a pas appelé de ce jugement. Aussi bien dire qu’après quatre ans de règne Couillard et dix ans après les recommandations de la commission Bouchard-Taylor, les libéraux continuent de laisser pourrir la question.

Consultation sur le racisme et la discrimination systémique. Le premier ministre Philippe Couillard tenait beaucoup à cette consultation dont l’ADN laissait prévoir qu’elle tournerait au procès des Québécois, mais qui avait pour mérite à ses yeux de consolider une certaine fraction de l’électorat libéral. Les résultats de l’élection partielle dans Louis-Hébert ont toutefois révélé qu’une autre partie des électeurs traditionnellement libéraux en avaient soupé du dénigrement systémique ! Du coup, le premier ministre a fait avorter la consultation, afin d’éviter le « débat toxique » qu’il avait lui-même provoqué (6 déc.).

Augmentation des seuils d’immigration. Globalement, en 2017, le PIB du Québec a connu une hausse de 3 %, ce qui ne s’était pas vu depuis une quinzaine d’années (31 janv.). Pour Hélène Desjardins, économiste principale au Mouvement Desjardins, cette hausse s’explique en partie par l’amélioration de l’économie mondiale, sur laquelle le gouvernement du Québec n’a aucun contrôle. Pour son confrère Pierre Fortin, elle est partiellement due aussi au relâchement du régime d’austérité alors que les élections approchent. Comme hausse du PIB et baisse du taux de chômage vont de pair, on ne s’étonne pas que le Québec vive actuellement presque le plein emploi (3 déc., 7 et 30 janv., 10 févr.). Cependant, selon Fortin, la situation ne durera pas, car la croissance normale du PIB au Québec est plutôt de 1 % par année (voir aussi Gérard Bérubé, 28 févr.) ; à ce moment, le taux de chômage augmentera2. La fameuse pénurie de main-d’œuvre n’est donc que temporaire. Dans cette perspective, comment expliquer la détermination du gouvernement Couillard à augmenter les seuils d’immigration ? En l’absence des vigoureuses politiques de francisation et d’intégration qu’ont laissé tomber les libéraux depuis 15 ans, l’immigration contribue malheureusement à l’anglicisation croissante du Québec.

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Desserrer sciemment la cohésion sociale

Distendre la solidarité sociale

Plan de lutte contre la pauvreté. Les personnes n’ayant pas de contrainte à l’emploi ne bénéficieront d’aucune mesure supplémentaire de solidarité : en 2023, leur prestation n’équivaudra toujours qu’à 55 % du seuil de pauvreté. Pour celles inaptes à l’emploi, les prestations seront augmentées graduellement pour correspondre au seuil de pauvreté dans cinq ans (11 décembre). La première tranche de cette augmentation, 73 $/mois, est versée depuis le 1er févr. Pourtant, les assistés sociaux qui vivent avec une déficience intellectuelle ou un problème de santé mentale et qui sont hébergés dans une ressource intermédiaire, c’est-à-dire les personnes plus vulnérables, en sont privés : le supplément sert à payer l’augmentation de loyer qu’elles ont reçue en même temps (3 févr.) ! Le gouvernement a refusé la motion, présentée par le député de Lévis et soutenue par les trois partis d’opposition, qui exigeait d’annuler immédiatement cette hausse de loyer (7 févr.).

Normes du travail. La loi réformant les normes du travail a été annoncée par la ministre Dominique Vien depuis plusieurs mois. On l’attend désormais pour mars au plus tôt. Les quelques propositions connues concernent une amélioration des congés et vacances. Il semble que la hausse graduelle du salaire minimum à 15 $, l’abolition des heures supplémentaires obligatoires et l’interdiction des clauses de disparité de traitement pour les régimes de retraite ne sont pas à l’ordre du jour (8 janv. ; site de Radio-Canada, 6 févr.)

Soutien aux familles. Sophie Mathieu (4 déc.) fait le bilan des gouvernements libéraux. Depuis 2008, la fécondité des Québécoises est en chute libre : elle est passée de 1,73 à 1,59, bien loin des 2,1 nécessaires au remplacement des générations. Le Régime québécois d’assurance parentale n’a pas été modifié depuis 2006 : en sont exclus les parents qui ne sont pas sur le marché du travail au moment de l’arrivée de l’enfant. Par ailleurs, les gouvernements Charest puis Couillard se sont acharnés contre les centres de la petite enfance en leur imposant à la fois des compressions considérables et un arrêt de développement au profit de places en garderies privées. Or, dit la chercheuse, les études ont montré que la meilleure mesure de soutien aux familles n’est pas d’augmenter un peu les congés aux parents travailleurs, mais plutôt d’offrir à tous les parents des services de garde accessibles et de qualité, comme ceux des CPE (4 déc.).

Soutien aux familles. Le ministre de la Famille, Luc Fortin, voulait limiter le nombre d’enfants de plus de 18 mois dans les pouponnières. Il a fallu la forte mobilisation de plusieurs groupes et des services de garde subventionnés pour qu’il y renonce (13 janv.).

Faire craquer le système de santé

Hausses de salaire des médecins spécialistes. Le premier ministre Couillard a cédé sur toute la ligne devant la puissante Fédération des médecins spécialistes. Il ne voulait pas de vagues avant les élections. Eh bien ! il les a quand même ! Non seulement a-t-il réuni la population contre cette hausse, mais il a même réussi à braquer contre lui une partie des médecins (11, 16 et 17 févr. notamment).

Bilan 2017. C’est Jacques Benoît, coordonnateur de la Coalition accès santé qui le dresse : « Recul de l’accès, diminution et réduction des services, réseau fragilisé et affaibli, épuisement du personnel, démotivation » (30 déc.). Ce ne sont pas les minces mesures promises récemment par le ministre Barrette aux infirmières (7 et 21 févr.), même si celles-ci les ont bien reçues, qui vont fondamentalement modifier la situation :

  • « La liste d’attente pour les chirurgies cardiaques est repartie à la hausse » (2 févr.) ; « Institut en santé mentale de Québec : des psychiatres dénoncent la réduction des services » (16 févr.) ; « La liste d’attente pour obtenir des services [pour les enfants autistes] s’allonge malgré le plan d’action annoncé l’an dernier » (4 févr.).
  • « Institut en santé mentale du Québec : les patients et le personnel hospitalier mis à risque » (16 févr.) ; « ISMQ : des infirmières laissées à elles-mêmes » (14 févr.); « Travailleurs sociaux au bout du rouleau » (13 févr.) ; « Conditions de travail lamentables. Infirmières au bord de la crise de nerfs » (R. Dutrisac, 2 févr.) ; « Des syndicats dénoncent l’approche du ministre de la Santé basée sur “l’intimidation, le dénigrement et l’abus de pouvoir” » (8 déc.)
  • « Abolition du Commissaire à la santé : le ministre évaluera lui-même ses propres politiques » (7 févr.) !

Suite du bilan en santé. L’article de Jacques Benoît (7 févr.) identifie nommément : le mode de gestion des CISS/CIUSS inadapté pour un réseau public ; la centralisation régionale des analyses de laboratoire, avec la multiplication des ratés qu’elle entraîne ; le démantèlement des CLSC au profit du développement d’une première ligne privée financée par le public (GMF et super-cliniques) donnant moins de services et soustraites au contrôle public ; le risque pour les patients moins « payants » associé au financement des établissements à l’activité, qui est quasi généralisé désormais ; les compressions budgétaires qui privent les usagers du personnel nécessaire pour dispenser des soins suffisants et de qualité ; la baisse des services à domicile pour les personnes handicapées ; la réduction des services et le recours au privé pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale ; l’indifférence à l’égard des personnes les plus vulnérables hébergées en établissement ou en ressources intermédiaires ; le danger que représentent leurs conditions de travail pour la santé mentale des divers personnels ; l’indifférence à l’égard des régions : moins de services publics, et pas de services privés non plus, car elles ne constituent pas un marché assez intéressant.

Abandonner les régions

« Les régions à l’ère Couillard. La grande mystification ». C’est le titre de l’article de Bernard Vachon, professeur de géographie retraité de l’UQAM, dans Le Devoir du 9 déc. « Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement libéral de Philippe Couillard aura fait reculer le “projet régional” comme aucun autre gouvernement auparavant. Fondamentalement, parce qu’il ne croit pas au rôle et à la contribution des régions pour l’épanouissement et la prospérité du Québec tout entier. » La loi 122 accentue la fracturation entre Montréal et Québec d’une part, et les municipalités locales et les MRC de l’autre. Celles-ci et donc les régions ont été flouées dans leur ambition d’autonomie. / Pour le premier ministre Couillard, le seul intérêt des régions tient dans leurs ressources naturelles et leur potentiel énergétique. Les organiser en milieu de vie, y dispenser des services publics est une perte d’argent. / Le gouvernement a aboli brutalement à l’automne 2014 la plupart des outils de concertation et de développement dont disposaient les régions : CRE, CLD, politique nationale de la ruralité, coalition Solidarité rurale, Programme de soutien aux municipalités dévitalisées. Il a aussi suspendu l’application de la Politique pour assurer l’occupation et la vitalité des territoires, et la loi du même nom. Par ailleurs, des compressions importantes ont touché divers programmes aux incidences territoriales. Bref, les populations locales et régionales n’ont plus de voix. / Pour remplacer tous ces outils, le ministère des Affaires municipales a créé divers fonds, mais dont les montants sont très inférieurs à ceux dont disposaient antérieurement les régions et les CLD.

Ubisoft à Saguenay. Le premier ministre soigne son comté. Ubisoft va s’installer à Saguenay (10 févr.). C’est bien la seule bonne nouvelle économique pour les régions.

Transport aérien. Y en aurait-il une autre ? Après 15 ans de règne libéral presque sans discontinuer, c’est maintenant seulement que le gouvernement daigne s’apercevoir que le transport aérien coûte cher en région. Mais au lieu de forcer Air Canada, qui a le monopole sur le ciel québécois, à baisser ses tarifs comme la compagnie l’a fait ailleurs au pays, le premier ministre Couillard va plutôt rembourser une partie des billets des citoyens des régions les plus éloignées (4 févr.). Il s’agit d’un financement discrétionnaire donc sans certitude de longévité.

Transport par train. La question du monorail a sa place ici aussi. Les libéraux n’ont pas de vision du développement des liens ferroviaires dans et entre les régions.

Aluminerie de Bécancour. Il s’agit du poumon économique d’une partie du Centre-du-Québec et de la Mauricie. Le député du comté n’est pas libéral. Le gouvernement a attendu quatre semaines après la mise en lock-out des 1030 syndiqués pour inviter les deux parties à retourner à la table (12 janv., 6 févr.). Puis la ministre Anglade n’a pas convaincu Alcoa de reprendre les négociations (10 et 20 févr.). Tout ce que ce gouvernement propose, c’est d’attendre le bon vouloir de la compagnie.

Usine Bombardier à La Pocatière. Alors que le carnet de commandes se dégarnit, les travailleurs de l’usine de La Pocatière risquent de perdre leurs emplois. Pour empêcher cela, le gouvernement presse la Ville de Montréal de devancer de 18 ans sa commande de nouveaux trains Azur pour le métro, quitte à faire payer par tout le Québec un service utile aux seuls Montréalais ! (9, 20 et 24 févr.).

Cimenterie McInnis à Port-Daniel. L’usine a coûté 1,5 milliard $, il s’agit en grande partie des fonds publics ; elle a été inaugurée en septembre 2017, et son avenir est déjà remis en question (7 janv.).

Bâtiment et infrastructures. Voilà un secteur présent sur tout le territoire. Mais selon Yves-Thomas Dorval, PDG du Conseil du patronat, malgré son importance économique, c’est un « secteur névralgique oublié » par le gouvernement Couillard (10 déc.).

Terres agricoles. Le modèle Pangea, dans lequel la Caisse investit, contient un risque réel de financiarisation des terres et de réduction des cultivateurs propriétaires en simples fermiers. Un fermier exploite avec son propre outillage une terre qui ne lui appartient pas ou peut lui être retirée. Il y a six mois, le ministre de l’Agriculture devait rencontrer la Caisse pour voir si Pangea correspond au « modèle québécois », et sinon : « on va essayer de voir comment on pourra bloquer la route » (6 mai). Depuis, plus rien (30 janv.).

Immigration en région. Après avoir fermé les bureaux du ministère de l’Immigration de la Diversité et de l’Inclusion en région plus tôt dans ce mandat, le gouvernement les ouvre de nouveau. Avec la seule mission de reprendre quelques activités dont s’occupaient les défunts CLD et que font déjà les CEDEC : attirer des immigrants en région pour qu’ils comblent des emplois vacants. 86 % des immigrants s’installent à Montréal quand 55 % des emplois sont en région. Selon les intervenants, une politique globale d’intégration serait nécessaire plutôt que de simples mesures d’insertion économique (6, 9 et 14 déc.). q


1 À moins d’indication contraire, toutes les dates font référence à l’édition du jour du journal Le Devoir (format papier). Il suffit d’entrer les mots clés du propos pour trouver la référence exacte des articles utilisés.

2 Pierre Fortin, « Le PIB du Québec ne peut croître indéfiniment de 3 % par année », L’Actualité, 3 févr. 2018. En ligne : http://lactualite.com/lactualite-affaires/2018/02/03/le-pib-du-quebec-ne-peut-croitre-indefiniment-de-3-par-annee/ [page consultée le 27 févr. 2018]