Le mouvement indépendantiste et la prochaine étape décisive

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Discours de Mario Beaulieu au souper-conférence 2014 de L’Action nationale, le 24 octobre au Lion d’or

Le mouvement indépendantiste est à un tournant.

Oui, la route est sinueuse et les pentes sont abruptes. On dit souvent que l’histoire est cyclique. D’aucuns pensent que nous vivons une traversée du désert. Nous en avons vu d’autres. Après le coup de force de 1982, la scission au sein du gouvernement Lévesque, le retour au pouvoir de Robert Bourassa en 1985, plusieurs avaient prédit un enterrement de première classe au Parti québécois et pour l’option souverainiste de l’époque. Puis, en 1995, nous sommes passés à 33 000 voix de franchir le seuil du Pays. Mais depuis, on nous entraîne dans des débats sur le comment faire l’indépendance plutôt que de débattre du pourquoi. Pourtant nous ne sommes pas « référendistes », nous sommes indépendantistes !

Nous sommes indépendantistes parce que pour une nation, prendre ses décisions par elle-même est essentiel à son développement autant politique, économique que culturel. Parce qu’il y a un État de trop et qu’il y a un coût social, économique et culturel à la dépendance politique du Québec à l’État fédéral. Les Québécoises et les Québécois forment un peuple distinct, une nation avec une identité propre. Cela fait très largement consensus dans la population du Québec.

Ce qui fait de nous une nation unique repose sur notre culture, notre langue, notre histoire, notre patrimoine collectif, la structure de notre économie, notre système social, notre volonté de vivre ensemble, la conscience de notre spécificité, notre volonté de durée dans l’histoire. Cette culture et cette langue publique commune sont ce qui rassemble les Québécoises et les Québécois de toutes origines. Notre langue et notre culture commune ne sont pas des facteurs d’exclusion et de fermeture. C’est ce qui nous permet d’être ouverts à la diversité à l’intérieur du Québec, d’inclure tous les citoyens. Et c’est ce qui nous permet d’être présents à la face du monde. Comme le disait Pierre Bourgault, « Quand nous défendons le français chez nous, ce sont toutes les langues du monde que nous défendons contre l’hégémonie d’une seule. »

Notre combat est celui de tous les peuples à travers le monde qui luttent pour leur autodétermination, que ce soit l’Écosse ou la Catalogne. Et une fois libre de notre subordination politique nous disposerons de tous les leviers pour assumer notre avenir collectif. Nous pourrons prendre notre place à la table des nations dans les forums internationaux pour faire entendre notre voix, en concordance avec nos valeurs et notre spécificité. Alors les Québécoises et les Québécois pourront inspirer d’autres nations en quête d’un avenir meilleur, d’une planète verte et bleue, d’une diplomatie qui repose sur le dialogue et l’ouverture, d’une collaboration humaine inclusive et respectueuse des autres démarches d’autodétermination.

Nous sommes sans doute tous d’accord : pour réussir à augmenter l’appui à l’indépendance, il faut que le débat public porte sur les raisons pour lesquelles on veut faire du Québec un pays.

Depuis 1995, une série d’activités éparpillées ont visé à susciter ce débat. Le comité de réflexion et d’action sur la souveraineté (CRASS) en 1999, l’école nationale de la souveraineté, la saison des idées, l’ABCD de la souveraineté, le colloque « j’aurais voté oui, mais j’étais trop petit », le congrès du Bloc « Imaginons un Québec souverain », etc. Malgré toutes ces tentatives, depuis 1995, quand les médias de masse s’intéressent à l’indépendance, c’est surtout pour parler des divisions sur le mode d’accession au statut de pays, de la date d’un prochain référendum.

Plusieurs facteurs ont été évoqués pour expliquer nos difficultés à diffuser l’argumentaire indépendantiste dans les médias. Évidemment, il y a la politique éditoriale fédéraliste de plusieurs médias. Il est certain que ces facteurs ne changeront pas. Nous devons renouveler nos modes d’interventions. Plusieurs pistes de solutions existent : utiliser davantage les médias sociaux, développer nos propres médias. Les jeunes du réseau Cap sur l’indépendance travaillent à lancer une « web télé », nous avons le site internet vigile.net, la revue L’Action nationale, L’aut’journal, etc.

La mise en place d’une stratégie de convergence paraît essentielle. Il s’agit de rassembler toutes nos forces, de regrouper toutes les organisations indépendantistes pour entreprendre une campagne permanente de communication et sur le terrain qui vise l’ensemble de la population.

Déjà, depuis quelques années, des coalitions ont été formées dans la société civile pour créer un climat de convergence, le Conseil de la souveraineté, le Nouveau Mouvement pour le Québec, le réseau Cap sur l’indépendance. Elles ont entrepris de larges consultations, et notamment des États généraux de la souveraineté, qui ont abouti au rassemblement « destiNation » en septembre dernier, et au lancement du rapport final sur les 92 blocages au développement du Québec dans le régime canadien, qui a été édité sous le titre Forger notre avenir.

Le réseau Cap sur l’indépendance (RCI), qui regroupe une trentaine d’organismes, dont la plupart des organisations de jeunes, a entrepris une campagne basée sur une méthode qui a été décrite par l’ex-ministre et, surtout le grand militant Jean Garon, l’an dernier ici même au souper de L’Action nationale. Selon Jean Garon c’est une méthode infaillible pour faire l’indépendance, c’est une méthode qui est toujours moderne et qui a fait ses preuves à travers le temps, et cette méthode, ça s’appelle le travail ! Le porte-à-porte, les assemblées de cuisine, aller directement à la rencontre des gens. Et c’est exactement ce que le RCI s’apprête à faire avec l’opération Bélier, une campagne nationale de porte-à-porte.

J’ai eu la chance d’assister à la naissance de cette opération qui a été amorcée à la SSJB de Montréal par une vingtaine de jeunes pour la plupart de moins de 25 ans. Ils ont développé leur argumentaire pendant l’été 2013. Vous auriez dû les voir faire du porte-à-porte dans Westmount et au centre-ville ! Ils étaient beaux à voir ! Ils ont fini par accepter ma recommandation d’aller en territoire un peu plus facile, et dimanche prochain ils font une première journée nationale de porte-à-porte dans toutes les régions du Québec.

Parallèlement à cela, les militants d’Option nationale, essentiellement des jeunes, ont entrepris le programme national d’assemblées de cuisine. Tout se met en place. Il s’agit de bouger. Il y a des milliers de militantes et de militants indépendantistes. Si tout le monde bouge ensemble, c’est certain que nous pouvons gagner et relancer le mouvement et construire un Québec fier et indépendant.

La prochaine élection fédérale va être un marqueur de l’évolution du mouvement indépendantiste. Le Bloc québécois est le seul parti indépendantiste à Ottawa, c’est le lieu tout désigné pour favoriser l’union de toutes les forces indépendantistes, pour rassembler les militantes et les militants de toutes allégeances qui veulent faire du Québec un pays. Si le Bloc redevient un parti reconnu à la Chambre des communes, cela donnera le signal que le mouvement est en progression. Et les députés qui seront élus vont être là chaque jour pour expliquer que le gouvernement fédéral prend des décisions importantes à notre place. Des décisions qui, trop souvent, ne correspondent pas à nos valeurs et à nos intérêts. Des décisions qui nous font reculer économiquement, culturellement, politiquement et socialement. Des décisions qui empêchent le Québec de développer son expertise, son aptitude à exercer son pouvoir dans d’immenses champs de juridiction.

J’ai été élu à la présidence avec un mandat très clair, que le Bloc soit au service de l’indépendance, entreprendre une campagne majeure de promotion de l’indépendance en alliance avec les partenaires de la société civile. À Ottawa – comme ils l’ont fait auparavant –, les députés profiteront de leurs interventions en Chambre ou dans les médias, non seulement pour défendre les intérêts nationaux du Québec dans des dossiers spécifiques, mais pour illustrer que l’indépendance est la seule voie de notre liberté collective. Les députés fédéraux sont les mieux placés pour expliquer ce qui se passe avec les 45 milliards que les Québécoises et les Québécois envoient chaque année à Ottawa.

L’ancien directeur de la recherche du Bloc a analysé les livres de crédit de chaque ministère fédéral. Il a démontré que si le Québec assumait tous les services fédéraux, assurance-emploi, pension de vieillesse, péréquation, relation internationale, défense, on économiserait 2 milliards par année. Les intérêts économiques du Québec et du Canada ne sont tout simplement pas les mêmes. D’un côté, pétrole et industrie automobile et de l’autre, énergie renouvelable, écoresponsable. On se rappellera que pendant la crise financière, le gouvernement fédéral a consacré 13 milliards de dollars à l’industrie de l’automobile en Ontario. 13 milliards ! Pour vous dire, le gouvernement Couillard à Québec est en train de démolir le modèle québécois pour économiser 2 milliards. 13 milliards de dollars pour l’auto en Ontario. 70 millions pour notre industrie forestière. Presque 200 fois moins. Éloquent !

Pêches et Océans ferme la bibliothèque scientifique de l’Institut Maurice-Lamontagne qui rassemble l’une des plus importantes collections de documents spécialisés en français en océanographie, sciences marines, écotoxicologie et navigation au Québec et au Canada. Environnement Canada coupe le financement des groupes environnementaux qui ne partagent pas son opinion. 33 milliards de dollars de contrats de construction navale ont été accordés par les conservateurs, sans donner un sou au chantier maritime Davie et aux chantiers navals du Bas-Saint-Laurent.

Là-dessus, en passant, le NPD n’a trouvé de mieux à déclarer qu’il s’agissait d’un grand jour pour le Canada. Et les libéraux s’en réjouissaient. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le gouvernement Harper et l’opposition canadienne à Ottawa manquent le bateau lorsqu’il est question de l’industrie maritime du Québec !

Si nous voulons faire du Saint-Laurent un outil de développement économique structurant pour le Québec, nous devons le reprendre en main et empêcher Ottawa, une fois pour toutes, d’ignorer le véritable potentiel de l’industrie maritime québécoise. Ce qui se passe avec notre Saint-Laurent, l’artère qui fait vivre le Québec, le berceau de notre société, ce qui se passe avec notre fleuve est franchement épouvantable. Le fleuve devient une autoroute pour le transport du pétrole, une autoroute de superpétroliers et le fédéral refuse toujours d’augmenter les normes pour faire face à un déversement. Pour qu’Ottawa exporte le pétrole bitumineux de l’Alberta, les Québécoises et les Québécois doivent assumer tous les risques et ne recevoir que des miettes en retombées économiques.

Que le fleuve, à la hauteur du lac Saint-Pierre, soit reconnu comme réserve mondiale de la biosphère, par l’UNESCO. Que la population de bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent soit désignée menacée et qu’elle doive être protégée en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Le gouvernement fédéral n’en a rien à cirer. Il nous faut un pays ! Ce comportement irresponsable va jusqu’à remettre en cause notre engagement à la Convention des Nations Unies sur la biodiversité. Ça donne l’impression que si les indépendantistes rêvent du jour où le Québec se joindra à l’ONU, les conservateurs, eux, voudraient en sortir !

D’autres exemples. Près d’un an après l’annonce d’un traité de libre-échange avec l’Union européenne, alors que le gouvernement fédéral a accordé une compensation de 280 millions de dollars aux pêcheurs de Terre-Neuve, la promesse d’indemniser les producteurs fromagers du Québec n’a toujours pas été remplie. Elle est passée dans le beurre. Nos agriculteurs sont ignorés et doivent subir les coûts des décisions d’Ottawa. La livraison du courrier à domicile est coupée dans plusieurs villes du Québec et le gouvernement fédéral ne fait qu’aggraver la situation en refusant obstinément d’envisager une stratégie de diversification de la poste-lettres. Cela va pénaliser les groupes les plus vulnérables de la société, en plus d’occasionner des pertes d’emplois pour environ 8000 travailleurs d’ici cinq ans.

Cet été, le déséquilibre fiscal est encore une fois revenu sur la scène comme le démontre une étude du Conference Board du Canada présentée au Conseil de la fédération. Selon cette étude, dans 20 ans, le Québec et les provinces canadiennes auraient un déficit de 172 milliards alors que le fédéral aurait un surplus de 109 milliards, un écart de 281 milliards de dollars ! Les économies du fédéral proviennent des coupes faites sur le dos des chômeurs, des personnes âgées, des personnes malades, sur le dos des plus vulnérables, sur le dos du monde qui en a le plus besoin. Tout ça à partir de l’argent que le Québec envoie à Ottawa.

La liste est trop longue, trop déprimante ! je m’arrête ici, mais rappelons-nous, ayons bien en tête, que chaque exemple que je vous ai donné, est une raison de plus pour ramener un fort contingent de députés du Bloc québécois à Ottawa. Chaque exemple que je vous ai donné est une raison de plus pour devenir indépendant ! La liste est trop longue pour en faire ici le récit exhaustif. Mais dans tous ces dossiers, on voit clairement que le Québec aurait tout avantage à récupérer tous ses leviers décisionnels pour pouvoir établir des politiques cohérentes et assumer son plein développement.

Un Bloc québécois fort et avec un mandat clair à Ottawa peut faire énormément pour faire avancer la cause indépendantiste. Il aura un service de recherche, des moyens pour communiquer à l’internationnal et faire avancer l’expertise québécoise dans les dossiers que le fédéral tient loin de notre maîtrise d’œuvre. Le Bloc sera un point d’ancrage et un appui aux organismes indépendantistes de la société civile pour intensifier la campagne qui débute dimanche prochain. Il ne nous manque pas grand-chose. Les structures sont en place. Il ne manque que l’activation de l’espoir véritable, l’effort renouvelé, la persévérance, et de retrouver une dimension essentielle du militantisme, le plaisir de travailler pour une cause juste et noble.

Nous avons besoin d’organisateurs, de communicateurs, de gens qui amplifient et relayent notre message. Déjà vous pouvez contribuer directement sur les réseaux sociaux, aller sur FaceBook… Chaque indépendantiste a intérêt à ce que le Bloc québécois fasse élire le plus de députés possible. C’est dans ce contexte que le temps est maintenant venu de passer à l’action pour les organisations du Bloc dans toutes les circonscriptions ! La campagne d’adhésion, de renouvellement et de financement sera également l’occasion d’expliquer concrètement notre projet de pays et le rôle des députés du Bloc québécois pour limiter les coûts de notre dépendance au système fédéral autant au plan économique, social, environnemental que pour notre contribution à la politique internationale.

Si chaque personne qui veut faire grandir notre Québec apporte sa contribution selon ses moyens, ses disponibilités, nous allons réussir ! Nous allons relancer le mouvement indépendantiste et le Bloc québécois, et nous remettre en marche pour avancer ensemble vers un Québec fier, fort et indépendant. Mes amis-es, nous réussirons pour l’avenir de nos enfants, pour l’avenir de nos parents et de nos grands-parents.

Nous réussirons pour ces gens de partout qui viennent construire avec nous un Québec – terre d’avenir.

Nous réussirons pour honorer la mémoire de tous les bâtisseurs de Pays qui nous ont précédés, qui n’auront pas eu la chance de voir le Pays, mais qui continuent de nous inspirer comme des phares qui balisent notre route vers l’indépendance !

Oui, mes amis-es nous y arriverons !

Parce que notre résilience et notre détermination font de nous une nation entêtée d’avenir !

Vive la liberté ! Vive l’indépendance !