Le recensement de Statistique Canada avait pour vocation de nous informer sur la situation des citoyens de langue française au Québec et au Canada jusqu’en 1971. À partir du recensement de 1981, la situation s’est dégradée. Si la définition de 1971 permettait de connaître avec précision le nombre de Canadiens d’origine française, par la suite, les recensements ont empêché l’analyse rigoureuse à cet égard.
Steven Harper a vu que les chiffres devenaient accablants pour le Canada. Il a changé une deuxième fois le questionnaire et la définition du francophone. Avec lui, un francophone n’était plus celui qui a le français pour langue première. Au recensement de 2006, les individus se sont identifiés comme bon leur semblait, Québécois, Canadiens, Français, Canadiens français ; d’autres groupes ethniques pouvaient s’identifier ainsi et dans d’autres catégories en même temps. On joue sur les mots. Il n’y a plus d’origine précise pour un Québécois d’origine française. Dans un premier temps, on n’avait plus de données sur les groupes ethniques, dans un deuxième temps on n’a plus de données précises pour la langue. Statistique Canada ne sollicite plus que des auto-évaluations.
Quand Justin Trudeau arrive au pouvoir, il n’a rétabli le questionnaire originel qu’en partie pour le recensement de 2016, sans donner justice aux citoyens de langue française. Un citoyen grec qui ne sait pas 100 mots de français, mais parle un peu français, une fois l’an à la maison, devient un francophone pour Justin Trudeau. Pour le recensement de 2021, la justice voudrait qu’on rétablisse le questionnaire de 1971, celui du Dominion Bureau of Statistics.
C’est indispensable ce questionnaire précis pour savoir où en sont ceux qu’on appelait les Canadiens français. Ce serait abandonner l’hypocrisie d’y revenir. Justin Trudeau a confié la question à Navdeep Bains, un sikh qui a bien d’autres préoccupations. Mais cela relève du ministre des Sciences le recensement. Il y a peu de chance qu’on sache, en 2021, le nombre exact de ceux qui parlent français au Canada, ceux dont c’est la langue première, le français, pas ceux qui en baragouinent quelques mots, mais se prétendent francophones.
Anil Arora, un bachelier de l’Université d’Alberta, d’une autre famille provenant de l’Inde, est président de Statistique Canada. Ce directeur de l’agence de statistiques doit décider s’il y a lieu de rétablir le questionnaire de 1971 pour à nouveau comptabiliser ceux qui ont le français comme langue première. Car on ne sait plus combien il y a de citoyens d’origine française au Canada ; on ne sait même plus combien de citoyens parlent français ! On a perdu ces deux mesures rigoureuses dans le recensement, l’ethnie et la langue.
C’est comme le bilinguisme. Tous ceux qui ont fréquenté Ottawa savent que le bilinguisme se pratique à Ottawa seulement au Parlement. Nulle part ailleurs. Ottawa, ce n’est pas Montréal ! Il n’y a nulle obligation de parler français à Ottawa. De même l’agence de statistique s’égare et ne répertorie plus ni les citoyens d’origine française, ni depuis 15 ans les Canadiens qui parlent français à la maison et comme langue première !