Entretien autour de l’ouvrage de Marc-Urbain Proulx Splendeurs, misères et ressorts des régions paru aux Presses de l’Université du Québec
François-Olivier Dorais
Dans une analyse synthétique, rigoureuse et accessible, votre ouvrage cumule plusieurs années de recherches sur le développement régional au Québec. Avant d’entrer plus avant dans le contenu du livre, pourriez-vous nous dire deux mots sur sa genèse et son ambition ?
Marc-Urbain Proulx
Sachez d’abord que je suis ravi que vous soyez satisfait concernant l’accessibilité de mes propos désirés en outre concis dans ce livre. Ravissement puisque mon engagement intellectuel nécessite, pour sa pertinence, non seulement un esprit de synthèse, mais aussi la clarté du propos pour le lecteur. Pour cette raison, les chapitres et les sections de cet ouvrage sont courts et aussi référencés par des notes disposées en bas de pages afin d’améliorer la fluidité des propos.
Après la parution de mon second manuel en 20111, j’ai anticipé que le prochain ouvrage ne serait pas un abécédaire théorique illustré par des cas québécois. Je songeais plutôt à un ensemble articulé de leçons tirées de mes observations systématiques des régions du Québec qui furent les hôtesses d’une politique territoriale relativement ambitieuse de la part des gouvernements supérieurs. Cette analyse rétrospective fut retardée dans son élaboration par mon passage au ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation des territoires (MAMROT) en 2012-13-14. Ce passage m’a permis de mieux saisir la perspective régionale véhiculée à l’intérieur de la machine gouvernementale, de me familiariser davantage avec les modalités de l’interventionnisme de l’État, tout en collectant certaines données pertinentes.
Quelques textes rédigés à mon retour à l’Université du Québec à Chicoutimi en septembre 2014 ont lancé ma nouvelle ambition. Une contribution me fut alors sollicitée par l’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI). Le texte de fond livré à cet institut a établi la structure de base épousée par ce livre présenté dans cette entrevue. Pour ce faire, j’ai utilisé une base empirique longuement cumulée au fil de nombreuses recherches pour lesquelles je suis redevable bien sûr à des bailleurs de fonds, mais aussi à plusieurs assistants de recherche.
François-Olivier Dorais
Le titre de votre ouvrage, Splendeurs, misères et ressorts des régions, évoque un plan chronologique du développement régional au Québec. Ainsi, qu’entendez-vous, d’abord, par « splendeurs » ici ?
Marc-Urbain Proulx
En 1851 fut réalisé un recensement officiel par l’union politique qui est devenue le Canada en 1867. Les données compilées illustrèrent que la périphérie québécoise (Gaspésie ; Côte-Nord ; Îles-de-la-Madeleine ; Abitibi ; Bas-Saint-Laurent ; Nord-du-Québec ; Lac-Saint-Jean ; Témiscamingue ; Saguenay) représentait 7 % de la population du Québec. Un siècle plus tard, ce ratio était passé à 17 % par l’entremise d’une émergence phénoménale des régions.
En réalité, l’important bond démographique régional fut impulsé par trois grands fronts successifs et distincts qui ont déterminé l’occupation territoriale. Ils furent impulsés par autant de grands cycles de l’économie mondiale associés à une très forte demande de ressources naturelles incitant l’arrivée conséquente de capitaux exogènes en périphérie. D’abord, un mouvement pionnier expertisé pour coloniser des terres agricoles nouvelles déborda largement la vallée laurentienne pendant le XIXe siècle. Il fut doublement accompagné par le leadership du clergé et surtout par la demande de bois qui offrait en forêt des occasions pour les entreprises et du travail saisonnier rémunéré pour les colons. À la fin de ce siècle, une autre grande vague d’extraction de ressources naturelles s’affirma fortement pour alimenter la forte industrialisation du Midwest américain. Les capitaux étrangers ont envahi la riche faille minière de Cadillac en Abitibi, région convoitée par ailleurs pour la colonisation, notamment lors de la crise économique des années 1930 caractérisée par un fort chômage dans les grandes villes. Avec la reprise économique vigoureuse de l’après-guerre 1939-45, un troisième mouvement expansionniste d’immobilisations exogènes a fait émerger des villes-champignons en périphérie, notamment Baie-Comeau, Murdochville, Sept-Îles, Port-Cartier, Chibougamau, Gagnon, Chapais, Shefferville. Les nouveaux emplois créés dans les secteurs minier et forestier en périphérie ont permis de combler le déficit dans les activités agricoles dont le progrès technique soustrayait le nombre de travailleurs nécessaires.
Si les immobilisations du secteur privé ont largement favorisé l’exploitation et l’occupation de zones périphériques bien dotées en attirant des pionniers, le secteur public a bien accompagné les fronts en construisant des infrastructures de transport et des équipements pour servir l’éducation, la santé, les loisirs, la culture, etc. Des actifs considérables furent aussi octroyés au clergé pour être mis en valeur. En outre, des entrepreneurs forestiers florissants, des agriculteurs prospères ainsi qu’une classe ouvrière bien rémunérée ont ensemble alimenté généreusement les circuits économiques d’une grande partie des territoires et occasionné en conséquence la création d’une classe d’affaires aptes à bien satisfaire les besoins exprimés sur les marchés locaux et régionaux.
Dans cette folle effervescence typique du « Nouveau Monde », la multiplication d’entreprises dans la construction, la fabrication d’équipements, la fourniture de biens, la desserte de services spécialisés (droit, génie ; architecture ; comptabilité ; arpentage ; etc.) s’est aussi étendue dans le commerce de détail au sein d’un puissant processus collectif de structuration économique endogène caractérisée par la propriété locale des établissements. Dans ce dynamisme collectif, les groupes de la société civile se sont renouvelés à rythmes rapides. Et une classe artistique et culturelle s’est épanouie avec une créativité particulièrement forte, notamment en certains lieux comme Amos, Rimouski, St-Jean-Port-Joli, Saguenay.
La ponction de ressources naturelles livrées sur le marché mondial fut énorme pour alimenter ces économies territorialisées. Malgré les fuites financières vers les sièges sociaux extérieurs, le niveau de rétention en région de la richesse créée fut suffisant pour occuper plusieurs territoires en périphérie du Québec. D’un peu moins de 100 000 habitants en 1851, la population de cette vaste zone passa à près de 900 000 en 1961, tandis que la démographie du Québec a quintuplé pendant cette période splendide. La splendeur régionale s’est poursuivie en ralentissant jusqu’à la fin de la décennie 1970 avec notamment la sortie de terre de Matagami (1963), Lebel-sur-Quévillon (1965), Fermont (1974) et Radisson (1974).
François-Olivier Dorais
Votre ouvrage montre aussi en quoi cette splendeur ascendante du développement régional québécois entre le milieu du XIXe siècle et les années 1960 s’est articulée autour d’un paradigme économique particulier – celui du « décollage industriel » ou de la « région-ressource » – qui comportait d’importantes limites, à commencer par celle de sa propre maturation économique. N’est-ce pas là, rétrospectivement, le grand drame de l’histoire des régions du Québec, c’est-à-dire celui de leur « satellisation », de leur dépendance à des forces et des conjonctures économiques extérieures qui, à terme, allaient nécessairement freiner leurs possibilités de développement ?
Marc-Urbain Proulx
Effectivement, les régions périphériques sont demeurées largement dépendantes des impulsions économiques extérieures qui imposent leurs règles exogènes sur des territoires possédant, quant à eux, un certain nombre d’attributs endogènes répulsifs. L’ensemble des conditions limite au total la maturation des structures économiques locales après les décollages industriels vigoureux, souvent fulgurants, sur des lieux bien dotés en ressources.
Au cours du XXe siècle au Québec, les bassins de ressources naturelles furent attrayants, d’autant plus qu’ils étaient accessibles de la mer grâce à des avant-postes établis sur le fleuve Saint-Laurent d’où pointent des corridors de pénétration périphérique. Pour exploiter ces réserves, les extracteurs de matières premières ont effectué des immobilisations souvent imposantes dans les secteurs des mines, de la forêt, du maritime, de l’énergie. Pour des raisons de recrutement et de syndicalisation, les salaires versés sur place par les exploitations furent traditionnellement élevés, créant ainsi une classe ouvrière supérieure disposant d’un important pouvoir d’achat offrant des occasions commerciales et de services pour des entreprises à Val-d’Or, Murdochville, Port-Cartier et autres Dolbeau. Si certains affinages et autres traitements élémentaires des ressources extraites furent effectués près des bassins ou des points de transbordement vers les navires, la transformation comme telle en produit semi-fini ou fini se réalise généralement près des grands marchés de consommation (Midwest, Japon, Ruhr, etc.) de manière à minimiser les coûts de transport et aussi ceux de la main d’œuvre puisque le secteur manufacturier fonctionne avec des travailleurs de classe intermédiaire peu disponibles sur les lieux d’extraction. Il s’agit d’un phénomène bien connu de dislocation entre les activités d’extraction des ressources naturelles (périphérie) et celles de leur transformation localisée près des grands marchés.
Aussi, les travailleurs manuels bien rémunérés en région sont peu attirés par l’entrepreneuriat, tandis que les employés de classe ouvrière inférieure dans les commerces ne disposent pas des savoir-faire et des capitaux pour lancer des entreprises manufacturières soit pour transformer des matières premières avant expédition ou soit pour substituer des biens importés par des productions locales. Les coûts de la distance à franchir par les importations ont jadis bien protégé les marchés locaux et favorisé certaines fabriques localisées en périphérie, notamment dans l’agroalimentaire, les vêtements, les chaussures. Mais avec le désenclavement généralisé des régions et l’amélioration des moyens de transport, cette protection naturelle fut éliminée en permettant aux entreprises extérieures d’envahir les marchés régionaux avec leurs produits à prix très concurrentiels, puisque fabriqués en grandes séries.
Certes, il existe certaines manufactures en région, notamment au Saguenay où la densité de population s’avère plus forte. Mais d’une manière générale les économies régionales sont composées d’un secteur primaire relativement imposant en volume expédié, accompagné d’un secteur tertiaire considérable en pourcentage d’emplois. Ces économies demeurent immatures dans la mesure où le secteur secondaire s’avère peu structurant. Leur dépendance à l’égard de l’extraction des ressources naturelles devient réelle alors que les bassins déjà en exploitation s’épuisent tandis que les nouvelles réserves plus éloignées deviennent plus difficiles d’accès.
En outre, et non le moindre, le secteur tertiaire bien présent en région a subi un puissant mouvement de dépossession de la propriété des établissements. D’abord dans les années 1970, les villes ont assisté la construction de centres commerciaux et de places d’affaires logeant réciproquement des boutiques et des bureaux appartenant principalement à des chaînes nationales et internationales. Les rues principales en furent dévitalisées. Cette période fut marquée aussi par l’intégration des scieries locales désormais aux mains des grands de l’industrie papetière. Ensuite, ce fut l’arrivée de la restauration rapide sur les boulevards à partir des années 1980, période au cours de laquelle les épiceries locales ont subi un mouvement d’intégration économique par les géants de l’alimentation. Finalement depuis les années 1990, on a vu l’établissement des grandes surfaces commerciales comme Rona, Walmart et autres Costco. Au cours de cette période non terminée, l’intégration économique a largement envahi ce qui reste des activités de propriété locale, y compris les terres agricoles sous pressions. Ainsi, la dislocation entre périphérie et centre est désormais étendue au secteur tertiaire, sauf pour certains résistants locaux à ce vaste mouvement d’intégration économique.
François-Olivier Dorais
Ces « misères » associées aux limites du décollage industriel et à la difficulté de développer une véritable économie de la transformation en région ont été, en partie, compensées par l’ère de planification territoriale des années 1960. Votre ouvrage rappelle d’ailleurs, à juste titre, combien cette première entreprise étatique coordonnée de développement régional a constitué l’une des dynamiques fortes de la Révolution tranquille (que notre mémoire collective a d’ailleurs tendance à minimiser au profit des autres réformes plus connues en éducation, en santé, en infrastructures, etc.). Quel fut l’héritage de la politique territoriale québécoise des années 1960 pour nos régions ?
Marc-Urbain Proulx
Même si Québec s’est historiquement toujours préoccupé de sa périphérie, il est vrai que la Révolution tranquille a offert à l’État québécois, en autres, une nouvelle mission générale concernée spécifiquement par le développement régional. Celle-ci fut inspirée par deux phénomènes qui ont marqué cette époque charnière, soit l’érosion rurale devenue catastrophique dans certains lieux et zones ainsi que l’arrivée dans les universités de la nouvelle science régionale qui multiplia les programmes d’enseignement et de recherche partout en Occident. Au Québec, plusieurs études furent effectuées dans cet esprit, notamment par le COEQ (Conseil d’orientation économique), le BAEQ (Bureau d’aménagement de l’est), la commission La Haye ainsi que le rapport Higgins, Martin et Raynauld commandé par le gouvernement fédéral. Mise à part la livraison de pertinents diagnostics détaillés, trois grandes finalités régionales furent proposées aux décideurs, soit l’intensification des efforts publics rationnels de développement en région, la lutte contre les inégalités entre les territoires ainsi que l’encadrement instrumenté par le zonage du traditionnel laisser-faire dans l’utilisation du sol.
En 1968, le gouvernement du Québec releva vigoureusement sa nouvelle mission en instituant l’OPDQ (Office de planification et de développement) expertisé pour alimenter une vision interministérielle globale des territoires qui composent le Québec. Les régions administratives furent alors découpées afin de servir comme aires uniformes de gestion publique pour les agences déconcentrées actuelles et souhaitées dans l’agriculture, la santé, les ressources naturelles, etc. Sur cette base, les régions furent les hôtes de plusieurs exercices successifs de planification en utilisant diverses procédures. Quelques années plus tard en 1979, ce sont les territoires supralocaux MRC (municipalités régionales de comté) qui furent institués pour offrir une échelle supralocale à la gestion de certaines fonctions publiques (services sociaux, emploi, transport collectif, etc.) y compris la responsabilité plus globale concernant l’aménagement du territoire à planifier.
En réalité, Québec créa deux nouveaux échelons – les 17 régions administratives et les 101 territoires MRC – pour solliciter et stimuler des initiatives collectives nouvelles dans un esprit de prise en main de responsabilités publiques pour l’aménagement, la gestion et le développement social, culturel et économique. Ces deux échelles territoriales implantées entre les traditionnelles municipalités et l’État québécois devinrent de véritables « living labs » concernés par l’expérimentation de nouveaux leviers et de nouveaux outils inspirés par Québec et par les milieux. En rétrospective, les multiples interventions et les diverses actions de ces laboratoires peuvent être analysées sous l’angle de leurs forces, faiblesses, contraintes, etc. dont la modélisation illustre l’expérience régionale québécoise. Sans épuiser le sujet, nous retenons ici trois leçons principales en matière de gouvernance.
On constate d’abord que le Québec a bel et bien largement construit un cadre de vie de qualité partout sur l’espace national. Une telle politique territoriale de soutien au développement n’a pas atteint tous ses objectifs dont certains fort bien formulés furent par ailleurs beaucoup trop ambitieux, voire utopiques. Or les divers réseaux publics nationaux d’infrastructures, d’équipements et de services couvrent équitablement tout le Québec habité désormais, en offrant les conditions matérielles, immatérielles et institutionnelles d’un pays moderne.
Comme deuxième leçon, on note que le gouvernement a conservé son approche nord-américaine d’interventions verticales, fragmentées par responsabilités sectorielles (santé, emploi, scolaire, loisirs, etc.), dont les opérations territorialisées indépendantes s’avèrent chacune exercées par des agences monofonctionnelles déconcentrées ou décentralisées à un certain degré. Assistée par les outils modernes de planification, cette approche de gestion publique en « silos » a permis de faire des gains d’efficacité remarquables (cibles spécifiques, objectifs univoques, expertises spécialisées, etc.), dans l’allocation des ressources du vaste domaine public. Mais elle n’est pas parfaite. Tant s’en faut. La principale faiblesse bien critiquée réside dans son manque de synergies territoriales, d’actions communes globales et aussi de cohérence générale.
D’où la troisième leçon qui est distillée de l’expérimentation bien observée. Elle concerne la difficile coordination horizontale des diverses fonctions publiques qui sont de plus en plus exercées sur les territoires. À l’enseigne de la concertation et des partenariats, plusieurs mécanismes furent mis en œuvre en générant des résultats positifs divers, mais généralement insatisfaisants dans un esprit de projets de collectivité territoriale.
En réalité, l’effet territorial associé à l’appropriation collective de nouveaux leviers communautaires de développement, appelé aussi « régionalisme », s’avère fortement limité par les replis fonctionnels et corporatistes des différentes agences indépendantes qui deviennent ensemble le modus operandi institutionnalisé sur les territoires. Néanmoins, des gains communautaires furent bien observés au sein de nombreux territoires. À cet effet, l’analyse attentive des différents exercices de planification territoriale a bien illustré que le type de procédure utilisée pour dynamiser la culture organisationnelle territoriale s’avère beaucoup plus important que la structure organisationnelle mise en place sur un territoire pour coordonner les multiples acteurs autonomes, indépendants et surtout non équivalents. L’essentiel réside dans les processus d’apprentissage collectif territorialisé.
François-Olivier Dorais
Dans la suite de ce que vous venez de souligner, votre ouvrage pose un constat aussi lucide que difficile sur le développement régional des 30 dernières années, en regard de ses ambitions formulées dans les années 1960 et 1970. Vous parlez, notamment, de « recul institutionnel » des régions administratives ou encore, vous considérez que « les territoires ont considérablement réduit leur capacité de voir globalement, de définir et de poursuivre collectivement une ambition commune et de coordonner leurs actions planifiées dans le sens d’un projet général » (p. 103). C’est dire que le Québec serait mûr, estimez-vous, pour la « mise en œuvre d’une nouvelle étape de la réforme territoriale » (p. 91). Qu’entendez-vous par là, plus explicitement ?
Marc-Urbain Proulx
Depuis la fusion des principales agglomérations urbaines en 2001-2002, les territoires du Québec n’ont pas bénéficié d’une contribution marquée pouvant s’inscrire dans le mouvement réformateur progressif, par étapes distinctes, qui a démarré dans les années 1960. Les experts considèrent généralement que cette réforme territoriale demeure inachevée.
Certes le gouvernement du Québec a lancé en grande pompe le Plan Nord en 2011. Il a aussi établi un cadre stratégique pour orienter les interventions et les actions à l’égard de la vocation maritime du Québec. En outre, il a doté avec succès chacune des deux principales métropoles d’un plan d’aménagement et de développement (PMAD) qui, dans le cas de Montréal, n’a compensé que partiellement les effets négatifs de la dé-fusion en 2004. Et en 2014-2015, Québec a aboli les CRÉ (Conférences régionales des élus) qui étaient les principales instances historiques de concertation régionale, ce qui en conséquence a fortement affaibli le régionalisme déjà diminué au cours de la décennie précédente. Même s’il poursuit lentement mais sûrement sa construction institutionnelle notamment avec de plus en plus de préfets élus au suffrage, l’échelon supralocal des MRC fut ralenti dans sa progression en perdant des ressources gouvernementales accordées au développement local, notamment pour les localités rurales. De fait, la dernière campagne électorale provinciale de 2018 fut lancée, pour une première fois depuis 50 ans, sans l’existence d’un véritable énoncé politique de l’État québécois en regard de ses composantes territoriales. Québec ne semble plus miser sur le développement endogène fondé sur le dynamisme local et régional.
Pourtant, il existe une dynamique géoéconomique importante qui déborde même au-delà des découpages officiels, soit les municipalités, les MRC et les régions. On le constate en observant l’étalement urbain, l’érosion de zones rurales et urbaines et les effets causés par le climat bouleversé qui ensemble dessinent de nouvelles formes territoriales pertinentes puisque correspondant à la réalité. Elles s’ajoutent aux nouvelles zones émergentes comme les franges urbaines en expansion résidentielle, le Moyen-Nord en recul démographique, les ancrages de problématiques sectorielles comme l’eau, la forêt, l’agriculture, etc., ainsi que de nouveaux créneaux économiques plus ou moins structurants ici et là. Des enjeux territoriaux spécifiques sont illustrés, souvent vigoureusement.
Notre analyse de la situation nous conduit à avancer que le gouvernement du Québec pourrait reprendre l’initiative réformatrice à l’égard de ses composantes territoriales. Certes, les revendications ne sont pas très fortes actuellement au sein des territoires. Il semble à cet effet que les acteurs locaux et régionaux soient plutôt devenus attentistes en se repliant sur des objectifs de gestion des affaires courantes par petits pas progressifs effectués grâce à l’utilisation d’outils de planification corporative. La paix sociopolitique est atteinte ou presque en région. Si les avancées réformatrices importantes du passé furent généralement suscitées par le biais de revendications locales et régionales fortes, l’impulsion nécessaire actuellement devra venir de pressions nationales déjà affirmées par les groupes écologistes, l’alliance ARIANE, les centrales syndicales, les unions municipales et autres associations progressistes. Elles doivent converger vers la sollicitation de gestes de nature normative et stratégique par l’État québécois afin d’optimiser l’utilisation du sol dans un esprit de durabilité.
En ce sens, la politique territoriale de Québec nécessite d’abord une vision globale de la dynamique géoéconomique en cours afin d’offrir un cadre national de référence stratégique pour renouveler la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme afin de bien orienter les grandes interventions sectorielles de l’État. Chaque échelle territoriale mérite d’être confirmée dans sa pertinence fonctionnelle envers des responsabilités publiques spécifiques. Chaque nouvelle forme territoriale affirmée devrait aussi être considérée. Une telle vision globale nationale permettrait de cibler des pôles à renforcer comme les petits centres ruraux et les diverses agglomérations métropolitaines. Elle permettrait aussi de pointer des zones d’intérêt particulier qui ne correspondent pas aux découpages actuels comme la Boréalie, le Golfe, Charlevoix, le Lac-Saint-Jean, les grappes d’entreprises similaires, les couronnes périurbaines, les corridors tels que ceux des Laurentides, de la Mauricie, de la Beauce. Il existe aussi un anneau sud-est qui se distingue clairement par ses villes en forte croissance (Victoriaville – Drummondville – Sainte-Hyacinthe – Granby – Magog – Sherbrooke), anneau dont il serait possible de maximiser l’avantage de localisation. En outre, de nombreuses MRC où le mariage urbain-rural montre des ratées importantes à corriger pourraient être identifiées.
François-Olivier Dorais
Votre appel à une nouvelle planification globale du territoire québécois s’appuie aussi, dans votre livre, sur l’identification d’un ensemble de « ressorts » et de « leviers » dans les régions du Québec. Quels sont les ressorts régionaux les plus importants et qui seraient encore disponibles aujourd’hui ?
Marc-Urbain Proulx
Les régions périphériques du Québec possèdent deux types de ressorts classiques connus en géographie économique : naturels et culturels. En matière d’éléments de la nature, les régions possèdent des bassins et gisements de ressources dont certains sont déjà en exploitation tandis que d’autres peuvent devenir attrayants pour les extracteurs. D’abord le fleuve Saint-Laurent, navigable en toutes saisons avec ses ports tels que Havre-Saint-Pierre, Baie-Comeau, Sept-Îles, Matane, Gaspé, Rivière-au-Renard, Saguenay ainsi que Québec, Sorel, Bécancour et Montréal, représente une formidable voie d’accès au marché mondial par les mers. Son existence est due à la présence d’une très grande quantité d’eau douce exploitable qui coule de son bassin versant. Le golfe illustre un formidable potentiel de mariculture. Si les réserves minières ne sont pas toutes découvertes ou mises en exploitation, on sait que ladite fosse du Labrador s’avère très bien dotée tandis que la faille de Cadillac possède encore un potentiel considérable tel que vu récemment avec l’or de Malartic. Que dire aussi des attraits exotiques de la périphérie comme potentiels pour les touristes à la recherche d’expérience originale ? La forêt boréale qui semble avoir trouvé, au cours des deux dernières décennies, un certain équilibre en matière d’exploitation durable s’inscrit pertinemment comme une source de captation de carbone en améliorations continues grâce au jardinage forestier effectué pour maximiser la productivité.
Ces gains sont bien présents aussi dans l’exploitation des terres fertiles sous l’angle de la quantité totale, certes, mais aussi celui de la qualité grâce à l’exploration systématique de spécificités nordiques pour des productions de niches en multiplication. La périphérie québécoise possède aussi une importante réserve d’énergie renouvelable. À cet effet, on sait que les rivières présentes dans cette zone de forte pluviosité recèlent un potentiel hydroélectrique capable de doubler éventuellement la quantité actuelle turbinée qui se situe autour de 40 000 mégawatts annuellement. En outre, le potentiel éolien s’avère très présent bien sûr dans le golfe où il y a déjà quelques exploitations autour de la péninsule gaspésienne, mais aussi dans le réservoir hydraulique de Caniapiscau où les immenses gisements potentiels sont localisés à proximité des lignes de transport d’Hydro-Québec.
Ces réserves de ressources représentent des ressorts formidables, mais relativement fragiles. Certaines réserves comme le cuivre sont clairement en épuisement. D’autres sont déjà épuisées comme la morue dont les stocks ne se renouvèlent que lentement. D’autres bassins sont difficiles d’accès comme les minerais qui truffent la vaste zone du Grand Nord. Qui plus est, toutes les ressources naturelles exploitées ou exploitables s’avèrent soumises aux aléas de l’économie mondiale. De fait, des volumes croissants de ressources naturelles raréfiées sont soutirés de la périphérie nordique en substituant les technologies aux postes de travail, sans valeur ajoutée aux matières premières avant livraison, et sans nouvel établissement humain fixe sur les lieux d’extraction. Il s’agit d’une croissance qui génère de moins en moins de développement. Pour limiter ce déséquilibre, la question principale qui se pose concerne la rétention supplémentaire, sur les lieux, de cette richesse créée par les ressources naturelles extraites en région du Québec.
Signalons à cet effet que si les technologies nouvelles « clé-en-main » se diffusent constamment au sein des activités d’extraction de ressources en périphérie afin de les rendre concurrentielles, un potentiel très important réside dans la fertilisation de savoir-faire spécifique pour valoriser les matières premières disponibles. On pointe évidemment les productions telles que l’arboriculture, l’aquaculture, l’élevage exotique, les produits des terroirs, y compris maritimes, ainsi que les petites activités de production d’énergie renouvelable. Cette mise en valeur des particularités de la nordicité québécoise pourrait bénéficier d’un encadrement accompagnateur en ciblant de vastes chantiers collectifs dans les domaines de l’architecture, de l’habitat, du patrimoine culturel, des paysages, de la qualité de vie, de la culture. Un vaste plan de mise en valeur des spécificités périphériques du Québec devient à notre avis impératif.
Traiter du savoir-faire capable de valoriser les ressources naturelles disponibles en région nous amène à considérer le deuxième grand ressort régional, celui du capital humain. Pendant les décennies 1990 et 2000, l’absence de diplomation en région au Québec a chuté de 49 % à 22 %, même à 15 % pour le Saguenay–Lac-Saint-Jean tandis que les collèges et les universités sont de plus en plus fréquentés et diplôment de plus en plus de gens grâce à une offre d’éducation supérieure en amélioration de sa pertinence et de sa flexibilité pour les milieux. Les collectivités autochtones qui connaissent un essor démographique qualifiable de « renaissance » participent de plein fouet à cet effort en matière d’éducation. Bref, l’intelligence individuelle s’avère de plus en plus au rendez-vous en périphérie. Les entreprises et les organisations misent sur ces ressources humaines qualifiées pour effectuer de la veille, de la collecte et du traitement d’information signifiante pour leur planification stratégique et leurs plans d’action.
S’avèrent aussi très présentes en périphérie les activités des services spécialisés que l’on regroupe dans le « secteur tertiaire supérieur » (génie/architecture/art et culture/arpentage/comptabilité/finance/TIC/numérique/cadres en gestion/éducation supérieure). Souvent désigné comme un « capital de créativité », ce secteur est considéré comme le moteur de ladite nouvelle économie largement alimentée par le savoir, la connaissance et l’information. À cet effet, sont judicieusement actifs les courtiers privés en information ainsi que les agents publics spécialisés dans la liaison vertueuse avec la recherche appliquée qui est effectuée dans les chaires, instituts, centres et groupes reliés aux collèges et aux UQ. Ils s’ajoutent avec pertinence en région à une panoplie d’intermédiaires composés des agents traditionnels de développement, des chambres de commerce et de fabricants, de certains groupes de la société civile, des têtes de réseaux, des services publics ciblés, des conseils locaux et régionaux ainsi que d’animateurs communautaires de tous acabits.
Ce capital humain qualifié, volontaire et en émancipation représente la base principale du renouvellement culturel, politique, social et économique des collectivités qui composent la périphérie du Québec. Le bouillonnement créé par la dynamique interactive d’ensemble de ce capital nourrit l’intelligence collective au sein de laquelle baignent les ressources humaines qui en sont alimentées. À cet effet, la médiation du cumul cognitif alimenté par la circulation de l’information de qualité (écosystème) entre les multiples et divers acteurs en région représente une mission aussi incontournable qu’impérative. Elle se positionne au cœur de la conceptualisation très actuelle du développement régional.
Nous avançons ainsi que la prochaine étape de la réforme territoriale au Québec ne pourra faire l’économie d’une stratégie articulée en regard du cumul de l’intelligence collective en périphérie. Si la modélisation scientifique de cet enjeu universel nous permet de mieux comprendre le rôle des « effets de proximité » et des « synergies territoriales », l’expérience québécoise historique s’avère néanmoins fort pertinente pour dessiner la nouvelle formule appropriée de médiation territoriale qui devra rendre beaucoup plus créative la concertation devenue trop stérile au cours des dernières décennies. À l’instar des autres nations dans le monde, Québec possède la responsabilité de susciter et soutenir l’intelligence collective sur les territoires pertinents en région dans un esprit d’émergence de projets et d’initiatives novateurs et structurants autour des enjeux qui se posent. Il s’agit d’une condition institutionnelle incontournable pour que les territoires maximisent leur contribution au développement du Québec contemporain.
François-Olivier Dorais
À l’heure actuelle, trois grands projets industriels au Saguenay–Lac-Saint-Jean (Métaux BlackRock, Énergie Saguenay, Arianne Phosphate) suscitent de vives discussions à l’échelle régionale et nationale. L’Action nationale a d’ailleurs consacré son numéro de juin 2019 à ce thème. Ces mégas-projets soulèvent, peut-être avec plus d’acuité qu’auparavant, le dilemme entre le développement économique régional et la protection de l’environnement. Quelle est votre position par rapport à ces projets ? Ceux-ci vous semblent-ils représenter, encore en 2020, des voies porteuses pour la structuration des régions au Québec ?
Marc-Urbain Proulx
L’analyse factuelle livrée dans mon livre Splendeurs, misères et ressorts des régions peut nous aider à bien saisir les tenants et aboutissants de ces trois grands projets bien distincts de développement régional de manière à mieux éclairer notamment l’acceptabilité sociale. Opérées loin en dessous de ses capacités depuis 30 ans, les infrastructures portuaires de Grande-Anse à Saguenay trépignent à l’idée de mieux servir cette région. On comprend l’enthousiasme de ce mythique « Royaume », au passé récent glorieux, dont la stagnation actuelle lui offre un avenir à l’aune du déclin démographique.
Le cas Métaux BlacRock représente une entreprise classique d’extraction minière qui désire exploiter un dépôt près de Chibougamau. Le vanadium-titane-mégnatite extrait serait expédié par voie ferrée vers une raffinerie localisée au port Grande-Anse à Saguenay. Avec une immobilisation initiale totale de 1,3 G$, l’entreprise pourrait créer 200 emplois pour l’extraction du minerai et 300 autres pour son affinement avant expédition. Pour extraire son phosphate et l’affiner en apatite au Lac Paul (nord-est du Lac-Saint-Jean), le projet Ariane a choisi de transporter son minerai par transport routier jusqu’à l’éventuel nouveau port à construire à Anse-à-Peltier, face à Grande-Anse dans le magnifique Fjord du Saguenay. On avance des retombées de 1000 emplois directs et indirects lors des opérations. Le projet GNL d’Énergie Saguenay est concerné par un terminal maritime à localiser à Grande-Anse (300 emplois lors des opérations) pour liquéfier et expédier du méthane qui serait acheminé sur les lieux à partir de l’Ouest canadien par un gazoduc. Engageant des immobilisations de plus de 10 G$, le projet s’avère controversé pour ses effets négatifs sur l’habitat des bélugas et l’industrie touristique, tout en illustrant des risques de fuites de cette précieuse matière en forte demande mondiale pour servir la transition énergétique en se substituant pour une période aux énergies fossiles plus polluantes. Ainsi, Énergie Saguenay participerait à la lutte mondiale contre les changements climatiques tout en émettant ici au Québec beaucoup de gaz à effets de serre.
Or, ces trois projets au Saguenay–Lac-Saint-Jean ne modifient pas ou si peu le modèle centre-périphérie qui, dans son évolution récente, draine de manière progressive la richesse régionale vers l’extérieur : on livrera toujours des matières premières brutes sur le marché, sans transformation en produits finis ou semi-finis, en utilisant des technologies sophistiquées qui créent peu de postes de travail.
On sait qu’en région, l’environnement économique de la majorité des PME est largement créé par les grands projets d’immobilisations qui sont par ailleurs de plus en plus rares. Pendant la décennie 2000, les quatre régions nordiques ont vu la valeur des expéditions (volume et prix) bondir de 125 %. Si la somme des immobilisations s’est accrue de 38 % pour atteindre 61 G$, les emplois quant à eux n’ont augmenté que de 1,2 %, grâce aux activités de la construction (+62 %) et des services (+6 %) puisque les activités de la transformation des matières premières ont perdu 9 000 emplois nets, pendant cette décennie, soit 25 % du niveau atteint en 2000. Bref dans ces quatre régions nordiques, le nombre d’emplois créés ne correspond pas du tout à l’envergure des immobilisations.
À tire d’exemple, pour extraire un million de tonnes de fer, il fallait 459 travailleurs en 1950, 153 en 2010 et seulement 51 sont prévus pour les projets en cours de réalisation. Les nouveaux projets nordiques qui demandent des contributions publiques en matière d’accessibilité aux sites tout en générant des impacts sur l’environnement n’occasionnent plus de nouveaux établissements humains. Sont utilisés des travailleurs mobiles en alternance entre lieux de travail et domicile. Ce qui rend ainsi impossible la structuration d’économies locales au Nord. En ce sens, les trois projets actuels proposés au Saguenay–Lac-Saint-Jean se présentent de manière beaucoup plus positive sous l’angle économique dans une région en léger déclin démographique qui menace la pérennité de plusieurs équipements et institutions notamment dans l’enseignement supérieur et la santé. Si ces trois projets sont inacceptables par la société québécoise, pourquoi les grands projets localisés plus au Nord le seraient-ils ?
En réalité, ces trois projets questionnés soulèvent parfaitement le débat sur l’avenir de la périphérie du Québec. Puisque les grands projets extractifs de ressources naturelles qui se présentent ne permettent pas ou peu la structuration de l’économie sur leur site d’implantation tout en générant des effets néfastes à un certain degré sur l’environnement, quelles sont les options qui s’offrent au planificateur ? On a vu ci-dessus qu’au sein des créneaux traditionnels, la diversification économique limitée pouvait inciter à se tourner vers de nouvelles niches largement désignées de terroirs, y compris la petite production d’énergie renouvelable. En outre, les régions peuvent aussi miser sur l’attraction de succursales de production dans les secteurs de la nouvelle économie qui fleurissent beaucoup dans la région métropolitaine de Montréal en faisant pression sur les frais d’exploitation en ces lieux. À cet effet, Saguenay possède déjà une petite grappe dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC), y compris CGI, Nordia et Ubisoft. Peut-être ces activités sont-elles suffisantes pour la diversification économique ? Ou alors les régions ne sont peut-être pas obligées de poursuivre leur développement, notamment si le coût environnemental est trop élevé ? Bref, plusieurs questions se posent, notamment celle concernant la pérennité des infrastructures, équipements et services établis jadis à grands frais pour construire un cadre de vie de qualité en région.
À notre avis exposé dans ce livre, ces questions devraient être posées dans le cadre d’un vaste exercice de planification globale des régions périphériques du Québec qui pourraient s’appuyer à la base sur les territoires MRC responsables de l’aménagement et du développement. Un tel exercice permettrait de soulever de nombreux enjeux aux acteurs mobilisés, notamment la démographie, l’innovation, les modalités de gouvernance, la renaissance autochtone, la mobilité des facteurs et des acteurs, l’environnement naturel fragile, l’éducation supérieure, les changements climatiques, l’acceptabilité sociale des projets, la diversification économique, etc.
Les régions du Québec ont un rendez-vous avec elles-mêmes. q
1 Marc-Urbain Proulx, Territoires et développement : la richesse du Québec, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2011.
* Entrevue de François-Olivier Dorais avec Marc-Urbain Proulx auteur du livre Splendeurs, misères et ressorts des régions. Vers un nouveau cycle de développement régional, Presses de l’Université du Québec, 2019, 272 pages