Les services de santé au Canada : Une perspective linguistique

L’accès à des services de santé dans leur langue maternelle est une des demandes les plus pressantes des groupes linguistiques minoritaires au Canada. Si les lobbys anglo-québécois tels Alliance Quebec et le Community Health and Social Services Network (CHSSN) militent depuis longtemps pour un élargissement de l’offre de services de santé en anglais au Québec, les francophones hors-Québec commencent seulement à faire entendre leur voix depuis quelques années. Le réveil fût sonné par la Commission de restructuration des services de santé en Ontario qui, à la fin des années 1990, tenta de fermer l’hôpital Montfort, le seul hôpital universitaire francophone à l’extérieur du Québec. Si les francophones commencent seulement à revendiquer des services de santé dans leur langue à l’extérieur du Québec, ce n’est pourtant pas qu’ils soient particulièrement choyés. Une étude réalisée en 2001 par la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) démontrait qu’entre 50 et 55 % des francophones vivant en milieu minoritaire n’ont aucun accès à des services de santé en français1. Et seulement 28,5 % des francophones hors-Québec, selon le rapport, ont un accès « total », c’est-à-dire régulier, à des services hospitaliers en français, comparativement à 80 % des Anglo-Québécois qui ont accès comparable à des services hospitaliers en anglais selon une étude similaire concernant les Anglo-Québécois2. Les francophones et les anglophones sont loin d’être traités de façon égale en ce qui concerne les soins de santé au Canada, même si leurs langues ont un statut d’égalité juridique selon la constitution canadienne.

 Les barrières linguistiques ont pourtant des impacts négatifs sur l’accès aux services de santé selon une étude de Santé Canada3: « Il a été démontré que les barrières linguistiques ont des effets négatifs sur l’accès aux soins de santé, la qualité des soins, les droits des patients, le niveau de satisfaction des patients et des intervenants et, surtout, sur les résultats des traitements ». Bref, l’accès à des soins en langue maternelle est non seulement une question de respect et de dignité humaine, mais également une question d’efficacité des traitements médicaux et de saine gestion.

Établissons tout de suite une distinction entre l’accès à des services en langue minoritaire et le contrôle des institutions par la communauté minoritaire. Dans le premier cas, certains ou la totalité des services d’un établissement seront offerts en langue minoritaire soit par du personnel traitant bilingue soit par le truchement d’un interprète. Dans le deuxième cas, l’établissement sera contrôlé directement par la communauté minoritaire et une partie ou la totalité des services seront offerts également en langue majoritaire. Cette distinction est importante. Voici pourquoi.

Une étude conduite par le sociologue Raymond Breton4 de l’université de Toronto dans les années soixante avait démontré que la « complétude institutionnelle », soit l’étendue du réseau d’institutions d’une communauté, influait sur le degré et la vitesse d’assimilation des membres de cette communauté à une communauté « d’accueil ». Un réseau d’institutions bien développé faisait en sorte que les membres d’une communauté s’assimilaient peu ou lentement à la communauté d’accueil et vice-versa. En appliquant ce modèle aux communautés minoritaires au Canada, il semble logique de penser que la présence d’hôpitaux et de services de santé destinés aux minorités linguistiques dans les provinces canadiennes influera sur l’assimilation linguistique des membres de cette minorité à la majorité. On peut penser qu’à la quasi-absence d’institutions de langue française à l’extérieur du Québec correspond le taux élevé d’assimilation linguistique des francophones hors-Québec. La corrélation très étroite qui existe entre le financement d’universités opérant en langue minoritaire et la vitalité linguistique des communautés minoritaires a déjà été démontrée dans un précédent article5. On peut penser qu’il existe une corrélation semblable entre le financement des établissements de santé opérant en langue minoritaire et la vitalité linguistique des communautés minoritaires.

Seul le cas de figure où la communauté minoritaire contrôle un réseau complet d’établissements de santé permettra à la langue minoritaire de s’imposer comme langue normale et habituelle de communication, ce qui permettra à son tour de garantir une certaine complétude institutionnelle et de favoriser la vitalité linguistique de la communauté (c’est ce que reconnaît le rapport du FCFA en souhaitant un « contrôle partiel ou complet des francophones dans la gestion des lieux »). Notre analyse portera à la fois sur l’accès aux services et le contrôle des institutions, mais se limitera aux établissements hospitaliers de courte durée (nommés « hôpitaux » au cours de ce texte), qui constituent la clef de voûte d’un réseau de services de santé digne de ce nom.

Or, les hôpitaux de langue française sont peu nombreux au Canada, la quasi-totalité de ceux-ci se trouvant au Québec. Malgré la présence de minorités francophones substantielles sur leur territoire, la plupart des provinces canadiennes n’offrent qu’un faible échantillon de services de santé en français, ou n’en offrent tout simplement pas du tout. Par exemple, les Franco-Ontariens, qui comptent pourtant plus d’un demi-million de personnes, ne contrôlent qu’un seul hôpital (Montfort) sur les 138 hôpitaux que compte l’Ontario. A contrario, les Anglo-Québécois contrôlent 11 hôpitaux dont le plus important centre hospitalier universitaire au Québec (soit le MUHC, le McGill University Health Center). Le niveau de financement des hôpitaux minoritaires est un indicateur qui permet de juger de l’étendue et de la diversité des services offerts. La complétude institutionnelle, dans ce cas, peut être considérée comme le niveau de financement accordé à ces institutions, niveau qui réflète à la fois la présence ou l’absence d’institutions et la diversité des services offerts.

Au cours de cet article, nous tenterons de dresser un portrait synthétique de l’offre de services en langue maternelle pour les minorités de langue officielle en m’attardant à deux aspects : 1) l’accessibilité des services et 2) le financement des hôpitaux. Le tout vise à vérifier si les institutions destinées aux minorités de langue officielle sont financées de façon équitable ; c’est-à-dire à un niveau du budget correspondant au prorata de la population minoritaire de langue officielle.

Les communautés linguistiques au Canada

Le tableau 1 présente des données portant sur la langue maternelle tirées du recensement de 2001. On y fait le décompte du nombre de francophones et d’anglophones ainsi que leur poids en pourcentage dans la population totale de chaque province canadienne.

Province

Population
totale

Anglais

Français

Pourcentage anglais (%)

Pourcentage français (%)

Québec

7 125 580

599 797

5 816 363

8,4

81,6

Nouveau-Brunswick

719 715

468 365

239 415

65,1

33,3

Ontario

11 285 550

8 099 663

513 797

71,8

4,5

Nouvelle-Ecosse

897 570

835 610

35 450

93,1

3,9

Alberta

2 941 150

2 409 065

62 865

81,9

2,1

Manitoba

1 103 695

838 372

46 167

75,9

4,2

Terre-Neuve

508 075

500 232

2 347

98,4

0,5

Ile-du-Prince-Edouard

133 385

125 435

5 890

94,0

4,4

Saskatchewan

963 150

826 607

18 772

85,8

1,9

Colombie-Britannique

3 868 875

2 869 068

59 862

74,1

1,5

           

Canada

29 639 030

17 633 505

6 803 285

59,5

22,9

* Les doublons, c’est-à-dire les répondants déclarant à la fois l’anglais et le français comme langue maternelle sont répartis moitié-moitié. Les données sont arrondies. Le total peut donc différer de la somme de ses parties.

Il y avait donc 599 797 locuteurs anglophones au Québec et 986 922 locuteurs francophones hors-Québec en 2001. Le tableau 2 fournit les effectifs selon la langue d’usage à la maison. Selon que le contexte soit plus ou moins assimilationniste, les locuteurs langue maternelle effectueront des transferts linguistiques vers la langue dominante et déclareront une langue d’usage à la maison différente de leur langue maternelle.

Selon la langue d’usage, on trouve donc 761 175 locuteurs anglophones au Québec et 614 715 locuteurs francophones hors-Québec en 2001. Cela signifie donc que les communautés anglo-québécoise et franco-québécoise ont gonflé leurs effectifs grâce à l’ajout de substitutions linguistiques : 161 378 personnes ont adopté l’anglais comme langue parlée à la maison et 126 562 personnes ont adopté le français comme langue parlée à la maison au Québec. Hors-Québec, 372 207 personnes de langue maternelle française ont fait un transfert linguistique vers l’anglais (soit un taux d’assimilation de 37,7 %). Globalement, le bilan des substitutions donne 2,48 millions de personnes de langue maternelle tierce ayant adopté l’anglais comme langue d’usage à la maison dont 245 645 francophones. On peut constater que l’anglais recrute des locuteurs dans l’ensemble du Canada tandis que le français en perd.

Tableau 2
Population selon la langue d’usage
* pour chaque province selon le recensement de 2001

Province

Anglais

Français

Pourcentage anglais (%)

Pourcentage français (%)

Québec

761 175

5 942 925

10,7

83,4

Nouveau-Brunswick

497 060

217 815

69,1

30,3

Ontario

9 438 463

309 467

83,6

2,7

Nouvelle-Ecosse

864 930

19 820

96,4

2,2

Alberta

2 700 225

20 835

91,8

0,7

Manitoba

991 887

20 942

89,9

1,9

Terre-Neuve

504 187

997

99,2

0,2

Ile-du-Prince-Edouard

129 997

2 817

97,5

2,1

Saskatchewan

920 805

4 815

95,6

0,5

Colombie-Britannique

3 310 935

17 205

85,6

0,4

         

Canada

20 119 665

6 557 640

67,9

22,1

* Il s’agit de la langue parlée le plus souvent à la maison.

À partir des tableaux 1 et 2, nous pouvons calculer l’indice de vitalité linguistique (IVL) pour chaque province (tableau 3). Il s’agit simplement, pour chaque groupe linguistique, de diviser le nombre de locuteurs langue d’usage par le nombre de locuteurs langue maternelle. L’indice de vitalité linguistique est une façon simple et élégante de représenter la persistance linguistique des locuteurs natifs ainsi que le pouvoir d’attraction d’une langue. Un quotient d’IVL inférieur, égal ou supérieur à 1 indique une vitalité faible, moyenne ou forte, c’est-à-dire que le groupe linguistique perd, conserve ou gagne des locuteurs.

Tableau 3
Indice de vitalité linguistique (IVL) selon le groupe linguistique pour chaque province

Province

IVL Anglais

IVL Français

Québec

1,27

1,02

Nouveau-Brunswick

1,06

0,91

Ontario

1,16

0,60

Nouvelle-Écosse

1,04

0,56

Alberta

1,12

0,33

Manitoba

1,18

0,45

Terre-Neuve

1,01

0,42

Île-du-Prince-Édouard

1,04

0,48

Saskatchewan

1,11

0,26

Colombie-Britannique

1,15

0,29

     

Canada

1,14

0,96

 

On y constate que le groupe anglophone possède un indice de vitalité linguistique supérieur au groupe francophone partout au Canada, c’est-à-dire que le pouvoir d’attraction de l’anglais domine largement celui du français et lui permet de gagner des locuteurs, son IVL étant supérieur à 1 pour toutes les provinces canadiennes. C’est d’ailleurs au Québec que l’IVL des anglophones est le plus élevé au pays !

En comparaison, le groupe francophone possède un indice inférieur à 1 pour toutes les provinces sauf au Québec, où l’IVL est très légèrement supérieur à 1. Ceci indique que le groupe francophone perd des locuteurs dans toutes le provinces excepté au Québec, où le français est faiblement attractif. A l’échelle canadienne, les francophones ont un IVL de 0,96 et les anglophones en ont un de 1,14. Globalement, au Canada, le français perd des locuteurs tandis que l’anglais en gagne.

L’accès aux services de santé en langue minoritaire

Au Canada, la santé est essentiellement une compétence provinciale. La loi constitutionnelle de 1867 donne des pouvoirs presque exclusifs aux provinces en ce domaine. Notons que ni la Loi canadienne sur la santé, ni la Loi sur les langues officielles fédérale ne reconnaît le droit à des soins de santé dans leur langue aux minorités linguistiques de langue officielle. La Loi canadienne sur la santé exige des provinces qu’elles « offrent les services de santé assurés selon des modalités uniformes et qu’elles ne fassent pas obstacle, directement ou indirectement, et notamment par facturation aux assurés, à un accès satisfaisant par eux à ces services ». C’est le principe d’accessibilité. Cependant, le terme « accès » n’étant pas défini, il n’est pas clair ce que constitue un accès satisfaisant. Si la Charte canadienne des droits et libertés consacre le droit à l’instruction primaire et secondaire dans la langue de la minorité, aucun droit n’est reconnu dans le domaine de la santé. Le droit à des soins de santé dans la langue de la minorité relève donc également des provinces. Le gouvernement fédéral ne peut intervenir que par le biais de son pouvoir de dépenser, accordé au parlement fédéral par la loi de 1867, et qui lui permet d’intervenir dans les domaines de compétences des provinces.

La situation des services de santé destinés aux minorités linguistiques dépendant du bon vouloir des provinces, leur situation est donc extrêmement variable d’une région à l’autre. La situation des Anglo-Québécois se distingue fortement de celle des francophones hors-Québec. Pourtant, ces deux groupes sont souvent mis sur un pied d’égalité dans le cadre théorique du gouvernement fédéral qui gouverne et justifie ses interventions dans le domaine des langues officielles.

Seuls le Nouveau-Brunswick de par la Loi sur les langues officielles de 2002 et le Québec de par la Loi sur la santé et les services sociaux de 1986 (la loi 142) ont encadré et défini l’obligation de fournir des services de santé dans la langue de la minorité et spécifié l’étendue de ces services. L’obligation de fournir des services de santé dans la langue minoritaire n’est pas inscrite dans la loi dans les autres provinces et leur prestation dépend essentiellement du bon vouloir de l’administration. Cet état de fait se réflète dans les statistiques sur l’accès aux services de santé en langue minoritaire ; alors que le Québec fait figure de modèle pour ce qui est de l’accès aux soins de santé en anglais, et que le Nouveau-Brunswick offre une performance acceptable, les autres provinces comme l’Ontario n’offrent pratiquement pas de services en français à leur minorité francophone.

Une étude non-scientifique6 réalisée par la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) en juillet 2001 indiquait que les soins de santé offerts aux francophones hors-Québec variaient considérablement d’une région à l’autre et souvent sans égard à la taille de la population de langue française. L’étude définissait quatre niveaux d’accessibilité, soit : aucunement accessible (moins de 10 % des situations), rarement accessible (entre 10 et 30 % des situations), partiellement accessible (entre 30 et 90 % des situations) ou totalement accessible (90 % et plus des situations). Les services devaient être localisés à moins d’une heure de route pour être considérés comme étant « disponibles ». Notons tout de suite que cette méthodologie est confuse et imprécise : logiquement, les services sont disponibles ou non, le critère « disponibilité partielle » n’est pas rigoureux et indique en fait qu’il n’y a pas de politique d’accessibilité aux services en français dans les établissements de santé visés et que leur prestation dépend en fait de la présence ou de l’absence aléatoire d’un francophone dans l’établissement. L’absence ou les vacances d’un médecin parlant français dans l’établissement conduira donc à une rupture des services en français ! Globalement, au moins la moitié des francophones hors-Québec n’ont pas accès à des soins de santé en français. L’accessibilité des soins hospitaliers en français varie énormément : de 36 %7 en Ontario à 97 % au Nouveau-Brunswick où se retrouvent 513 797 et 239 415 francophones, soit 76,3 % des francophones hors-Québec. L’accessibilité aux soins hospitaliers en Ontario est égale au tiers de celle au Nouveau-Brunswick alors qu’il y a deux fois plus de francophones dans cette première. On constate l’importance de définir l’obligation de fournir des services dans la loi, le bon vouloir de l’administration ne suffit apparamment pas pour fournir des services en français.

Seulement 28,5 % des francophones hors-Québec ont un accès « total », c’est-à-dire régulier, à des services hospitaliers en français. Les services en français sont de 3 à 7 fois moins accessibles que les services en anglais à l’extérieur du Québec8. Ceci est particulièrement dramatique étant donné que les francophones en situation minoritaire sont en moyenne plus âgées, moins scolarisés et moins actifs sur le marché du travail que leurs homologues anglophones et donc plus susceptibles de devoir recourir aux services de santé9. Et la situation des francophones ne va pas nécessairement en s’améliorant : outre la tentative de fermer Montfort à la fin des années 1990 (qui a échoué), l’hôpital de Caraquet qui dispensait des services en français a été convertie en centre de santé communautaire par le ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick en mars 2005. La juge qui a rejeté la demande d’injonction pour empêcher la fermeture de l’établissement a admis que la conversion en centre de santé communautaire causait un préjudice irréparable aux francophones de la région, mais que cette maneuvre n’était pas « illégale »10.

La situation des Anglo-Québécois se présente tout autrement. Un sondage scientifique mené par CROP pour le compte de l’Institut Missisquoi (un organisme proche du CHSSN, qui a pris la relève d’Alliance Québec dans le combat pour élargir l’accessibilité aux services en anglais) révélait récemment une masse de données intéressantes concernant la communauté anglo-québécoise11. Un total de 3126 entrevues individuelles ont été conduites ce qui donne une marge d’erreur de plus ou moins 1,8 %, 19 fois sur 20. L’étude a été financée par le gouvernement fédéral et fournit des données pour l’ensemble des régions du Québec. Notons que pour les fins du sondage, un « anglophone » était considéré comme relevant de la catégorie « première langue officielle parlée » selon le classement de Statistique Canada, catégorie qui inclut les individus qui n’ont pas l’anglais pour langue maternelle, mais ceux qui l’utilisent le plus souvent. En clair, la définition « d’anglophone » du CHSSN déborde la communauté historique de langue anglaise. On passe de l’obligation de fournir des services aux anglophones de langue maternelle à celle de fournir des services en anglais à tous ceux qui en font la demande. Il s’agit d’un glissement significatif. Limiter la définition d’ « anglophone » à ceux qui ont l’anglais comme langue maternelle aurait probablement un effet significatif sur les résultats du sondage (à la hausse sur l’accessibilité, étant donné la plus petite taille de la communauté).

Outre ce fait, la méthodologie de cette étude est beaucoup plus rigoureuse que celle du FCFA ; les questions sur l’accessibilité des services de santé sont posées de façon à savoir si le service a été utilisé dans les 12 derniers mois et s’il était disponible en anglais. Une disponibilité « partielle » n’est pas définie ou considérée. L’obligation de fournir des services en anglais étant inscrite dans la loi, la prestation de services ne dépend pas du bon vouloir de l’établissement ou de la présence d’un médecin parlant anglais. Disons tout de suite qu’une comparaison directe entre les données des études du FCFA et de CROP n’est pas rigoureuse ; les études diffèrent trop dans leurs méthodologies pour que les résultats soient strictement comparables. En outre, l’étude du FCFA n’a pas la prétention d’être scientifique. Cette remarque préliminaire étant faite, les données du FCFA étant les seules existantes et en attendant que le gouvernement fédéral mandate une maison de sondage pour conduire une étude sur les francophones hors-Québec, nous n’avons d’autre choix que de les utiliser pour tenter de dresser un portrait comparatif des communautés anglo-québécoises et francophones hors-Québec. Nous comparerons les données concernant l’accessibilité « totale » (90 % des situations de service) du FCFA avec celles de CROP.

L’étude de CROP nous aprend que 80 % des Anglo-Québécois ont accès à des services hospitaliers en anglais (alors que le chiffre correspondant n’est que de 28,5 % pour les francophones hors-Québec). Le Québec compte 11 établissements hospitaliers anglophones de courte durée. Et 86 % des Anglo-Québécois ont accès à des médecins parlant leur langue sur le territoire du Québec. Sur 6727 « situations de services » (types de services de santé, soit consultations médicales, séjours à l’hôpital, visite à un CLSC, etc.) offerts sur tout le territoire du Québec, pas moins de 5072 étaient disponibles en anglais à la date de l’étude, soit 75,4 % du total12. L’accessibilité aux soins de santé en anglais pour les Anglo-Québécois semble être très bonne. Elle semble excellente si on tient compte du fait que c’est la plus faible accessibilité des services en anglais dans les régions comptant très peu d’anglophones qui fait baisser la moyenne, presque tous les services étant disponibles en anglais à Montréal, en Outaouais, en Estrie, et en Montérégie où réside 83,6 % de la communauté anglophone du Québec. Les chiffres se répartissent ainsi : 60 % de la communauté anglophone est à Montréal où l’accessibilité à des services hospitaliers est de 83 % ; 5,8 % est en Outaouais où l’accessibilité est de 74 % ; 15,1 % Montérégie ou l’accessibilité est de 94 % et 2,7 % de la communauté est en Estrie où l’accessibilité est de 63 %. Au total donc, 83,6 % des Anglo-Québécois bénéficient d’une très bonne accessibilité (entre 63 et 94 %) à des services de santé hospitaliers.

Notons que l’accessibilité à des services hospitaliers n’était que de 12 % au Saguenay selon l’étude de CROP, mais il y avait seulement 0,6 % d’anglophones au Saguenay selon le recensement de 2001, soit moins de 2000 personnes sur une population totale de 270 000 personnes ; l’accessibilité était de 27 % à Québec alors qu’il y avait moins de 1,4 % d’anglophones soit moins de 10 000 personnes sur plus de 670 000 de population totale. Des données du ministère de la Santé datant de 200113 indiquaient d’ailleurs une absence de corrélation entre le nombre d’anglophones et le nombre d’établissements publics de santé obligés de dispenser des services en anglais par la loi 142. Ainsi, dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, 20 % des établissements sont tenus d’offrir des services en anglais pour desservir les anglophones qui comptent pour 0,6 % de la population. En Abitibi-Témiscamingue, le rapport est de 81 % des établissements pour moins de 3 % de la population. En Estrie, c’est 74 % pour 2,7 % de la population. Sur la Côte-Nord, le rapport est de 50 % pour moins de 5 % de la population. Notons qu’il y a un décalage entre les données du ministère et l’accessibilité des services hospitaliers. Ceci s’explique par le fait que l’obligation de fournir des services en anglais concerne l’ensemble des services et non pas seulement les services hospitaliers. Notons que le nombre de plaintes annuelles provenant de la communauté anglophone avoisine zéro pour toutes les régions du Québec14.

Si on considère les chiffres dans leur globalité, avec 75,4 % des situations de services étant disponibles en anglais, on peut dire que l’accessibilité aux services de santé en anglais est très bonne compte tenu du fait que les anglophones ne représentent que 8,4 % de la population du Québec ! La plus faible « accessibilité » des services en anglais au Québec est le lot de seulement 12,3 % des membres de la communauté anglophone, soit environ 74 000 personnes. A contrario, seuls 28,5 % des francophones hors-Québec ont accès à des services hospitaliers en français15, alors qu’ils comptent 986 000 personnes selon la langue maternelle et 614 000 personnes selon la langue d’usage. On peut donc dire qu’entre 300 000 et 500 000 francophones hors-Québec n’ont aucun accès à des services hospitaliers en français. Il y a donc entre 4 et 7 fois plus de francophones hors-Québec que d’Anglo-Québécois qui n’ont pas accès à des services hospitaliers dans leur langue maternelle.

Enfin, étant donné le nombre élevé d’établissements hospitaliers anglophones situés au Québec, il y a tout lieu de se demander si l’accessibilité aux services de santé en français est totale pour toutes les régions du Québec. Car il semble qu’il soit difficile d’obtenir des services de santé en français dans certains secteurs à Montréal : un rapport de l’Office de la langue française datant de 2001 indiquait qu’un patient sur cinq était en contact avec du personnel ne parlant pas français dans les hôpitaux anglophones de Montréal. D’autres études devraient être menées pour tracer un portrait plus précis de la situation dans les hôpitaux anglophones et les CLSC. Si des études subséquentes confirmaient le rapport de l’OQLF, alors nous pourrions conclure que le gouvernement du Québec se trouve dans la situation paradoxale d’avoir décrété le français langue officielle tout en demeurant le plus important employeur d’anglophones unilingues de la province !

Le financement

On peut considérer que les Anglo-Québécois ont presque la même accessibilité (à 75 %) aux services en anglais que les francophones aux services en français alors que les premiers représentent 8,4 % de la population et que les seconds font plus de 81,6 % de la population totale au Québec. Au Québec, les services de santé sont bilingues aux trois quarts. Malgré cet état de fait, le gouvernement fédéral dépense des sommes importantes pour augmenter l’offre de services de santé en anglais au Québec. Le Primary Health Care Transition Fund de Health Canada16 a récemment alloué 10 M$ aux Anglo-Québécois et 20 M$ aux francophones hors-Québec pour améliorer l’accès aux services de santé. Le « Plan d’action pour les langues officielles17 » prévoit 119 M$ sur 5 ans pour la santé en milieu minoritaire. Une proportion significative de cet argent sera réservée aux Anglo-Québécois. Malgré le fait que la loi oblige déjà un grand nombre d’établissements québécois à offrir des services en anglais et que le nombre de plaintes concernant la non-disponibilité de services en anglais avoisine zéro annuellement au Québec, des dizaines de millions sont investis par Ottawa au Québec pour élargir l’offre de services en anglais. Le gouvernement fédéral se comporte comme si les Anglo-Québécois et les francophones hors-Québec étaient dans la même situation alors que pour les premiers, il s’agit de compléter un panier de services déjà bien fourni tandis que pour ces derniers, il faudrait créer de toutes pièces les institutions nécessaires pour fournir les services de base.

Voyons ce qui en est pour le financement provincial.

Au Québec

Les données du recensement de Statistiques Canada de 2001 indiquent qu’il y a 81,6 % de francophones, 8,4 % d’anglophones et 10 % d’allophones au Québec (selon la langue maternelle). Une répartition équitable des sommes entre systèmes de santé anglophone et francophone devrait refléter la proportion relative de francophones et d’anglophones au Québec. Le budget 2004-2005 des établissements de courte durée contient des données fort instructives. On y constate que 11 établissements de courte durée sont tenus d’offrir tous leurs services en anglais, soit: le Lakeshore General Hospital, le Catherine Booth Hospital, le Lindsay Rehabilitation Hospital, le Richardson Hospital, le McGill University Health Center, le Jewish General Hospital, le St-Mary Hospital, le Douglas Hospital, le Gatineau Memorial, le Brôme-Missisquoi-Perkins Hospital et le Jewish Rehabilitation Hospital. Notons dès le départ que les établissements anglophones sont tenus selon la loi d’offrir également des services en français et ne sont ainsi pas « fermés » aux francophones. Notre but est de déterminer quel poids est accordé aux différents groupes linguistiques et quelle est la complétude institutionnelle pour ces groupes en ce qui a trait au système de santé. Le budget total des hôpitaux anglophones s’élève à 966 millions de dollars pour 2004-2005, soit 15 % du budget total pour les établissements de courte durée. Si nous rajoutons les investissements qui seront consentis pour construire les nouveaux mégahôpitaux à Montréal (le CHUM et le MUHC), soit environ 1,6 milliard de dollars, le total investi dans les hôpitaux anglophones dépasse 20 % du budget total au Québec. Il est intéressant de décortiquer les chiffres pour la région de Montréal : 35 % des sommes sont affectées au secteur anglophone à Montréal et seulement 65 % le sont au secteur francophone. Les anglophones bénéficient d’une complétude institutionnelle supérieure à la taille relative de leur groupe au Québec tandis que la situation est opposée pour les francophones.

Ce sur-investissement dans les institutions anglophones a probablement des impacts majeurs sur la langue de travail de nombreux citoyens et sur la tendance des transferts linguistiques au Québec.

En Ontario

Les établissements hospitaliers de courte durée sont rares à l’extérieur du Québec. Prenons le cas de l’Ontario, ou seul l’hôpital Montfort est contrôlé par les francophones, malgré la présence de plus d’un demi-million de francophones sur le sol Ontarien. Le budget de fonctionnement de Montfort était d’à peu près 75 millions de dollars en 2004-2005 sur un budget total de plus de 10,7 milliard destiné au fonctionnement des hôpitaux ontariens (tableau 4). Les Franco-Ontariens recueillent donc que 0,7 % du budget total, même s’ils constituent 4,4 % de la population totale.

Les Franco-Ontariens sont financés bien en-déça de leur poids démographique tandis que les anglo-Québécois sont financés au-delà de leur poids démographique.

Le gouvernement du Québec investissait 966 millions en 2004-2005 dans ses établissements hospitaliers de courte durée anglophones18. Pour pouvoir considérer que les communautés linguistiques de langue officielle sont traitées de façon équivalente, il faudrait que le gouvernement fédéral ou les provinces canadiennes investissent dans leur réseau d’hôpitaux francophones de courte durée des sommes équivalentes à celles que le Québec investit dans ses hôpitaux anglophones. Comme il y avait 599 797 Anglo-Québécois et 986 922 francophones hors-Québec en 2001 selon le recensement, si on tient compte du ratio de ces effectifs, on peut estimer que les provinces autres que le Québec devraient dépenser à peu près 1,5 milliard de dollars par année dans un réseau d’établissements de santé de langue française. Alors seulement pourrait-on parler d’une équité de traitement entre groupes linguistiques minoritaires au Canada.

Tableau 4
Equité de financement au Québec et en Ontario

Provinces (1)

Taille de la population minoritaire de langue officielle (2)

Pourcentage de la population totale (3)

Pourcentage du budget qui échoit à la population minoritaire (4)

Ratio entre % du budget et % de la population (5)

Québec

572 090

8,0

15

1,8

Ontario

493 630

4,4

0,7

0,16

 

Conclusion

Au cours de ce texte, nous avons démontré que les francophones hors-Québec et les Anglo-Québécois étaient loin de jouir des mêmes droits en ce qui a trait à l’accessibilité aux services de santé. Quinze pourcent du budget de fonctionnement des hôpitaux québécois est canalisé vers les établissements anglophones, tandis que seulement 0,7 % du budget équivalent ontarien échoue dans le système francophone. Il y a entre 4 et 7 fois plus de francophones hors-Québec que d’Anglo-Québécois qui n’ont pas accès à des services hospitaliers dans leur langue maternelle. Les provinces hors-Québec devraient investir près de 1,5 milliard de dollars par année pour fournir une gamme de services de santé aux francophones hors-Québec qui équivaut à peu près à celle dont jouissent les Anglo-Québécois. Pourquoi n’y aurait-il pas l’équivalent francophone du McGill University Health Center (un projet de 1,2 milliard de dollars !) à Toronto ou Ottawa par exemple ? Les effectifs des Franco-Ontariens le justifient bien. Les vingt millions de dollars que Health Canada alloue pour améliorer l’accès aux services de santé en français, bien qu’offrant une certaine visibilité au gouvernement fédéral et lui donnant le rôle si gratifiant de sauveur, ne permettront jamais d’offrir des services de santé de base aux francophones hors-Québec. Ottawa devrait plutôt canaliser le total des sommes investies en santé vers les francophones hors-Québec et faire en sorte que l’obligation d’offrir des services en français soit inscrite dans la loi fédérale et la loi de chaque province.

S’attarder aussi longuement à disséquer le financement des institutions n’est pas frivole, car le financement des institutions et la vitalité linguistique des communautés minoritaires sont liés. Certaines données sont éloquentes à cet égard, par exemple : une étude basée sur les données du recensement de 2001 portant sur la langue de travail19 indique que l’anglais est largement sur-utilisé au travail en égard au poids démographique des anglophones et demeure la langue de la mobilité sociale ascendante au Québec20. D’autres études21 font état du fait que les transferts linguistiques des allophones au Québec se font vers l’anglais à un niveau cumulatif voisinant les 63 %, soit à un niveau ne permettant pas de maintenir le poids relatif des francophones dans la population sur le long terme. L’excédent de financement des établissements de santé pour les anglo-Québécois aide probablement à orienter les transferts linguistiques en leur faveur au Québec ce qui leur donne un IVL de 1,27 tandis que le déficit de financement pénalise les franco-Ontariens (IVL de 0,60). Les inégalités de financement introduisent une distorsion dans les rapports entre anglophones et francophones au Québec en donnant à ces premiers un poids et une influence largement supérieurs à leur poids démographique. Le sur-financement du système de santé anglophone, en accordant un poids effectif à la communauté anglophone de 15 % au Québec (et de 35 % à Montréal où se concentre l’immigration), est un autre facteur qui contribue à ce que la communauté anglophone jouisse d’un ascendant sur la langue de travail et les taux de transferts linguistiques largement supérieur à celui qui devrait lui être accordé par son importance numérique réelle au Québec. Le sous-financement des institutions francophones partout au Canada apparaît aussi partiellement responsable du fait que la vitalité linguistique des francophones est franchement médiocre presque partout au Canada, se traduisant par un puissant mouvement d’assimilation à la langue dominante.

La Loi sur les langues officielles du Canada, en enchâssant dans la charte des droits une égalité juridique des langues sans se soucier de l’absolue nécessité du traitement asymétrique des langues au Canada (protéger le français partout au Canada, y compris au Québec), qui est la véritable condition nécessaire à l’atteinte de l’égalité réelle, a conduit à cautionner un bilinguisme inégalitaire au Canada, situation pernicieuse qui condamne – en l’absence d’un changement de cap majeur et inédit dans l’histoire canadienne – au dépérissement les communautés francophones minoritaires au Canada.

 

 


1 Pour un meilleur accès à des services de santé en français, Fédération des communautés francophones et acadienne, 9 septembre 2002. Voir : http://www.fcfa.ca/uploads/Rapport-Acces_FR.pdf

2 Report to the federal minister of health, Consultative Committee for English-Speaking Minority Communities, Health Canada, Juillet 2002, p. 12

3 Sarah Bowen, Barrières linguistiques dans l’accès aux soins de santé, Health Canada, 2001, Voir :

http://www.hc-sc.gc.ca/hppb/soinsdesante/pubs/barrieres/

4 Raymond Breton, « Institutional Completeness of Ethnic Communities and the Personal Relations of Immigrants”, The American Journal of Sociology, Vol. 70, No. 2, Sept. 196, 193-205.

5 Frédéric Lacroix et Patrick Sabourin, « Le financement des universités et la vitalité linguistique des communautés minoritaires au Canada », L’Action nationale, vol. xcv, no 7, septembre 2005.

6 Réalisée à partir de questionnaires et d’entrevues individuelles. L’échantillon de répondants n’était pas suffisamment important pour permettre d’assigner une marge d’erreur aux pourcentages d’accès calculés (il n’y avait que 89 répondants pour tout l’Ontario par exemple). Seules 300 personnes ont participé à l’étude pour tout le Canada ce qui est trop peu pour pouvoir tracer un portrait précis de la situation. Les chiffres réels peuvent donc être différents de ceux fournis par l’étude. Cependant, ces données sont les seules qui existent sur le sujet et peuvent être utilisées pour indiquer la tendance. Il y aurait urgence de réaliser une étude scientifique sur le sujet. Notons qu’un sondage scientifique traçant un portrait des soins de santé en anglais au Québec a été financé récemment par le gouvernement fédéral et réalisé par CROP. Mais l’argent pour réaliser le même genre d’étude ne semble pas être disponible pour les francophones hors-Québec…

7 Ce chiffre inclut l’accessibilité « partielle ». Il est donc optimiste.

8 p. 10 http://www.fcfa.ca/uploads/Rapport-Acces_FR.pdf

9 Pour un meilleur accès à des services de santé en français, Fédération des communautés francophones et acadienne, 9 septembre 2002. Voir : http://www.fcfa.ca/uploads/Rapport-Acces_FR.pdf

10 Radio-Canada, 28 mars 2005
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Index/nouvelles/200503/27/007-NB-hopital-caraquet.shtml

11 The Anglophone Community of Quebec in the year 2000, Missisquoi Institute, 2000, Voir: http://www.chssn.org/en/missisquoi.html

12 http://www.chssn.org/sante_canada/Building %20on %20our %20
strengths-final.pdf

13 Robert Dutrisac, « Réseau de la santé: Québec réduirait le nombre de postes bilingues », Le Devoir, 29 Novembre 2001.

14 Selon des données du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Communication personnelle.

15 p. 41 http://www.fcfa.ca/uploads/Rapport-Acces_FR.pdf

16 www.hc-sc.gc.ca/phctf-fassp/english/

17 Le « Plan Dion ».
http://www.pco-bcp.gc.ca/aia/default.asp?Language=F&Page=
ActionPlan&doc=ActionPlan/chap4_f.htm#notes

18 Données provenant du ministère de la Santé du Québec et calculs des auteurs.

19 Pierre Serré, « Portrait d’une langue seconde : le français comme langue de travail au Québec au recensement de 2001 », L’Action nationale, septembre 2003.

20 Fait intéressant, la proportion de places d’études dans le réseau anglophone québécois augmente avec le niveau de scolarité. Elle passe de 10 % au primaire et au secondaire, à 15 % dans les CEGEP, à 25 % dans les universités (calcul des auteurs basé sur les chiffres du MEQ). Plus on s’élève dans l’échelle du savoir, plus on offre de places d’études en anglais au Québec.

21 Charles Castonguay, « Analyse critique de l’amélioration de la situation du français observée en 2001 – Quelle est la force d’attraction réelle du français au Québec ? », Le Devoir, 10 décembre 2003

 

* L’auteur tient à remercier la fondation Langelier de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal pour avoir financé ce projet de recherche.