Noël Laflamme
Par qui nous nous anglicisons
Montréal, L’escargot bleu, 2021
Dans ce petit livre, Noël Laflamme lance un cri d’alarme sur la qualité de la langue telle qu’elle est pratiquée dans un certain nombre de médias québécois, principalement Radio-Canada. Laflamme avance la thèse selon laquelle les élites médiatiques du Québec ont délaissé le rôle de « modèle communicationnel » qu’elles avaient longtemps assumé et qu’elles sont, de ce fait, à maints égards, responsables de l’anglicisation des Québécois. En fait, ces élites auraient cessé de prêcher par l’exemple et d’offrir une langue correcte assimilable par mimétisme. Pour l’auteur, la langue des médias québécois est truffée d’anglicismes de tous genres et son livre vise à en apporter la démonstration.
Cette démonstration est très rondement menée. Laflamme s’est donné une méthode de travail aussi simple qu’efficace : s’exposer systématiquement à des contenus, repérer ce qui semble être des anglicismes, pour ensuite faire des vérifications. Entre le 4 et le 17 mai 2018, notre auteur a donc fait une série de coups de sonde dans des émissions de Radio-Canada (24 émissions) et dans des contenus du journal MÉTRO, de 24H Montréal et du Journal de Montréal. Il a repéré d’innombrables procédés à première vue douteux ; puis, il a procédé à des vérifications en consultant des outils de l’Office québécois de la langue française (la Banque de dépannage et le Grand dictionnaire terminologique) et, dans une moindre mesure, en utilisant Antidote. Le livre rend compte de ce travail.
Le résultat est à vrai dire assez catastrophant. Laflamme apporte 200 pages d’exemples. Pour chaque exemple, il offre une citation et présente la règle. L’échantillonnage semble assez aléatoire : dès lors qu’on intervient dans un des médias mentionnés plus haut, on est susceptible d’être pris en défaut. On trouve donc des extraits d’entrevues avec des célébrités et des personnalités publiques comme Maripier Morin, Régis Labaume, Marc Garneau ou Yolande James ; on trouve une foule de citations de journalistes professionnels tels Michel C. Auger, Patrick Masbourian, François Brousseau, Manon Globensky, Chantal Hébert ou Marie-Christine Blais.
La lecture de ce livre est quelque peu pénible, je dois dire, et ce, pour deux raisons. La première est qu’il est assez triste de constater à quel point notre langue est chargée d’anglicismes. L’accumulation des exemples a un effet assez sidérant. Je connais quelques-unes des personnes citées et je puis vous assurer que, pour ces personnes, la qualité de la langue, tant dans leurs interventions publiques que dans la vie quotidienne, est de la plus haute importance bien qu’elles cherchent sans cesse à associer efficacité de communication et respect des règles de la langue française. J’avoue que, bien naïvement, j’ai été très surpris de voir ces connaissances prises en défaut, à quelques reprises et de diverses manières. La seconde raison pour laquelle la lecture de livre est un peu pénible, c’est que tous les exemples sont formulés de la même manière. Après 30 pages, les lecteurs ont envie de dire : « nous avons compris »… Mais l’auteur d’insister : il nous en offre plus de 200 !nbsp;!
Il reste que ce livre constitue une pièce documentaire d’importance que les responsables de salles de nouvelles de Radio-Canada, du Journal de Montréal, etc., devraient considérer avec sérieux. À mon sens, Laflamme a raison d’insister sur la qualité de la langue dans les médias. Peut-être les responsables du Journal de Montréal en prendront-ils acte puisque depuis quelques mois, de nombreux articles sont consacrés à la pérennité du français et à la qualité de la langue au Québec.
Je me permets de faire la recommandation suivante à Monsieur Laflamme : nous offrir une seconde version de son livre. Dans cette seconde version, l’auteur pourrait équilibrer le propos en élaborant davantage ses analyses et en réduisant la place apportée aux exemples. Il serait en outre pertinent qu’il procède à une sorte de classement des anglicismes de sorte que l’on puisse mieux voir ce qu’il faudrait chercher à corriger en priorité. Et puis, il serait souhaitable que la maison d’édition soigne un peu plus la mise en page, car on a l’impression qu’il s’agit d’un document Word dont on a activé la fonction « format livre ».
Martin Blais
Université Saint-Paul