Notre Père, la Couronne

Geneviève Mckenzie Sioui est une artiste innue-wendat installée à Wendake depuis de nombreuses années. Elle a produit des documents de plusieurs formats : vidéos, films, chansons, etc. qui ont circulé dans les écoles autochtones à travers le Canada. François Sioui, autodidacte huron-wendat amoureux de l’histoire, réside à Wendake. Une version de ce texte a été présentée par G. Mckenzie Sioui à l’invitation du Mouvement Démocratie Souveraineté, le 14 octobre 2014, à Montréal.

NOTRE PÈRE, LA COURONNE, par la grâce de Dieu, Souverain du Québec et du Canada, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut !

MAÎTRE DE SON DESTIN DURANT DES MILLÉNAIRES, CONFRONTÉ À L’EXISTENCE, L’ABORIGÈNE NE SE SOUMET PAS,
IL S’ACCOMMODE DE L’HISTOIRE !

Au solstice d’hiver 2012, les tambours de l’enfant rouge résonnent d’un seul frappement à travers le pays : le bâton de parole a parlé, on est tous dans la danse, Idle no more : l’Ours est debout[1] ! Les tambours s’entrelacent, fini d’errer comme des spectres : Ô Canada, vois-moi, j’existe !

Ce vent froid venant de l’ouest en glace plusieurs. Les politiciens canadiens maugréent : « Moi qui voulais passer mes vacances de Noël dans le sud, ces Indiens n’ont pas la notion du temps ! » Ces politiciens se trompent ; justement, ces Indiens sont marqués au front, par les aiguilles de la couronne du Christ, dépouillés jusque dans l’âme, ils ont fait l’expérience de ses souffrances et de sa mort ; maintenant ils veulent vivre sa résurrection, son ascension vers le Père.

L’Ours se réveille de sa longue léthargie de plus de deux cents ans, le voilà propulsé au XIXe siècle ; Tunique Rouge est dans son antre, il l’a débusqué, le piège à patte est tendu, il va enfin avoir sa peau !

Au Québec, on voit que ça commence à sentir l’Oka à l’arrière-goût des paroles du poète québécois Claude Péloquin : « Vous êtes pas écoeurés de… », je ne peux même pas le dire, c’est… parce que… on est tous dans la danse !

Ô Amérique, terre de nos aïeux, la promesse d’un monde meilleur ; tout est à faire, tout est à prendre, tout est à se donner ! Des rivières, des lacs, des forêts immenses, des cieux si purs, des oiseaux de toutes sortes, des animaux à fourrure à bonne viande et à cuir souple, de longs arbres sans branches, bons pour le bâtiment, de beaux gros poissons à chair tendre si douce aux gencives, de grands blés d’Inde qui battent aux vents, des herbes fraîches pour la couche, des femmes sauvages à convertir ! Au nom du Christ Sauveur, je m’agenouille ; au nom de mon roi, Dieu m’en est témoin, j’en suis preneur ! VIVE LE ROI !

Kapek, kapek, descendez, descendez ! Fort de sa civilisation plusieurs fois millénaire, la Coutume de Paris (1534) s’abat sur le rivage du monde nouveau. La croix de Saint-Michel[2] est plantée, l’épopée coloniale commence. À la manière de Robert Bourassa, dictons l’histoire coloniale : « Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, “la Nouvelle-France” est, maintenant et pour toujours, une société distincte, libre et capable “d’assurer la destinée et le développement des peuples sauvages” » !

Coup de théâtre : la Nouvelle-France s’évanouit (1760). Le rideau se lève. Le Québec arrive en force sur l’Union Flag[3], muni de la croix de Saint-Georges, de Saint-Patrick, de Saint-André, de Saint-Michel, de la proclamation royale (1763) et du droit anglais : sa magnifique puissance s’établit ; ce qui fera écrire au juriste canadien-français Rodolphe Lemieux : « La France nous a donné la vie, nous devons à l’Angleterre la liberté[4]. »

Pour les peuples sauvages, c’est la découverte, on leur apprend des jeux de société : le casse-tête, le qui-perd-gagne, la chaise musicale, l’entre-deux-chaises, la chaise vide… On signe des traités. Laissons Grand-Père nous raconter :

Ils m’ont dit : laisse ton bâton, prends ma hache, ça fesse plus fort ! Ils m’ont dit : laisse ton canot, prends ma voile, tu iras plus vite mon homme ! Ils m’ont dit : laisse ton outarde, prends mon poulet, il est déjà déplumé ! Ils m’ont dit : ne chasse plus ton caribou, prends mon bœuf, il est déjà tranché ! Ils m’ont dit : laisse ta tente, prends mon bois et mon carton, ça dure plus longtemps ! Ils m’ont dit : laisse ta terre, prends mon argent ; t’as le droit à ta ration, mon chum ! Et je leur ai dit : embrassons-nous, Grand Dieu !

On leur promet la pleine propriété de leurs terres à chasse et on leur assigne des réserves, missionnaires inclus, pour les protéger de la colonisation eurocanadienne ; le domaine de l’Indien est créé : on ne prend plus, on achète.

L’ami des sauvages ne peut pas non plus réclamer pour eux, une compensation en argent basée sur la valeur actuelle du terrain, valeur qui n’a été créée que par l’industrie et la présence des habitants de la race blanche. Le sauvage ne connaissait nullement l’art[5] de cultiver la terre. La seule valeur du terrain pour l’habitant des forêts, c’est qu’il peut y faire la chasse, et faire son approvisionnement de gibier et de fourrures. Et le progrès de la civilisation, la destruction des forêts par les marchands de bois et de fourrures ont détruit cette valeur pour les sauvages[6].

En compensation, des présents et une rente annuelle du gouvernement sont donnés à eux et à leurs descendants à perpétuité, annuité équivalente au moins à tout bénéfice qu’ils auraient retiré de la jouissance de leurs terres[7].

Puis, les indigènes deviennent obsolètes, les guerres sont terminées ; la problématique autochtone se concrétise. L’indigène se lamente, son être est écartelé : son âme est à Christ, sa terre à Saint-Michel, sa personne à Saint-Georges, Saint-André et Saint-Patrick. Le Colonial Office est déterminé à abolir le Département des affaires indiennes.

Les promesses faites aux aborigènes n’ont jamais reçu la sanction délibérée de Sa Majesté britannique : il faut les voir comme expédients politiques pour se défendre des ennemis extérieurs[8].

Et encore :

Une vieille coutume a fait croire aux sauvages qu’ils avaient des droits à la bonté de leur Père puissant, comme ils appellent Sa Majesté le Roi de la Grande-Bretagne, et si on diminue ou cesse d’accorder cette faveur, on sera considéré comme manquant à la bonne foi, crime injustifiable à leurs yeux, et qui sera assurément suivi de conséquences qu’il faudrait éviter[9].

Les sauvages s’exaspèrent : « Non ! Donne-le encore, c’est mon cœur, c’est ma terre ! » De temps immémoriaux, leur sang abreuve cette terre ; la pression se fait sentir. Redonnons la parole au Rapport Pennefather de 1858, commandé par le Gouverneur général de l’Amérique britannique :

À raison de ces causes de négligence et de mal administration d’une part, et d’impuissance et d’incapacité de l’autre, nous pensons, qu’en équité, les sauvages ont droit aux soins et à la protection spéciale de la Couronne britannique ; en consultant l’histoire, nous croyons encore que les sauvages ont rendu des services en temps de guerre et de paix, qui méritent la reconnaissance de leurs voisins d’origine [française puis] anglaise. N’oublions jamais qu’ils ont, dès les premiers jours, accueilli les Blancs […] à la volonté insatiable, avec bienveillance sur leurs territoires, qu’ils leur ont cédé leurs terres pour y former des établissements, et qu’à leur première demande, ils ont saisi le tomahawk, et répandu leur sang volontiers dans des guerres entreprises dans le seul intérêt des nouveaux venus.

On a dit, avec raison, que les réclamations des sauvages au sujet de leurs anciennes possessions territoriales, se résolvaient aujourd’hui en un droit d’indemnité pour la perte des terres qui leur procuraient autrefois les moyens de subsistance, et dont ils avaient été dépouillés par le Gouvernement pour les fins de la colonisation. On a ajouté, avec vérité, que la mesure de cette compensation, devait être de les placer et les maintenir dans une position aussi avantageuse, dans le moins, que celle dont ils jouissaient dans leur ancienne condition[10].

Le Père puissant tranche : enfants de Sa Majesté ils resteront.

Les Pères de la Confédération (1867) établissent les bases de l’idéal canadien, mettre le Canada sur les rails et concilier les défis nationaux : pour l’Anglais, prendre le taureau par les cornes, c’est-à-dire dominer le terrain ; pour le Français, faire labourer le taureau, c’est-à-dire mieux vivre sans trop d’effort ; pour l’autochtone, faire cuire le taureau, c’est-à-dire satisfaire sa faim dans l’immédiat. Le Canada est sur ses rails, les grands projets, les coupes de bois, le papier, les mines à ciel ouvert, les grandes cultures, tout coule à flot sur la voie maritime. Les grands barrages hydroélectriques se font et s’étirent sur le territoire. Le nationalisme québécois s’enracine : « Maîtres chez nous[11] ! » « Emparons-nous du sol, si nous voulons conserver notre nationalité[12] ».

La problématique autochtone refait surface, le jugement Malouf (1973) tombe : la Loi de l’extension des frontières du Québec de 1912 oblige le Québec à traiter avec les Indiens. Il ne s’agit plus seulement de harnacher le peuple aborigène pour qu’il coule vers l’Occident, il y a tout ce sens profond qu’a imprégné à son âme la destinée ; l’imaginaire indigène cri et inuit a droit à son intégrité. Le prix ? Éteindre son titre ancestral sur ses terres du Québec.

La Nouvelle-France remonte sur la scène (1980) ; le Québec l’expulse[13]. Le Québécois a besoin d’un défi plus grand que le pays, son assiette. Penser le pays l’oblige à retourner vers ses racines ; son tronc et ses branches l’amènent vers le ciel, il veut en récolter le fruit : le Québec. L’Indien ne bouge pas. Onontio a fait ses présents[14].

Le Gouvernement libéral affirme la souveraineté canadienne. Il rapatrie la Constitution (1982). Il y assoit le Québec, une province comme les autres. Il y enchâsse les droits ancestraux ainsi que les droits issus de traités existants et à venir des autochtones. À partir de maintenant, le déni est justifié, le déni est justiciable ; ce qui fait dire aux visionnaires politiques que l’autonomie autochtone est un iceberg assujetti aux courants politiques canadiens qui terminera son cours dans un bon verre de whisky écossais ; ou… sait-on jamais, autour d’une bonne bouteille de vin français.

La Cour suprême du Canada (1990) reconnaît légalement un traité huron-britannique de 1760. Les gouvernements critiquent, le déni est justifié : les neuf juges ont erré en droit, « un cas de révisionnisme historique […] d’un sauf-conduit[15]. »

La crise d’Oka (1990). Dans la résidence du gouvernement à Montréal, à la veille de la guerre canado-américaine de 1812, douze ans après la mort du dernier jésuite J.J. Cazot, un chef prend la parole : « Père, je veux te rappeler ce que tu nous a promis, tu as dit : “Mes enfants, soyez tranquilles sur votre morceau de terre ; aussitôt que le dernier jésuite mourra, je vous le rendrai ; je vous dirai alors, tenez, mes enfants, reprenez ce qui vous appartient.” ». À ce moment, le gouverneur Sir George Prévost réplique : « Mes enfants, c’est à vous à commencer ; si vous faites votre devoir dans la présente guerre, je ferai le mien aussi ; si nous en sortons heureusement, je vous rendrai ce qui vous appartient ; mais c’est à vous à commencer à le défendre contre les ennemis[16]. » Or, 178 ans plus tard, dans le litige du golf d’Oka et du cimetière indien, sur l’argument selon lequel « si les vivants n’ont pas leur place, encore moins les morts », on statue : golf il y aura !

Les tambours résonnent, une balle perdue de 1812 siffle : quand on bouge les cendres, les morts s’agitent. La crise s’affaisse avec fracas, au coût de centaines de millions de dollars canadiens ; la croix a eu raison du putter.

Le Québec souverainiste saborde le Beau Risque (1984). Le Canada coule le Meech Lake (1990) et le Charlottetown (1992). Il évacue l’autonomie des autochtones et la société distincte québécoise : le progrès de la prééminence canadienne est sa priorité. Le Patriote canadien remonte sur la scène[17] ; le Québec, l’argent et les votes ethniques l’expulsent (1995). Le Québécois, « enclin aux jouissances sociales[18] », voit dans l’accession à l’indépendance, « une lutte non de principes, mais de races[19] ». Il déteste la bigorne de salon ; le love in de Montréal « On t’aime Québec ! » a ému son cœur. Le Bloc est un déchirement, le Québécois ne peut échapper à son destin, son sang a signé l’histoire canadienne.

L’Indien bouge : « NON ! Laissez-moi mon Père puissant ! »

Une constitution québécoise sans Indiens, s’avoue être une historicité amputée. En réponse à la problématique autochtone, la Commission royale sur les peuples autochtones (1996) est bien reçue. Écoutons l’allocution des présidents :

« Dans un souci d’équité, d’indulgence et d’autonomie, dotons le peuple autochtone de structures, qui lui ressemblent où il se reconnaît, afin qu’il s’engage sur cette voie à son propre rythme[20]. » « Le droit est un élément de la vie, dit-on ; n’essayez pas de le fixer dans une lettre-morte, vous tueriez la vie[21] ». La politique canadienne a l’essence de la couleuvre, son naturel est de faire peau neuve, rien n’arrête sa mouvance dans le temps, elle progresse par la tête et non par la queue. L’Indien canadien en est son œuvre ! La problématique autochtone reste peau morte sur le sol.

Le héraut conservateur renoue avec le Canada français : « Les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni[22] » (2006). L’exp

édient politique est la panacée de l’hégémonie canadienne. Le nationaliste québécois touche des lèvres la terre promise.

À notre époque de rénovation sociale et individuelle, au sein de ce besoin continuel de réforme qui est devenu comme la seconde nature des peuples civilisés qui ont pris le « progrès » comme devise, il va de soi que ce qui reste stationnaire, ce qui ne suit pas le mouvement et la marche des êtres perfectibles, est destiné, tôt ou tard, sinon à périr entièrement, du moins à se transformer ou à tomber dans l’oubli[23].

Tel est le sort des peuples aborigènes du monde. L’ONU le confirme par la « Déclaration sur les droits des peuples autochtones (2007) » entérinée par la majorité des gouvernements mondiaux, dont le Canada (2010) ; en voici l’article 8 :

1 Les autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne pas subir d’assimilation forcée ou de destruction de leur culture.

2 Que les États mettent en place des mécanismes de prévention et de réparation efficaces visant :

a) Tout acte ayant pour but ou pour effet de priver les autochtones de leur intégrité en tant que peuples distincts, ou de leurs valeurs culturelles ou leur identité ethnique ;

b) Tout acte ayant pour but ou pour effet de les déposséder de leurs terres, territoires ou ressources ;

c) Toute forme de transfert forcé de population ayant pour but ou pour effet de violer ou d’éroder l’un quelconque de leurs droits ;

d) Toute forme d’assimilation ou d’intégration forcée ;

e) Toute forme de propagande dirigée contre eux dans le but d’encourager la discrimination raciale ou ethnique ou d’y inciter.

L’exutoire autochtone prend le chemin de la Commission de Vérité et de Réconciliation du Canada (2008), formule internationale non juridique de la justice du pardon. « Larmes, colère, espoir[24] » envahissent la colline parlementaire canadienne. La personne de l’Indien est sous l’autorité de la Couronne fédérale. Le Canada évalue : le mouchoir dans la main, le premier ministre s’excuse au nom de tous les Canadiens, pour tous les sévices subis par les autochtones, dans les pensionnats chrétiens pour autochtones.

Il faut bien comprendre que les larmes s’essuient inévitablement avec un mouchoir.

La mort d’une civilisation résulte de l’accumulation de ses non-compréhensions, de ses non-savoirs, de ses ignorances, de ses incapacités à saisir la situation. Ces individus illettrés deviennent stupides, ils se dégradent, ils meurent. Ils reçoivent l’impact de cette quantité énorme de culture extérieure ; submergés, BOUM, ils s’effondrent sur-le-champ[25].

Pendant ce temps au confessionnal :

– « Combien de fois ai-je péché mon fils ? »

– « Au moins trois fois Mon Père, comme le Serpent l’a fait avec Ève dans le Jardin. »

– « Tu sais mon fils, le pardon est une grande marque d’humilité. Va et sois en paix. Je ne recommencerai plus ! »

Comment un être injustement traité peut-il s’intégrer à la vertu de son confesseur ?

Il existe un abîme entre légitimité et légalité quand on veut soumettre forcément la culture des peuples autochtones à celle des peuples occidentaux. Le juriste François Laurent[26], confiant en la perspicacité de l’homme, pense que les lois impériales étant perfectibles finiront par satisfaire les autochtones et leur rendre justice, cela à deux conditions : d’abord, que les législatures et les jurisconsultes apportent des corrections significatives et des innovations d’appoint au droit en vigueur ; ensuite, il est essentiel que le juriste démontre une liberté et une éthique optimales « puisque comme le père engendre le fils, l’autorité du législateur engendre le jugement ».

Par conséquent, selon la règle juridique du droit hérité du Vieux Continent, même si la loi est mauvaise, n’importe : « C’est une loi, elle lie le juge, il doit l’observer[27]… », conscient de la faillibilité de la justice humaine, le juge en chef de la Cour suprême Antonio Lamer (1993) confirme le principe de la primauté du droit (et non du simple statu quo[28]), il étend aux avocats l’exigence d’éthique impartiale auprès du justiciable autochtone et attribue au juge la tâche de montrer le chemin de la réforme !

Le droit fait la loi ! La loi fait le droit !

Membre du G7, le Canada affirme sa suprématie sur le territoire national ; il y envoie « argumentum baculinum »[29] son escadrille de lois réformistes ; rien n’arrêtera le progrès de la richesse du Canada, « ses ressources seront tournées au profit de sa population ; elles sont le patrimoine légitime du peuple “canadien”, l’ample apanage que Dieu et la nature ont réservé dans le Nouveau Monde à ceux à qui le sort n’a donné que des héritages insuffisants dans l’ancien[30]. »

Depuis les trente dernières années, après maints jugements favorables aux autochtones, le gouvernement canadien change les règles du jeu, il réinvente le jeu du Dédale des lois : le labyrinthe de « La loi, c’est la loi ». Il adopte les lois omnibus C-38, C-45, et dépose huit autres projets de loi, le C-428, le S-2, le S-6, le S-8, le S-207, le S-212, le C-27, le C-47 qui modifient substantiellement ses rapports juridiques, financiers, politiques, environnementaux, territoriaux, avec les peuples autochtones, et leurs droits à l’éducation et à la santé, sans consulter ces derniers préalablement[31].

Le Gouvernement de Sa Majesté britannique a fait, par le passé de l’Indien canadien, une exception dans ses lois coloniales, c’était pour le protéger des méandres de la colonisation eurocanadienne ; en ce XXIe siècle, maintenant qu’il a atteint sa maturité juridique, il a les mêmes droits, les mêmes privilèges, et les mêmes responsabilités que tout autre citoyen envers le peuple canadien. Son destin politique et son développement doivent s’exprimer à l’intérieur de l’État canadien. Que les juges fassent primer la règle de droit canadienne ! L’intégrité de la couronne canadienne doit être préservée. Assurer la pérennité de son bien-être collectif est la volonté souveraine du peuple canadien et ce mandat est confié à son gouvernement. Les Indiens sont inconfortables[32] avec ces nouvelles politiques « boomerang » fédérales, elles écorchent leurs droits ancestraux et leurs droits issus de traités. Le droit c’est le droit, « le Canada manque à la bonne foi, crime injustifiable à leurs yeux. »

Idle no more, ce mouvement populaire ayant une base autochtone se confond avec la confrontation des grands mouvements politiques canadiens de gauche et de droite. Il dénonce avec véhémence les lois C-38 et C-45 qui opèrent des changements profonds à la loi sur les eaux navigables et aux lois se rapportant aux premières nations. S’il s’est répandu comme une traînée de poudre, c’est qu’il s’est présenté sous le masque de la tradition aborigène en péril ; les tambours en action ont transformé l’impuissance en solidarité. La carte indienne a servi, encore une fois, comme stratégie déstabilisatrice pour certains grands partis politiques fédéraux. Mais attention : quand on bouge les cendres, les morts s’agitent. Ce mouvement, par son action soutenue, a eu un effet positif sur la politique autochtone ; le gouvernement fédéral a tendu l’oreille aux chefs indiens, le dialogue a repris. Le passé est garant de l’avenir, la Couronne assumera son choix souverain, puisque la loi, qu’elle soit bonne ou mauvaise, lie le juge, il doit l’observer ; et… qu’en est-il de l’Indien ?

Je peux juste vous dire : on est dans la danse !

Le sort déplorable qui semble réservé à la plupart des tribus « américaines naturelles » prête à l’histoire un intérêt d’un autre genre : aussi longtemps qu’il en restera une seule sur ce vaste continent, elle sera méprisée et pourchassée. Mais la dernière famille n’aura pas plus tôt disparu que les sentiments des hommes seront changés. Le philosophe regrettera de ne pouvoir converser avec une race d’hommes qu’il jugera la plus intéressante du globe ; et le dessinateur, de ne pouvoir retracer les traits qui se seront effacés dans l’oubli[33].

De par ce qu’il est, l’aborigène ne se soumet pas, il s’accommode de l’histoire ; son épanouissement réside dans la volonté de l’être à éprouver son existence au-delà des limites de son individualité, affirmant du coup l’authenticité de sa mémoire collective. Assis sur son fondement, l’Ours canadien regarde le taureau ruminer son destin… Ô Amérique, terre de nos aïeux, la promesse d’un monde meilleur ; tout est à faire, tout est à prendre, tout est à se donner ! Au nom du Christ sauveur, je m’agenouille ; au nom de mon roi, Dieu m’en est témoin, j’en suis preneur ! VIVE LE ROI !

Novembre 2014

 

 

 


 

[1]L’ours debout, écusson antique Huron-Wendat.

[2]Croix blanche de Saint-Michel sur fond bleu. La guerre de Cent Ans l’érige en drapeau militaire maritime de France.

[3]L’Union Flag est le drapeau de la Grande-Bretagne en 1763, il portera le nom d’Union Jack à partir de 1801 par l’ajout de la croix irlandaise de Saint-Patrick pour devenir le drapeau du Royaume-Uni comprenant également les croix de Saint-André (Écosse) et de Saint-Georges (Angleterre).

[4]Les origines du droit franco-canadien, Rodolphe Lemieux, LL.D., C.R. Montréal, C. Théoret, éditeur. Librairie de droit et de jurisprudence 11 et 13 rue St-Jacques, 1900.Version PDF oocihm.08604.pdf, Canadiana. Avertissement page 10.

[5]La science de la transformation des métaux et autres

[6] Rapport dit Bagot de 1845 et 1847 : Rapport sur les affaires des Sauvages en Canada, sections 1ère et 2ème. Mis devant l’assemblée législative, le 20 mars 1845. 8 Victoriae. (Appendice E.E.E.) A. 1844-5, version PDF oocihm.9_00962_4_2.pdf, pages 451 à 494, Canadiana. ET : Rapport sur les affaires des Sauvages en Canada, soumis à l’Honorable Assemblée Législative pour son information ; section III, 11 Victoriae Appendice (T.) A. 1847.Version PDF ooichm.9_00962_6_1.pdf, pages 327 à 607, Canadiana

[7] Ibidem

[8] Rapport dit Pennefather de 1858 : 21 Victoria, appendice (no. 21.) A. 1858. Rapport des commissaires spéciaux, nommés le 8 de septembre, 1856, pour s’enquérir des affaires des Sauvages en Canada. Toronto : Imprimé par Stewart Derbishire & George Desbarats, 1858.Version PDF oocihm.9_00962_16_6.pdf, pages 17 à 309, Canadiana. Comte Grey, 1850. Expédients : promesses non tenues.

[9]Lord Dalhousie, 1822, et Rapport sur les affaires sauvages en Canada, 20 mars 1845 (Bagot)

[10] Les auteurs soulignent en gras.

[11] Thème de la campagne de 1962 du parti libéral provincial québécois.

[12]Le Saguenay en 1851, Histoire du passé, du présent et de l’avenir probable du Haut-Saguenay au point de vue de la colonisation, Québec, Imprimerie d’Augustin Côté et Cie,1852.Version PDF, Canadiana oocihm.34131.pdf , couverture.

[13] Référendum sur la souveraineté du Québec de 1980.

[14]« Onontio » est le nom donné par les Indiens au Gouverneur de la Nouvelle-France. René Lévesque.

[15]Gaston Deschênes, Le Traité de Murray : un cas de révisionnisme historique, Montréal : Éd. du Septentrion, 2010 ; blog.

[16]Aboriginal Tribes. (North America, New South Wales, Van Diemen’s Land, and British Guiana.), Colonial Department, Downing-Street, June 1834. Ordered, by The House of Commons, to be printed,14 August 1834.Version Pdf oocihm.9_01017.pdf, pages 81, Canadiana.

[17] Référendum sur la souveraineté du Québec de 1995. La révolte des patriotes de 1837-38.

[18] Rapport de Lord Durham, haut-commissaire de Sa Majesté, etc., etc., sur les affaires de l’Amérique septentrionale britannique, Montréal 1839, 205 pages. Canadiana, http://eco.canadiana.ca/view/oocihm.32373/, pages 7-8-14.

[19]Ibidem

[20] La commission royale sur les peuples autochtones 1996, allocution des présidents, commission Dussault-Erasmus.

[21] Gonzalve Doutre,B.C.L. et Edmond Lareau, L.L.B, Le droit civil canadien, suivant l’ordre établi par les codes, précédé d’une histoire générale du droit canadien, Tome premier, histoire générale du droit canadien (1492-1791). Montréal, Alphonse Doutre et Cie, Librairie, éditeur, 1872

http://eco.canadiana.ca/view/oocihm.02750/3?r=0&s=1

[22] « Stephen Harper se jette dans la mêlée » Ici.Radio-Canada.ca, 22 novembre 2006. « Dans une déclaration aux Communes, le premier ministre court-circuite le Bloc québécois en présentant sa propre motion reconnaissant que les Québécois forment une nation au sein d’un Canada uni. »

[23] Gonzalve Doutre,B.C.L. et Edmond Lareau, op. cit.

[24]Société Radio-Canada, 24 juillet 2013

[25]Ron L. Hubbart, Les Conférences sur l’étude.

[26]Le droit civil canadien, op.cit. François Laurent, docteur en droit de l’université de Gand 1836-1887. « Il faut que l’étude du droit soit éclairée par la philosophie de l’histoire. »

[27]Ibidem

[28]La redéfinition des relations entre les peuples autochtones, l’ensemble des citoyens et le droit. Mémoire du Barreau du Québec, octobre 1995, déposé à la Commission royale sur les peuples autochtones (Dussault-Erasmus).

[29]Dictionnaire Larousse, locutions latines : argument du bâton.

[30] Rapport Durham, 1839, page 8.

[31] Voir Projet de loi C-45, Bureau de Dennis Bevington, député de Western Arctic, 2013 [PDF] Projet de loi C-45 – Dennis Bevington

www.dennisbevington.ca/pdfs/fr/2013/Projet_de_loi_C-45_francais.pdf

4 mars 2013 – Qu’est-ce qui se trouve dans le projet de loi C-45, le projet de loi omnibus d’exécution du budget ? 2. Conséquences pour la démocratie. 3. Répercussions sur les Autochtones et leurs collectivités

[32]Lorsqu’une tribu aborigène canadienne s’installe sur un territoire, on dit qu’ « elle s’y assoit ». Voici le début de la harangue d’un chef huron à Détroit, aux Grands Lacs, en 1749 : « Lorsque Sastaretsi (grand chef de la Confédération huronne-wendat) s’est assis à Détroit… ». Il faut prendre le sens moral et figuré du mot « inconfortable ».

[33] F.M. Maximilien Bibeau, Biographie des Sagamos illustres de l’Amérique septentrionale, Montréal : 1848. Voir M. Dainville, tome VIII