Prix Rosaire-Morin 2022 – allocution du lauréat

Discours du lauréat du prix Rosaire-Morin 2022

Je suis honoré de recevoir aujourd’hui le prix Rosaire-Morin, un prix soulignant mon apport à notre cause à tous, la cause de l’indépendance du Québec. Je suis d’autant plus touché que j’ai connu Rosaire Morin au tout début de ma carrière. C’est lui qui m’a fait entrer dans le cénacle des auteurs de L’Action nationale, en acceptant un texte qu’il savait déjà publié au Bulletin d’histoire politique quelques mois plus tôt. Je le lui avais avoué, en toute franchise, car bien que parfait innocent au sujet des règles de publication entre revues, je reconnaissais à L’Action nationale son droit de publier ou non tout texte qu’elle jugeait digne d’intérêt.

Ce texte, intitulé « La souveraineté interdite. Avec un mode de scrutin proportionnel adéquat, le Québec aurait pu devenir indépendant dès le début des années soixante-dix », a obtenu en 1999 le prix André-Laurendeau, décerné à l’article de l’année publié dans L’Action nationale. Ce prix était doté d’une généreuse bourse de 1 000 $. Autres temps, autres mœurs, j’ai dû être l’un des derniers à obtenir un tel cachet !, d’autant que la revue entrait progressivement dans un contexte de restructuration budgétaire qui devait voir son nombre d’employés passer de trois ou quatre à un seul. Avoir à le refaire aujourd’hui, j’aurais renoncé à ces sous afin de protéger cette revue de combat à laquelle je tiens tant.

Je suis d’autant plus touché de recevoir le prix Rosaire-Morin que j’ai produit mes écrits dans un contexte particulier, celui d’être « hors les murs ». Bien que j’ai tenté de me joindre professionnellement à une université ou un collège, j’ai écrit, été conférencier, donné des entrevues, reçu quelques prix, tout cela sans soutien institutionnel. Tout cela dans un domaine de recherche abandonné par la science politique : l’analyse écologique des résultats électoraux à laquelle m’a initié mon cher directeur et ami, feu Robert Boily. Précurseur, suivi du regretté Pierre Drouilly, également très important dans ma formation.

Je tiens à le souligner, ce champ de recherche si fécond fut abandonné au nom de la poursuite de publication sur des sujets dictés par les organismes subventionnaires, avec pour résultats une science politique québécoise intégrée à la science politique canadienne pour certains, étatsunienne pour d’autres. Je vous le demande, à quoi sert la science politique québécoise actuelle dans ces conditions ? Cette question vaut pour la plupart des sciences sociales. Certaines disciplines s’en tirent mieux, tandis que d’autres sont muselées, déviées de leurs préoccupations initiales. Quel dommage !

Je reviens à M. Rosaire Morin. Je suis d’autant plus ému de recevoir ce prix que M. Morin a été un militant « épris de justice sociale » ayant constamment associé « indépendance et sociale-démocratie ». Ce militant de la lignée des GÉANTS, qui a travaillé sur tous les fronts avec une énergie et une détermination peu communes, avec ténacité et surtout, avec intégrité, reste encore aujourd’hui une source d’inspiration pour tous les militants amoureux du Québec.

Cet engagement de M. Morin envers notre cause commune, de la part d’un homme décrit par L’Action nationale comme un « éveilleur de conscience », un « homme de la résistance » et un « défricheur de la liberté », reste plus que jamais un phare indiquant la voie à suivre pour tous les militants qui font carrière dans la jungle « intra-muros » des institutions universitaires, comme pour ceux qui évoluent à la marge de celles-ci, les « extra-muros » tels que moi, et tant d’autres québécistes connus au hasard de mes rencontres.

Rosaire Morin, comme tant de québécistes à l’œuvre dans l’ombre, montre qu’on peut toujours écrire, analyser, dévoiler et conclure en toute liberté sur l’asservissement du Québec. On peut y arriver dans la mesure où l’on s’échappe du carcan institutionnel et subventionnaire. Cette liberté demeure hier comme aujourd’hui. Et elle se trouve aussi et peut-être même davantage hors les murs.

Dans la Ligue d’action nationale, à la revue elle-même et parmi ses lecteurs réguliers ou simplement occasionnels, je suis sûr que vous savez ce que veut dire le mot « Liberté ». Si vous me le permettez, je paraphraserais ces mots du groupe rock Corbeau, celui où chantait Marjo, Marjolaine Morin (une autre Morin), que nous sommes toujours « libres d’être libres ». Il n’en tient qu’à nous de nous affranchir de notre carcan pour que le Québec devienne lui aussi libre de ses choix.

Je vous remercie encore de tout cœur, membres de la Ligue d’action nationale, artisans de la revue et chers lecteurs, de ce prix prestigieux. Un prix reconnaissant que, malgré toutes les épreuves, on est toujours libre d’être libre.