Pour un autre modèle d’immigration. La convergence culturelle

Depuis des mois, la Commission des relations avec les citoyens œuvre sur un projet de redéfinition des politiques d’intégration de la diversité culturelle au Québec. Hormis quelques plaidoyers pour le multiculturalisme, la majeure partie des réflexions au débat semble considérer que l’interculturalisme serait la voie à suivre, l’essentiel des discussions tournant autour de l’intensité de son application. Toutefois, nous croyons que la véritable intégration de notre diversité culturelle passe par une troisième voie, celle de la convergence culturelle.

Les grandes lignes du multiculturalisme et de l’interculturalisme

Pour résumer, le multiculturalisme affirme que toutes les cultures ont le droit de coexister sur un pied d’égalité sans que la culture fondatrice d’un État n’ait la légitimité pour imposer ses valeurs aux autres. Plus encore, vu que cette culture fondatrice en façonne les institutions et les règles de droit, ces dernières ont le devoir d’accommoder les autres cultures pour ne pas en brimer l’expression.

Pour sa part, l’interculturalisme prône un rapprochement entre la majorité nationale et les différentes minorités vers une culture commune de concessions réciproques. En contrepartie d’une reconnaissance de la langue française et des grands principes inscrits dans nos Chartes des droits et libertés, la majorité nationale aurait l’obligation de modifier ses valeurs et lois et de diluer les éléments dits « identitaires » de son bagage historique pour accommoder les particularités des différentes minorités. Fort d’une telle culture de consensus, les immigrants de première génération s’intégreraient de manière économique au sein de la société, et leurs descendants viendraient parfaire cette intégration au plan social en rejoignant la culture commune au sein de laquelle ils ont grandi.

Des problèmes d’application pratique

Si en théorie, l’interculturalisme se distingue du multiculturalisme, il se concrétise lui aussi par la voie des accommodements raisonnables, où on commande à la majorité nationale d’assouplir ses lois et de renoncer aux éléments identitaires de son patrimoine. Or, une telle dissolution identitaire javellise la « culture commune » proposée par l’interculturalisme, laquelle n’a ainsi plus rien de « québécoise ». Tout comme le multiculturalisme, l’interculturalisme propose une intégration se résumant au consensus administratif, sans véritable intégration culturelle.

En outre, la réalité observable montre que les politiques d’accommodements raisonnables favorisent la transmission presque intégrale des modèles culturels des immigrants de première génération. De nombreux immigrants de seconde et troisième génération continuent ainsi d’exiger une mise en exception face à la majorité nationale au nom de l’intégrité de la culture de leurs parents, s’extrayant ainsi eux-mêmes du groupe cherchant à les accueillir.

Finalement, plusieurs études ont démontré que la culture des accommodements raisonnables est décriée par la majorité de la population – et un modèle d’intégration imposé à une population en dépit de son refus social est condamné à la contre-productivité.

Proposer une alternative : la convergence culturelle

Si ces modèles ne parviennent pas à générer une réelle intégration, c’est qu’ils ne correspondent pas au rapport profond qu’entretiennent les Québécois avec la diversité culturelle. Ce rapport relève plutôt de la convergence culturelle – définie politiquement pour la première fois à l’aube de la Charte de la langue française, plus amplement affirmée par le sociologue Fernand Dumont en 1995, puis revisitée dans une étude publiée à l’IRQ1.

La convergence culturelle consiste à accueillir les immigrants en leur demandant de s’adapter aux lois et aux valeurs de la société québécoise, tout en les invitant à contribuer à l’évolution de cette dernière en puisant dans leur bagage d’origine. Loin de cultiver la division, l’identité québécoise devient alors accessible à tous et cesse d’être le lieu des accommodements et des dilutions, pour devenir celui du renforcement de la culture de la majorité nationale par l’ensemble des contributions culturelles adaptées au modèle québécois.

Au surplus, dans les cas où il est appliqué, le modèle de la convergence culturelle fonctionne. Qu’on pense à Djemila Benhabib, auteure civique et immigrante de première génération, à Ricardo Trogi, cinéaste de renom et immigrant de seconde génération, ou à Tania Longpré, militante en éducation et immigrante de troisième génération : trois exemples (parmi légions) d’intégration réussie dans le modèle de la convergence culturelle considérés aujourd’hui entièrement québécois.

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Ainsi, le modèle de la convergence culturelle se révèle une approche d’intégration de la diversité efficace et bénéfique, où tous peuvent se considérer comme entièrement québécois. Nous ne pouvons qu’enjoindre la Commission à en tenir compte et à s’y rattacher, ainsi que tous les Québécois, de toutes les origines. 


 

1 Guillaume Rousseau (en coll. avec François Côté), Vers une politique de la convergence culturelle et des valeurs québécoises, IRQ, 2014, 30 pages

Disponible sur le site de l’IRQ:

http://irq.qc.ca/politique-de-convergence/