PRIMEUR
Gens du fleuve, gens de l’île
Hochelaga en Laurentie iroquoienne au XVIe siècle
Roland Viau
Roland Viau propose un fascinant portrait d’Hochelaga avant 1600. À partir des connaissances acquises par l’archéologie, l’ethnohistoire et l’ethnologie sur les sociétés amérindiennes, et en exploitant les documents historiques disponibles, l’auteur replace d’abord Hochelaga au centre d’un vaste réseau fluvial s’étirant du lac Ontario au golfe du Saint-Laurent. Il dresse ensuite l’inventaire des ressources des Hochelaguiens, recrée minutieusement leur mode de vie, l’univers symbolique de la chasse, de l’agriculture. Il aborde la division sexuelle du travail, les règles de classification du végétal, l’ancienneté et la diversité du maïs. Il s’intéresse à la guerre, avançant l’idée d’un lien particulier avec les pratiques funéraires. Enfin, il fait revivre l’imaginaire au sens d’une cosmovision : nature de la guerre, condition d’esclave, exercice de la sexualité et de la parenté, rapports hommes-femmes.
Les colonisateurs européens ont constaté avec étonnement que cette Laurentie iroquoienne s’est volatilisée entre 1545 et 1585. Personne, à ce jour, n’a pu apporter d’explication convaincante à ce phénomène. Guerre ? Migration ? Refroidissement climatique ? Épidémie associée à la « mondialisation » des microbes ? Viau examine rigoureusement ces hypothèses, retenant pour l’essentiel la dernière et validant la probabilité que les Iroquoiens du Saint-Laurent aient résisté à l’envahissement français et contribué à leur refoulement. Il introduit en cela un beau renversement du récit historique colonial traditionnel. Et que serait-il advenu d’éventuels survivants ? Pourrait-on encore aujourd’hui trouver des traces de leurs migrations, de leur intégration au sein d’autres nations ?
Gens du fleuve, gens de l’île apporte une contribution majeure aux débats actuels sur les origines autochtones de Montréal. Ce livre, qui prend souvent les allures d’une magnifique « enquête policière », constitue la première et remarquable synthèse de l’histoire de Montréal au XVIe siècle, à la fois savante et accessible.
Extrait tiré du chapitre 5 :
Entre exploration et colonisation
Des vestiges instructifs
Autre point de détail : le récit de voyage laissé par Roberval précise que le dispositif fortifié construit par Cartier en 1541-1542 au site du cap Rouge a été consolidé en citadelle défensive pour permettre non seulement « de tenir le fleuve », mais aussi « de nous prémunir contre toute invasion de la part de nos ennemis84 ». Les Français savaient pertinemment que, selon l’état des relations avec leurs voisins, les Amérindiens plus nombreux qu’eux représentaient une menace sérieuse et pouvaient toujours les isoler ou les submerger en faisant front commun avec des renforts venus des environs immédiats de Stadaconé. Aussi pouvons-nous porter un regard sceptique sur l’assertion stipulant que ces agresseurs potentiels aient été des Européens.
L’historien Bernard Allaire et l’archéologue Françoise Niellon ont notamment suggéré qu’au moment d’abandonner l’établissement colonial, en juillet 1543, Roberval aurait ordonné de le raser pour empêcher une autre nation de l’occuper après son départ85. Vrai ou faux, le fait est qu’avec un climat qui leur était insupportable, le Canada n’intéressait aucunement les Espagnols, pas plus que les Portugais86. D’ailleurs, l’ambassadeur espagnol à Lisbonne estimait qu’il s’agissait de l’endroit en Amérique où les Français pouvaient le moins porter atteinte aux intérêts ibériques87. On peut également douter qu’avant leur départ, les colons français aient tenu à se débarrasser d’un poids mort, d’une forteresse inutile. Puisque Roberval comptait, semble-t-il, renouveler l’expérience au Canada, l’incendie ou le démantèlement de la citadelle n’auraient-ils pas équivalu à sacrifier les lourds investissements de 40 000 à 50 000 livres déjà engagés dans l’entreprise coloniale et même à saborder le projet d’un retour éventuel88 ?
On en sait peu sur ce qui est arrivé au cap Rouge en 1542-1543. Si Champlain, qui a circulé dans la vallée du Saint-Laurent durant une trentaine d’années, a bel et bien localisé l’endroit du premier hivernement de Jacques Cartier, sur les bords de la rivière Saint-Charles, il n’est pas parvenu à découvrir le site de l’établissement français au cap Rouge. Pour des raisons qui nous échappent, Champlain croyait que Cartier et Roberval avaient installé la colonie sur l’île d’Orléans89.
Heureusement, les ruines ne sont que les vestiges de destructions incomplètes. Des fouilles archéologiques ont été réalisées sur le site Cartier-Roberval découvert en 2005, au confluent de la rivière du Cap-Rouge et du fleuve Saint-Laurent, à Québec90. Lors des travaux d’excavation, les archéologues ont été à même de constater que le lieu avait été incendié. Les vestiges dégagés et les résultats d’une scrupuleuse analyse ont en effet révélé la présence d’une épaisse couche de ruines incendiées (de 0,4 à 0,6 mètre) qui se sont formées au cours du sinistre, puis qui ont été recouvertes par la végétation91.
L’archéologie du site Cartier-Roberval tend à montrer des traces d’incendie sur plusieurs pièces de bois utilisées pour la construction de certains bâtiments. Les flammes ont non seulement consumé une partie des éléments en bois, mais également cuit une partie de l’argile des murs des bâtiments et divers artéfacts laissés sur place. Ces constats ont amené les archéologues à retenir trois scénarios probables pour expliquer l’origine de la conflagration : 1. l’incendie aurait été ordonné par les dirigeants de la colonie au moment de leur retour en France ; 2. le feu aurait été mis par les Amérindiens à la suite de l’abandon des lieux ; 3. la cause de l’incendie serait une conflagration naturelle92.
Non seulement nous penchons pour la deuxième hypothèse suggérée, nous conjecturons également que les Iroquoiens auraient mis le feu à deux occasions aux installations françaises aménagées au cap Rouge, une première fois après le départ précipité de Cartier en 1542 et une seconde fois à la suite de l’abandon de la colonie par Roberval en 1543. Voyons pourquoi.
L’histoire et l’archéologie ne nous apprennent-elles pas que l’emploi de la violence pour la tourner vers un ennemi envahisseur ou extérieur afin d’annihiler sa présence, voire son existence, est une pratique humaine des plus anciennes et des plus récurrentes93 ? Or, même si cela ne suffit pas à prouver le fait, à en juger d’après la gravure intitulée Stratagème de guerre usité des Canadiens et réalisée pour accompagner l’ouvrage de Thevet, Les Singularités de la France antarctique, on a de bonnes raisons de penser que les Stadaconiens utilisaient le feu comme arme de destruction par excellence (illustration 15). À moins bien sûr que l’illustrateur de l’ouvrage ait lâché la bride à son imagination en représentant un des assaillants avec un fagot de bois pour alimenter la flamme, un autre avec une torche à la main, quoique Thevet livre au moins une preuve solide qui atteste l’existence de cette pratique guerrière iroquoienne.
Le fait de construire d’abord (1535-1536) un fortin et des tranchées, ensuite (1541-1542) d’ériger une habitation fortifiée puis finalement d’établir une colonie militaire (1542-1543) a-t-il été interprété par les natifs comme un acte de guerre, comme un premier pas vers un conflit armé, donc vers la soumission et l’inégalité 94 ? L’historien africaniste François-Xavier Fauvelle a fait remarquer avec justesse qu’« en contexte colonial, la présence de l’autre est en soi un conflit95 ». De son côté, après plus d’un demi-siècle d’observations, l’ethnologue Marc Augé a pu écrire, relativement aux situations de « contact culturel », qu’il s’agit là d’une « expression un peu pudique pour désigner souvent des phénomènes de colonisation et d’affrontement96 ». L’établissement français au cap Rouge n’aurait donc pas été perçu par les Stadaconiens comme une présence assez banale, mais comme une intrusion brutale dès le début.
Il est permis d’imaginer que les Iroquoiens du Saint-Laurent, particulièrement les Stadaconiens, avaient compris que tous les Français sans distinction, tant les gens de Cartier que ceux de Roberval, tentaient d’imposer leurs vues et que les intérêts des deux groupes semblaient inconciliables. Cet envahisseur étranger était peu enclin à une ouverture authentique, avait construit un établissement sans obtenir leur assentiment, menaçait leur intégrité territoriale et ne se comportait plus comme un visiteur respectueux des règles de la société d’accueil97.
L’idée qui se dégage de tout cela est que les Français n’ont pas profité de la générosité de la population locale, qui ne semble plus avoir été disposée à entretenir des relations, même strictement commerciales, avec les membres de la colonie. Au dire de Thevet, « avec quelques graisses et huiles », à la faveur de la nuit, les Stadaconiens auraient même tenté de mettre le feu aux navires de Cartier ou de Roberval98. À preuve également de la détérioration des rapports entre les deux groupes, la colonie semble avoir été acculée aux marges extrêmes de la survie par l’épuisement des réserves de vivres, plusieurs personnes souffrant d’inanition. Au début d’avril 1543, les colons de France-Roy, dépourvus de nourriture et sans possibilité d’en trouver suffisamment dans le voisinage, en ont été réduits à manger ce qu’ils trouvaient ou à consommer des végétaux. Beaucoup seraient morts intoxiqués après avoir ingurgité des champignons99. Thevet rapporte ceci : « Et me fust recité par quelques uns de la compaignie que plusieurs d’eux mangeoient des champignons les faisans cuire aupres du feu sans sel ni sans beurre dont aucuns en mourrurent pour n’estre assaisonnez et accoustrez comme lon faict de pardeca100. »
Au mois de juin, des compagnons de Roberval ont dû acheter ou voler cinquante-cinq kilos de farine de maïs à Hochelaga, soit l’équivalent de deux ou trois sacs, chacun pesant environ cinquante livres101. À partir de cette farine, on a dû faire du pain.
Par ailleurs, nous doutons fortement que la tentative coloniale de 1541-1543 dans la vallée du Saint-Laurent se soit terminée à cause du recommencement de la guerre en Europe102. Ce serait négliger le fait que la rivalité qui a opposé François Ier à Charles Quint et qui a provoqué tant de guerres et fait tant de morts s’est étirée sur presque trois décennies (1519-1547). En mars 1542, avant le départ de Roberval, la perspective d’une guerre prochaine entre la France et l’alliance anglo-espagnole était évidente. Comme l’a écrit Didier Le Fur, « [t] ous le savaient : la guerre allait reprendre103 ». Pourtant, cela n’a nullement empêché la flotte de Roberval de quitter La Rochelle et de voguer vers le Canada pour aller rejoindre Cartier. Au bas mot, au début d’août 1542, le roi de France avait rassemblé plus de 120 000 hommes pour conduire une énième guerre contre Charles Quint104. Ainsi, compte tenu de l’ampleur des effectifs de l’armée royale mobilisés en 1543 pour défendre le nord du royaume, pour conquérir le Luxembourg, pour assiéger Perpignan et pour protéger les positions françaises dans le Piémont, en Italie, on voit mal pourquoi François Ier aurait ordonné à Roberval et à sa poignée de compagnons de revenir en France pour contribuer à l’effort de guerre.
Nous disposons de la preuve – le texte de sa relation de voyage – que Roberval avait déjà, au tout début de juin 1543, décidé du rapatriement général avant l’arrivée des navires dépêchés pour ravitailler la colonie. Aucun document ne confirme par surcroît qu’il aurait reçu l’ordre du roi de repartir pour la France. La chronologie de ses décisions est parlante. Ayant pris le chemin d’Hochelaga le 5 juin, Roberval avait dressé son campement dans l’île de Montréal, probablement au pied du courant Sainte-Marie, où il avait fait délivrer un message urgent assez clair, parvenu le 19 juin à France-Roy, au cap Rouge. Les instructions transmises aux gens restés sur place leur ordonnaient d’abandonner l’établissement colonial et de se mettre en route vers la métropole au cas où il ne serait pas de retour. Roberval donnait pour date butoir le 22 juillet, soit « jusqu’à la Sainte Madeleine105 ». Or, il est un fait presque certain : les secours venus de la mer, quatre navires de ravitaillement, sont arrivés de France durant la deuxième quinzaine de juin, mais après le 19 juin106. On se demande alors pourquoi Roberval, parti à Hochelaga explorer la région, aurait donné l’ordre aux colons de France-Roy de quitter les lieux, sachant que ces navires étaient en route pour la colonie. À l’instar des rapports entre les Français et les Stadaconiens, il y a lieu de croire que les relations des Français avec les Hochelaguiens avaient été frappées d’un gel évident, voire carrément rompues.
Faux départ
Si Cartier d’abord et Roberval ensuite ont été contraints d’interrompre le projet colonial impulsé par la couronne de France, c’est parce que leur position n’était pas des plus enviables, tant sur le plan militaire que sur le plan diplomatique, et qu’ils ne trouvaient aucune issue à la situation. Il est toujours possible que Roberval, après Cartier, ait envisagé ou appréhendé un affrontement imminent avec les natifs et ait été forcé de rembarquer. La mappemonde de Pierre Desceliers produite en 1550 porte un cartouche révélateur (figure 16). Le cartographe mentionne en effet ceci :
C’est la demonstraction daulcuns pays descouvertz puis nagueres pour et au despens du treschrestien Roy de France Francoys premier de ce nom. Luns [?] nomme Canada, Ochelaga et Sagueassis [Saguenay] vers les parties occidentales environ par les 50 degrez de latitude. À iceulx pays a esté envoyé (par le dict Roy) honneste et ingenieux gentilhomme monsr. de Roberval avec grande compaignye de gentz criminelz desgradés pour habiter le pays lequel avoit esté primerem descouvert par le pilote Jacques Cartier demeurant à Sainct Malo. Et pource que Ilz n’a esté possible Avec les gentz dudict pays à faire trafique à raison de Leur Austérité107, intemperance dudict pays et petit proffit sont retourner en France esperant y retourner quand il plaira au Roy108.
Au mitan du XVIe siècle, il semble que, pour les contemporains de Cartier et de Roberval, l’échec de la colonisation française au Canada ait tenu à une série de facteurs : inimitié et maille à partir avec les natifs, climat très rigoureux, rudesse du pays et coût ruineux de l’entreprise. Autant de raisons impérieuses, pensait-on, qui auraient suffi à décourager les colonisateurs venus chercher fortune en terre canadienne.
Nous pensons aussi que c’est l’animosité croissante des Iroquoiens du Saint-Laurent qui a mené à l’abandon du projet colonial par les Français en 1543, à cette différence près que cette agressivité a été la conséquence d’une expérience négative plutôt qu’une cause. Des émotions hostiles comme la colère et des sentiments d’animosité se sont transformés en actions instantanées et impulsives contre les colons français. Cette violence des Iroquoiens a été consécutive au traumatisme du contact, c’est-à-dire la réaction belliqueuse d’une population exposée à l’introduction de maladies inconnues et un comportement réactif au constat d’une soudaine morbidité en Laurentie iroquoienne. Les neurosciences sociales et la psychologie sociale expérimentale nous démontrent que l’être humain en tant qu’animal est phylogénétiquement programmé pour réagir par l’attaque ou par la fuite quand ses intérêts vitaux (vie, santé, progéniture, liberté et propriété) sont menacés. Chez l’humain, l’agression peut également être éveillée par les pouvoirs de suggestion et de persuasion exercés par des personnes suffisamment influentes, tels des chamans ou des spécialistes religieux, des dirigeants politiques et des leaders charismatiques109. C’est pourquoi, si des maladies infectieuses et meurtrières se sont effectivement abattues sur les Iroquoiens du Saint-Laurent, il y a tout lieu de croire que les Français ont forcément attisé les rumeurs, incarné une menace et été perçus comme un danger évident et immédiat.
En 1583, quarante ans après la déconvenue de Cartier et de Roberval, le capitaine Christopher Carleill (vers 1551-1593), qui servait alors dans la marine anglaise et qui avait ses entrées à la cour d’Élisabeth Ire (1633-1703) et dans certains réseaux d’espionnage, a suggéré de tirer des leçons de la première tentative d’installation française au Canada. À son avis, l’enlèvement de Donnacona et de ses proches lors du deuxième voyage de Cartier avait durablement compromis les relations entre Français et Stadaconiens, funestement assombri leurs rapports et modelé la vision que les natifs devaient entretenir à propos de ces étrangers. Perçu comme un affront et subi comme une humiliation, l’acte de traîtrise ourdi par Cartier, couplé aux mésententes survenues entre les deux partis, Amérindiens et Européens, lors de l’expédition de colonisation menée par Roberval, aurait eu des conséquences désastreuses. D’après Carleill, les Français avaient fait preuve d’un comportement inacceptable envers les Amérindiens, s’étaient aliéné l’ensemble de la Laurentie iroquoienne et avaient eu à faire face à la profonde antipathie des Stadaconiens. Le ressentiment des Iroquoiens du Saint-Laurent à leur encontre aurait été si vif qu’ils auraient refusé de décolérer pour engager des pourparlers, pour fraterniser et pour développer des relations chaleureuses avec eux. Français – ou du moins Malouins – et Amérindiens seraient restés en très mauvais termes durant près de quarante ans110.
Bruce Trigger a soutenu qu’après la tentative infructueuse de colonisation de Roberval en 1543, la Laurentie iroquoienne était désormais opposée à toute avance européenne vers l’intérieur. La colonisation avortée et l’héritage de rapports pénibles auraient empêché la méfiance des Stadaconiens envers les Français de se dissiper. Cela expliquerait, selon Trigger, pourquoi les Iroquoiens de la région de Québec n’avaient à nouveau permis à des Européens de voyager à l’ouest de Tadoussac qu’en 1 580 111. Toutefois, le début puis le développement rapide de la traite des fourrures dans l’est de l’Amérique du Nord invitent à revoir cette interprétation. On sait que le commerce de la fourrure a pris naissance dans la première moitié du XVIe siècle à l’île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, et sur les côtes du golfe du Maine. Dès 1546, les Français, plus précisément des marchands normands, sont régulièrement allés traiter avec les Amérindiens à l’entrée de la baie de Chesapeake (entre les États de la Virginie et du Maryland).
Néanmoins, l’historien Laurier Turgeon a mis en relief le fait que la traite a presque entièrement disparu dans les années 1570. La cause en serait attribuable aux guerres de religion, qui atteignaient alors un sommet en France112. La navigation a rapidement repris au début des années 1580 pour s’effondrer à nouveau. Selon Turgeon, le commerce maritime n’a connu un regain d’activité qu’à la fin des guerres de religion et avec la proclamation de l’édit de Nantes, en 1 598 113.
Il semble donc que ces guerres fratricides aient eu une incidence marquée sur l’absence quasi totale des Français en Amérique du Nord entre 1560 et 1600. Les guerres de religion expliqueraient davantage qu’une résistance amérindienne efficace aux projets des Français pourquoi aucun trafiquant ou commerçant en fourrures ne serait venu dans les basses et les hautes terres du Saint-Laurent avant 1580, soit durant l’intervalle où se serait volatilisée la Laurentie iroquoienne. Ajoutons à cet état de fait que Stadaconé et Hochelaga, numériquement réduits par les maladies durant la décennie 1540, n’étaient déjà plus aptes, au mitan du XVIe siècle, à s’opposer vigoureusement à un retour des Français dans la vallée du Saint-Laurent. Par ailleurs, ces deux chefs-lieux de province de la Laurentie iroquoienne n’ont pas davantage été en mesure de repousser les attaques d’ennemis invétérés et coalisés.
Notes :
82. Marcel Destombes, 1971-1972, p. 130.
83. Sur ce point, voir Bernard G. Hoffman, 1961, p. 171-179, et Olive Patricia Dickason, 1993, p. 194-199.
84. Michel Bideaux, éd., op. cit., p. 206.
85. Bernard Allaire, 2017, p. 24, et 2013, p. 125 ; Françoise Niellon, 2015, p. 108-109.
86. Charles de La Roncière, 1912, p. 293-294.
87. Henry P. Biggar, 1930, p. 403-405, 430-435, 462 et 561-564.
88. Bernard Allaire, 2013, p. 128.
89. Samuel de Champlain, 2018, p. 185-186 et 619.
90. À l’heure actuelle, seulement 20 % du site archéologique Cartier-Roberval de Cap-Rouge a été fouillé. Le fond de l’histoire risque de demeurer en suspens. Situé dans le secteur Cap-Rouge de l’arrondissement Sainte-Foy–Sillery–Cap-Rouge de la ville de Québec, le site a fait l’objet de fouilles archéologiques de 2007 à 2010. Quelque 6 000 artéfacts y ont été découverts. En 2018, le gouvernement du Québec a octroyé 8,4 millions de dollars sur cinq ans pour le remblayage des vestiges ainsi que pour la mise en valeur et la conservation du site et des artéfacts. Quasi laissé à l’abandon durant huit ans, le site, géré par la Commission de la capitale nationale, sera réhabilité. Toutefois, faute de financement, ce témoin exceptionnel d’un événement majeur de l’histoire du Québec et du Canada ne fera pas l’objet d’autres recherches archéologiques.
91. Gilles Samson et Richard Fiset, 2013, p. 40.
92. Ibid., p. 207-214 et 399.
93. Voir à ce sujet les monographies de Jean Guilaine et Jean Zammit, 2001, 381 p., et de Marylène Patou-Mathis, 2013, 209 p.
94. Michel Bideaux, éd., op. cit., p. 158-163, 197 et 207. Sur ce point, voir la réflexion appropriée de Tzvetan Todorov, 1982, p. 62-63.
95. François-Xavier Fauvelle, 2017, p. 38.
96. Marc Augé, 2017, p. 142.
97. Sylvie Vincent, 2006, p. 102-103.
98. Frank Lestringant, éd., 1997, p. 289-290.
99. Précisons que les champignons consommés n’étaient pas nécessairement vénéneux. Il se peut également que l’empoisonnement aux champignons n’ait rien eu à voir avec leur préparation. L’ingestion en trop grande quantité de certains aliments peut aussi provoquer des intoxications.
100. Roger Schlesinger et Arthur P. Stabler, éd., op. cit., p. 121 et 268.
101. Michel Bideaux, éd., op. cit., p. 210 ; Samuel de Champlain, op. cit., p. 560.
102. Bernard Allaire, 2017, p. 24, et 2013, p. 125 ; Françoise Niellon, 2015, p. 108-109 ; François Brioist, 2020, p. 101.
103. Didier Le Fur, 2015, p. 671, 679 et 715.
104. Ibid., p. 686.
105. Michel Bideaux, éd., op. cit., p. 210. L’italique est dans le texte original.
106. Marcel Trudel, 1963, p. 163.
107. L’adjectif « austère » est dérivé du latin austerus, « âpre et sévère », lui-même emprunté au grec austeros, « âpre et amer ». Ce mot est apparu vers 1220. Appliqué aux personnes, cet adjectif a voulu dire en ancien français (vers 1300) « cruel, rigoureux » ou seulement « sévère pour les autres ». Le nom féminin « austérité » a été emprunté au XVIIIe siècle au dérivé latin et signifie « âpreté » au sens concret. Voir Alain Rey, dir., 1994, vol. 1, p. 144.
108. William F. Ganong, 1964, p. VI et 273 ; Marcel Trudel, 1973, p. 54-55, carte 20 (« La Nouvelle-France en 1550 »).
109. À ce sujet, on pourra lire Erich Fromm, 1975, p. 211-214.
110. Richard Hakluyt, éd., 1600, t. 3, p. 187 ; Henry P. Biggar, 1901, p. 227.
111. Bruce G. Trigger, 1990, p. 189, et 1991, p. 210.
112. Laurier Turgeon, 2019, p. 103 et 107. Précisons ici que la répression exercée contre les protestants et contre les minorités religieuses en France a été déclenchée sous le règne de François Ier avec l’affaire des Placards (1534-1535) et les purges du Luberon (1540-1545). Sur ce point, voir Didier Le Fur, op. cit., p. 563-567 et 737-744.
113. Laurier Turgeon, op. cit., p. 103.