Prix Rosaire-Morin 2025 – Présentation

Chers amis, bonsoir,

Il y a un mois à L’Action nationale, nous étions fébriles alors qu’approchait le moment de mettre à la poste la revue de septembre qui allait annoncer à tous le présent souper-conférence. Tout allait bien jusqu’à ce que la loi de Murphy fasse des siennes lorsque, le 25 septembre, les employés de Postes Canada déclenchèrent une grève générale illimitée. Personne n’allait donc recevoir sa revue et entendre parler du présent événement. Voilà ce qui arrive lorsqu’on remet son sort entre les mains d’une institution fédérale canadienne. Il a donc fallu redoubler d’ardeur pour vous rejoindre. Je suis d’autant plus heureux de vous voir ici ce soir, si nombreux et si fidèles à L’Action nationale. Et je vous en remercie.

Il est maintenant temps de remettre le Prix Rosaire-Morin 2025 de L’Action nationale. L’objectif de ce prix est de reconnaître l’ensemble de l’œuvre d’un militant ou d’une militante indépendantiste qui, par ses écrits et son action, a contribué de façon significative au développement de la conscience nationale. Les abonnés de L’Action nationale connaissent notre récipiendaire depuis longtemps puisqu’il a publié très régulièrement dans nos pages. En 2017, il a remporté notre prix André-Laurendeau remis au meilleur article de l’année pour son texte intitulé La brèche collégiale. Aussi loin qu’en 2004, il s’était déjà mérité une mention du prix André-Laurendeau pour le texte Financement des universités : le non-dit. Voilà plus d’un quart de siècle qu’il s’intéresse à la question linguistique, et en particulier à l’impact des institutions sur la vitalité linguistique. Je veux bien sûr parler de Frédéric Lacroix.

Physicien médical de formation et donc cartésien de nature, Frédéric Lacroix n’est pas du genre à faire siennes les idées reçues. D’où sa propension à faire parler les chiffres. Les titres de ses textes dans notre revue depuis 2004 n’en font pas mystère : La place du français en sciences au Québec, Les services de santé au Canada : Une perspective linguistique, Halte à la méga-folie hospitalière !, Le financement des universités et la vitalité linguistique des communautés de langue officielle au Canada, L’art d’obtenir un médecin pour le prix de deux, L’école québécoise asphyxiée par la Loi sur les langues officielles, Les cégeps français à Montréal : le début de la fin?, Québec préfère les universités anglaises, Au Québec, les universités anglaises sont favorisées, La chute de la maison UQAM, La formation professionnelle au secondaire : un trou béant dans les clauses scolaires de la loi 101, Frais de scolarité pour les Canadiens non-résidents, La loi 101 au cégep, insuffisante mais nécessaire.

En 2020, il regroupe l’ensemble de ses recherches et publie chez Boréal un essai percutant : Pourquoi la Loi 101 est un échec. En 264 pages bien tassées, il fait la démonstration que depuis 15 ans au Québec, « le français recule et l’anglais avance » à cause des substitutions linguistiques des allophones et des francophones vers l’anglais. À Montréal en particulier, explique-t-il, il y a deux réseaux d’enseignement et deux réseaux de santé, l’anglais et le français, qui desservent la même population et sont financés par les mêmes sources, ce qui fait que ce que l’un obtient est perdu pour l’autre. Pis encore, un Québécois sur 12 est anglophone mais près d’un cégépien sur 5 étudie en anglais, si bien que les étudiants anglophones sont minoritaires au sein des cégeps anglophones. Ces collèges poussent chaque année de nombreux non-anglophones vers les universités anglophones et, ultimement, leur font adopter l’anglais comme langue de travail.

Bref, par cet essai solidement documenté, Frédéric Lacroix a rendu la réplique très difficile pour les André Pratte de ce monde pour qui l’unité canadienne a préséance sur la situation du français au Québec. Et ses conclusions sont sans appel : entre autres mesures d’urgence, il faut étendre l’obligation pour les francophones et les allophones d’étudier en français au cégep et à l’université, il faut réserver 90 % du financement des institutions essentielles au réseau francophone et il faut que le Québec détienne la maîtrise de son immigration, afin de sélectionner principalement des francophones ou des francotropes, c’est-à-dire des allophones dont la langue a des affinités avec le français. Véritable pavé dans la mare, l’ouvrage lui vaudra en 2021 le Prix du livre politique de l’Assemblée nationale.

La même année, il approfondira son étude en publiant pour le Mouvement Québec français l’ouvrage Un « libre choix? » : Cégeps anglais et étudiants internationaux. Ce livre examine les conséquences de l’idéologie du libre choix sur le présent et l’avenir du Québec français en démontrant que la chute du taux de natalité des francophones, enclenchée dans les années soixante, combinée aux changements majeurs apportés au processus d’immigration au Canada dans les dernières années, signifie que les cégeps anglais sont maintenant devenus des cégeps « passerelles » pour intégrer les étudiants internationaux, futurs immigrants, à la communauté anglophone du Québec.

Communicateur hors pair en matière de démolinguistique québécoise, Frédéric Lacroix est devenu, malgré lui, celui sur qui on compte pour épingler quiconque erre sur la place publique en parlant de l’avenir du français chez nous. Parlez-en à Brian Myles, directeur du Devoir, lorsque, dans son éditorial du 6 janvier 2024, il s’est fait le perroquet de l’argumentaire de Michel C. Auger, en minimisant l’incidence de la baisse du français langue maternelle pour se contenter de l’indicateur des 93 % de Québécois déclarant avoir une connaissance du français. Car, comme Frédéric Lacroix le dit si bien, cet indicateur « dont on nous rabat les oreilles est un chiffre artificiellement gonflé par le fait que ce qu’il indique, largement, est que les francophones parlent français ! »

Alors, mesdames et messieurs, je vous demande d’accueillir sur scène le récipiendaire du Prix Rosaire-Morin 2025, monsieur Frédéric Lacroix.

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