Réflexions sur l’élection canadienne de 2015

Candidat du Bloc québécois dans Lasalle-Émard-Verdun

Au cours de l’été, j’ai décidé de me présenter comme candidat pour le Bloc québécois à l’élection de 2015, ce qui impliquait ma démission de la présidence des OUI Québec (Organisations unies pour l’indépendance). J’avais alors plusieurs objectifs, le principal étant de contribuer à amorcer un nouveau cycle politique dans la perspective de 2018, un cycle clairement orienté vers la réalisation du Québec pays. Nous voulions que cette élection canadienne soit la dernière sur le territoire du Québec, ou, au pire, l’avant-dernière imposée au Québec par la constitution de 1982. Il s’agissait de faire appel à la convergence des mouvements et des partis indépendantistes pour que 2018 soit une élection déterminante pour l’indépendance du Québec et cela commençait par l’élection en octobre d’un nombre accru d’indépendantistes au parlement canadien.

Plus immédiatement, il s’agissait de relancer le Bloc québécois pour qu’il redevienne un instrument engagé et efficace au service de l’indépendance. Le Bloc à Ottawa bénéficierait d’une importante tribune médiatique, d’un nombre accru de députés et d’assistants payés à plein temps pour l’indépendance, et donc de moyens d’action accrus pour faire avancer l’idée d’indépendance au cours des trois prochaines années. L’élection était aussi l’occasion de sortir des cercles indépendantistes, d’aller à la rencontre de nos concitoyens pour faire avancer l’idée de notre émancipation nationale, pour dépasser le simple changement de gouvernement à Ottawa et pour jeter des bases d’un véritable changement de régime.

Nous n’avons atteint que très partiellement ces objectifs, mais on peut imaginer ce qui serait arrivé si, comme le proposaient certains indépendantistes, la population n’avait eu comme choix que l’abstention ou l’appui à un parti fédéraliste, ce qu’environ la moitié des indépendantistes se sont finalement résignés à faire.

Je vais tenter d’analyser pourquoi il en a été ainsi et surtout de tracer, de façon préliminaire, quelques lignes de force pour l’avenir, pour relancer un nouveau cycle politique vers l’indépendance. En cours de route, je devrai souligner ce qui a été, selon moi, une erreur stratégique de cette campagne : mettre en avant l’objectif secondaire « de bonne opposition à Ottawa » dans le cadre du régime, plutôt que ce qui aurait dû être l’objectif premier : nous donner des moyens pour la sortie du Québec du régime canadien.

Une mort annoncée

L’élection de 2015 a débuté sous le signe d’une mort annoncée, celle du Bloc québécois.

La remise en question de l’existence du Bloc québécois n’est pas nouvelle. À chaque élection à laquelle il a participé, le camp fédéraliste a tenté de convaincre les québécois.es de l’inutilité de voter pour un parti qui n’aspire pas au pouvoir à Ottawa et n’y sera forcément jamais. Cela a eu peu de prise sur l’opinion publique jusqu’en 2011. Pendant 18 ans, à travers les élections de 1993, 1997, 2000, 2004, 2006 et 2008, le Bloc québécois a obtenu la majorité, et parfois les deux tiers des 75 sièges du Québec au parlement canadien, soit respectivement 54, 44, 38, 54, 51 et 49 députés. À chacune de ces élections, les Québécoises et les Québécois appuyant l’indépendance ont presque tous voté pour un candidat du Bloc québécois.

À l’élection de 2011, ce qu’on a appelé « la vague orange » balayait le Québec et 59 députés du NPD de Jack Layton y étaient élus. La plupart de ces députés étaient inconnus du public, certains ne parlant même pas le français. L’organisation du NPD était pratiquement inexistante au Québec et son programme politique pratiquement inconnu. On a avancé plusieurs explications à ce phénomène, notamment le capital de sympathie énorme à l’égard du chef du NPD, le rejet (déjà massif) des politiques du gouvernement conservateur et le fait que, 16 ans après le référendum de 1995, les raisons de promouvoir la souveraineté par la défense des intérêts du Québec à Ottawa, s’estompaient dans la nuit des temps.

Quoi qu’il en soit, la défaite de 2011 a donné lieu à ce qu’il faut bien appeler une véritable démission d’un grand nombre d’indépendantistes. Au lieu de résister et de faire du Bloc un outil plus efficace de promotion de la souveraineté, on a commencé à entendre ce discours étonnant voulant que la présence du Bloc à Ottawa nuisait à la souveraineté, qu’il fallait concentrer nos énergies uniquement sur la scène québécoise, le seul endroit où on pouvait faire du Québec un pays. Cette évidence cachait mal cette peur de perdre les élections qui inhibe la promotion de l’indépendance depuis 1995.

On préférait oublier que sans l’appui à un parti indépendantiste, le vote pour des partis canadiens ne peut que consolider le régime d’Ottawa. En nous privant volontairement de la tribune d’Ottawa où se discutent toutes les compétences qui nous échappent, où sont utilisées la moitié de nos impôts, où des moyens importants sont presque uniquement concentrés entre les mains de partis canadiens, nous préparions des lendemains difficiles à notre option. On avait pourtant vu les résultats. Après quatre ans, avec quatre députés puis seulement deux, le Bloc était presque disparu de la scène politique. Pendant ce temps, l’un des gouvernements les plus anti-Québec, le gouvernement conserveur de Stephen Harper, agissait à l’encontre des intérêts et des valeurs du Québec.

Malgré tout cela, pour la première fois en 2015, contrairement à 2011, la remise en question de la pertinence d’un parti indépendantiste à Ottawa ne venait plus uniquement de nos adversaires, mais des rangs indépendantistes eux-mêmes. Un parti indépendantiste refusait de prendre position pour le Bloc. Certaines organisations syndicales annonçaient que leur priorité était un changement de gouvernement à Ottawa, quitte à voter pour des candidats de partis canadiens.

À l’été 2015, la campagne du Bloc a donc démarré en mode survie. Certains sondages indiquaient la possibilité qu’aucun député du Bloc ne soit élu. Dans les médias, du début de la campagne jusqu’aux débats télévisés, on annonçait la possibilité de la mort du Bloc québécois. Cette atmosphère morbide plaçait la campagne du Bloc sur la défensive. Les points de presse aux deux jours où le Bloc présentait ses propositions étaient constamment éclipsés par les questions insistantes des journalistes sur la survie du parti.

Dans la dernière étape de la campagne, après les débats télévisés, le Bloc remontait un peu la pente. Mais le début de campagne en mode survie avait fait son œuvre. Pour un. e militant. e, il n’était pas très stimulant de se mobiliser pour un parti menacé de disparition, de sorte que les organisations électorales de comté devaient s’organiser presque partout sur une base fragile, parfois une ou deux dizaines de militants, provenant la plupart du temps du Parti québécois ou d’Option nationale. Cette faible mobilisation limitait la possibilité d’organiser des événements. L’identification des sympathisants devait être complétée par du pointage automatisé moins efficace. Cela a évidemment nui à la sortie de nos électrices et de nos électeurs le jour du vote.

En somme, jusqu’aux débats télévisés, la mort annoncée du Bloc risquait de devenir une prophétie autoréalisée.

Une option lointaine

Je vais maintenant résumer en mode impressionniste le travail « terrain » que nous avons réalisé dans la circonscription de LaSalle-Émard-Verdun, un comté que le Bloc considérait comme « baromètre ». Nous y avons mené une campagne déterminée, orientée clairement en vue de faire le plein des votes indépendantistes.

Il y a plus de 200 organismes communautaires dans cette région du sud-ouest de Montréal ; nous en avons rencontré une quarantaine et certaines ont organisé un débat le 13 octobre que, de l’avis général, nous avons remporté. Chaque semaine, nous avons préparé des communiqués de presse pour les médias nationaux et locaux sur diverses questions : pont Champlain, logements sociaux, économie et emploi, égalité femmes-hommes, toujours dans l’optique de lier ces questions à notre indépendance politique. Chaque jour, nous sommes intervenus à quatre ou cinq reprises dans les médias sociaux sur l’indépendance et sur les questions d’actualité et nos messages ont été largement rediffusés. Nous avons produit trois imprimés qui ont été distribués à l’occasion d’événements, dans les rues commerciales, les stations de métro ou par porte-à-porte au domicile à plus de 2000 personnes. En fin de campagne, nous avons réalisé un vidéo intitulé « Le Bloc québécois : nécessaire jusqu’à l’indépendance », lequel été visionné sur YouTube plus de 35 000 fois. Nous avons repris ce thème à Radio LaSalle et dans les trois journaux de quartier dans les deux dernières semaines de la campagne.

De nos rencontres directes avec les citoyennes et les citoyens à leur domicile, sur les rues commerciales ou dans des événements de groupe, je retiens un certain nombre de constatations :

  • l’indépendance était toujours vue comme une option légitime que l’on accueillait avec ouverture et respect. Même quand on doute de sa réalisation ou qu’on s’y oppose, on acceptait d’en discuter ;
  • la majorité des gens voyaient l’indépendance comme une option déconnectée de leurs préoccupations immédiates comme l’emploi, l’environnement, la santé, l’éducation, la justice sociale, les questions internationales. Les questions « locales » comme le pont Champlain, les logements sociaux, ou d’actualité comme la corruption au sénat, le vote à visage voilé ou l’accueil des réfugiés syriens prenaient toute la place. Il fallait forcer le jeu pour relier ces questions à notre statut de dépendance politique dans le régime canadien et ramener le thème de l’indépendance dans la discussion ;
  • l’indépendance était perçue comme une option lointaine qui allait peut-être se réaliser un jour, mais pas maintenant. Par contre, le changement de gouvernement à Ottawa et la crainte d’un retour de Stephen Harper comme premier ministre étaient abordés spontanément. Il était clair que cette question était un objet central de l’élection.

Cet instantané de l’état de l’opinion rejoint celui que faisait Jacques Parizeau en 2009. Lors d’un colloque des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO) auquel je l’avais invité, celui-ci analysait un sondage réalisé par le Bloc québécois. On y apprenait que 49,3 % des électeurs (de toutes origines) appuyaient l’idée « que le Québec devienne un pays indépendant » ; 56 % la croyaient réalisable ; 60 % pensaient que le Québec en avait le droit ; mais seulement 34 % pensaient qu’elle se réaliserait un jour. Et Parizeau d’ajouter : « Mais c’est un terrible jugement sur ceux qui se considèrent les leaders du parti souverainiste ou du mouvement souverainiste. À notre égard, c’est un sacré jugement ça. Les gens sont persuadés que c’est possible, ils aimeraient ça, mais ils pensent que ça ne se fera pas. »

Plus le temps passe, plus cette conviction que l’indépendance ne se fera pas augmente, comme l’ont souligné certains sondages récents. C’est également une évidence que l’on acquiert sur le terrain en dialoguant avec les gens. L’indépendance est sans doute souhaitable, elle est réalisable, mais elle apparait tellement abstraite et lointaine que l’on préfère s’occuper de problèmes concrets immédiats. C’est là l’élément de contexte déterminant qui a marqué cette campagne.

Vote et erreur stratégique

Au début de la campagne de 2015, on a assisté à un curieux débat entre indépendantistes concernant le vote authentique et le vote stratégique. Ce débat, nouveau dans l’histoire de nos relations envers le Canada, n’a rien fait pour dissiper cette impression chez beaucoup « que l’indépendance ne se fera pas », au contraire. Le débat illustrait bien le dilemme, voire le déchirement imposé aux indépendantistes face aux élections canadiennes. Pour un indépendantiste, l’emprise de l’État canadien sur le Québec devait être combattue, mais en même temps, elle nuisait au Québec à un point tel qu’il devenait impérieux de participer au choix du gouvernement canadien, et non seulement au choix d’une opposition à Ottawa.

Voter « authentique », en fonction de ses convictions pour un.e indépendantiste, c’est en même temps enregistrer un désaveu à l’égard d’un régime que l’on veut remplacer. C’est aussi utiliser le régime canadien pour se donner une tribune et des moyens de faire avancer l’idée d’indépendance. Jusqu’en 2008, les indépendantistes votaient « authentique ». En fait, la question ne se posait même pas. Quelle que soit leur allégeance sur la scène québécoise, l’appui des indépendantistes allait au Bloc québécois. Le résultat de 49,3 % aux élections fédérales de 1993 préfigurait celui de 49,6 % lors du vote référendaire de 1995.

En 2015, la désaffection à l’égard du Bloc depuis 2011 s’est muée, chez certains indépendantistes, en cette idée d’un « vote stratégique » pour un parti canadien de gouvernement capable de déloger les conservateurs de Stephen Harper. Le mot d’ordre « voter pour le candidat ayant le plus de chances de battre le conservateur » voulait dire dans les faits, du moins en début de campagne, réélire au Québec une majorité de députés du NPD. On a même assisté à des accusations publiques de certains indépendantistes dans les journaux voulant qu’un vote pour le Bloc signifiât un vote pour Harper. En un mot, les indépendantistes « stratégiques » décidaient de voter à cette élection comme les autres Canadiens, pour le parti apparaissant le plus apte à donner au Québec le meilleur gouvernement du Canada… ou le moins pire.

À cette élection, encore plus qu’avant, le Bloc québécois, seul parti indépendantiste à Ottawa, se devait de rassembler tous les indépendantistes en faisant appel à leurs convictions. Au début de la campagne, sur les affiches, on voyait le slogan « Qui prend pays prend parti » qui situait clairement le Bloc comme un instrument pour préparer le Québec pays. C’est ce qu’ont très bien compris la plupart des commentateurs de la scène politique en soulignant que le Bloc québécois menait une campagne plus indépendantiste que par le passé. Puis, vers le milieu de campagne, ce slogan était remplacé par « On a tout à gagner ». Était-ce dans le Canada ou dans le Québec pays ? Pour faire le plein des votes indépendantiste, il fallait au contraire faire une campagne pour l’indépendance, expliquer le pourquoi de l’indépendance, situer cette élection comme préparant une élection déterminante au Québec, celle de 2018. En l’absence d’un engagement clair des partis et des mouvements indépendantistes à ce sujet, le Bloc a dû revenir à une campagne pour « défendre les intérêts du Québec à Ottawa », une position difficile à tenir pour un parti indépendantiste.

Je considère qu’il s’agit là d’une erreur stratégique qui s’est concrétisée par les engagements du Bloc, malheureusement uniquement situés dans le cadre canadien, sans lien avec l’objectif du Québec pays. Il aurait pourtant été possible de prendre à la fois ces engagements, tout en démontrant qu’il n’y avait aucune garantie de réalisation, que pour y arriver vraiment il faillait se donner les moyens de changer de régime, de prendre nous-mêmes nos décisions, par exemple en matière de transport, d’énergie, d’institutions démocratiques ou de relations internationales. En un mot, il fallait faire une campagne pour l’indépendance à Ottawa.

Après une légère remontée dans les sondages grâce à la solide performance de Gilles Duceppe aux débats télévisés, on a plutôt misé sur l’objectif de « la balance du pouvoir à Ottawa » qui nous permettrait d’obtenir des gains à Ottawa dans le régime. Avec la division du vote, on se dirigerait vers un gouvernement minoritaire à Ottawa, duquel un Bloc de 20-25 députés détenant la balance du pouvoir obtiendrait des concessions bénéfiques pour le Québec. Cette position renforçait l’idée de la défense des intérêts du Québec à Ottawa plutôt que celle du Bloc comme instrument de l’indépendance. On comprend que des indépendantistes aient pu se dire qu’à ce compte, il valait mieux voter « stratégique », nommément pour le NPD qui pourrait former le prochain gouvernement.

Dans la dernière semaine de campagne, suite à la dégringolade du NPD dans les intentions de vote, les sondages ont mis libéraux et conservateurs nez à nez. On pouvait alors espérer qu’il y aurait un gouvernement minoritaire. À cinq jours du vote, sur le terrain, la crainte du retour d’un gouvernement conservateur était palpable, même chez nos sympathisants. Même minoritaire, un retour de Stephen Harper au pouvoir était inacceptable pour la majorité des Québécois.es, y compris pour les indépendantistes « stratégiques ». Il serait intéressant de voir quelle proportion de ces derniers s’est fait violence pour voter pour le fils de Pierre-Elliot Trudeau. Chose certaine, l’appuyer devenait la façon la plus sure de battre les conservateurs, mais sans doute pas la meilleure pour faire avancer l’idée d’indépendance.

Démarrer un nouveau cycle politique

Finalement, tout comme en 2011, la moitié seulement des indépendantistes ont voté pour le Bloc. Au Québec comme à Ottawa depuis 2007, les partis indépendantistes ne font plus le plein des électeurs favorables à l’indépendance. Rappelons qu’en 2007 au Québec, le Parti québécois récoltait 28 % des appuis, perdant son titre d’opposition officielle, alors que l’appui à la souveraineté se maintenait à 44 %. Les résultats du Bloc et du Parti québécois ne tirent pas encore l’option souverainiste vers le bas, mais il est clair qu’on ne peut plus faire sans risques des élections de « bon gouvernement » à Québec ou de « bonne opposition » à Ottawa. L’appui des jeunes électeurs et électrices à l’indépendance, se situant dernièrement à 30 %, alors que la moyenne est autour de 40 %, est particulièrement préoccupant.

En relançant le Bloc à Ottawa, nous voulions démarrer un nouveau cycle politique en vue de 2018. Force est de constater que cela reste à faire. Mais même si le résultat de l’élection de 2015 a été en deçà de nos attentes, le mouvement indépendantiste en sort quand même renforcé grâce à l’élection d’une équipe de députés et de conseillers déterminés, une équipe dotée aussi de moyens accrus. On peut donc souhaiter que les 10 députés du Bloc élus à Ottawa s’engagent dans la promotion de l’indépendance plus clairement que par le passé. Nous en aurons besoin pour mettre fin au cycle politique précédent marqué par les défaites du Parti québécois en 2014 et du Bloc québécois en 2015. Pour gagner la prochaine fois, il nous faudra établir une solidarité autour de l’indépendance qui ne se fissure pas à la première occasion. Il faudra en finir avec les élections de bon gouvernement ou de bonne opposition à Ottawa, assumer une indépendance déterminée, décomplexée, en lien avec nos projets collectifs de développement économique, d’énergies renouvelables, de justice sociale au Québec et dans le monde.

Pour ce faire, il est urgent pour la famille indépendantiste de se regrouper autour d’un plan, d’une feuille de route dont voici les principaux éléments.

1. Publier une feuille de route comme élément déclencheur. Tant qu’une démarche nationale convergente et potentiellement décisive ne sera pas annoncée, on sera dans une impasse. On continuera à faire des campagnes partisanes, plutôt que nationales, des campagnes ne portant pas sur l’indépendance. Un nouveau cycle doit être amorcé par la publication d’une feuille de route avec un objectif clair et une démarche endossée par les principaux acteurs du mouvement indépendantiste. Cette solidarité et cette détermination retrouvées sont nécessaires pour redonner confiance dans l’idée que l’indépendance se fera. Le premier élément de cette feuille de route consisterait à faire porter l’élection de 2018 sur l’approbation de la feuille de route par la population au cours de la prochaine campagne électorale. L’élection d’une majorité des députés indépendantistes à l’Assemblée nationale mettrait en route la démarche démocratique décrite dans la feuille de route. 2018, c’est demain matin ! La feuille de route devrait être publiée d’ici la fin de 2016. Il restera alors deux ans avant l’élection québécoise. Au cours de la précampagne et des élections de 2018, on débattra du pourquoi de l’indépendance et de la démarche prévue pour y arriver.

2. Confier un rôle d’initiateur à la société civile indépendantiste. À l’instar de la Catalogne où la société civile a joué un rôle central dans la convergence des partis indépendantistes, nous avons entrepris, à partir de 2008, de consolider la société civile indépendantiste en rassemblant les mouvements souverainistes : création du réseau Cap sur l’indépendance (2010) autour de la SSJB de Montréal, États généraux sur la souveraineté (2012-2014) organisés par le Conseil de la souveraineté (CSQ), Congrès de convergence (mai 2013) organisé par le NMQ, rassemblement destiNation (septembre 2014) et, finalement, création des Organisations unies pour l’indépendance (OUI-Québec), succédant en décembre 2014 au CSQ. Le OUI-Québec regroupe actuellement la plupart des organismes de la société civile favorables à l’indépendance. Il a acquis la neutralité et la crédibilité nécessaires pour initier la préparation de cette feuille de route à partir de sa table de concertation avec les quatre principaux partis politiques indépendantistes qui y participent déjà. C’est là où le texte de la feuille de route pourra être mis en forme et proposé aux instances des partis et des mouvements. Il s’agira d’un document bref indiquant les grandes étapes qui seront suivies entre l’élection d’une majorité d’indépendantistes à l’Assemblée nationale et le référendum qui approuvera une constitution québécoise élaborée au cours d’une démarche démocratique fondée sur la souveraineté populaire.

3. Donner un contenu à la lutte nationale. Nos adversaires ont réussi à présenter l’indépendance comme une question déconnectée des « vraies affaires », disaient-ils à l’élection de 2014. Cela a été souligné plus haut, au cours de la campagne 2015 également, beaucoup ne voyaient plus les liens entre notre dépendance politique et des questions comme l’austérité budgétaire, le transport du pétrole, la démocratie, l’environnement ou les enjeux internationaux. Notre réponse doit être de proposer des projets d’avenir faisant un large consensus au Québec, nécessitant le contrôle de nos affaires dans un Québec pays. Dans l’ouvrage Forger notre avenir publié par OUI-Québec et présentant les résultats des États généraux sur la souveraineté, on retrouve de tels projets pour « peupler et développer les régions du Québec », « prendre en main notre territoire et nos transports », « développer l’économie verte du 21e siècle » ou « assurer la sécurité du revenu et de l’emploi des citoyennes et des citoyens ». Il s’agira également d’utiliser à fond et de vulgariser les travaux publiés dans la revue L’Action nationale, les études réalisées par des instituts comme l’IRÉC, l’IRIS ou le futur Institut sur l’indépendance, ou les synthèses contenues dans des ouvrages récents comme L’indépendance maintenant (IPSO 2012) ou Le livre qui fait dire OUI (ON, 2015). Le contenu du projet indépendantiste a été remis à jour, mais il n’est pas publicisé systématiquement par le Parti québécois, Québec solidaire ou le Bloc québécois.

4. Nous mobiliser pour une campagne permanente pour l’indépendance. Pour gagner l’élection de 2018, il faut se remettre à parler, écouter, sortir hors de nos rangs et convaincre. En un mot, il faut nous mobiliser des organisations de la société civile comme au sein des partis politiques comme pour véhiculer le pourquoi et le comment de l’indépendance. Actuellement, cela ne se fait pas. Comme le mentionnaient certains indépendantistes au téléphone au cours de la campagne 2015, « rappelez-moi quand il y aura un référendum à l’horizon ». Au cours de la campagne de 2015, les candidats du Bloc, et beaucoup de militantes et de militants, venaient du PQ, de QS et d’ON. On a eu un début de convergence des partis. Il faut maintenant poursuivre de façon concertée le porte-à-porte, les assemblées de cuisine, l’affichage, les événements politiques et les publiciser de façon persistante dans les médias.

Tout ce qui précède est évidemment exigeant et demande de mettre l’indépendance au premier plan et les préoccupations partisanes au second plan. Cela commence à se faire, mais il faut accélérer le mouvement pour lancer un nouveau cycle politique gagnant. Pour paraphraser Jacques Parizeau le soir du référendum de 1995, « on se crache dans les mains et on recommence ». Je suis certain que dans son esprit toutefois, cela ne devait pas attendre 20 ans !