Le long et dur chemin de la lutte

1976 et 2012 : rendez-vous de la première et de la dernière chance ?

Le camp souverainiste a l’âme à la tristesse. Face aux affres subies par le Québec depuis 1995, après dix interminables années marquées par l’exclusion et la trahison, il entretenait les plus belles espérances dans ce rendez-vous électoral du 4 septembre, histoire de démontrer que le train du changement pouvait enfin être remis sur les rails. On croyait arrivée la fin d’une déprimante léthargie, on se croyait enfin prêt à reparler d’avenir et de nouveaux horizons. Et voilà que les mânes du passé sont sortis de leur tombe pour faire une nième projection du Temps des Boufffons et de la P’tite vie , avec les échos des sempiternelles litanies sur les « pensions de vieillesse » et les « belles montagnes rocheuses ».

Sous certains aspects, et pour ceux et celles qui ont l’âge ou la mémoire, cette campagne électorale amenait quelques similitudes avec celle d’octobre 1976 : avenir national et libération comme trames de fond d’un féroce combat qui, pour conduire à une issue décisive, devait tabler sur la grande insatisfaction des électeurs à l’égard d’un gouvernement éclaboussé par la corruption (Paragon en 1976, infrastructures et garderies en 2012) ; une tête de Turc sur qui frapper pour des gains assurés (la désormais célèbre affiche électorale de 1976 « On mérite mieux que ça » résume à elle seule le ton de la campagne). Le tout coiffé d’une espèce de petite psychose révolutionnaire entièrement fabriquée : « Péquistes aux mains tachées de sang » (Jean-Noël Tremblay), ces « Rouges qui attaquent » (Richard Martineau).

Octobre 1976 et septembre 2012, ultimes chances pour le clan souverainiste de se remettre en selle après deux échecs électoraux successifs et très difficiles à encaisser. Ou bien c’était la pénible et inexorable fin ou bien le début d’un commencement prometteur.

Mais là s’arrêtent les similitudes. En 1976, le courant progressiste et le mouvement souverainiste sont en pleine expansion, en 2012, l’édifice se lézarde et les valeurs de droite frappent aux oreilles de ce nouveau segment d’électeurs que constituent les jeunes travailleurs autonomes. En 1976, le mouvement souverainiste est le fruit d’une union sacrée, le RIN et le RN s’étant fait hara-kiri en faveur d’un front uni. En 2012, on se fabrique un parti indépendantiste bien à soi.

Quel score aurait fait René Lévesque en 2012 ? Soustrayons les 8 % recueillis par Québec solidaire et Option nationale et le voilà lui aussi à 33 %, soit en dessous du seuil critique qui, dans notre régime électoral, permet ou non de former un gouvernement majoritaire.

En 1976, le chansonnier Claude Gauthier nous disait « prévus pour l’an 2000 ». Les dix-huit années de pouvoir souverainiste qui s’amorcent à partir de cette époque le laissaient normalement espérer. Mais force nous est de constater que le long et dur chemin du Québec s’est interrompu après la quasi-victoire de 1995. En mode offensif depuis plus de quarante ans et croyant avoir réalisé une avancée irréversible, le mouvement souverainiste a amorcé cette campagne de 2012 avec un soutien à la souveraineté n’oscillant pas plus haut que les 30 % et 35 % évalués dans les sondages. Et cela a donné le résultat que l’on a eu.

Pour le clan fédéraliste, ce 4 septembre 2012 représentait un autre exercice référendaire qu’il fallait gagner à tout prix. Ce qui fut presque. Il est déjà à préparer le prochain round pour reprendre le contrôle de l’Assemblée nationale. Il est seul maître de l’échéancier. Comment le camp souverainiste peut-il se ressaisir ?

Trois blocs d’opinion persistants dans un système qui n’en digère que deux

En dépit de deux affrontements référendaires, sept élections à caractère tout aussi référendaire depuis 1976, le grand spectre des allégeances électorales ne semble toujours pas vouloir bouger au Québec. Trois blocs bien constitués et plutôt difficiles à défiger du fait qu’ils se régénèrent sans cesse au fil des ans. L’issue de la campagne 2012 n’indique rien qui permette de croire qu’il y aura changement à court terme à ce chapitre. Seul le cadre référendaire, qui confine à deux seuls camps opposés, permet de briser cette dynamique, par ailleurs universelle. Les spécialistes des régimes électoraux ont depuis longtemps observé que, face à une perspective de changement en profondeur de régime politique, l’expression des opinions a tendance à se cristalliser aux extrêmes, laissant le plus souvent au centre une importante frange d’électeurs que les deux tendances plus actives vont tenter de convaincre et de se fidéliser.

Un modèle qui n’est pas propre au Québec

Dans son histoire de la révolution américaine (Les États-Unis, 1973), Maurice Werther rappelle que ce ne sont pas tous les colons américains, loin de là, qui étaient disposés à rompre avec la métropole. Les citoyens étaient là aussi à peu près également partagés entre trois tendances au départ bien définies : les partisans de l’indépendance (Patriots) recrutés principalement dans le petit peuple ; la frange de ceux qui voulaient rester fidèles à la Couronne (Loyalists), en bonne partie recrutés chez les bourgeois commerçants du Nord, puis un troisième tiers formé de personnes non alignées, relativement indifférentes au départ, mais probablement davantage attirées par la faction loyaliste en raison de la « protection » qu’ils avaient l’illusion de bénéficier de la part de la métropole (petits fermiers en rivalité de classe avec les grands propriétaires).

La question du médecin de famille au coeur de l’avenir national québécois

Au Québec, ces trois segments d’opinions sont depuis deux décennies de force relativement égale. Un portrait-robot de chacun permet d’interpréter les trois couleurs de la carte électorale au lendemain du 4 septembre et d’apprécier le lourd défi auquel fait face le mouvement souverainiste s’il veut avancer et non demeurer cantonné dans l’univers de la « question nationale ».

Le camp des « souverainistes-patriotes » est essentiellement francophone et de tendance progressiste sur le plan socio-économique, contre toute approche de libéralisme économique et partisan d’une forte intervention de l’État (régions périphériques et à plus faible densité, quartiers populaires des grands centres et des métropoles régionales). Le clan des « Loyalistes » est un noyau encore plus dur. Il est formé des « Canadians » (anglophones et nouveaux arrivants qui s’y collent), alimenté par la communauté des affaires et jeunes entrepreneurs des années 80 et 90, et mobilisé par certaines franges militantes de droite, comme les partisans de la « Route de la Bravoure » dans la capitale nationale. Le sentiment loyaliste va généralement l’emporter sur toute autre valeur socio-économique. Essentiellement agglutinés autour du Parti libéral du Québec, et dans une moindre mesure à la CAQ, ces électeurs sont généralement de droite et n’aiment pas l’État québécois qu’ils jugent par ailleurs mauvais gestionnaire comparé au fédéral.

Quant aux « centristes (le « vrai monde » de Mario Dumont), leur allégeance est nécessairement moins solide et plus infidèle. S’avouant « moins compétents » en matière politique, ils s’intéressent peu à la chose publique. Après plus de 40 ans de débats sur l’avenir du Québec, une partie non négligeable d’entre eux éprouvent encore une certaine difficulté à faire la différence entre les compétences du Québec par rapport à celles du fédéral. Ils vivent sous la dangereuse illusion d’être sous la protection du Canada en matière de bien-être et ceci, en raison du mirage de la péréquation et des pensions de vieillesse (facteur qui a joué encore un rôle clé le 4 septembre dernier). Ce troisième tiers représente un terreau assez fertile pour les démagogues, les populistes et les « faiseurs d’élections » à l’affut d’événements pouvant démarrer une « vague » à leur profit. C’est à cette frange d’électeurs que la Coalition avenir Québec a tenté de faire croire que le destin national du Québec repose désormais sur l’attribution d’un médecin de famille. Quant au Parti québécois, sa stratégie a toujours été de tenter rejoindre cette « clientèle » avec la même approche que ses adversaires (surenchère clientéliste au chapitre des programmes sociaux et fiscaux), ce qui, chaque fois, se sera avéré une erreur qu’il n’aura de cesse de répéter. Ce « gisement électoral » nécessite au contraire un travail de longue haleine et une approche faisant appel à la fierté et à l’identité.

Une culture politique qui refoule encore les antagonismes

Peut-on honnêtement reprocher à madame Marois d’avoir mis sous le boisseau l’enjeu de la souveraineté durant cette campagne ? Une analyse de presse indiquerait qu’elle en a fait un thème quotidien et qu’à mesure qu’avançait le combat électoral, le thème était défendu avec vigueur et moins de ménagement. Ce qui d’ailleurs aura permis de ramener au bercail souverainiste, bon nombre d’artistes recyclés depuis plus de 10 ans dans la cause des rivières et de la forêt boréale.

Peu d’enjeux vraiment antagonistes peuvent être finalement débattus sérieusement ou de la manière espérée dans le cadre des grands débats télévisés qui font aujourd’hui nos campagnes. Question de format d’abord : ils sont des lieux qui ne permettent que les clips préparés que l’on va répéter ad nauseam. (« Nous, on veut faire le ménage, pas des référendums », « Les Québécois veulent des emplois, pas des référendums »). C’est ainsi que l’immense enjeu de l’avenir du Québec est sciemment confiné comme simple rubrique de « gouvernance ».

Depuis 1995, on tente de faire valoir que tout débat même intellectuel sur l’avenir du Québec va inexorablement conduire à « la chicane », donc à un schisme profond au sein de la population. Bon pour le clan fédéraliste. Charest et Legault y auront quotidiennement puisé tout au long de la campagne. Au fil des ans, on aura finalement tenté de définir le Québec comme une « société moderne » qui serait plus heureuse si elle était exempte de conflits. Comme si le débat public ne représentait plus la source même de l’exercice démocratique.

Les grands médias ont une responsabilité certaine dans cet état des choses. Dans son classique essai « Introduction à la politique », Maurice Duverger souligne que « la règle fondamentale pour toucher le public le plus large possible, c’est de ne heurter personne ».

La presse, la radio, la télévision chercheront donc à éviter dans toute la mesure du possible les questions controversées importantes, dangereuses. Prendre position à leur égard risquerait de choquer une partie de la clientèle et de la faire fuir. S’il est absolument nécessaire d’en parler, poursuit-il, parce qu’elles sont au cœur de l’actualité, on le fera avec le maximum de précautions.

À la fin, vue sous cet angle, la recherche de l’opinion moyenne ne vise-t-elle pas à conduire à l’immobilisme politique ? Parmi les manifestations les plus illustratives de cette aseptisation des débats et du déni des conflits politiques et sociaux, il y a le « Club des ex » diffusé quotidiennement à la SRC, une plate-forme où les adversaires doivent débattre dans la bonne humeur de l’avenir du Québec et donner l’illusion que la polarisation politique n’est au fond pas réelle ; il y a aussi cette fâcheuse manie de transformer automatiquement en héros un premier ministre sortant qui se fait battre dans son propre comté ; il faut noter enfin ce curieux traitement médiatique de l’attentat du Métropolis, le soir du 4 septembre, qui balaie sous le tapis la honteuse campagne de mépris organisée contre le Parti québécois depuis des mois.

Une communauté d’affaires de plus en plus engagée et militante

Pour faire une lecture adéquate des principales forces qui ont agi lors de cette campagne électorale de 2012 et des suites qui se préparent actuellement, il faut encore une fois retourner au lendemain du 30 octobre 1995. Ce qu’on qualifie communément de « grande frousse » a instinctivement et promptement amené les establishments fédéralistes et d’affaires à agir désormais de façon énergique et concertée : plus jamais un parti souverainiste ne devait reprendre le contrôle de l’Assemblée nationale du Québec.

En janvier 1998, ce sont les réseaux politiques et financiers du camp du NON qui vont minutieusement préparer l’arrivée de Jean Charest à Québec. En dépit de son intérêt plutôt éloigné pour la poutine provinciale (à 4 ans, il avait fait le rêve de devenir premier ministre du Canada), grand ténor du clan du NON de 1995, ce dernier « écoutera son cœur » pour « sauver le Québec ». Une souscription est réalisée, prioritairement auprès des firmes reliées aux infrastructures publiques, dans le but de faire du PLQ la plus formidable machine électorale depuis l’ère Duplessis. C’est cette machine qui est derrière le PLQ de 2012. Elle travaille de façon professionnelle et dispose des meilleurs conseillers stratégiques… et fiscaux. On peut penser que la commission Charbonneau aura même une certaine difficulté à détricoter tous les dédales et les accointances établies entre politique et communauté des affaires au fil des ans.

Avant ce tournant historique d’octobre 1995, la petite bourgeoisie d’affaires du Québec avait l’image d’un club relativement discret et prudent au chapitre de l’implication politique. Le ton militant n’a jamais été de mise, exceptions faites, chez les grands groupes, lors des rendez-vous référendaires. C’est graduellement que ce groupe a pris conscience de son pouvoir politique. Sous l’éclairage constant d’une presse affaires spécifiquement conçue pour glorifier l’entrepreneuriat québécois, cette nouvelle communauté a fini par se croire compétente en politique. Elle occupe l’échelon le plus élevé de l’estime populaire et de la notoriété publique dans les sondages des trente dernières années, probablement en raison du fait qu’elle est associée à la création de la richesse. Pas étonnant que lorsqu’ils affichent leur positionnement pour un parti ou une option, ses membres soient crédités d’un rayonnement certain. Ils ont des employés, des fournisseurs, ils s’investissent abondamment pour l’avancée de leur business dans nombre de réseaux sociaux et économiques (cercles locaux, chambres de commerce, Club Lion), ils possèdent leurs propres magazines régionaux d’affaires et de commerce.

Cette haute estime que cette communauté des affaires a d’elle-même peut parfois lui faire emprunter de curieux raccourcis. Comme le souligne Christian Rioux dans sa chronique du 7 septembre, elle a contribué à accréditer « cette idée saugrenue selon laquelle les hommes d’affaires, même incultes, seraient les mieux placés pour « runner la business » de l’État ». Cinq jours avant le 4 septembre, Le Soleil titrait : « Legault veut s'inspirer du secteur privé pour gérer le Québec ». Qui, par ailleurs ne se souvient pas de cette entrevue à l’émission des Francs-tireurs de 1997 dans laquelle le nouvel élu adéquiste François Bonnardel se déclarait, le plus sérieusement du monde, préparé à prendre les commandes du ministère des Finances du Québec, argüant qu’il n’y avait là au fond pas de si grandes différences au plan comptable avec la gestion de son garage familial.

Au cours des dix dernières années, et la grande, et la petite bourgeoisie d’affaires du Québec aura été d’un soutien inconditionnel et sans faille aux projets économiques du gouvernement Charest : « modernisation de l’État, déréglementation du marché du travail, privatisation et tarification accrue de nombreux services publics. Et l’une des « performances » des plus appréciées fut de s’attaquer de façon vindicative au monde syndical.

PLQ : une riposte prompte et sans quartiers

Un PLQ gonflé à bloc et prêt à se lancer en chasse à la façon d’une véritable meute contre un PQ encerclé de toutes parts, une CAQ reléguée loin du pouvoir, presque à un statut d’ADQ nouvelle manière, telle est la conjoncture au son du réveil-matin, le 5 septembre 2012.

Première constatation : le clan fédéraliste n’a aucune raison, ni aucun avantage à vouloir « niaiser avec la puck ». Moins de 12 heures après le décompte final, la communauté des affaires (Conseil du patronat) lance d’ailleurs la première salve en se déclarant « hautement préoccupée par le programme péquiste ». La performance électorale du clan au soir du 4 septembre lui donne globalement l’impression de détenir toutes les cartes, surtout celle de l’échéancier. Le PLQ vogue quant à lui sur la grande assurance d’être maintenant seul porteur de la volonté d’une majorité d’électeurs et seul véritable « rempart contre la séparation » et unique « police d’assurance contre un référendum ». Il sait surtout maintenant que la « menace référendaire » a dorénavant préséance sur tout et qu’elle peut tout balayer sur son passage, même de lourdes allégations de corruption et un taux d’insatisfaction aussi élevé que 70 %. Cet optimisme et cette assurance qui se dégagent dans les rangs du PLQ laissent davantage anticiper un scénario de 6-8 mois plutôt qu’un de 18-24 tel que généralement avancé par la plupart des analystes politiques.

Pendant que le nouveau gouvernement péquiste va découvrir une à une les « surprises cachées » par l’ancien propriétaire, un Jean-Marc Fournier, expert en « combat extrême », pourrait bien être tenté par l’idée d’assommer très tôt l’adversaire en menant une charge dans le plus pur style Charest de 1998 (« Apprendre à les haïr »). Dans les officines du Parti, on est sans doute déjà à pied d’œuvre pour identifier les barrières et les embûches qu’il faudra, semaine après semaine, dresser sur le dur chemin de la gouvernance minoritaire du Parti québécois. Ce dernier pourra rapidement se rendre compte qu’en dépit de son statut d’opposition, le clan fédéraliste demeure toujours détendeur d’un immense pouvoir politique.

La « main de Dieu » comme première source de pouvoir

Dans un tel contexte, peut-il y avoir « course » à la direction du parti ou un semblant, comme d’habitude ? En fait, l’élection de Robert Bourassa le 17 janvier 1970, représente peut-être la dernière véritable course à la direction du PLQ. L’éviction de Daniel Johnson et son remplacement inopiné par Jean Charest en 1998 est révélatrice des méthodes utilisées par les establishments fédéralistes et financiers lorsque la situation et l’urgence les justifient. Ces establishments ne font pas beaucoup dans le communautaire. Ils sont en réalité la « main de Dieu » jadis évoquée par Claude Ryan. Aguerris, équipés et pleins de ressources, ils ont normalement tout pour triompher : les contacts au sein des innombrables groupes d’intérêts et associations professionnelles représentant depuis des décennies un formidable outil de médiation entre citoyens et pouvoirs publics, l’appui de la page éditoriale des grands quotidiens et celui de certains chroniqueurs politiques souvent invités d’ailleurs aux coquetels du Parti, une ascendance sur les principaux réseaux aux niveaux national, régional et local. La direction du PLQ finit toujours par s’avérer une chose trop importante pour être laissée entre les mains des militants. Pendant que les Bolduc, Pelletier, Paradis, Thériault amuseront la galerie, les chasseurs de têtes (Charles Sirois de retour qui sait ?) sont déjà à l’œuvre pour préparer la venue du messie. Exactement comme en 1998.

Cette force du PLQ, c’est aussi celle de la « cinquième colonne », de ses antennes partout répandues, ses ramifications, ses relais au sein même des services de l’administration gouvernementale, des conseils d’administration des sociétés d’État, des agences publiques, des ministères. En moins de 10 ans, Jean Charest a réussi à colorer aux couleurs du PLQ une partie importante des postes clés de l’administration gouvernementale.

« L’illégitimité péquiste » première cible du combat parlementaire

Balayés de la Chambre des Communes le 11 mai 2011, répudiés par plus de 68 % des électeurs le 4 mai dernier, les souverainistes du Bloc et du PQ ont un immense défi de légitimité politique devant eux. Déjà qu’en raison de son option, le « parti péquiste » (expression méprisable imaginée par jadis par Trudeau) est réputé par plusieurs ne pas devoir bénéficier de la légitimité requise pour conduire les simples affaires de la « Province ». Imaginons les charges émotives de l’opposition parlementaire lorsque les projets de loi à caractère identitaire atterriront sur le paquet de l’Assemblée nationale sous les auspices d’un gouvernement qui ne tient son titre que par quatre voix. On ne fera pas la nuance entre légalité et légitimité. Tenons pour acquis que, du côté du PLQ et de la CAQ, on refusera tout appel fait par madame Marois à la force du « droit naturel » de débattre considérant l’importance des enjeux nationaux en cause.

Soutien indéfectible en provenance d’Ottawa

On doit par ailleurs s’attendre à ce que la succursale québécoise reçoive un indéfectible soutien en provenance d’Ottawa, tous partis confondus. Sur le plan de l’action gouvernementale, ce soutien pourra prendre de multiples formes : pièges diplomatiques pour coincer le gouvernement dans ses relations à l’international, délais dans l’approbation des programmes conjoints d’infrastructures, finasserie dans les investissements immobiliers fédéraux. Qu’on se rappelle à quel point il fut relativement facile pour Jean Chrétien de déstabiliser les finances publiques du Québec en 1997, au moment où les dépenses de santé commençaient à exploser (Plus de 8 milliards$ seront retranchés des transferts au Québec. « Plus ça fera mal économiquement, plus l'appui à la souveraineté baissera », Stéphane Dion).

En dépit de la profonde aversion qu’avait développée Thomas Mulcair pour Jean Charest, le PLQ pourra toujours compter sur l’appui de cet ex-président d’Alliance Québec. Quand l’intégrité territoriale canadienne est menacée, l’unanimité est toujours automatique à Ottawa. Son surprenant projet de succursale québécoise du NPD n’avait d’avenir que dans un scénario de déconfiture du PLQ. Bien sûr, il aurait été sans doute possible pour le NPD d’aller puiser chez Québec solidaire, mais le gisement est quand même bien maigre.

Parti québécois : savoir sortir des sentiers connus

L’état du PLQ au sortir de cette élection amène aussi son lot d’interrogations et dissimule un peu plus de lacunes ou faiblesses qu’a bien voulu le laisser croire Jean Charest dans son discours d’adieu du 5 septembre. Ses 50 victoires locales ne peuvent faire illusion totalement : beaucoup d’appuis chez les anglophones, chez les allophones et chez les personnes âgées. Mais un trop faible soutien chez les francophones de moins de 45 ans. Une situation qui laisse une zone de doute pour le prochain rendez-vous et sur laquelle pourra composer le Parti québécois.

Quant à la CAQ, quelle sera sa performance dans ce capharnaüm ? Et surtout quel appui supplémentaire peut-elle espérer aller chercher chez l’électorat au cours des prochains mois ? Que pourra-telle faire de plus et de mieux que l’ADQ ? Son score, si honorable soit-il, la place devant une cruelle réalité : les establishments d’affaires qui ont contribué à son ascension ne seront probablement plus là pour la prochaine étape. Ces gens n’ont pas l’habitude de travailler avec les perdants. Retranchée sur les banquettes du deuxième parti d’opposition, la CAQ risque de trouver les prochains mois plutôt longs pendant que tous les projecteurs des médias « amis » seront dirigés vers le PLQ.

L’espace du corridor gouvernemental

Avant même que les résultats de l’élection ne soient connus, plusieurs spéculaient déjà sur la capacité d’agir d’un éventuel gouvernement souverainiste, même majoritaire, tant les forces et les vents contraires sont réputés puissants. Pour tenir 18 mois, ce gouvernement du PQ devra se montrer imaginatif à l’extrême et surtout pouvoir créer son propre rayonnement à l’extérieur de l’Assemblée nationale où il sera en état de siège permanent. Il serait hasardeux de spéculer ici sur la nature des quelques projets législatifs qu’il pourra risquer de mener sans se mettre en situation de trop grande vulnérabilité (citoyenneté, langue d’enseignement au collégial, budget). Il semble cependant tout à fait raisonnable de penser qu’il ne se lancera pas dans des avenues suicidaires.

Rappelons toutefois une réalité trop souvent méconnue : dans notre régime politique de type britannique, la zone de gouvernance du pouvoir exécutif pouvant s’exercer à l’extérieur du parlement est finalement très étendue. Tout gouvernement en position précaire peut espérer se donner une assez grande liberté d’action pour desserrer l’étau qui pèse sur lui. Une grande partie des lois déjà en vigueur sont en effet de type « loi-cadre », en ce sens qu’elles permettent une grande capacité d’intervention réglementaire à un Conseil des ministres. C’est ce dernier qui, en plus, oriente l’action des sociétés d’État, s’octroie le pouvoir d’en nommer les dirigeants, modifie les pratiques au niveau local par simples énoncés politiques adressés aux administrations déléguées que sont les municipalités locales et régionales.

Se donner une structure de travail inédite

Pour faire face à un niveau de contraintes peu communes, le nouveau gouvernement pourrait tirer un immense avantage à mettre sur pied une unité opérationnelle de coordination politique au sein de l’exécutif gouvernemental (un war room) suffisamment outillée en ressources et crédits pour exercer efficacement les mandats politiques et identitaires qu’il devra mener dans un temps relativement court. L’expérience a démontré que la traditionnelle approche ministérielle sectorielle ne peut donner de résultats, ni à court terme, ni à long terme. On sait à quel point il est difficile de mener de front gouvernance générale de l’État et combat national. Ce nouveau gouvernement sera comme tous les autres avant lui, immédiatement happé par le quotidien des salles d’urgence, des écoles insalubres ou des bouchons urbains.

Ouvrir un front à l’ouest de l’Outaouais

Si, après son élection en 1998, par pur principe d’ordre moral, Lucien Bouchard se refusa toute légitimité politique en matière de gouvernance souverainiste, tout laisse supposer que madame Marois n’entretient pas de tels scrupules. Minoritaire, le gouvernement Harper ne s’était pas lui-même enfargé dans les fleurs du tapis pour faire primer la raison d’État. Dans notre régime, c’est là une des prérogatives d’un gouvernement, qu’il soit ou non majoritaire. Le Bloc québécois étant pratiquement effacé de la scène fédérale, ce gouvernement doit occuper tout le terrain. Il est à souhaiter que des travaux soient très tôt initiés pour faire la lumière publique sur des aspects tels : la part du Québec en investissements fédéraux dans des actifs économiquement structurants, la part des PME du Québec dans la sous-traitance des agences et ministères fédéraux, la part réelle du Québec dans la dette fédérale eu égard aux actifs fédéraux au Québec.

Poursuivre la critique du régime libéral là où on avait laissé.

Encerclé de toutes parts, le gouvernement du Parti québécois n’aura d’autre choix que de se mettre lui-même en mode très offensif. Il doit aller fouiller là où la commission Charbonneau n’ira pas, en mettant immédiatement sur pied une mission d’enquête publique chargée d’examiner les pratiques du PLQ et d’Hydro-Québec dans l’industrie des hydrocarbures et du gaz. Une telle opération démontrera vraisemblablement à quel point l’intérêt national a été subrogé au profit de compagnies et de réseaux amis du PLQ.

Envahir le champ de l’appartenance et de l’identité

Les principaux éléments d’une stratégie de renforcement de l’identité sont déjà répertoriés et on a tout avantage à en faire un plan d’action : la question des signes religieux dans l’administration publique peut se régler par la voie d’une simple directive gouvernementale, la question de la langue de communication entre l’État et les citoyens se règle elle aussi par simple décret. En attendant la fin du long processus de réforme des programmes d’histoire, il serait relativement plus simple de voir à la production de « matériels pédagogiques » à la façon Patrimoine Canada ; idem pour la sensibilisation des nouveaux arrivants à la réalité historique du Québec (histoire nationale, culture et langue commune). La révision de la législation sur le drapeau du Québec vieille de 1967 et qui demeure très ambiguë quant aux prérogatives et compétences de l’État québécois, la refonte de la politique d’identification visuelle de l’État et la mise en œuvre d’une politique de commémoration sont toutes des initiatives pouvant être mises en œuvre dans l’immédiat.

Politique économique et fiscale

L’entrée en fonction du Parti québécois coïncide avec une période de ralentissement économique dont on ne peut anticiper ni l’ampleur, ni la durée, ni l’impact direct sur l’emploi et les finances publiques. On présume déjà dans certains cercles qu’il lui sera excessivement difficile de respecter l’objectif de l'équilibre budgétaire en 2013-2014. L'imposition de mesures fiscales imprévues pourrait même devoir s’imposer dans le scénario de gouvernance.

Dans son commentaire du 21 août 2012, édité dans le bulletin de l’IRÉC, Pierre Gouin affirme que ce ralentissement est essentiellement causé par une stagnation des exportations internationales depuis plus de 10 ans. De 6 milliard$, le surplus commercial s’est transformé en déficit de plus de 23 milliard$. Cette nouvelle réalité, que l’ancien gouvernement s’est bien gardé de secouer et que le programme des infrastructures a pratiquement occultée, interpelle dorénavant l’ensemble des acteurs socio-économiques du Québec. Un fait porteur de difficultés pour le nouveau gouvernement péquiste, mais aussi une opportunité qui lui est donnée de rétablir les rapports avec le monde du travail et celui de la communauté des affaires. Saura-t-il s’en saisir ?

Cette conjoncture économique devrait en effet l’inviter à regarder du côté de la voie de la concertation socio-économique jadis empruntée par René Lévesque au tournant des années 1978-1984. Plus de 30 sommets ou tables de concertation socio-économique, en priorité sur des secteurs d’activités durement frappés par la récession. Une période riche en recherches et innovations, en dialogue public avec le monde des affaires et de la finance, avec le monde du travail et avec les associations citoyennes. On se souviendra que de ces opérations il est résulté Corvée habitation (1982), le Fonds de Solidarité FTQ (et plus tard le Fondaction), ainsi que des avancées spectaculaires dans le secteur agricole. Sur un plan purement politique ou stratégique, ces chantiers ont favorisé le développement de nouvelles attitudes, tant du côté du monde des affaires que du travail. Pendant toute cette période, l’opposition libérale aura vécu une grande frustration n’ayant droit qu’à un réducteur titre d’observateur.

Unité du camp souverainiste : pas pour demain

Le problème de la dispersion des forces dans le combat national hante le camp souverainiste depuis la création de Québec solidaire. Il s’agit d’une histoire qui n’est pas nouvelle et qui nous ramène au célèbre discours d’Honoré Mercier de 1889 : « Cessons nos luttes fratricides ». Ce grand premier ministre québécois se désolait d’ailleurs des motifs plutôt dénués de profonde signification qui étaient à la source des clivages et des divisions. De nos jours, non seulement le peuple est-il divisé sur son avenir national, mais il faut que le camp du changement se fragmente lui-même. Dans de telles conditions, quel avenir ?

Coalition électorale : un concept plus théorique que pratique

Au cours des douze derniers mois, les exhortations à l’unité des troupes ont été lancées en très grand nombre sur les pages web et dans les médias. Souhait noble en soi, mais toujours de contenu plutôt vague quant aux mécanismes à proposer pour y arriver. Dans les cercles militants, on semble confondre allègrement coalition électorale et coalition gouvernementale. Il s’agit de deux réalités distinctes. La législation électorale du Québec et tout autant son système ne sont pas facilitants pour la négociation ou la réalisation de telles coalitions électorales. La Loi sur le financement des partis politiques pénalise une candidature qui se ferait sous une appellation de coalisé. La seule véritable option qui reste est fort contraignante ; elle suppose la négociation dans les officines, d’une série de désistements mutuels entre partis. Le candidat d’un parti dans une circonscription donnée se retire en contrepartie du désistement d’un candidat de l’autre parti dans une autre circonscription. Les contingences humaines et les objectifs stratégiques locaux font que cette formule est finalement difficilement praticable. De plus, en démocratie, il ne revient normalement pas aux apparatchiks des partis de décider, à la place des citoyens, qui sera celui ou celle qui va finalement les représenter. On est véritablement en face d’un problème de système (pas de 2e tour). La solution n’est pas à l’horizon. Vaut mieux s’en faire une raison, la solution ne sera pas trouvée d’ici le prochain rendez-vous électoral.

La césure Québec solidaire-Parti québécois : la souveraineté au cœur du problème

Quelles sont au juste les véritables raisons qui sont à la genèse de cette division au sein du camp souverainiste ? Les incompatibilités sont-elles essentiellement idéologiques, relèvent-elles de conflits de personnalités ? Impossible de trancher. Mais demandons-nous plus simplement et plus fondamentalement, si la primauté de la souveraineté nationale ne serait pas au centre du problème.

À l’intérieur des grandes tendances politiques, rappelle Duverger, les extrêmes sont généralement amenés, bon gré, mal gré, à accepter ou à composer avec la domination des modérés. Le lien permanent ou organique unissant les factions extrêmes et les plus modérés d’un clan politique (souverainiste dans ce cas-ci) conduirait naturellement les premiers à la conciliation et au rapprochement. Toutefois, observe le politologue, lorsque, réduits à un rôle d’appoint épisodique ou privés de toute influence réelle sur le gouvernement, les partis identifiés extrêmes seront naturellement portés à vouloir renforcer leur tendance plutôt qu’à fusionner, le pouvoir n’étant pas nécessairement leur objectif premier. Pour plusieurs, « mieux vaut se condamner à la marginalité que de voir ses idéaux se corrompre dans un parti qui ne peut les porter tout entier ».

Les électeurs davantage « de gauche » que souverainistes, particulièrement ceux de la « mouture Foglia » font partie intégrante de cette frange pour qui le pouvoir n’est pas en soi un objectif. C’est une réalité qui fait partie de notre paysage politique et il faut composer avec. Le 4 septembre dernier, plusieurs n’avaient donc rien à cirer des appels à la Bernard Émond ou des exhortations de Pierre Dubuc citant le regretté Pierre Vallières.

Cette campagne électorale aura quand même révélé que le funeste « On verra » de François Legault pouvait également convenir à Québec solidaire (« La souveraineté : on peut changer le monde avant d’en arriver là » [Amir Khadir, 14 août]). Cette ambigüité à propos de la souveraineté, elle s’est également révélée au niveau des batailles de comtés, où de véritables opérations de maraudage ont été menées. Inévitablement, ces petites guerres vont laisser pour longtemps des séquelles et des plaies ouvertes.

Au-delà du discours électoral, il faut aussi réexaminer comment est né Québec solidaire pour évaluer la faisabilité d’un rapprochement à court terme avec le PQ. Québec solidaire est déjà la résultante d’une fusion et d’aplanissement des idées (Union des forces progressistes [UFP], Option citoyenne [OP], tandis que l’UFP elle-même est le résultat de l’union du Rassemblement pour l’alternative progressiste [RAP], du Parti de la démocratie socialiste [PDS] et du Parti communiste du Québec [PCQ]). Ayant dû déjà se résigner à plusieurs nivellements idéologiques cette formation souhaite-t-elle réellement procéder à un nivellement supplémentaire et surtout passablement plus consistant cette fois ? On sait qu’il y a un fossé à propos de la laïcité et du port de signes religieux ostentatoires dans l’espace et les institutions publics sur le mode d’accession à la souveraineté, lequel ne traduit pas une conviction souverainiste très manifeste. Pas étonnant, ont rappelé certains, que les fondateurs de QS aient hésité pendant une si longue période avant de prendre le pari de la souveraineté.

Enfin, la question d’un rapprochement avec QS se poserait avec acuité dans un scénario où le gouvernement minoritaire du PQ serait en déficit de deux voix. Mais dans un contexte où l’écart avec la majorité est de plus de 10 voix, l’intérêt stratégique n’y est tout simplement plus.

Les groupuscules : mal nécessaire et difficilement évitable

Quant aux groupuscules souverainistes qui évoluent en circonférence du Parti québécois, c’est une autre réalité. On est en présence d’un phénomène dépassant la logique stratégique et qui relève plutôt de divergences au plan des approches et des personnalités. Au total, l’influence de ces groupuscules sera la plupart du temps de durée éphémère et leur poids sera toujours négligeable en termes d’impact global. Lors de l’élection précédente, c’était le Parti indépendantiste (PI), cette fois-ci, ça s’est appelé Option nationale (ON). On n’a pas d’autre choix que celui de rester stoïque face à ces aventures. Élever (comme l’a fait Yves Michaud dans Le Devoir du 31 août) le chef d’Option nationale au rang de personnage de « haute stature » pouvant déjà être « inscrit dans l’histoire des grands hommes aux côtés des Jean Lesage et René Lévesque », tout ça sur la foi d’un discours entendu à l’Assemblée nationale, ne fait qu’ajouter au pernicieux folklore électoral qui sévit toujours chez nous.

Le cœur, le rêve et le portefeuille

Le 5 septembre 2012 marque le coup d’envoi d’une longue campagne électorale dont la date sera déterminée quelque part en 2013 par le clan fédéraliste dont la plate-forme sera « Il faut en finir une fois pour toutes avec les référendums ». Si le « camp du changement » ne se met pas lui aussi et dans l’immédiat sur un pied de guerre, cette élection risque d’être celle de la « dernière chance ». Pour mener son combat, le Parti québécois a la légitimité morale de profiter des avantages conférés par le pouvoir politique. Quel angle doit-il privilégier pour ce faire ? L’argument identitaire ou l’argument économique ? Lors de sa campagne, Jean-Martin Aussant confessait ne pas croire à la défense de l’identité québécoise comme « thème efficace pour faire la promotion de la souveraineté » (Le Devoir, 30 août 2012). Il s’agit d’une approche stratégique qui est loin d’être convaincante du fait qu’elle élimine le principal déterminant invitant à faire ou non le choix de la souveraineté. Là-dessus, les sondages semblent constants et unanimes.

L’identité nationale du Québec est un produit historique, une réalité construite sur un héritage et des racines de plus de 400 ans, sur la possession d’un legs de souvenirs à partager avec toutes les communautés humaines qui veulent s’y associer. Cette identité ne valorise donc pas uniquement le passé, elle trouve sa pertinence dans le temps présent et dans le souci de rallier l’ensemble des citoyens autour de valeurs communes et d’un projet national. L’argument économique, c’est celui qui ajoute. Non seulement il démontre que le Québec peut s’administrer lui-même, mais aussi qu’il peut faire beaucoup mieux que dans le cadre canadien. Cela dit, il saute aux yeux qu’il faut revoir l’argumentaire économique pour la souveraineté. Depuis Bélanger-Campeau, on n’a pas été vraiment capable de fournir une démonstration claire et convaincante des avantages que pourra procurer la réappropriation de la gestion de nos ressources financières et des leviers économiques qui nous ont été confisqués.

Il faudrait aussi que les nouveaux élus souverainistes relisent la proposition pleine de sens que Mathieu Bock-Côté faisait au Parti québécois quatre mois avant le 4 septembre (« La publicité politique pour les nuls »).

On ne gagne pas une campagne électorale, insiste-t-il, sur des propositions « concrètes » seulement, mais sur des propositions qui ont une portée symbolique réactivant la dimension passionnelle de la politique. On ne gagne pas une élection en s’enlisant dans le présent et en faisant toujours plus hypermoderne et branché, mais en se situant dans l’histoire. On ne gagne pas une élection parce qu’on est le plus raisonnable, mais parce qu’on est aussi le plus inspirant. Agir politiquement, cela consiste d’abord à se situer historiquement. L’histoire doit se déverser dans le contemporain et s’accrocher à des idéaux, à des grandes valeurs, les fondements de la vie en société.

Bref, tout le contraire de la perspective gestionnaire et comptable qui, finalement, aura coulé la CAQ ce fatidique soir du 4 septembre.

En 2014, les Écossais seront appelés à se prononcer sur l’indépendance de leur nation. Ce qui les amène à ce grand rendez-vous historique, ce n’est pas principalement l’argument linguistique, ils parlent la même langue que les conquérants de jadis. Ce qui les anime c’est essentiellement une culture vigoureuse (transmise par les familles, l’école, les institutions), c’est leur fierté légendaire, c’est leur coeur toujours accroché à une histoire commune et souveraine qu’on leur a confisquée en 1707. Dans le vaste débat qui a déjà cours là-bas, les questions de pensions de vieillesse et d’actifs militaires sont bien sûr à l’agenda, mais elles risquent d’occuper un espace bien secondaire. Voilà, espérons-le, de quoi nous inspirer.

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