Dans un film du cinéaste Jean-Luc Godard intitulé Deux ou trois choses que je sais d’elle, tourné en 1966, le personnage principal, Juliette, se promène dans Paris et parle d’un sentiment dont elle cherche à se souvenir. Elle dit : « C’est un sentiment que j’ai recherché toute la journée. Il y avait l’odeur des arbres. Que j’étais le monde... Que le monde était moi. Le paysage, c’est comme un visage ».
Le film raconte l’histoire d’une ménagère qui devient prostituée pour arrondir ses fins de mois. C’est toute l’histoire d’une société basée sur l’argent comme unique fin en soi que racontait l’auteur. C’était à l’époque l’histoire de la défiguration de Paris et de sa banlieue par les enseignes et les HLM, les autoroutes et la consommation, c’était l’histoire d’un choc. Sûrement celle de la fin d’un monde et du début d’un autre.
Dans l’oeuvre de cet autre artiste qu’est Luc Archambault, et particulièrement dans la grande murale réalisée lors du spectacle de soutien aux opposants au projet de port méthanier Rabaska en mai 2005 à Lévis, il se trouve beaucoup de visages et de paysages. Des visages sous forme de silhouettes vagues, perdues, errantes mais qui se tiennent là comme des présences, des anges humains, en fusion avec le paysage stylisé à grands coups de brosse vigoureux et optimistes. Le grand fleuve coulait sur l’immense toile, pas un fleuve d’argent, mais un fleuve d’amour et de vie. Le vent soufflait dans cette toile, tout comme il soufflait dans la salle bondée, et célébrait l’espoir. Des tables, des chaises semblaient y attendre on ne sait qui ; peut-être ne faisaient-elles que dire qu’on est invité, que les hommes doivent entrer dans le tableau et prendre place. Les hommes doivent habiter le lieu, en équilibre avec lui. Un habitat n’est pas un carré sur un plan d’investissements, un territoire privé pour usage privé.
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