- Denis Monière et Henri Laberge
- Numéros publiés en 2014
- Janvier 2014
Charte - Le Québec est maître de ses choix de société
Mémoire de la Ligue d’Action nationale présenté à la commission parlementaire sur le projet de loi 60 le 15 janvier 2014
Mémoire de la Ligue d’Action nationale présenté à la commission parlementaire sur le projet de loi 60 le 15 janvier 2014
L’épisode Mourani a été disgracieux, mais il ne méritait pas l’importance qu’on lui a accordée. Il n’était pas utile de faire des procès d’intention, de soupeser la part de mauvaise foi dans l’opportunisme ou de mesurer le carriérisme à l’aune du redécoupage électoral. Il suffisait de resituer l’épisode dans l’agonie du bouchardisme qui avait fait du Bloc québécois un adversaire émasculé, plus soucieux de se faire tenir pour respectable que menaçant, plus obséquieux envers la grandeur canadian qu’intransigeant envers l’hypocrisie du régime. La collision frontale avec le multiculturalisme aura mis fin aux alibis : il n’est plus possible de faire semblant de partager le même univers de référence. La nation québécoise agissant de manière conséquente ne pouvait plus cohabiter avec la rhétorique de l’ouverture si chère au Bloc du temps qu’il se conduisait en loyale opposition.
Implantées au centre, maisons de courtage, banques, sociétés d'assurance anglaises et américaines, poussent leurs ramifications jusqu'aux extrémités de la province, récupèrent de partout les petites économies, les canalisent, les rassemblent pour les déverser ensuite dans la caisse des grandes entreprises industrielles ou commerciales étrangères.
– Esdras Minville[1]
Pour la famille paternelle et ses souvenirs de Sayabec…
Qu’il nous soit d’abord permis de revenir sur la polémique entourant le film La maison du pêcheur d’Alain Chartrand. Dans son œuvre, le fils du célèbre syndicaliste invite à sonder les origines gaspésiennes de la crise d’octobre 1970 à travers l’épopée vécue par Francis Simard, Paul et Jacques Rose, et Bernard Lortie, qui deviendront célèbres pour le kidnapping et l’assassinat de Pierre Laporte[2]. Au moment de la première de La maison du pêcheur au Festival des films du monde, question d’élargir la perspective du long métrage gaspésien par-delà l’épisode de jeunesse des felquistes, Chartrand faisait la déclaration suivante : « il y a des trous dans notre histoire, de la manière dont elle est enseignée dans les écoles. Il faut redonner à nos enfants et nos petits-enfants le goût de l'histoire[3] ». Au sujet de ces « trous » de mémoire et de la place qui pourrait être dévolue à la Gaspésie dans notre histoire, Jean-François Nadeau, l’auteur et journaliste au Devoir, a cru bon de recueillir auprès d’une des sources de la petite histoire les impressions générales. Et Francis Simard n’a pas aimé. « On dirait un film de missionnaires, du prêchi-prêcha[4] », a-t-il déclaré au journaliste, avant d’ajouter :
Cette histoire-là n’a jamais existé telle qu’elle est racontée. Dommage, ça aurait été d’actualité pour ce que c’est : l’été de jeunes militants qui ouvrent un café, qui se font dire que ce n’est pas possible, que ça dérange le système [...]. Ça aurait rejoint le sens de la contestation des jeunes d’aujourd’hui, le ras-le-bol de tout le monde écœuré d’être dépossédé.
Le 19 octobre dernier, le gouvernement Harper a annoncé son intention de contester judiciairement la loi 99, qui avait été démocratiquement votée par l’Assemblée nationale en guise de réplique à la loi sur la clarté référendaire du gouvernement fédéral. Plusieurs ont été grandement étonnés par la « paix constitutionnelle » qui prévalait depuis la victoire des conservateurs en 2006. Pourtant, cela n’est nullement surprenant, ne serait-ce que pour des considérations stratégiques : il y a au Canada un marché pour le Quebec bashing, que seul le PCC sera en mesure d’occuper par son annonce, contraignant libéraux et néo-démocrates – qui tentent de séduire le Québec contrairement aux conservateurs qui n’ont rien à perdre et rien à gagner – à la tergiversation. La contestation semble peut-être trancher avec l’attitude générale des fédéralistes depuis le déploiement du Plan B, l’indifférence méprisante ayant plutôt fait office de politique. La minorité québécoise ne dérange plus, ne suscitant ni respect ni considération. Mais c’est précisément pour cette raison que l’élimination de la loi 99 tombait à point, alors que le présent contexte nous présente un gouvernement minoritaire péquiste qui a enfin repris le contrôle du calendrier politique avec une « Charte de la laïcité » qui pourrait certainement ébranler les bases de l’édifice identitaire canadien et de ses relais bien-pensants « québécois ». Les effets d’une suppression de la loi 99 seraient davantage symboliques qu’effectifs, mais ils n’en seraient pas moins imposants : le message en serait que la volonté québécoise d’établir ses propres règles quant à son avenir et son affirmation politique à l’Assemblée nationale est nulle et non avenue devant les prérogatives du Canada des juges.
Afin que le Québec poursuive sa marche libératrice armé du puissant instrument d’une charte de la laïcité infrangible, il faut neutraliser la stratégie idéologique délétère de l’idolâtre Charles Taylor, ainsi que celle de son disciple Gérard Bouchard. Il est donc impératif de débusquer le mobile réel caché dans le multiculturalisme du premier, et le mobile inconscient incrusté dans l’interculturalisme du second[1].
Charles Taylor présente une conception du multiculturalisme apparemment très large, qui comprend tant des groupes ethniques que des minorités politiques et culturelles, et surtout des communautés religieuses. Il préconise à leur endroit une politique de reconnaissance qui soit plus que du respect, et pas seulement de l’égalité. Cette politique prétend parer aux intrusions des majorités et s’opposer au caractère impersonnel de leurs institutions.
Avec la politique de la différence, ce que l’on nous demande de reconnaître, c’est l’identité unique de cet individu ou de ce groupe, ce qui le distingue de tous les autres. L’idée est que c’est précisément cette distinction qui a été ignorée, passée sous silence, assimilée à une identité dominante ou majoritaire. Et cette assimilation est le péché majeur contre l’idéal d’authenticité[2].
Vol. CIV, no 1
Vol. CIV, no 2
Vol. CIV, no 3
Vol. CIV, nos 4-5
Vol. CIV, no 6
Vol. CIV, no 7
Vol. CIV, no 8
Vol. CIV, no 9
Vol. CIX, no 10
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