Printemps 2013 - Les véritables raisons de se désoler


Cela revient régulièrement dans l’air du temps. La capacité de lecture diminue, anémiée par les mauvaises habitudes induites par les médias sociaux, plombée par un mode de vie chronophage où tout le monde manque de temps pour tout. Il faut avoir tout compris en cent quarante caractères, ne rien lire de plus d’une page, râler sur les briques que nous assènent les libraires et ne concéder à la lecture tranquille que le temps d’un bain de soleil où les héros de polars sont les seules ombres tolérées.
Le ronchonnage sur les malheurs du progrès a pris une coloration particulière dans la presse locale après que Le Devoir (15 février 2013) ait reproduit l’entretien que Philip Roth accordait au journal Le Monde. Le romancier américain qui vient d’annoncer qu’il renonce à l’écriture s’y épanche sur les malheurs du temps : les grands lecteurs sont de moins en moins nombreux, les recueils de textes courts et les ouvrages en collaboration se multiplient, bref avec une telle production une certaine idée de la lecture est en train de périr non pas dans l’angoisse et la détresse, mais dans l’euphorie frelatée par l’impératif du divertissement.