- Numéros publiés en 2009
- Novembre-Décembre 2009
- Fernand Daoust
La FTQ, le français, le Québec…
Allocution de Fernand Daoust à l'occasion du souper-conférence 2009 de L'Action nationale au Lion d'Or le 30 octobre
En vous livrant ainsi ma vision du rôle historique de ce mouvement dans la société québécoise, j’espère contribuer à réhabiliter quelque peu une image que les soubresauts de l’actualité et leur traitement médiatique tapageur déforment souvent injustement. Avec son demi-million de membres, ses dizaines de milliers de militants et militantes bénévoles, ses quelque 1500 conseillers et dirigeants permanents, la FTQ et ses syndicats affiliés constituent un microcosme de notre société. C’est une ruche où s’activent simultanément une multitude de personnes mues par des motivations généreuses, des aspirations nobles ; mais, inévitablement, c’est aussi un milieu où gravitent également des personnes dont les objectifs et les intérêts sont plus limités, voire même égoïstes. La force démocratique de cette organisation, c’est de les démasquer tôt ou tard et de les écarter.
Il serait injuste que des crises épisodiques, aussi scandaleuses soient-elles, déforment à nos yeux la nature réelle de cette grande organisation. Au-delà de ces accidents de parcours, reste en effet la mission fondamentale de ce mouvement qui lutte pour une répartition plus équitable des richesses et le respect accru et généralisé des droits sociaux fondamentaux. Et, au cœur de ces droits, celui de vivre, s’éduquer, travailler et prospérer dans sa langue et sa culture, le français.
Des syndicats pancanadiens et nord-américains
Pour bien comprendre le parcours historique de cette centrale syndicale, il faut faire un bref rappel de ses origines. Aujourd’hui, la FTQ réunit sur le territoire québécois des sections de base de syndicats pancanadiens, quelques syndicats exclusivement québécois et des syndicats nord-américains. Fait à noter, à l’origine, au 19e siècle, et jusqu’à la fin des années soixante, les syndicats nord-américains regroupaient la plus grande part des effectifs. Avec le temps, une majorité de ces syndicats (dont les sections locales sont affiliées à la FTQ) sont devenus des syndicats canadiens, qui ne conservent aucun lien organique avec leurs vis-à-vis « étatsuniens ». Mais, encore aujourd’hui, de grands syndicats bien enracinés au Québec font toujours partie intégrante d’une structure nord-américaine. C’est le cas notamment du Syndicat des métallos, de l’Association internationale des machinistes et des Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce.
Autre caractéristique de la FTQ, les syndicats qu’elle regroupe sont totalement indépendants les uns des autres. Chacun dispose de statuts et règlements distincts, qui lui confèrent l’essentiel des pouvoirs de gestion. Chacune de ces structures anime la vie syndicale dans ses rangs en y consacrant la presque totalité des cotisations versées par ses membres. C’est dire que la centrale ne touche qu’une infime partie de ces cotisations. Conclusion, le pouvoir de la FTQ sur ses affiliés est essentiellement moral et elle dispose de moyens financiers fort modestes comparés à ceux des grands syndicats dont les sections locales lui sont affiliées.
Des corps étrangers pourtant majoritaires
Comment des syndicats rattachés aux structures de nos voisins du sud et, plus tard, de nos camarades du reste du Canada ont-ils pu regrouper au Québec une majorité des travailleurs et travailleuses syndiqués ? Ne s’agissait-il pas de « corps étrangers » dans ce Québec ancestral couvé par son clergé ? D’autant plus que toutes ces organisations s’affirmaient non confessionnelles et manifestaient généralement peu de sensibilité face aux questions d’identité culturelle. Jusque dans les années cinquante, il arrivait parfois que des conseillers syndicaux unilingues anglais soient affectés au service de travailleurs et travailleuses à majorité francophones.
Pourtant, dès la fin du dix-neuvième siècle et, même après la création de la CTCC1, les ouvriers et ouvrières québécois se sont regroupés majoritairement dans ces syndicats. C’est que, pour l’essentiel, ils estimaient avoir besoin d’organisations larges et fortes pour affronter le Capital étranger, qui dominait en grande partie des activités industrielles du Québec. En effet, les travailleurs et travailleuses québécois, comme ceux du Canada anglais, faisaient spontanément confiance à ces organisations qui avaient mené et menaient encore des luttes épiques dans les usines, les manufactures et les mines des États-Unis. Ils savaient que ces unions, leurs dirigeants et leurs conseillers avaient acquis une connaissance intime des rouages de ces entreprises. Leur expérience concrète de négociation représentait un atout certain.
Une affirmation lente, timide, mais irréversible
Il a fallu attendre les années trente pour que les syndicalistes québécois membres des syndicats pancanadiens et nord-américains réclament à la centrale canadienne, le Congrès des métiers et du travail du Canada (CMTC), la formation, en 1937, d’une structure interprofessionnelle québécoise, la Fédération provinciale du travail du Québec (FPTQ). Il s’agissait là d’affirmation lente, voire timide, d’une identité distincte au sein du mouvement syndical. Il faut dire que nos prédécesseurs se sentaient de plus en plus talonnés par les syndicats catholiques ; par ailleurs, comme le remarque l’historien Jacques Rouillard, ces syndicalistes, généralement sympathiques à l’idéal social-démocrate, sentaient l’urgence de se regrouper pour contrer la montée des idées corporatistes, sinon fascisantes, de plus en plus populaires au Québec.
C’est aussi pendant cette période d’avant-guerre que le mouvement syndical nord-américain a connu une grande scission entre les syndicats de métiers et les syndicats industriels2. Au Québec, ces derniers allaient se regrouper dans la FUIQ. Au cours de sa brève vie, cette centrale s’affichait nettement comme une organisation progressiste, faisant alliance avec le CTCC dans son combat contre Duplessis.
En 1955, la jeune centrale adoptait en congrès « Le Manifeste au peuple du Québec », qui prônait un socialisme démocratique respectant les « traditions des masses canadiennes-françaises ». C’était le début d’une évolution qui allait s’avérer irréversible.
Quelques années plus tard, en 1957, après la réunification du mouvement syndical aux États-Unis dans l’AFL-CIO et au Canada dans le CTC, la FPTQ et la FUIQ fusionnaient pour former la FTQ que nous connaissons aujourd’hui. Il faut dire que les militants et militantes de la FUIQ dont je faisais partie, jugeaient les syndicats de métier conservateurs et compromis avec le régime Duplessis. Or, malgré le fait que notre organisation ait été numériquement plus petite et minoritaire au sein de la famille réunifiée, elle allait y avoir une influence déterminante : elle allait communiquer à la nouvelle FTQ sa volonté ferme d’enracinement et d’identification intime à la société québécoise, à ses aspirations et à son évolution.
Asservissement économique et assujettissement culturel
Permettez-moi d’ouvrir ici une parenthèse pour résumer mon parcours personnel, histoire de comprendre ensuite l’origine des positions et orientations que je défendrai au sein du mouvement syndical. Né dans l’Est de Montréal, et élevé par une mère ouvrière du vêtement, j’ai baigné dans les conditions difficiles que connaissait la classe ouvrière dans les années 30. Aux côtés d’un grand-père nationaliste, qui me parlait d’Henri-Bourassa, j’ai vite été convaincu de la nécessité de lutter pour la préservation de notre langue et de notre culture. En même temps, j’associais plus ou moins consciemment l’asservissement économique des Canadiens français à la domination linguistique et culturelle qu’ils subissaient.
Adolescent, pendant la guerre, je me suis retrouvé membre des Jeunesses laurentiennes où j'ai connu des personnalités marquantes, tels Paul-Émile Robert et Rosaire Morin. Au contact de ce terreau nationaliste, j’allais naturellement devenir militant « anti-conscriptionniste ». Alors que je n’avais pas encore acquis le droit de vote, j’ai participé à la campagne menée par la Ligue pour la défense du Canada dans le cadre du plébiscite tenu par le gouvernement libéral de Mackenzie King.
Divergences profondes entre les deux peuples
Rappelons que ce dernier réclamait qu’on le libère de l’engagement solennel qu’il avait pris de ne jamais conscrire les citoyens pour service militaire outremer. Lors de la tenue de ce vote référendaire, le 27 avril 1942, au Québec 71,2 % des citoyens (et 85 % des francophones !) votaient « non », alors que 63,7 % des Canadiens à l’extérieur du Québec votaient « oui ». C’était la première fois au Canada que les divergences profondes entre les deux peuples fondateurs concernant une question fondamentale s’exprimaient avec autant de force.
Quelques mois plus tard, en octobre, je devins travailleur d’élection, distribuant de la propagande électorale en faveur du « candidat des conscrits » dans Outremont Saint-Jean, Jean Drapeau, en compagnie du jeune virtuose André Mathieu. Celui-ci fut défait lors de cette élection partielle au fédéral par le nouveau ministre des Services armés, le major général Laflèche, grand blessé de la Première Guerre mondiale. C’est lors d’une assemblée publique en faveur de Drapeau que j’ai entendu pour la première fois le passionné militant Michel Chartrand.
J’ai ensuite participé à la campagne électorale de Paul Massé, candidat du Bloc populaire dans mon comté de Montréal-Cartier en 1943. Dans ce comté cosmopolite, c’est le candidat du Parti progressiste ouvrier, le communiste Fred Rose qui l’emporta de justesse (150 voix) sur le candidat du Bloc populaire.
Les idées progressistes
Par la suite, pendant mes études en relations industrielles, dans le bouillonnement idéologique des années d’après-guerre, je me suis passionné pour les idées progressistes. C’est pendant cette période que j’ai peu à peu transformé et articulé mes intuitions quant au jumelage de la lutte sociale et de l’émancipation nationale. C’est aussi à cette époque que j’ai résolu de travailler au sein du mouvement ouvrier.
Après un bref passage dans un syndicat de la FPTQ, j’entreprenais ma carrière syndicale avec les syndicats industriels en 1950. J’ai participé avec les militants et militantes de ces syndicats à la création de la FUIQ 1952. J’y étais entouré de camarades enthousiastes, intransigeants et engagés. Bien sûr, le plus gros de nos énergies était consacré à lutter contre le régime sclérosant et anti-syndical de Duplessis, mais nous ne ménagions pas nos critiques à l’égard d’un mouvement syndical canadien et nord-américain trop peu sensible à la spécificité culturelle des travailleurs et travailleuses québécois. Nous critiquions aussi la Commonwealth Cooperative Federation, la CCF, que notre centrale canadienne appuyait et que nous trouvions trop centralisatrice, voire ignorante des aspirations des Canadiens français.
La méfiance des progressistes à l’égard du nationalisme
J’étais pour ma part souvent outré de constater que plusieurs de mes camarades syndicalistes engagés dans la lutte contre toutes les formes de discrimination n’étaient pas scandalisés par la condition des ouvriers et ouvrières francophones, obligés de « baragouiner » l’anglais pour conserver leur emploi ou obtenir des promotions dans l’entreprise. Devant cet état de fait largement étendu, un certain fatalisme ambiant était partagé par le milieu syndical : il fallait parler la langue des possédants.
Il faut dire, par ailleurs, qu’au lendemain de la guerre et de ses horreurs, une méfiance viscérale à l’égard de toute forme de nationalisme était ressentie par beaucoup de progressistes, dont plusieurs syndicalistes. Ils assimilaient plus ou moins consciemment les revendications linguistiques à ce nationalisme qu’ils rejetaient…
Cette crainte s’est amenuisée pour disparaître au cours des années suivantes, à mesure que le nationalisme québécois changeait de peau. Mais les choses n’ont pas changé du jour au lendemain. Lorsqu’au début des années soixante la FTQ participait à la tentative de création d’un NPD québécois, il y eut une scission dramatique : la direction de la centrale se voulait fidèle au NPD fédéral, qui prônait un fédéralisme dit coopératif ; un certain nombre de militants et militantes venus autant de la FTQ que de la CSN voulaient au Québec un parti autonome par rapport au NPD central. Cette tendance, dont je faisais partie, défendait en outre la nouvelle thèse des « États-associés », un concept précurseur de la « souveraineté-association ». Nos positions irritaient les fédéralistes alors majoritaires. Il y eut scission et nous fondions le Parti socialiste du Québec (PSQ) en 1964 3. Malheureusement, ce parti boudé par les directions de la FTQ et de la CSN est resté groupusculaire.
J’ai payé le prix de mon engagement au PSQ à l’occasion de deux élections à la direction de la FTQ4. Mes adversaires me stigmatisaient comme le « fossoyeur du NPD québécois » et la tendance que je représentais comme celle des « petits bourgeois nationalistes5 »
Des années cruciales
Malgré toutes ces divisions entre « conservateurs », « progressistes » et « nationalistes », la FTQ a fait l’unanimité pour appuyer les grandes réformes de la Révolution tranquille. Elle accueillit et salua donc avec enthousiasme la nationalisation de l’électricité, la création du ministère de l’Éducation, la réforme de l’aide sociale et elle réclama avec force la mise sur pied d’un régime public d’assurance-maladie.
Si elle s’opposa au gouvernement Lesage concernant la réforme de la législation du travail, c’est qu’il n’allait pas assez loin dans la reconnaissance du droit d’association des employés de l’État. Le gouvernement se rendit finalement aux arguments de la FTQ qui, à la suite d’un premier congrès extraordinaire tenu à Québec en 1964, menaçait de déclencher une grève générale sur cette question. La mobilisation qu’elle fit alors démontrait qu’elle devenait une véritable centrale syndicale.
Concernant la Révolution tranquille, je suis toujours personnellement choqué et déçu qu’on évacue le rôle du mouvement syndical lorsqu’on en fait le bilan. Bien sûr, les grands réformateurs regroupés autour de Jean Lesage méritent les éloges qu’on leur réserve de façon récurrente. Mais ces grands changements étaient réclamés depuis longtemps, et non seulement au gré des combats contre le régime Duplessis. Certaines de ces modernisations de l’État québécois étaient revendiquées depuis plusieurs décennies par la famille syndicale dont est issue la FTQ6.
Une évolution accélérée
C’est dans la deuxième partie des années soixante que la FTQ a connu une évolution accélérée qui allait façonner ses principales grandes orientations et marquer davantage son enracinement profond dans la société québécoise. C’est pendant ces années entre autres que ses syndicats affiliés se sont davantage tournés vers elle pour réclamer qu’elle assume une direction qu’aucune autre fédération n’est appelée à assumer dans les autres provinces canadiennes.
Il faut reconnaître que la concurrence de la CSN n’était pas étrangère à ce resserrement des troupes au sein de la FTQ. Mais les grandes luttes dans lesquelles elle s’est investie ont aussi marqué à jamais sa nature dynamique et mobilisatrice. Dès le lendemain de sa fondation, la centrale avait été plongée dans la bataille des mineurs de Murdochville en 1957. Plus tard ce fut celle des typographes de La Presse (1964) et des Postiers et Facteurs (1965). Dans ce dernier conflit, elle prit courageusement parti en faveur des syndiqués québécois dont la direction syndicale canadienne désavouait l’action. La FTQ n’hésita pas alors à affronter la direction du Congrès du travail du Canada (CTC), dont elle était pourtant statutairement un « organisme subordonné »
Le français langue de travail
Malgré ses actes de foi fédéralistes répétés, la FTQ n’en militait pas moins au sein du CTC et du NPD pour la reconnaissance du droit du Québec à l’autodétermination. Dès 1962, la FTQ réclamait aussi que le français soit la langue de travail au Québec. Fait à noter, ce n'est qu'en 1968 que la CSN, pourtant perçue comme plus nationaliste, réclama que le français soit la langue de travail7. La prise de position ferme de la FTQ sur cette question dès le début de la décennie peut s’expliquer par la présence massive de ses membres dans des milieux de travail possédés et gérés par des multinationales. Ces dernières affichaient alors une indifférence sinon un mépris offensant à l’égard de la culture et de la langue de leurs salariés.
Dès 1966, des grèves à Firestone à Joliette et à GM à Sainte-Thérèse portent sur la parité des conditions entre travailleurs du Québec et travailleurs du reste du Canada. En 1970, c’est carrément la question linguistique qui est soulevée dans une nouvelle grève des travailleurs de GM à Sainte-Thérèse, puis à Firestone, en 1973, et à United Aircraft (connue aujourd’hui sous le nom de Pratt & Whitney), en 19748
Pas étonnant aussi que les Métallos, très présents dans les mines, les entreprises sidérurgiques et le secteur manufacturier aient toujours participé de façon passionnée aux débats sur le statut de la langue. L’arrivée rafraîchissante de troupes importantes comme celles des travailleurs et travailleuses d’Hydro-Québec à la suite de grandes campagnes de recrutement qui l’opposait à la CSN, a aussi modifié la composition de la FTQ9. Traditionnellement lourdement implantée en milieu industriel et manufacturier, la FTQ accueillait de plus en plus des membres issus des services publics. C’est à cette époque que le Syndicat canadien de la fonction publique, le SCFP, est devenu pour le rester jusqu’à ce jour, l’affilié le plus important de la centrale. Ces nouveaux membres renforçaient les rangs des militants syndicaux du secteur privé qui réclamaient un engagement plus ferme de la FTQ dans les causes comme celle du statut de la langue et la souveraineté du Québec.
La politique linguistique, un pas décisif
C’est le directeur des Métallos, Jean Gérin-Lajoie, qui, à titre de vice-président de la FTQ, a écrit la première politique linguistique de la centrale en 1969. C’était là un pas décisif qu’une partie de la direction syndicale avait jusque-là hésité à franchir, craignant qu’il ne sème la division dans nos rangs. Je me souviens de débats très chauds sur la question au bureau de direction. A titre de directeur québécois du SCFP, j’y occupais le poste de vice-président. Je soutenais sans réserve la position de Gérin-Lajoie.
Ceux qui demeuraient timorés sur la question devaient affronter en congrès l’expression d'une impatience de plus en plus vive de la part des militants et militantes de la FTQ. Ces derniers réclamaient un engagement ferme de leur centrale sur la question.
La politique adoptée au congrès de la FTQ en 1969 répondait en partie à leur attente. Elle comprenait entre autres les éléments suivants :
- l’adoption par voie législative, du principe que le français est la langue normale du travail et des communications à l’intérieur du Québec, et que le français doit être la langue officielle du travail à tous les paliers de l’activité économique du Québec ;
- la création d’une régie ayant des pouvoirs d’évaluation, de modification et d’application des programmes de francisation lancés par l’entreprise ou un secteur économique ;
- la modification du Code du travail de façon à permettre au syndicat accrédité de choisir la langue de négociation, de rédaction et d’administration de la convention collective ;
- l’élaboration par le gouvernement d’une politique d’accueil afin que les personnes s’établissant au Québec acquièrent dès leur arrivée, la connaissance du français et l’obligation pour tout enfant néo-québécois de s’inscrire à l’école publique francophone ;
- tout immigrant désirant s’installer au Québec doit être avisé de ces exigences avant son départ ;
- le retrait de la loi 63, dans l’attente d’une véritable politique linguistique globale.
Au lendemain de ce congrès de 1969, où je devins secrétaire général de la FTQ, la centrale adhérait au Mouvement Québec français. Elle participa aux travaux de la commission Gendron, lui remettant un mémoire substantiel en août 1971. Au congrès suivant, la même année, nous réclamions que le français soit la seule langue officielle du Québec. Nous participions ensuite aux débats relatifs à la Loi 22 et à de nombreux comités de travail gouvernementaux traitant de cette question.
Le Parti québécois
Au gré des événements, des crises et des conflits, les groupes sociaux au Québec se départageaient de plus en plus clairement. La crise d’octobre 70 a ainsi contribué à rapprocher la FTQ du parti souverainiste. En effet, au cours, de cette période dramatique, le PQ a été la seule formation politique québécoise à dénoncer, avec les centrales syndicales, l’imposition de la Loi des mesures de guerre10. Lors de grands conflits comme ceux de La Presse en 1971 ou de United Aircraft en 1974, il n’était pas rare de trouver les têtes d’affiche du PQ au coude à coude avec nous dans des manifestations ou sur les tribunes de nos grands rassemblements.
Aux élections du 29 avril 1970, même si beaucoup de ses cadres et militants ont rejoint les rangs du Parti québécois (certains d’entre eux étant même candidats), la FTQ ne prend parti pour aucune formation politique. Le résultat donnant 23 % des voix au parti souverainiste, mais seulement 7 sièges à l’Assemblée nationale n’en est pas moins choquant. Nous ressentons dans nos rangs, une déception amère devant la défaite du PQ. Nous estimons alors que près de la moitié de nos membres lui ont donné leur appui. Et cette proportion grandira encore lors de l’élection de 1973.
Par la suite, les nombreux échanges que nous avons avec le Parti québécois concernant son programme et à ses orientations nous ont peu à peu convaincus que nous partagions les mêmes espoirs quant au type de société à bâtir. Même si la centrale n’était pas encore prête à épouser officiellement la cause indépendantiste, elle constatait que le programme du PQ répondait à plusieurs de ses grandes revendications.
C’est donc dans l’enthousiasme que les délégués au congrès de la FTQ de 1975 décidaient qu’ils appuieraient le Parti québécois lors des élections suivantes. Cet appui était cependant qualifié de conjoncturel et les délégués tenaient à préserver intégralement l’autonomie politique de la centrale face à toute formation politique. Cette règle a d’ailleurs toujours cours et est constamment rappelée dans les grandes déclarations politiques de la FTQ.
Les réformes
Une fois le Parti au pouvoir, notre centrale a tout mis en œuvre pour contribuer significativement à l’élaboration des réformes qu’elle souhaitait voir mises en œuvre. Pour elle, il s’agissait de sortir de la vision étroitement économiste du développement dans lequel avait sombré le régime libéral. Elle appelait de ses voeux une prise en compte des aspirations sociales des Québécois et Québécoises, dans la logique de la Révolution tranquille. Après les affrontements très durs du début des années 70, qui ont mené notamment à l’emprisonnement des trois chefs syndicaux des centrales québécoises, notre centrale ne souhaitait rien de moins qu’un nouveau pacte social. Ses revendications n’étaient pas d’abord idéologiques. Elles prenaient racine dans les longues luttes et les durs affrontements vécus par ses membres au cours des années précédentes.
Et, lors de son premier mandat, le PQ a tenu ses promesses. La FTQ retrouvait en très grande partie et souvent jusque dans le détail les dispositions qu’elle réclamait :
- la création d’une Commission de la santé et de la sécurité au travail, dotée d’une administration paritaire et dont le mandat mettait l’accent sur la prévention. La nouvelle loi prévoyait même la reconnaissance du droit de refus de travailler dans des conditions dangereuses ;
- l’introduction dans le Code du travail comportant des dispositions anti-briseurs de grève, le droit de retour au travail des grévistes et la « formule Rand ». Des mesures exceptionnelles en Amérique du Nord. La relevée substantielle du salaire minimum et la formulation de normes minimales de travail ;
- l’institution des congés de maternité, la révision du droit de la famille et le développement d’un réseau de garderies ;
- la mise sur pied d’un régime d’assurance-automobile et la Loi de protection des consommateurs ;
- l’adoption d’une Charte de la langue française faisant une large part au français langue de travail.
La loi 101
La FTQ a participé assidûment à toutes consultations relatives à la Loi 101, non seulement pour ce qui concerne les dispositions en milieu de travail, mais à tous les autres aspects, notamment à l’affichage et à la langue d’enseignement.
Je crois sincèrement que notre contribution a été particulièrement porteuse pour ce qui est des dispositions de la Loi 101 relatives aux milieux de travail et aux relations du travail. Nous avons par exemple réclamé que, là où il y avait des syndicats, ils devaient être parties prenantes aux processus de francisation. Camille Laurin nous avait confié, par la Loi 101, le rôle de « chiens de garde de la francisation », expression qu’il a reprise à de multiples occasions. Ce rôle nous l’exerçons par une présence active au sein des comités de francisation.
La Loi 101 a rompu avec la tradition antérieure –symbolisée par la Loi 22- qui consistait à supplier, inciter, courtiser les entreprises pour qu’elles acceptent de se franciser. Sur ce plan, la Charte de la langue française était une révolution. Le gouvernement du Québec, instance provinciale, ordonnait aux multinationales et aux autres de changer leurs politiques et comportements, sous peine de sanctions. Si cela a pu fonctionner, c’est parce que la population, les travailleurs et travailleuses, ont développé ce que j’appellerais une conscience revendicative.
Depuis l’adoption de la Charte, la FTQ a toujours réclamé sa protection intégrale et a dénoncé toutes les agressions et mutilations qu’elle a subies. Elle s’est investie dans son application dans les milieux de travail, soutenant la formation et l’encadrement de plus de cinq cents comités de francisation dans les milieux de travail. Elle n’a de cesse aussi de réclamer que toutes les entreprises y soient assujetties et qu’un contrôle plus ferme de son application soit mis en oeuvre.
Au dernier congrès de la FTQ, un document intitulé, « Une histoire, une langue, un avenir »11 rappelait combien notre langue et, conséquemment notre identité sont menacées. On y rappelait la nécessité de se mobiliser pour la défendre.
A la fin du document, un très beau texte rédigé par Mona-Josée Gagnon résumait l’histoire de notre survie comme peuple :
Bientôt quatre cents ans que fut fondée la Nouvelle-France.
Cent trente>> années que le Bas-Canada est devenu la province de Québec.
Trente années qu'un gouvernement du Québec donna à la majorité francophone les moyens et le droit de perdurer.
Trois voyages, trois histoires qui se confondent et qui tous furent agités.
Celui de la Loi 101 tout autant, dans sa pourtant courte histoire.
La Loi 101 est fragile.
La Loi 101 est fragile,
Tant que le Québec dépendra de tribunaux qui l'analyseront à la lumière de lois non québécoises,
Tant que la collectivité francophone du Québec n'aura pas démontré le courage et la ténacité nécessaires pour s'affranchir de la confédération canadienne
Alors oui la langue française sera protégée dans notre coin d'Amérique.
Alors oui, francophones du Québec, venus d'ici, venus d'ailleurs, nous pourrons vivre en français.
La question nationale
Le cheminement de la FTQ sur la question nationale a suivi une trajectoire lente mais profondément enracinée dans la nature de ce mouvement rassembleur et mobilisateur. Tout au long de son histoire, notre centrale, qui n’a d’autre autorité que morale sur ses syndicats affiliés, a dû savoir entendre et interpréter les aspirations majoritaires de ses membres ; mais, comme lieu de convergence des grandes luttes sociales et économiques, elle a aussi su stimuler l’évolution des volontés collectives de ses membres.
En 1980 la FTQ convoquait quelque 2000 militants et militantes à un congrès spécial consacré exclusivement à la question nationale. Il fallait se positionner face au référendum annoncé par le Parti québécois. Après quatre heures de débats, c’est avec enthousiasme que les délégués donnèrent à la FTQ le mandat d’adhérer au camp du « oui » et de coordonner l’action de ses affiliés pour de cette option. Comme nous le remarquions plus tard, dans notre mémoire à la commission Bélanger-Campeau, cet engagement collectif « d'autant plus significatif si l'on considère l'importance et la diversité du membership de la FTQ : 450 000 personnes dont un tiers de femmes, 50 000 anglophones et allophones, 45 000 employés fédéraux ».
Dans le mémoire de la FTQ à la commission Bélanger-Campeau12, nous expliquions comment nous étions venus à la souveraineté « à partir de notre expérience pratique dans certains dossiers (main d'oeuvre, langue de travail, etc.) et nous avons commencé à dresser une longue liste des secteurs où la présence fédérale était inutile, perturbante ou carrément nuisible aux intérêts du Québec. » Au-delà de toutes ces raisons pratiques de faire la souveraineté, s’est peu à peu imposée dans nos rangs :
[…] cette tranquille affirmation d'une conscience nationale qui n'a plus honte de se montrer sans artifice. Nous voulons la souveraineté pour le plein emploi bien sûr, pour des politiques économiques adaptées à notre structure industrielle et pas à celle de l'Ontario assurément... mais aussi, mais surtout nous voulons la souveraineté parce que le Québec est notre seul pays, que nous voulons l'occuper et le proclamer, parce que c'est normal qu'un peuple ait un pays et que le Canada sera toujours le pays des autres.
La FTQ a non seulement consacré de grands efforts pour mobiliser ses troupes en faveur du oui en 1980, mais elle l’a fait également pour le rejet de l’accord inacceptable de Charlottetown en 1992 et en faveur de la souveraineté au référendum de 1995. Cette année-là, elle publiait un manifeste dont le titre percutant exprimait un credo limpide : « Plus qu’un oui, un pays ! » Crédo que ses militants et militantes réitèrent d’ailleurs périodiquement à l’occasion de congrès ou de conseils généraux comme ce fut encore l’année dernière13.
La concertation sociale et confrontation
Au cours de premières années du pouvoir péquiste, la FTQ a accueilli avec enthousiasme la volonté de concertation sociale et économique du gouvernement. Elle a donc investi beaucoup d’énergie dans sa contribution à toutes les tables de concertation et sommets économiques convoqués par l’État.
C’est au cours de l’un de ces sommets, en pleine récession économique, que la FTQ lançait l’idée de Corvée-Habitation, un projet de partenariat tripartite qui met à contribution travailleurs, employeurs et gouvernement pour la relance de l’emploi dans le secteur névralgique de la construction. Cette initiative de la centrale va aider à créer 57 000 emplois directs dans le bâtiment et le double dans les industries connexes. On estime qu’il aura permis l’injection de trois milliards de dollars dans l’économie québécoise.
Mais les crises ne générant pas que des convergences, pendant la même période, la FTQ combat sans complaisance le gouvernement péquiste qui s’attaque brutalement aux conditions des travailleurs et travailleuses du secteur public. Les coupures unilatérales et la répression législative auxquelles il s’adonne alors pour résoudre ses problèmes budgétaires nous rappellent amèrement les sombres années du duplessisme. Ces gestes, que des politiciens comme Jacques Parizeau reconnaîtront plus tard comme de graves erreurs, feront perdre au PQ l’appui de la centrale et de ses militants lors des élections de décembre 1985.
Le Fonds de solidarité
C’est pourtant pendant cette période trouble qu’est née l’une des expériences innovatrices dont nous pouvons collectivement être fiers : Le Fonds de solidarité des travailleurs de la FTQ. Il faut dire que l’idée germait déjà pendant que nous participions au lancement de Corvée-Habitation. Fortement implantée dans tous les milieux de travail du secteur privé, dans toutes les régions du Québec, notre centrale a toujours ressenti douloureusement les périodes de crise et l’hécatombe d’emplois qu’elles provoquaient. Nous avons très tôt été habités par « l’obsession de l’emploi ».
Malgré nos divergences et nos querelles avec le gouvernement péquiste, c’est grâce à son appui que le Fonds a été créé. Bien sûr au sein du conseil des ministres d’alliés alliés comme Robert Dean, notre ex-collègue des Travailleurs de l’automobile et des réformistes comme Pierre Marois et Lise Payette nous ont été d’un grand secours. Mais les René Lévesque et Jacques Parizeau mirent la main à la pâte avec enthousiasme. Je n’ai pas besoin ici de m’attarder sur le développement rapide et l’efficacité qu’a connu par la suite le Fonds, devenu un instrument exceptionnel dans la création et le maintien de l’emploi chez nous.
Pas question cependant de nous asseoir sur nos lauriers. A la FTQ, nous poursuivions en même temps notre réflexion et multiplions les propositions pour que le Québec se donne d’une véritable politique de plein emploi, un peu à l’image des pays scandinaves. Cette idée a fait son chemin et des premiers jalons étaient posés par le gouvernement avec la mise en place de la « Table nationale de l’emploi ». C’était, dans l’esprit de son initiateur Robert Dean, l’embryon d’une future Commission nationale de l’emploi. Malheureusement, ce début de cheminement allait être interrompu quelques mois plus tard par le retour au pouvoir des Libéraux de Robert Bourassa.
Résister au néo-conservatisme
Pendant la deuxième moitié des années 80, la FTQ dût consacrer beaucoup d’efforts à lutter contre les velléités néo-conservatrices des deux paliers de gouvernement. Pendant que les conservateurs de Brian Mulroney nous imposaient un libre-échange commercial qui faisait abstraction de toute dimension sociale, le Parti libéral du Québec entendait singer les politiques reaganiennes et thatchériennes en déréglementant, privatisant et réduisant la taille de l’État. La résistance syndicale fut ferme et unitaire. En fin de compte, les libéraux de Robert Bourassa firent marche arrière l’essentiel des grands acquis de la Révolution tranquille et les réformes subséquentes du premier gouvernement Lévesque ont été préservés.
Tout comme ce fut le cas, 15 ans plus tard, lors des tentatives du même acabit du gouvernement de Jean Charest lors de son premier mandat. Il faut admettre que si nous avons peu régressé c’est grâce à la mobilisation des éléments les plus progressistes de notre société, au sein desquels le mouvement syndical dans son ensemble et la FTQ au premier chef ont joué un rôle crucial.
La centrale lutte toujours pour la préservation et le développement des services publics et contre leur « marchandisation ». Avec un gouvernement conservateur à Ottawa et des libéraux toujours bien en selle à Québec, pas question de relâcher la vigilance.
Des mobilisations urgentes et nécessaires
Mais l’un des plus grands défis que nous devons à nouveau relever aujourd’hui est celui de la défense du statut de notre langue nationale. L’évolution récente de la démographie du Québec, le poids grandissant de l’immigration dans cette évolution et l’absence d’une volonté politique nette et courageuse de la part de nos gouvernements mettent le français en péril à moyen terme au Québec.
Nous avons toujours su que ce statut ne serait jamais établi dans la pérennité tant qu’il n’aura pas pour assise un pays pleinement souverain. En attendant, notre situation géographique et notre position minoritaire dans la mer anglophone qu’est l’Amérique, au nord du Mexique, nous condamnent à la vigilance permanente et à la plus grande des fermetés. Donc, rien de nouveau sous le soleil.
Mais les données récentes concernant la langue d’usage chez nous sont plus qu’alarmantes, particulièrement à Montréal. Elles font état d’une situation qui, à terme, risque de devenir irréversible. Il suffit de lire les textes percutants et bien documentés de Charles Castonguay14 pour s’en convaincre.
Elles commandent dans l’urgence des mobilisations larges pour forcer nos gouvernements à prendre des mesures structurantes, qui s’attaquent au cœur du problème. L’alarme est sonnée !
Je ne voudrais pas conclure cette intervention sans faire quelques propositions qui me paraissent minimales, si nous avons à cœur de renverser la situation ; ce sont, selon moi, les revendications que nous devons formuler et défendre avec énergie :
La Charte de la langue française, comme garante de notre identité culturelle, doit devenir un texte fondamental ; son application ne doit plus relever de la responsabilité d’un ministre, mais de l’Assemblée nationale. Les responsables des organismes encadrant l’application de la Charte devraient être nommés par l’ensemble des députés.
On doit, de toute urgence, financer substantiellement et donner des moyens d’intervention significatifs aux organismes et mécanismes de surveillance de l’application de la Charte.
Le français langue de travail doit aussi être réaffirmé comme droit de tous les travailleurs et travailleuses du Québec ; les comités de francisation doivent être créés non seulement dans les entreprises comptant plus de cent salariés, mais aussi dans celles en embauchant plus de cinquante. Ces comités doivent être soutenus financièrement et techniquement de façon claire.
Les entreprises de 10 à 49 salariés doivent être tenues de se doter d’un programme de francisation.
Une campagne intensive et soutenue de publicité auprès des groupes cibles que sont les jeunes (dans le milieu scolaire entre autres), le monde du travail et les associations culturelles sur les objectifs de la Charte de la langue française et de ses principales dispositions. Un appui financier substantiel aux divers groupes qui militent pour la cause du français au Québec, notamment l’Association pour le soutien et l’utilisation de la langue française (ASULF)15, le Mouvement impératif français16, le Mouvement Montréal français17.
L’enseignement privilégié de notre histoire nationale.
Les politiques d’immigration doivent favoriser nettement la venue d’une majorité de personnes maîtrisant déjà le français ; les mesures d’intégration et d’apprentissage de la langue nationale doivent être considérablement renforcées.
Il va de soi que j’endosse également les grandes revendications concernant la langue d’enseignement, dont celles qui visent à faire du français la langue d’enseignement au niveau collégial, pour les nouveaux arrivants.
La menace plus grande que jamais
En terminant, je ferai mienne les paroles de Guy Rocher, qui mettait en garde ceux qui croient que « la Loi 101 a fait tout son travail et deviendra bientôt inutile. La conscience du danger, disait-il, diminue au moment où la menace est plus grande que jamais18».
Depuis quelques années, il me semble que les forces vives du Québec ont quelque peu perdu de leur flamme. La Loi 101 a été grugée quant à ses applications en milieu judiciaire, scolaire et dans ses dispositions concernant la langue d’affichage. La Cour suprême du Canada vient tout juste d’asséner une nouvelle gifle à l’Assemblée nationale du Québec.
Une majorité de Québécois et de Québécoises sont agacés, frustrés et humiliés. Mais nous vivons notre mal chacun de notre côté, chacun-pour-soi. Il me semble qu’un certain engourdissement nous transforme peu à peu en spectateurs de notre régression. Plutôt que d’entendre monter la colère ou la révolte, nous voyons notre propre léthargie se muter en fatalisme.
Je ne peux accepter cet état de capitulation silencieuse. Je souhaite de tout cœur que soient alertées toutes les forces vives du Québec et que nous nous attelions à cette tâche collective essentielle. Nous devons nous lever et parler haut et fort pour réaffirmer nos droits. Dans chacun de nos milieux, il faut sonner le rappel des troupes, remobiliser, réanimer des coalitions larges, développer à nouveau ces rapports de force qui ont engendré le changement au Québec.
Je sais, quant à moi, parce que tout son passé en témoigne, que le mouvement syndical, et la FTQ au premier chef, ne se déroberont pas. Ils seront comme toujours au front.
1 La Confédération des travailleurs catholiques du Canada (la CTCC), ancêtre de la CSN, fondée en 1921.
2 Ces derniers quittaient l’American Federation of Labor (AFL) pour former le Congress of Industrial Organizations (CIO) en 1938. Au Canada, le vieux Congrès des métiers et du travail du Canada (CMTC) était aussi amputé de la plupart de ses syndicats industriels qui formaient en 1940 le Congrès canadien du travail (CCT), tandis qu’au Québec ils se regroupaient en 1952 au sein de la Fédération des unions industrielles du Québec (FUIQ). Les syndicats de métiers, eux restaient affiliés à la Fédération provinciale du travail du Québec (FPTQ).
3 Élu président provisoire du NPD-Québec en janvier 1963, je présidais en juin de la même année le congrès d’orientation où il fut décidé de créer le PSQ. Ce qui fut fait en novembre de la même année, consacrant ainsi la scission avec le NPD. Suite au congrès de fondation, je cédais la présidence du nouveau parti à Michel Chartrand.
4 En octobre 1964, suite au décès de Roger Provost, président de la FTQ, un conseil général devait choisir un président pour assurer l’intérim. Je me portai candidat contre Louis Laberge, qui l’emporta par une voix. En décembre 1965, je fus défait en congrès au poste de secrétaire général. Dans les deux cas, mes adversaires dénonçaient mes positions nationalistes.
5 Louis Laberge, discours inaugural au 9e congrès de la FTQ, novembre 1965
6 Dès 1898, le Congrès des métiers et du travail du Canada (CMTC) réclamait la propriété publique de l'eau, l'électricité, des transports en commun et du télégraphe, l'instruction gratuite, la journée de travail de huit heures, le salaire minimum et des réformes fiscales. Le Parti Ouvrier, créé par des militants de la même famille syndicale, mit à son programme de 1904 les mêmes réformes, auxquelles il ajoute l'instruction obligatoire, la nationalisation des banques et « l'assurance d'état contre la maladie et la vieillesse ». Voir Jacques Rouillard, Histoire du syndicalisme québécois, Montréal, 1989, Les Éditions du Boréal.
7 Voir François Cyr et Rémi Roy, Éléments d’histoire de la FTQ, la FTQ et la question nationale, Éditions coopératives Albert Saint-Martin, Montréal 1981, p.103.
8 Idem, p.104
9 C’est par un scrutin tenu à la grandeur du Québec, le 30 septembre 1966, que l’ensemble des salariés (cols blancs et cols bleus) choisissaient le SCFP.
10 Au Canada anglais, Tommy Douglas, leader du Nouveau parti démocratique, fut le seul chef de parti qui eût le courage de dénoncer cette loi d’exception. Il en récolta la grogne d’une partie de ses militants et la condamnation de la presse anglophone.
11 Mémoire présenté par la FTQ à la Commission sur l’avenir politique et constitutionnel du Québec, novembre 1990
12 Procès verbal de la réunion du Conseil général de la FTQ, déclaration de politique, 2008
13 On trouve plusieurs de ses textes sur le site Internet de l’Aut’Journal,
www.lautjournal.info
14 On trouve plusieurs de ses textes sur le site Internet de l’Aut’Journal, www.lautjournal.info
15 L’ASULF, créé en 1986 par le juge Robert Auclair, qui l’a présidée pendant de nombreuses années, est présidée aujourd’hui par Gaston Bernier
16 Né dans l’Outaouais, le Mouvement impératif français est présidé par Jean-Paul Perreault.
17 Le Mouvement Montréal français est présidé par Mario Beaulieu, président de la SSJB de Montréal.
18 Guy Rocher, dans L’Action nationale, juin 2002