- Pierre-Paul Sénéchal
- Avril 2016
- Le voyageur sans bagage
Le voyageur sans bagage
L’étrange exclusion du patrimoine historique dans la construction du projet identitaire québécois
Vice-président du Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM), ex-gestionnaire et conseiller socio-économique, gouvernement du Québec.
Le mouvement souverainiste québécois est dans une impasse manifeste. L’idée même de nation ne rythme plus les cœurs. Et ce qu’on appelle le « vouloir-vivre collectif », élément constitutif de la nation au même titre que le territoire, la langue et la culture, ne semble plus comme avant habiter le Québec. Le chemin qui est devant nous s’annonce périlleux. Saura-t-on y trouver un avenir ?
La mémoire est à la base du sentiment d’identité individuel et collectif. Dans sa célèbre pièce Le voyageur sans bagage (1937), Jean Anouilh nous raconte l’histoire de ce soldat devenu amnésique après son retour du front. L’individu est littéralement sans passé. Privé du soutien que procure un bagage de souvenirs, il peine à construire un destin autre que celui qui le confine à des tâches sans avenir. Dépourvu d’ancrage familial et social, il se verra finalement contraint d’accepter que son destin personnel soit pris en charge par des personnes qui se donneront pour mission de lui construire une identité. Pour rester dans une situation minimale d’équilibre personnel, il ira même jusqu’à se fabriquer un faux sentiment de liberté, histoire de traverser plus facilement la renonciation permanente qui caractérise sa personne.