Mémoire déposé à la Commission sur les relations avec les citoyens, 22 juillet 2019 sur la Politique d’immigration du gouvernement du Québec
Le document de consultation du gouvernement du Québec reprend le mythe de la compétence partagée en oubliant de dire qu’il s’agit d’un partage très très inégal. En fait, c’est le Canada qui possède les pouvoirs régaliens sur l’immigration comme ceux sur la politique étrangère, le contrôle des frontières et l’accès au territoire qui sont les attributs essentiels de la souveraineté d’un pays. C’est le Canada qui émet les visas, qui accorde les statuts de résidence et de citoyenneté. C’est encore lui qui décide du nombre de ressources humaines pour traiter les demandes et qui est donc responsable des dépassements de délai complètement irrespectueux et négligents que nous connaissons dans la crise des migrants, un dossier toujours en attente de règlement. Comment peut-on parler sérieusement de « planification de l’immigration » par le Québec alors que celui-ci, comme province, est dépendant de la politique canadienne et qu’il a son mot à dire sur à peine 50 % des nouveaux arrivants ?
Il est faux de prétendre que le Québec gère la politique d’immigration. Il ne gère que les critères de sélection des immigrants économiques et encore, Ottawa étant responsable de l’admission finale. Le Québec n’a aucun contrôle sur l’émission des visas, sur le transfert interprovincial, sur l’accueil des réfugiés, ni sur la réunification des familles. Or, ces dernières années, le nombre d’immigrants économiques au Québec a diminué de 25 % entre 2012 et 2017 au profit de la réunification des familles et de l’accueil des réfugiés1.
Il faut se rappeler qu’il existe une entente Canada-Québec sur l’immigration, la dernière date de 1991. Il ne s’agit que d’une entente administrative, la quatrième depuis 1971. L’une ou l’autre des parties peut y mettre fin comme c’était clairement établi à l’article 6 de l’entente Couture-Cullen. L’entente a été établie en vertu de l’article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui a fixé la règle qu’en matière d’immigration le pouvoir des provinces est limité à l’adoption de lois qui ne doivent être « incompatible[s] avec aucune des lois du parlement du Canada ». Les ententes du fédéral avec les provinces sont autorisées par le principal texte législatif fédéral régissant l’immigration, La loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le gouvernement canadien pourrait modifier cette loi et dénoncer toute entente en découlant.
La question des quotas d’immigrants admis
C’est le gouvernement canadien qui fixe chaque année les quotas d’immigrants qui seront admis. Or, ces quotas sont établis en fonction de la vision du gouvernement canadien tant au niveau économique que démographique et ne tiennent pas compte de la réalité sociodémographique québécoise. On pourrait dire sans trop se tromper que la politique canadienne d’immigration à travers l’histoire a servi à anémier l’importance numérique de la population francophone vis-à-vis la population anglophone. Le Canada de tout temps a servi son intérêt national et a adopté une politique de peuplement visant à occuper le territoire afin de faire contrepoids au géant américain qui est dix fois plus populeux.
Puisque le Québec, comme province, doit définir sa politique en fonction des priorités établies par le Canada, il en découle des débats absurdes sur la fixation des quotas et sur notre capacité à intégrer ceux qui viennent vivre au Québec. Par exemple, il est illusoire et absurde de fixer une cible de 65 % de personnes admises dans la catégorie de l’immigration économique alors que le gouvernement provincial du Québec n’a aucune influence sur la proportion des deux autres catégories d’immigrants qui seront admises par le Canada. Si le Canada décidait d’accroître de façon substantielle l’arrivée d’immigrants dans les catégories de regroupement familial ou de réfugiés, combien faudrait-il accueillir d’immigrants économiques pour atteindre la cible de 65 % ? Comment peut-on parler sérieusement de planification pluriannuelle lorsqu’on ne contrôle pas deux des trois variables de l’équation ?
En fait, c’est la démographie canadienne qui encadre les choix des gouvernements du Québec qui sont obligés d’adopter des quotas en fonction du maintien du poids démographique du Québec dans l’ensemble canadien puisque le nombre d’habitants d’une province détermine l’influence de cette province sur la politique canadienne et également les subventions obtenues de la part du gouvernement fédéral. Ainsi, l’article 7 de l’Accord Canada-Québec stipule que « le Québec s’engage à poursuivre une politique d’immigration dont l’objectif est de lui permettre de recevoir un pourcentage du total des immigrants reçus au Canada égal au pourcentage de sa population par rapport à la population totale du Canada. » Cette règle est reprise à l’article 8. Ce ne sont pas les besoins du Québec qui décident, mais les normes fixées par Ottawa.
Recommandation 1 : Nous recommandons au gouvernement du Québec de décrocher de la politique canadienne des quotas et de fixer sa propre politique d’accueil des nouveaux arrivants en fonction de son intérêt, c’est-à-dire en fonction de l’intérêt de l’ensemble des citoyens du Québec en tenant compte à la fois de sa capacité financière d’intégration et de ses besoins économiques.
Les investissements en immigration
Le document de consultation est aussi avare d’informations sur les coûts réels de l’intégration des immigrants. Il n’y a aucune donnée tant sur les coûts assumés par le gouvernement fédéral (payé à travers nos impôts et taxes) que sur ceux assumés par le gouvernement provincial et le supposé partage des deux. Ces données sont pourtant essentielles pour évaluer l’efficacité des mesures et la possibilité d’ajouter de nouvelles mesures. Car lorsqu’on veut fixer des quotas d’immigrants, il faut tenir compte de la capacité de payer de la société d’accueil pour réaliser une intégration réussie.
Par ailleurs, il est prévisible que si, comme nous le pensons, le gouvernement canadien investit davantage que le gouvernement québécois en immigration, ou que ce dernier contrôle une part plus faible des ressources financières et humaines, ce sont les orientations canadiennes qui prévaudront sur celles du Québec.
Recommandation 2 : Nous recommandons au gouvernement du Québec d’évaluer les investissements respectifs des deux paliers de gouvernement et de déterminer le nombre d’immigrants économiques admis au Québec chaque année en fonction des ressources financières disponibles pour soutenir une intégration effective et réussie.
Les effets linguistiques et politiques de l’immigration
Tant et aussi longtemps que le Québec restera une province dans le Canada, la part de la population francophone se réduira comme peau de chagrin. La politique canadienne d’immigration ne s’est jamais préoccupée de l’équilibre linguistique entre les francophones et les anglophones, ou peut-être au contraire s’en est-elle très bien occupée, et sa conséquence a été de réduire l’importance démographique des francophones au Canada. Voici quelques chiffres qui illustrent ce processus de régression démographique. En 1901, les francophones formaient plus de 30 % de la population du Canada, ils n’étaient plus en 2016 que 21,4 %2. Depuis le début des années 1990, le nombre d’immigrants admis au Canada s’est maintenu à un niveau élevé se chiffrant entre environ 200 000 et 250 000 annuellement. Par conséquent, en 2016, la part de la population de langue maternelle tierce au sein de l’ensemble de la population canadienne a surpassé la part de la population francophone avec 22 % de la population canadienne3. Cette affluence d’immigrants s’intensifie de plus en plus, le plan pluriannuel de planification canadien prévoyant un niveau de 350 000 nouveaux arrivants jusqu’en 2020.
Ainsi en 2016, le Canada a accueilli 296 346 résidents permanents dont 52 % étaient des immigrants économiques ; 26 % appartenaient à la catégorie du regroupement familial et 21 % étaient des réfugiés. Le Québec n’a pas son mot à dire sur le choix de près de la moitié des nouveaux arrivants et pourtant il doit assumer les coûts sociaux pour tous les nouveaux arrivants sur son territoire. Ça, c’est tout un partage des compétences : le Québec paye et le Canada choisit… Fait encore plus grave pour le maintien de l’équilibre linguistique au Canada, en 2016, il n’y avait que 7 % de toutes les personnes des diverses catégories d’immigrants acceptées qui disaient parler le français. Ainsi chaque année, le flux des immigrants réduit la proportion des parlant français au Canada4. Est-ce que nous sommes surpris ? Plus il y aura d’immigrants, plus la proportion de francophones dans la population canadienne deviendra insignifiante et plus le supposé bilinguisme « canadian » passera aux oubliettes. Lorsque les francophones représenteront moins de 10 % de la population canadienne, l’usage du français deviendra un anachronisme au Canada.
On peut observer la même tendance au Québec. C’est l’anglais qui gagne du terrain chez les personnes immigrantes. « Au cours de la période 2009-2018, la proportion de personnes immigrantes admises ayant déclarées connaître le français à leur admission a diminué graduellement, passant de 64 % en 2009 à 50 % en 20185 ».
Voilà pourquoi seule l’indépendance permettra d’assurer la présence française en Amérique. Nous serons ainsi maîtres de nos choix en matière d’immigration et pourrons fixer des objectifs conformes à nos besoins et nous ferons en sorte que les immigrants au Québec s’intègrent dans la langue officielle, le français, dans une perspective de convergence culturelle et non pas de multiculturalisme ghettoïsant.
La francisation des immigrants : un miroir aux alouettes
En dépit des politiques de francisation et des investissements de ressources publiques qui y sont consacrés et qui représentent environ 200 millions de $ par année, le français n’est utilisé comme langue de travail que par 56 % des immigrants sur l’île de Montréal où ils se concentrent massivement6. Les chiffres sur la langue d’usage en public montrent également une nette sous-représentation du français, particulièrement chez les allophones non francotropes7. Dans une étude produite pour l’IREC, Jean Ferretti a établi que la majorité des immigrants non francotropes soit 43,5 % utilisent le plus souvent l’anglais dans leurs interactions publiques alors qu’ils sont 40,1 % à utiliser le plus souvent le français et 16,4 % à utiliser à la fois le français et l’anglais8. Dans son rapport de 2017, la Vérificatrice générale du Québec a montré l’inefficacité des programmes de francisation, car si 40 % des immigrants qui arrivent au Québec ne connaissent pas le français, parmi ceux-ci 60 % ne s’inscrivent pas à des cours de français et le taux de réussite de ceux qui suivent les cours n’est que de 10 %.
On sait que l’immigration pèse lourdement sur la dynamique linguistique et le supposé contrôle qu’a le Québec sur la sélection des immigrants ressemble à de la poudre aux yeux puisqu’en dépit des critères de sélection du Québec environ 40 % des immigrants qui sont acceptés ne connaissent pas le français9. On sait aussi que le bilinguisme institutionnel nuit à la francisation, car les ministères québécois interagissent en anglais avec les immigrants dans une proportion de 75 %, consacrant de ce fait la non-nécessité d’apprendre le français pour le nouvel arrivant.
La question de la francisation des immigrants nous est imposée par la concurrence linguistique inhérente à notre statut de province au Canada où il y a supposément deux langues officielles sachant très bien qu’il y en a une plus officielle que l’autre. La francisation des immigrants sera toujours un échec dans le cadre du Canada où l’anglais est la langue de la majorité non seulement au Canada, mais en Amérique du Nord, ce qui amène inéluctablement le nouvel arrivant à préférer la langue de la majorité qui domine politiquement et économiquement. Cette francisation va aussi contre la tendance naturelle de tout immigrant à choisir de s’intégrer à la majorité du pays d’accueil qui au Canada est de langue anglaise. De plus, la priorité de l’immigrant n’est pas d’apprendre une langue, mais de travailler le plus possible pour atteindre une certaine qualité de vie pour lui et sa famille. Dès lors, plus on augmente les quotas d’immigrants, plus on réduit l’importance démographique de la langue française. Il est estimé que le maintien de quotas d’immigrants supérieurs à 50 000 ferait baisser la proportion de francophones au Québec sous la barre des 75 % de la population en 205610.
Recommandation 3 : Comme nous sommes encore soumis aux contraintes du régime canadien et que le seul pouvoir réel dont dispose le Québec est de définir les critères de sélection des immigrants économiques, nous recommandons au gouvernement de la province de Québec d’imposer la connaissance fonctionnelle du français comme préalable à la venue au Québec, sauf exception, et de réserver les programmes de francisation aux deux autres catégories d’immigrants qui représentent un peu moins de la moitié des immigrants et sur lesquels les critères de sélection du Québec ne s’appliquent pas.
Régionaliser l’immigration est aussi un impératif pour favoriser la francisation des immigrants. Puisque la langue française est minoritaire à Montréal, les contacts avec la population francophone sont moins fréquents et performants. Des études ont montré l’effet bénéfique de vivre hors région métropolitaine au niveau de l’intégration des immigrants11. Cela favorise de meilleurs contacts avec les natifs. Cette politique de régionalisation pourrait également contribuer à corriger le déclin démographique de certaines régions qui sont désertées par la jeunesse.
Recommandation 4 : Nous recommandons que la politique d’immigration du Québec prévoie des incitatifs pour qu’une partie importante des immigrants choisisse d’aller habiter en région, favorisant le développement économique régional.
L’immigration doit servir qui ?
À chaque génération, les arguments employés pour justifier l’acceptabilité sociale d’un afflux plus grand d’immigrants varient. Il y a eu dans les années quatre-vingt-dix l’argument du rajeunissement de la population active. L’accroissement du nombre de travailleurs étrangers sur le marché du travail devait servir à financer les retraites des baby-boomers. De nombreuses études ont montré que l’impact de cette immigration sur le vieillissement démographique fut très faible12. Il s’agissait d’un remède imaginaire selon Dubreuil et Marois qui ont établi que l’immigration avait des impacts marginaux sur le vieillissement de la population et sur la prospérité économique13. L’effet d’un quota à 55 000 immigrants par année sur la structure des âges sur 20 ans n’était que de 1 % et surtout il n’est pas cumulatif, car les immigrants vieillissent eux aussi.
Aujourd’hui, avec un taux de chômage historiquement bas à 5,5 %, le milieu des affaires évoque les affres de la rareté de la main-d’œuvre. Les associations patronales font depuis plusieurs années une campagne de presse et du lobbying pour justifier l’augmentation des quotas d’immigrants. Cette logique est d’ailleurs entérinée dans la présentation du document de consultation où le gouvernement dit vouloir combattre la rareté de la main-d’œuvre en faisant venir des travailleurs étrangers.
Une politique de l’immigration ne doit pas être seulement au service des intérêts du patronat. Il ne faut pas perdre de vue que le but de toute entreprise est de maximiser son taux de profit et de réduire les coûts de production, dont celui de la masse salariale. Dès lors, plus le bassin de réserve de travailleurs est élevé, plus les employeurs peuvent faire baisser le coût de la main-d’œuvre. Plus on augmentera le nombre de travailleurs venant de l’étranger plus la concurrence sur le marché du travail sera forte et plus les salaires auront tendance à baisser. Le problème n’est pas la rareté de la main-d’œuvre, mais les faibles salaires payés dans les secteurs non spécialisés comme la restauration ou l’agriculture maraîchère. Dans ces secteurs les conditions de travail offertes sont bien inférieures à la moyenne. L’augmentation du salaire minimum et l’amélioration des conditions de travail rendront plus attractifs les emplois non qualifiés, rendant moins nécessaire et urgente l’arrivée de travailleurs étrangers sur le marché. De meilleures conditions de travail pourraient aussi inciter ceux et celles qui ont pris leur retraite à revenir sur le marché du travail. Il y a de la main-d’œuvre disponible au Québec, mais elle préfère rester en dehors du marché du travail ou bien elle n’arrive pas à entrer sur le marché du travail. Au lieu de prendre le taux de chômage général pour évaluer s’il y a pénurie de main-d’œuvre, il est plus logique de s’intéresser au taux de chômage des catégories qui sont les plus susceptibles de remplir les mêmes fonctions que les immigrants, soit les jeunes de 15 à 29 ans, taux qui est environ le double de celui des 25-54 ans et des 55 ans et plus. En 2016, il s’élevait à 13,0 % chez les jeunes non-étudiants14. De plus, les emplois occupés par les jeunes sont à temps partiel. Il y a donc une réserve de travailleurs pour pourvoir les postes qui seront libérés par les retraités. L’idée d’une pénurie généralisée de main d’œuvre n’a pas de fondement empirique. Les pénuries se trouvent dans des secteurs spécifiques.
Recommandation 5 : Nous recommandons au gouvernement du Québec de créer des programmes de recrutement ciblés en fonction des secteurs où il y a réellement une pénurie de travailleurs qualifiés et bien rémunérés. L’immigration économique doit de façon complémentaire servir avant tout à pourvoir les postes vacants dans les secteurs à forte valeur ajoutée qui exigent des compétences qui ne se trouvent pas au Québec.
Une politique de la population
Un politique de l’immigration doit s’aligner sur une politique de la population dont elle est une des composantes. Au lieu de débattre de la question des seuils qui sont arbitraires ou conditionnés par le maintien du poids démographique de la province du Québec dans le Canada, il faut plutôt pour favoriser l’intérêt de l’ensemble des citoyens québécois établir des cibles de population en tenant compte de l’occupation du territoire. Il faudrait d’abord réfléchir à la population optimale désirable pour le Québec. Doit-on maintenir la population à 8 millions ou la faire croître à 9 millions d’ici 20 ans ? C’est en fonction de l’objectif de peuplement désirable qu’on peut ensuite ajuster le nombre d’immigrants souhaitable. Un nombre de 40 000 immigrants par année correspondrait à l’hypothèse d’une population stationnaire à 8 millions d’habitants ; 50 000 conviendrait à l’hypothèse d’une augmentation de la population à 9 millions15. D’autres leviers sont aussi à la disposition du gouvernement québécois dans cet effort de planification, en particulier toutes les politiques familiales.
Le professeur Jacques Légaré a estimé que depuis l’an 2000, il y a eu environ 400 000 Québécois qui se sont expatriés dans le reste du Canada pour trouver de l’emploi16. Les chiffres ne sont pas connus pour les expatriés aux États-Unis, mais nous savons que plusieurs travailleurs très qualifiés ont traversé la frontière. Il s’agirait de ramener ces expatriés en leur offrant des conditions de retour convaincantes.
Recommandation 6 : Nous recommandons que le gouvernement du Québec mette sur pied une politique de retour pour les francophones hors Québec résidant au Canada ou aux États-Unis. Ce programme de retour pourrait aussi intéresser les expatriés récents.
Recommandation 7 : Nous recommandons que le gouvernement du Québec instaure un statut d’étudiant immigrant afin d’attirer les jeunes cerveaux qui profiteront de frais de scolarité réduits au même tarif que les étudiants québécois et qui, en échange, s’engageront à rester au Québec cinq ans après l’obtention d’un diplôme d’études supérieures. Ils seraient déjà intégrés à la société québécoise après y avoir vécu quelques années.
Recommandation 8 : Nous recommandons d’offrir aux personnes diplômées à l’étranger un système de reconnaissance des acquis souple, équitable et simplifié qui améliorera l’accès des personnes immigrantes aux professions réglementées et pour ce faire, au besoin, imposer aux ordres professionnels très protectionnistes cette volonté.
Les effets de la subordination politique du Québec sur les immigrants
Ce ne sont pas les immigrants qui sont la cause du problème d’intégration au Québec, c’est notre statut de province dans le système canadien qui nous infériorise dans la gestion des politiques d’immigration et qui place l’immigrant devant un conflit de loyauté. Ce n’est pas la faute des immigrants si le Québec est une province qui n’a pas les pouvoirs nécessaires pour accomplir son ambition d’être un pays. On ne peut blâmer ceux qui viennent vivre au Québec d’avoir tendance à s’identifier au Canada multiculturel et anglophone puisque le Canada est leur pays d’accueil (tant que le Québec ne sera qu’une province) et qu’il déploie des ressources importantes pour construire son identité nationale. C’est à travers les ambassades du Canada que le futur immigrant commence son parcours, c’est le Canada qui l’accueille aux frontières, c’est au Canada qu’il vient vivre, c’est le Canada qui lui attribue le statut de citoyen. Le serment d’allégeance de l’immigrant c’est au Canada et à la reine d’Angleterre qu’il le fait. Tant que le Québec restera une province, il ne pourra pas concurrencer le Canada sur le terrain de la loyauté, de l’identité et de l’intégration.
Recommandation 9 : Afin de mitiger ces effets de loyauté en attendant que le Québec devienne indépendant, nous recommandons au gouvernement de la province de Québec d’instaurer un serment de loyauté au peuple du Québec et à ses institutions qui constituera une reconnaissance mutuelle du vouloir-vivre ensemble. Ce serment d’allégeance pourrait être réalisé, par exemple, à l’émission de la carte d’assurance maladie.
Tant que le Québec restera une province, il ne pourra pas pleinement intégrer les immigrants qui continueront à s’identifier majoritairement comme Canadiens par la force des choses. Ils ne sont pas responsables de cette situation de double loyauté qu’ils doivent subir comme tous les Québécois qui se satisfont du statut provincial.
Conclusion
Dans une perspective historique, l’immigration a toujours été utilisée au Canada comme instrument pour réduire le poids démographique de la population francophone. Le premier père fondateur du Canada, lord Durham, ne s’en cachait pas. Il recommandait une politique vigoureuse de peuplement anglais pour mettre comme il le disait la « race française » en minorité le plus rapidement possible. Ses successeurs ont appliqué cette politique avec succès amenuisant ainsi le poids démographique des francophones. Le plan Sifton, qui fut appliqué de 1902 à 1914, fit venir au Canada trois millions d’immigrants provenant principalement du Royaume-Uni et de l’Europe de l’est. Ce plan était peu enclin à renforcer les communautés francophones hors- Québec. Cet afflux d’immigrants a fait augmenter en deux décennies de 40 % la population canadienne.
Aujourd’hui des conseillers du gouvernement Trudeau, proposent de fixer comme objectif de la politique canadienne d’immigration d’accroître la population canadienne à 100 millions d’habitants à la fin de ce siècle. Si ce scénario devait se matérialiser, la population francophone serait réduite à l’insignifiance démographique et politique17.
Si louable que soit l’objectif du gouvernement du Québec de franciser les nouveaux arrivants, cette politique sera impuissante à endiguer l’arrivée massive des immigrants dans le reste du Canada qui contribueront objectivement à l’affaiblissement de la présence française en Amérique. Le Québec doit devenir indépendant pour que l’immigration devienne un facteur positif dans la construction de la nation québécoise d’une part parce que l’indépendance permettra de choisir les immigrants en fonction des besoins réels du Québec et d’autre part parce qu’elle ne constituera plus un facteur d’affaiblissement démographique, comme c’est le cas au Canada.
1 Le Journal de Montréal, 17 septembre 2018.
2 Recensement en bref, population de langue maternelle française.
3 /www150.statcan.gc.ca/ L’évolution des populations de langue maternelle au Canada, de 1901 à 2016
4 https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/publications-guides/rapport-annuel-parlement-immigration-2017.html
5 Cahier de consultation, Gouvernement du Québec 2019, p. 16
6 Voir A. Bélanger et P. Sabourin, « De l’interprétation des indicateurs linguistiques du recensement canadien ». Cahiers québécois de démographie, 2013, 42(1), 167-177.
7 M Pagé, A. Carpentier, & C. Olivier, L’usage du français et de l’anglais par les Québécois dans les interactions publiques, portrait de 2010, Québec : Conseil supérieur de la langue française, 2014
8 Jean Ferretti, Le Québec rate sa cible, 2016
9 https://www.vgq.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_2017-2018 Le Soleil, 22 mai 2018.
10 Guillaume Marois, Au-delà des volumes : doter la politique d’immigration d’indicateurs pertinents, Mémoire présenté à la Commission des relations avec les citoyens dans le cadre des Consultations particulières et auditions publiques sur les documents intitulés « Vers une nouvelle politique québécoise en matière d’immigration, de diversité et d’inclusion » 2015.
11 A. Bernard, « Les immigrants dans les régions ». L’emploi et le revenu en perspective, 2008 9(1), 5-16.
12 Guillaume Marois. « La “migration de remplacement” : un exercice méthodologique en rapport aux enjeux démographiques du Québec », Cahiers québécois de démographie, Vol. 37, No. 2, 2008, p. 237–261
13 Benoit Dubreuil et Guillaume Marois, Le remède imaginaire : pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec, Montréal, Éditions du Boréal, 2011.
14 http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/travail-remuneration/bulletins/cap-remuneration-201712-9.pdf
15 G. Marois op.cit. Au-delà des volumes : doter la politique d’immigration d’indicateurs pertinents, 2015, p.7
16 https://nouvelles.umontreal.ca/article/2019/06/07/penurie-de-main-d-oeuvre
17 La Presse, 23 octobre 2016.