Une défense nationale sans amarres

La stratégie Indo-Pacifique du gouvernement Trudeau est mal partie, c’est le moins qu’on puisse dire. De nouveaux indices annonciateurs de troubles à venir commencent à apparaître et risquent de nous entraîner dans un cul-de-sac militaire qui pourrait faire beaucoup plus de mal qu’on ne peut même l’imaginer à cette étape-ci.

Quand on arrime notre politique étrangère à celle d’une puissance pour qui l’art de la déstabilisation est une condition de survie, il ne faut pas se surprendre si la randonnée devient cahoteuse. Le gouvernement Trudeau est complètement aveugle aux enjeux stratégiques et aux risques d’enlisement qui pointent de toutes parts. Le plus dangereux est qu’il semble dépassé par les évènements et les militaires en profitent. Avec les échéances politico-militaires qui s’en viennent, nous devrions être bientôt fixés sur ce qu’il nous en coûtera.

Au cours d’une conférence de presse l’automne dernier, la ministre de la Défense nationale Anita Anand a été invitée à préciser la pensée du gouvernement Trudeau sur notre intervention dans la région de l’Indo-Pacifique. Nous ne pourrions mieux faire que de laisser la ministre s’expliquer dans ses propres mots. Nous transcrivons ici en français un court extrait de l’échange avec un journaliste.

Journaliste : Pouvez-vous commenter s’il y a des risques de contrecoup (blowback) ou d’escalade de la part de la Chine étant donné ces investissements additionnels du Canada ?

Ministre : Certainement. Il est important de se rappeler que nous avons d’abord l’objectif de soutenir la paix et la sécurité dans la région puisque nous sommes nous aussi une nation du Pacifique. La stabilité dans l’Indo-Pacifique est essentielle à la stabilité mondiale parce que la région est au centre d’un déplacement global (global shift) et qu’elle croît économiquement. Comme je l’ai indiqué dans mes propos au cours du Dialogue Shangri-La (à Singapour), notre objectif est de continuer à être présents dans l’Indopacifique dans le but de promouvoir la paix et la stabilité avec nos alliés et avec cela nous nous assurerons que la région reste une région stable et qui peut continuer à croître économiquement. Comme je l’ai mentionné, nous défierons la Chine lorsque nous en aurons besoin et coopérerons avec la Chine lorsque nous le devrons.

Non seulement la ministre n’a pas répondu à la question, mais elle s’est bien gardée d’expliquer avec quels moyens le Canada réagirait si la Chine répondait aux incursions des forces canadiennes dans la région. Et ces risques de confrontation viendront. En fait des incidents ont déjà eu lieu. En novembre dernier, citant des sources anonymes, le réseau Global News rapportait que près de soixante « interceptions » s’étaient produites impliquant des avions-chasseurs chinois et canadiens depuis la fin de 2021. Cette présence canadienne dans la région se fait sous l’égide de l’Opération Neon, une initiative canadienne visant à s’assurer que les sanctions onusiennes imposées à la Corée du Nord soient respectées.

Dans une déclaration le 6 juin 2022, le premier ministre Trudeau a condamné le harcèlement par la Chine des avions canadiens comme étant irresponsable et provocant. La réplique de la Chine le jour suivant est intéressante parce qu’elle suggère que les chasseurs canadiens avaient outrepassé leur mandat :

UN Security Council resolutions have never mandated any country to deploy forces and conduct surveillance operations in jurisdictional air and sea areas of other countries for the purpose of identifying sanctions evasion activities. China firmly rejects all moves that endanger China’s sovereignty and national security in the name of implementing resolutions.

(ma traduction : Les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU n’ont jamais mandaté un pays pour déployer des forces et mener des opérations de surveillance dans les zones aériennes et maritimes juridictionnelles d’autres pays dans le but d’identifier les activités de contournement des sanctions. La Chine rejette fermement toutes les mesures qui mettent en danger la souveraineté et la sécurité nationale de la Chine au nom de la mise en œuvre des résolutions).

Ce que cette réplique suggère, c’est que les avions canadiens avaient pénétré dans l’espace aérien chinois, une action qui n’est apparemment pas couverte par les résolutions onusiennes. Si c’est le cas, il est inconcevable que les pilotes aient agi sans instruction du haut commandement canadien. Il est également inconcevable que le haut commandement (même en consultation avec l’autorité politique) ait agi de son propre chef. A-t-il agi en consultation ou sous l’impulsion des États-Unis ? Trudeau et sa ministre se trouvaient-ils à cautionner une action (illégale) afin de protéger les États-Unis ?

Nous n’avons peut-être pas fini d’entendre parler de cette opération militaire dont les activités sont largement traitées le plus discrètement du monde. Ce que les propos de la ministre nous révèlent c’est qu’elle et son patron sont incapables de répondre à des questions pourtant cruciales et qui ont le potentiel de nous impliquer dans des opérations militaires majeures qui, elles, portent à conséquence. Écoutons la ministre encore une fois.

Journaliste : Je veux avoir une idée claire de la position du Canada en termes de défense de la souveraineté de Taiwan. Le Canada s’engagera-t-il à aider Taïwan à défendre sa souveraineté en cas d’invasion chinoise ?

Ministre : Nous continuerons à soutenir une région indopacifique libre et ouverte et, du point de vue de la défense, cela signifie que nous continuerons d’envoyer des frégates dans l’Indopacifique, le détroit de Taiwan étant des eaux internationales continuera à nous voir transiter par les eaux de cette région comme nous le faisons depuis des décennies. En ce qui concerne Taïwan, nous avons des liens commerciaux et interpersonnels solides et croissants là-bas et nous allons continuer à permettre à ces liens de se développer. Je dirai que nous sommes préoccupés par l’augmentation des activités militaires chinoises dans la région et nous continuerons à les surveiller et, en fait, dans le cadre de l’Opération Neon, imposer la stabilité générale dans la région.

En réponse à une autre question sur le même sujet, la ministre a répondu, en français cette fois, tel que suit :

Le Canada continue d’entretenir des liens commerciaux et interpersonnels solides et croissants avec Taïwan, premièrement. Nous sommes préoccupés par le niveau accru d’activités militaires chinoises dans les environs de Taïwan. Donc le Canada maintient une politique de longue date d’une seule Chine, mais nous sommes néanmoins préoccupés par l’activité militaire accrue dans les environs de l’île.

Encore une fois, la ministre ne répond pas aux questions. La décision d’intervenir, que ce soit en réponse aux contrecoups de la Chine ou à une invasion de Taïwan, ne sera vraisemblablement pas prise par Ottawa, mais bien par Washington avec tous les enjeux et risques que cela impose. Quand on sait que ces enjeux ne concernent pas la résolution d’un conflit dans la région, mais bien d’une politique d’endiguement de la Chine, on comprend qu’avec sa stratégie Indo-Pacifique, le gouvernement Trudeau vient de donner un chèque en blanc aux États-Unis de mener des opérations de subversions et de déstabilisation à grande échelle. Il y a fort à parier que nos soldats feront les frais de tout débordement dans cette confrontation entre superpuissances par alliés superposés. Déjà les escarmouches rapportées par les médias dans le cadre de l’Opération Neon ne concernent que des chasseurs canadiens et australiens et illustrent très bien que nous servons d’appât.

À la défense de madame Anand, il faut bien admettre que d’être ministre de la Défense dans un gouvernement Trudeau est une tâche impossible. Il nomme à des postes de responsabilités des gens qu’il sait très bien incapables de les assumer. Ils passeront la majorité de leur temps à consulter et à se tourner vers le bureau du premier ministre pour des instructions. Sans compter que des groupes bien au fait de ses faiblesses et vulnérabilités profiteront de la situation pour tenter d’imposer leur agenda.

Pour s’en convaincre, mentionnons un incident récent cité par la Presse canadienne. Alors qu’en septembre 2021 lors de l’annonce de la formation de l’organisation AUKUS (Australie, Royaume-Uni, États-Unis), les observateurs avaient noté l’absence du Canada, le premier ministre Trudeau avait répondu que cet accord n’impliquait dans le fond qu’une entente de fournitures de sous-marins nucléaires à l’Australie.

Le 15 décembre dernier, le commandant des opérations conjointes canadiennes indiquait à la Presse canadienne qu’en n’étant pas membre de l’AUKUS, le Canada serait privé d’accès à la technologie la plus avancée. Il a ajouté que cet accord est plus qu’une entente sur des sous-marins, se trouvant ainsi à contredire le premier ministre Trudeau. Ses propos tels que rapportés par la Presse canadienne suggéraient une profonde frustration vis-à-vis de l’absence de direction et de consultation. Le fait que l’officier en question, un haut gradé, n’a apparemment pas été ramené à l’ordre pour des propos qui contredisent le premier ministre en public est peut-être le premier signe qu’en ce qui concerne l’Indo-Pacifique, ce gouvernement vogue à la dérive. Il appert que pour certains de nos militaires, la stratégie de l’Indo-Pacifique du gouvernement Trudeau ne va pas assez loin. Quand la grogne s’installe dans les rangs de la bureaucratie à ce niveau élevé de manière aussi ouverte, il y a péril en la demeure.

Et ce n’est pas tout. Au cours de cette conférence citée plus haut, la ministre Anand a aussi fourni des détails sur une formation militaire que le Canada compte donner aux pays de la région comme l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et le Vietnam et qui sera adaptée à leurs besoins. La ministre Anand a confirmé que 68,2 millions $ seront investis dans ce projet. D’après la stratégie Indo-Pacifique du gouvernement Trudeau dévoilée l’automne dernier, le Canada élargira les initiatives actuelles visant le renforcement des capacités militaires et lancera de nouveaux programmes de formation qui font progresser les priorités communes et l’interopérabilité avec les partenaires régionaux tels l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et le Vietnam, notamment sur la question des femmes, de la paix et de la sécurité.

On peut raisonnablement se poser la question de la pertinence d’un tel programme pour un pays comme le Vietnam qui a combattu avec succès trois puissances, à savoir la France, les États-Unis et notamment la Chine. Qu’est-ce que les militaires canadiens peuvent enseigner à ces soldats qu’ils ne savent déjà ? Nous y reviendrons.

Lors de cette conférence, le journaliste de la Presse canadienne s’est demandé comment le gouvernement canadien avait déterminé le choix des pays candidats pour cette formation. Il a notamment tenté de savoir si le Cambodge, un proche allié de la Chine, avait été approché et s’il aurait refusé. Visiblement, le journaliste avait reçu des informations à ce sujet. Combien d’autres pays ont refusé cette invitation pour ne pas froisser la Chine ? La ministre s’est dérobée en déclarant que ce programme est géré par sa collègue Mélanie Joly et a soutenu que toutes les deux tentaient avec ce programme de rallier le plus grand nombre de pays possible dans la région. Comme c’est son habitude, elle n’a pas répondu aux questions pertinentes du journaliste. Il y a fort à parier que le choix des pays en question n’était pas anodin.

L’objectif du Canada dans cette opération est d’embêter la Chine. Il est connu dans les milieux de la défense que la Chine n’aime pas ces opérations dans sa périphérie. La Rand Corporation a investi d’énormes ressources à étudier les réactions de la Chine à toute activité étrangère dans la région, peu importe leur nature. Cette recherche nous révèle quel type d’activités impliquant tel pays voisin provoquerait quelle réaction de la part de la Chine. Les pays que le Canada a identifiés sont tous des partenaires importants de la Chine dans le domaine commercial, mais aussi diplomatique. La Chine compte sur eux pour créer un front commun dans ces domaines. La ministre Anand devrait savoir que d’offrir une formation militaire à des pays de la région n’aura pour effet que d’irriter la Chine. Elle, qui prétend ne vouloir qu’assurer la stabilité et la sécurité dans la région, ne fait-elle pas le jeu des États-Unis qui cherchent au contraire à accroître les tensions ? Et ce n’est pas tout.

Étant donné les relations très amicales que ces pays entretiennent avec la Chine, la ministre Anand n’a-t-elle pas eu des soupçons sur la possibilité qu’ils jouent un double jeu ?

L’automne dernier, le chef du Parti communiste vietnamien, Nguyen Phu Trong, a été reçu à Beijing avec tous les honneurs dus à un chef d’État. Il a félicité Xi Jinping pour sa réélection en tant que secrétaire général du Parti communiste chinois. Sa visite a reçu une couverture exceptionnelle de la part des médias chinois, notamment le réseau de télévision Phoenix (鳳凰衛視) à Hong Kong. Il est connu que la Chine attache une importance toute particulière à ses voisins immédiats.

Selon le site internet du ministère chinois de la Défense, le président Xi avait indiqué à son homologue vietnamien que les militaires de la Chine et du Vietnam devraient maintenir des communications de haut niveau et un dialogue stratégique (中越要保持两军高层沟通和战略对话). Le directeur du Bureau de l’information et porte-parole du ministère, Wu Qian (吳谦), déclarait que « Ces dernières années, sous la direction stratégique des dirigeants des deux parties et des deux pays, les interactions de haut niveau entre les militaires chinois et vietnamiens ont été fréquentes et la construction du mécanisme a été promue de manière ordonnée » (近年来,在两党两国领导人的战略引领下,中越两军高层互动频繁,机制建设有序推进). En outre, les militaires des deux pays entretiennent des relations soutenues qui pourraient évoluer vers une coopération encore plus étroite.

Le même phénomène s’est reproduit lors de la visite du président Ferdinand Marcos, Jr. des Philippines en janvier dernier. Marcos a été particulièrement chaleureux avec son homologue chinois indiquant qu’il était rassuré quant à la possibilité de résoudre le conflit de la souveraineté dans la mer de Chine. Il a insisté pour dire que de tels problèmes ne devraient pas empêcher les rapports entre les deux pays de se développer. Si ses propos devaient avoir réjoui la Chine, ils devraient au contraire avoir inquiété les États-Unis.

Si les relations militaires entre la Chine et les Philippines ne sont pas du même ordre que celles avec le Vietnam, il appert que la Chine tente de développer cette relation. L’ambassade de Chine à Manille rapportait en février 2022 un don de 130 millions (RMB) aux forces armées des Philippines sous forme d’équipement pour des opérations humanitaires. L’ambassadeur chinois notait que « la coopération militaire à militaire entre nos deux pays a fait de solides progrès, y compris des échanges de haut niveau dans les secteurs de la défense, une coopération approfondie dans l’éducation et la formation militaires, l’assistance militaire, la coopération anti-pandémique et la coopération dans l’industrie de la défense ». Cette évolution s’est produite sous le président Rodrigo Duterte qui avait montré un penchant plus favorable à la Chine. La disposition du président actuel par rapport à la Chine annonce des jours encore meilleurs dans les relations militaires entre les deux pays.

Pourquoi ces deux pays ont-ils accepté la formation militaire du gouvernement canadien ?

La réponse est peut-être à trouver dans une étude de la Rand Corporation intitulée Managing Escalation While Competing Effectively in the Indo-Pacific (Gérer l’escalade tout en étant compétitif dans l’Indo-Pacifique) publiée l’an dernier. Cette étude mentionne que certaines activités impliquant les États-Unis et de proches alliés de la Chine pourraient ne pas inquiéter celle-ci si ces activités visent des objectifs plus superficiels ou n’implique pas l’endiguement de la Chine. L’étude ajoute ceci :

Furthermore, these states may be willing to share intelligence with the PRC about the content of these activities, further reducing the risk that China will perceive hostile intent from the activity (p. 42).

(ma traduction : En outre, ces États peuvent être disposés à partager des renseignements avec la RPC sur le contenu de ces activités, ce qui réduit encore le risque que la Chine perçoive une intention hostile de l’activité.)

Autrement dit, en formant les soldats vietnamiens et philippins, les forces armées canadiennes pourraient en fait contribuer à transmettre à la Chine des informations sur ses modes d’opérations si ces pays (Philippines et Vietnam par exemple) pensent pouvoir tirer un bénéfice en partageant cette information avec la Chine. La ministre Anand a-t-elle été informée de ces risques ? Nos militaires sont-ils même au courant ? Quel impact la transmission de ces informations à caractère militaire pourrait-elle avoir sur la sécurité même de nos forces armées ? Et que dire de l’Indonésie et de la Malaisie, deux autres pays qui entretiennent des relations plutôt étroites avec la Chine ?

L’amateurisme et les maladresses du gouvernement Trudeau ne connaissent pas de répit. Dans quel pétrin ce gouvernement nous entraînera-t-il dans les prochains mois alors que les tensions dans le détroit de Taïwan risquent de s’accroître ? Ce gouvernement qui semble avoir perdu la confiance de ses propres militaires ne risque-t-il pas de se voir entrainer dans un incident provoqué par des éléments réfractaires de l’intérieur ? Cette inquiétude n’est pas hypothétique.

Le quotidien Ottawa Citizen révélait dans son édition du 19 janvier dernier que le ministère de la Défense nationale avait investi 10 millions $ dans un programme de recherche qui « aurait permis aux officiers des affaires publiques militaires d’utiliser la propagande pour changer les attitudes et les comportements des Canadiens ainsi que de recueillir et d’analyser des informations à partir des comptes de médias sociaux du public » (ma traduction). Le journaliste du Citizen David Pugliese ajoutait que « la nouvelle stratégie d’affaires publiques aurait vu le personnel passer des méthodes gouvernementales traditionnelles de communication avec le public à des méthodes plus agressives d’utilisation de la guerre de l’information et des tactiques d’influence sur les Canadiens. Parmi ces tactiques figurait l’utilisation d’analystes de la défense amis et de généraux à la retraite pour diffuser des messages de relations publiques militaires et pour critiquer sur les réseaux sociaux ceux qui soulevaient des questions sur les dépenses militaires et le manque de responsabilité » (ma traduction). Le ministère de la Défense a indiqué avoir mis fin à ce programme. Le Citizen prétend le contraire. Aucune réaction du pouvoir civil n’a été enregistrée suite à ces révélations.

L’affaire des activités d’influence de la Chine dans les élections fédérales de 2019 est un autre exemple de circonstances louches où il semble que nos services de sécurité tentent de s’immiscer dans la politique étrangère du pays de manière irrégulière. Le réseau Global News rapportait en novembre dernier que le Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) avait remis des comptes-rendus et notes au Bureau du premier ministre soutenant que la Chine serait intervenue de diverses manières pour appuyer certains candidats. Trudeau a répondu qu’il n’avait pas vu ces informations. Certains de ses ministres ont confirmé ses propos. Comment expliquer ces contradictions ? Il est connu que le SCRS est particulièrement frustré par la position plutôt molle du gouvernement Trudeau vis-à-vis de la Chine. Le SCRS a-t-il tenté de forcer la main de Trudeau en fuitant des informations au journaliste de Global News ?

Le sénateur indépendant Yuen Pau Woo dénonçait en décembre dernier au Sénat ce qui avait l’apparence d’une chasse aux sorcières. Il notait en particulier que la conseillère à la sécurité nationale du premier ministre Jody Thomas avait affirmé n’avoir vu aucune information sur ces allégations d’interférences chinoises dans les élections fédérales. Yuen dénonçait le fait que Global News ne se soit pas rétracté.

Ce ne serait pas la première que des indices émergents suggérant que le SCRS s’implique dans des activités subversives qui débordent. À l’automne 2021 lors de la libération de Michael Kovrig, certains observateurs avaient noté une remarque sur le compte Twitter du SCRS applaudissant son retour au Canada. La remarque y est toujours. Les médias chinois avaient fait un lien entre les accusations d’espionnage contre Kovrig et Michael Spavor en Chine et cette remarque. Le SCRS a-t-il été impliqué dans des activités d’espionnage en Chine ? Si oui, pour le compte de qui travaillait-il et à quelle fin ? Kovrig et Spavor ont passé près de trois ans dans les prisons chinoises. Le premier ministre avait le pouvoir de les faire libérer en acceptant un quid pro quo avec Meng Wanzhou. Pourquoi ce premier ministre qui répète ad vitam aeternam qu’il a à cœur les intérêts des Canadiens n’a-t-il pas levé le petit doigt pour sortir ses citoyens des prisons chinoises ? Que fait le premier ministre pour reprendre le contrôle de son appareil sécuritaire ?

Nous nous approchons d’une situation dangereuse avec des forces de sécurité (défense et renseignements) aux pratiques louches, implantant des programmes de manipulation de l’opinion publique (avec l’assentiment du pouvoir civil ?), ciblant les critiques et en mesure d’imposer son agenda aux politiques. Quel autre programme de même nature est en gestation au ministère de la Défense, au SCRS ou encore au Centre de la sécurité des télécommunications du Canada (CSTC) ?

Avec des hauts gradés contredisant le premier ministre ouvertement sur des enjeux fondamentaux sans la moindre réaction de l’autorité politique et des fonctionnaires fuitant des renseignements de nature sécuritaire, ce que nous avons ici est un gouvernement fédéral apparemment dépassé par les évènements et donc incapable d’imposer son autorité sur les forces armées et les services de renseignements. Cette situation laisse entrevoir un potentiel de bévues à venir. À mesure que l’échéance de janvier 2024 avec les élections à Taïwan se rapproche et les tensions que les États-Unis alimentent à travers une panoplie de mesures provocantes, le pays pourrait se retrouver en mauvaise posture. Le comportement passé du gouvernement Trudeau n’inspire aucune confiance sur sa capacité d’y faire face. Les erreurs tactiques et stratégiques du premier ministre Trudeau en ce qui concerne la région de l’Indo-Pacifique avec ses conséquences passées et à venir font de lui une véritable menace à la sécurité du pays. Le SCRS, dont c’est la mission d’identifier les menaces à la sécurité nationale et qui croit les avoir trouvés dans la Chine, ne voit apparemment pas venir celle qui est ici dans notre propre cour. u

* L’auteur est fonctionnaire fédéral retraité.