Éditorial – Un penaud magnifique

2017avril250Il est beau à voir notre ministre de la Santé. Un penaud magnifique !

Tout sourire pour se soumettre au spin commandé pour faire semblant que le budget propulse le Québec dans une ère de prospérité, il a joué du simulacre. Floué par Ottawa, mais néanmoins incapable d’en tirer la conclusion, il passera le reste de son mandat à prétendre protéger la qualité et l’offre de services après avoir fait lui-même la démonstration que les transferts fédéraux sont largement insuffisants pour permettre au Québec de maintenir son système dans un état à peu près convenable pour faire face aux défis qui sont les siens.

2017avril250Il est beau à voir notre ministre de la Santé. Un penaud magnifique !

Tout sourire pour se soumettre au spin commandé pour faire semblant que le budget propulse le Québec dans une ère de prospérité, il a joué du simulacre. Floué par Ottawa, mais néanmoins incapable d’en tirer la conclusion, il passera le reste de son mandat à prétendre protéger la qualité et l’offre de services après avoir fait lui-même la démonstration que les transferts fédéraux sont largement insuffisants pour permettre au Québec de maintenir son système dans un état à peu près convenable pour faire face aux défis qui sont les siens.

Au pays de la résignation, il n’y a jamais de pertes suffisamment graves pour justifier de sortir de ce carcan fédéral qui maintient nos systèmes publics dans un état de sous-oxygénation permanente. Il faut pratiquer la restriction mentale avec un acharnement suicidaire pour ne pas voir que la soumission du ministre ne signifie qu’une chose : c’est le peuple qui souffrira. Cette éternelle minimisation des pertes condamne à la médiocrité. Il y a aura réduction ou détérioration et, vraisemblablement, réduction et détérioration des services en raison des choix qu’Ottawa impose au Québec avec l’argent de nos impôts. Le ministre le sait.

Et cela ne l’a pas empêché de monter au créneau pour défendre la rémunération de sa corporation. C’est toujours aux mêmes qu’on impose le renoncement…

Le ministre est nu. La réduction de ses marges budgétaires ne lui permettra plus de faire semblant, de maquiller le rôle actif que son refus de tirer les conclusions politiques de sa défaite outaouaise le condamne à jouer. Il ne fera plus que des choix de mutilation. Ses manœuvres ne feront que le déporter encore davantage vers une plus grande privatisation et vers des solutions génératrices de criantes inégalités. La soumission a un prix.

Alors que Justin Trudeau pose au progressiste en annonçant la légalisation de la marijuana et que notre ministre pousse les hauts cris devant les dépenses qu’Ottawa ajoutera au système de santé pour gérer les nuisances de santé publique que cet empressement électoraliste pellettera dans la cour du Québec, ce prix va continuer d’augmenter. Et notre ministre va faire semblant de se fâcher… avant de se coucher encore. Et de recommencer à chercher des moyens d’imposer d’autres mesures de renoncement. Le personnage de matamore dans lequel il s’est complu s’est d’ores et déjà métamorphosé : il n’est plus qu’un exécutant, à peine un contremaitre occasionnel de l’agence de livraison que sont devenus son ministère et son gouvernement.C’est le comble de l’absurde que de voir le ministre des Finances annoncer l’espoir dans un budget qui consacre le consentement au ratatinement. Il joue lui aussi sa partition et cela sonne de plus en plus faux. Mais il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut rien entendre. C’est le plus tragique de notre condition politique : tous les partis, toutes options constitutionnelles confondues font la sourde oreille. Le Québec ne peut plus même faire semblant de s’acquitter de ses responsabilités « provinciales », mais tout ce beau monde s’acharne à nier l’évidence. Comme des grenouilles dans un sceau lentement porté à ébullition.

Les vraies affaires ne se trouvent pas où la classe politique les situe. Le Québec s’enlise dans une médiocrité ravageuse. Le refus de s’assumer est devenu le principal lubrifiant de la machine à broyer canadian. C’est une vérité niée qui fonctionne à la manière d’un trou noir dans notre culture politique. Tous les efforts, toutes les propositions et jusqu’aux plus nobles initiatives y sont aspirés. Le débat public ne fait pas que tourner en rond et se perdre dans des redites caricaturales, il fonctionne désormais à la manière d’un instrument d’automutilation. L’autocensure est telle que les termes du débat s’éloignent de plus en plus de la condition réelle des rapports politiques.

La classe politique n’est pas déconnectée du réel, elle est tout simplement enfermée dans une seule et unique redondance, celle que lui impose le commun effort pour ne pas sortir des limites de la pensée provinciale. La condition minoritaire d’une nation oblitérée a ceci de sournois qu’elle neutralise jusqu’à l’expression même de ses propres lamentations. Sitôt l’indignation déclamée, sitôt l’attention se détourne de ce qui l’a provoquée. Le ministre Barrette est passé à autre chose. Le ministre Leitao a ajusté son budget aux moyens que le Canada lui laisse. Et les partis d’opposition ont recommencé à commenter les reportages sur l’indigence des hôpitaux et la mauvaise qualité des services. Exit le thème des transferts fédéraux, lassant de refaire le procès du régime : la province se panse bien plus qu’elle ne se pense. Quelques jours à peine ont suffi.

Le Canada connaît bien le manège et l’apprécie au point de s’en servir comme jamais auparavant avec une telle arrogance. À Ottawa, on a bien compris les ressorts de la politique provinciale : on procède unilatéralement, sans même faire semblant de donner la réplique. Plus personne ne s’inquiète des protestations : le canadian nation building et la centralisation peuvent désormais se déployer sans vergogne. On sait là-bas que la culture politique des partis provinciaux les empêche même d’en dire la portée et les conséquences. La défaite du ministre Barrette est emblématique. S’il a pu paraître fort et puissant, cela n’aura été qu’une illusion d’optique : il n’a jamais pu négocier que ce qui pouvait se gagner au détriment du Québec lui-même. Il incarne bien ce qui reste la seule voie de la politique du déni provincial, la politique de son gouvernement certes, mais aussi le corset mental dans lequel étouffe l’Assemblée nationale elle-même.

Pourtant condamné par des taux records d’insatisfaction, le Parti libéral continue de gouverner contre son peuple en profitant d’une minorité de blocage et de l’aveuglement volontaire des politiciens d’opposition qui, à l’image d’une très grande partie de l’élite de parvenus qui pérorent sur la place publique, préfèrent la torpeur de la déliquescence aux exigences de la liberté. Confit dans sa superbe, celui qui tient lieu de ministre de la Santé est devenu l’incarnation même de ce que cela peut signifier que de se faire courtier d’alibis. Le Québec est malade du Canada. Sa classe politique provincialisée est toute disposée à lui prodiguer l’aide médicale à mourir.

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