Gilles Rhéaume n’est plus et l’on entend quoi: encore un autre qui ne verra pas le pays! On n’est pas tanné de mourir, bande de… Et puis le train-train reprend: on tourne en rond. Le silence se fait. Rien ne bouge.
Ce qui frappe le plus chez Gilles Rhéaume, c’est surtout comment il a été marginalisé. Trop extrémiste, trop pur et dur, trop, trop et trop… Moi je ne lui trouve rien que de très naturel: il était pour l’indépendance de son pays. Il y tenait. Il y a voué sa vie. D’autres se sont fait une carrière avec l’indépendance du Québec, mais Gilles Rhéaume, lui, a tout donné ce qu’il avait pour notre cause nationale. Ce n’est pas la même chose.
Que tous ceux et toutes celles qui l’ont tassé, mis de côté, isolé, rougissent. Ces personnes sans trop de conviction qui assaisonnent l’indépendance de condiments, d’apparats, de référendums, de «sorties de secours» qu’ils aient honte avec leur fond de retraite du gouvernement québécois ou même du fédéral, de l’avoir laissé là trop souvent seul, parfois sujet aux railleries, alors que notre indépendance nationale stagnait, et stagne encore, Gilles Rhéaume, lui, ne bougeait pas. Il n’était ni de gauche ni de droite devant l’adversité du pays, mais il était toujours pour l’indépendance des siens et pour leur libération.
Je sais bien que cela est difficile à prendre. Si nous étions plus nombreux comme lui à ne rien céder, peut-être que l’indépendance du pays serait déjà faite. Peut-être pas non plus. Mais nous pourrions au moins avoir la fierté d’avoir tenu le coup sans broncher, comme l’a fait Gilles Rhéaume. Il avait ce port gaullien, cette parole vibrante, cette volonté ferme. Le Québec perdra-t-il maintenant, un à un, ses plus grands patriotes? Le Québec se perdra-t-il ainsi, goutte à goutte, âme à âme, sans que nous bronchions, sans que notre poing ne se lève enfin et tout naturellement vers la victoire?
Gilles Rhéaume n’est plus. L’indépendance reste à faire. La politique des petits pas a mené vers le vide. En ferons-nous encore d’autres, de ces pas vains, vers le vide complet? Aura-t-on asséché le pays de ces héros, de ces vainqueurs, sans même avoir lutté vraiment? J’espère que non. J’y crois encore. Gilles Rhéaume n’aura pas travaillé en vain si nous retenons seulement un peu de son si grand courage.
Serge Gauthier Historien