Le Parti conservateur du Canada (PCC) et le Nouveau Parti démocratique (NPD) ayant raflé près de 90 % des sièges au Canada comme au Québec aux élections du 2 mai 2011, faut-il conclure que la place du Québec au sein du Canada ne pose désormais plus aucun défi à l’unité canadienne ? Par leur appui aux partis «fédéralistes» (71 des 75 sièges québécois), les Québécois auraient maintenant rejoint les Canadiens tant dans leur adhésion au clivage de classes (entre la gauche et la droite) que dans leur rejet de la souveraineté. Ce vote aurait signifié aux yeux des ultranationalistes canadiens, l’atteinte d’une véritable intégration nationale au Canada. Mais peut-on réellement croire que l’intégration des Québécois aux partis « nationaux » canadiens soit le meilleur moyen d’assurer l’intégration nationale et que, ce faisant, le Bloc québécois (BQ) n’ait plus aucune utilité ?
Le 2 mai, consécration d’une société enfin intégrée nationalement
La théorie des relations binationales dans un cadre démocratique précise que l’atteinte d’un modus vivendi entre nations majoritaire et minoritaire fondé sur le dialogue et non sur la répression représente un stade supérieur du développement des démocraties. Le libre consentement de la minorité à des structures politiques communes (partage des pouvoirs, des ressources et des institutions, Charte des droits et formule d’amendement), le plus souvent conçues par la majorité, mais incluant les adaptations institutionnelles et fiscales jugées nécessaires par la minorité, en échange du droit pour la minorité d’agir pour protéger son avenir et son développement, sont les clés de la stabilité politique et du développement économique et social des deux partenaires, les éléments qui permettent le retour du clivage de classes. C’est ce qui permet, dans ces relations fondées sur le dialogue, de bâtir une communauté unifiée capable de s’attaquer aux principaux problèmes qui la confrontent.
Avant les élections du 2 mai 2011 tout au moins, l’histoire du Canada était celle de deux communautés politiques partageant un même territoire et, quoique difficilement, un même État « national ». Par le retour au clivage de classes, les élections du 2 mai auraient donc consacré l’approche répressive qui a suivi les référendums de 1980 et de 1995, dont les éléments centraux ont été imposés par les libéraux de Pierre Elliott Trudeau (le recours massif à la propagande canadienne, l’adoption de la Charte des droits individuels contre l’affirmation des droits collectifs, l’adoption d’une formule d’amendement rejettant tout droit de veto pour le Québec), Jean Chrétien et Stéphane Dion (l’adoption d’une déclaration reconnaissant le caractère distinct du Québec, l’adoption d’une loi accordant de multiples vetos régionaux pour amender la Constitution canadienne, l’adoption de la loi sur la clarté référendaire, le recours à la propagande des commandites et l’union sociale), puis parfaits par les conservateurs de Stephen Harper (la reconnaissance vide de sens de la nation québécoise et l’adoption de la ligne dure face au nationalisme et à l’identité québécois). Quoique clairement rejetés à plusieurs reprises par l’Assemblée nationale du Québec, cette évolution des structures politiques communes nées au cours des périodes post-référendaires a finalement été entérinée par les élections de mai 2011. Celles-ci témoigneraient enfin de l’intégration de la nation minoritaire québécoise dans le grand tout canadien.
On cherche encore comment l’intégration de la nation québécoise en 2011 a pu avoir été faite avec le plein appui des Québécois, et cela dans l’« honneur et l’enthousiasme ». Les arrangements post-référendaires ont été tout le contraire des arrangements négociés dans les Accords du Lac Meech (en 1990) et de Charlottetown (en 1992), pourtant le fruit d’un dialogue, si imparfait ait-il été, entre partenaires québécois et canadiens-anglais. Paradoxalement, donc, les arrangements imposés au peuple québécois auraient davantage satisfait la nation québécoise – ce dont témoignerait la nouvelle députation du NPD au Québec –, amenant du coup le règlement de la question nationale et l’établissement d’un clivage de classes. Pour bien des Québécois et des Canadiens, cette « intégration » représente enfin LE point de départ de la construction de l’avenir d’une communauté canadienne authentiquement nationale, mais en aucun cas binationale.
Le sens du vote NPD et BQ
L’interprétation du vote accordé au NPD au Québec doit reposer sur une analyse des indicateurs habituels du vote. Le NPD, parti fédéraliste de centre gauche, a tout d’abord recueilli 42,9 % des votes valides contre 23,4 % pour le Bloc québécois (BQ), parti souverainiste réputé pour être légèrement plus à gauche que le NPD, 16,5 % pour le Parti conservateur, parti fédéraliste de droite, et 14,6 % pour le Parti libéral du Canada (PLC), parti fédéraliste de centre droite.
Le NPD a ainsi connu un bond de popularité gigantesque par rapport aux élections de 2008, soit 31 %, tandis que le BQ reculait de 14 %, le PC, de 5 % et le PLC, de 9 %. Compte tenu de la parenté évidente entre le NPD, parti revendiquant démocratie et justice sociale au niveau individuel, et le BQ, parti revendiquant démocratie et justice au niveau collectif, il est exact d’affirmer que la volonté de démocratisation a progressé de 2008 à 2011, par 16,7 % du vote valide, cependant que la droite, composée du PC et du PLC, partis fondés sur l’individualisme et l’exploitation des ressources collectives, reculait de 14,1 %. (Le portrait du Canada hors Québec diffère des analyses superficielles formulées à chaud à la tombée des premiers résultats : le PC n’a progressé que de 4,5 % (par rapport au vote valide) tandis que le PLC reculait de 6,5 %. Ensemble, ces partis présentaient un recul de 2 % par rapport à 2008.)
Compte tenu du taux de participation de 62,2 %, l’un des plus faibles de toutes les élections fédérales tenues depuis 1896 (les quatre élections tenues depuis 2004 sont les quatre plus abstentionnistes depuis 1896 – un effet du resserrement des règles d’inscriptions sur les listes électorales), le NPD n’a obtenu le soutien que 26,6 % des inscrits alors que le BQ n’en obtenait, de son côté, que 14,6 %, devançant le PC (10,3 %) et le PLC (8,8 %). Seulement 12 % des électeurs inscrits séparaient donc les résultats le NPD de son rival le plus proche, le BQ, soit un électeur sur dix. Quant aux variations du vote en rapport aux inscrits, le NPD augmentait sa part de 19 % des inscrits tandis que le BQ reculait de 9 %, le PLC de 6 %, et le PC, de 3 %. Comme quoi la défaite ou la victoire tiennent à peu.
Avec l’appui d’environ quatre électeurs sur dix (mais seulement un électeur inscrit sur quatre), la force du NPD provient essentiellement de la magie distortionnante du mode de scrutin. Il s’agit du principal facteur responsable de la folle répartition des sièges : 79 % des sièges sont allés au NPD (59 sur 75), soit une prime de près de 36 % par rapport au vote valide qui l’a de la sorte transformé de parti minoritaire aux voix en parti largement majoritaire aux sièges ! En contrepartie, le PC (5 sièges) et le BQ (4 sièges) étaient sous-représentés de 10 % et de 9 % tandis que le PLC (7 sièges) ne l’était que par environ 5 %. Une répartition purement proportionnelle des sièges aurait accordé 32 sièges au NPD, 18 au BQ, 12 au PC, 11 au PLC et 2 aux autres petits partis, un résultat certes plus près des projections spontanées.
Malgré la nette domination néo-démocrate dans la répartition des sièges, les victoires du NPD ont été caractérisées par une fragilité certaine puisque la très grande majorité de ses sièges (45 sur 59) n’ont pas été gagnés par une majorité des votes valides. Plus de la moitié (31) comptent d’ailleurs moins de 45 % des votes valides et 11 moins de 40 %. Plus du tiers d’entre elles, soit 22, ont été remportées par une marge de moins de 15% des votes valides; 13 l’ont été par 3 000 voix (environ 6 % du vote valide) ou moins.
Bref, les élections du 2 mai ont accordé au NPD un pouvoir qu’il n’a jamais égalé. Tout aussi loin du pouvoir que ne l’était le BQ, le parti s’est doté à l’échelle canadienne d’une majorité de députés issus du Québec, la totalité sauf un sans expérience, dont il est certain qu’ils seront quasi inefficaces durant le présent mandat et dont il est aussi certain qu’ils occuperont à temps plein l’autre moitié de la députation néo-démocrate pour leur encadrement. Voilà des faits révélateurs de quelques-unes des aberrations les plus perverses du mode de scrutin majoritaire. Des aberrations qui soulignent encore une fois l’absence d’influence de la personnalité des candidats sur l’issue du scrutin. Qui soulignent également combien les citoyens n’ont aucune idée des conséquences de leur vote puisque les distorsions du mode de scrutin majoritaire revêtent un caractère totalement arbitraire en certaines circonstances. Qui plus est, ces mêmes électeurs n’ont même pas à s’embarrasser de nuances quand vient le temps de voter : le NPD est un parti qui n’a jamais offert que des vœux pieux au Québec, mais qui, en réalité, n’a fait qu’appuyer les mesures répressives votées par les deux autres partis depuis l’après-référendum de 1995. Le parti menace d’ailleurs d’imploser dès que la question québécoise se posera à lui, l’aile québécoise ayant à choisir entre son allégeance au peuple québécois et l’allégeance au Canada. On peut certainement compter sur le gouvernement Stephen Harper pour diriger le NPD vers cette mortelle étape.
Peut-on croire que, malgré tous les efforts déployés par le PC et le PLC, ce parti, le NPD canadien, serait parvenu à déloger le BQ, cette force qui a remporté souvent de manière décisive la majorité des sièges québécois en 1997, 2000, 2004, 2006 et 2008 ? Un BQ composé d’élu(e)s rompus à la politique fédérale, bien au fait de leurs dossiers, sachant travailler avec les médias et les partis provinciaux ? À en croire par ailleurs ce que disaient eux-mêmes les élu(e)s du NPD le soir et le lendemain du vote, la défaite du BQ ne réside certainement pas dans la qualité des candidats, dans les efforts surhumains, dans l’énergie et dans la ténacité déployés par les candidat(e)s néo-démocrates lors de la campagne de 2011. Quelques facteurs déterminants sont propres au BQ.
Les causes de la défaite du BQ
On peut conclure que le mouvement de démocratisation, dans sa dimension individuelle, n’a pas été défait puisque le NPD en particulier, et la gauche de manière générale, a clairement supplanté la droite au cours de ces élections. Il ne s’agit pas non plus de la souveraineté en tant que finalité ou même du nationalisme, la forme collective du mouvement de démocratisation. Ce qui a été défait est le projet politique proposé par le PQ et défendu par le BQ aux Québécois. PQ et BQ, l’un ne va pas sans l’autre. Selon Claudette Carbonneau, présidente de la CSN :
[…] l’avenir du Bloc n’a de sens que si le chemin pour mener le Québec à la souveraineté est balisé. « Mais encore faut-il qu’il y ait des perspectives pour que la souveraineté se pose ». Or, le programme du Parti québécois sous la gouverne de Pauline Marois n’édicte plus de moment précis pour la tenue éventuelle d’un référendum. On parle désormais du moment jugé opportun (Le Devoir, 6 mai 2011).
En reportant la souveraineté aux calendes grecques et en tergiversant sur l’à propos de faire adopter par l’État des mesures d’inspiration nationaliste susceptibles de faire justice aux francophones et de rétablir dans tous les secteurs de la vie publique une certaine normalité dans les relations majorité-minorité (respectivement plus de 95 % et moins de 5 % de la population québécoise), la chef Pauline Marois tue politiquement non seulement le projet de souveraineté, mais aussi le nationalisme jusqu’à l’identité québécoise elle-même. La subordination du BQ et son adhésion au projet d’eunuques du PQ indiquent à tous les militants et à tous les électeurs que le temps de la mobilisation est passé, que l’union sacrée de forces vives n’a pas de raison d’être et que chacun est maintenant libre de retourner à la défense de ses intérêts ou des causes auxquelles il croit.
Après le vote conservateur des années Mulroney, le vote bloquiste sous Duceppe et la tentation adéquiste des années 2000, l’élection massive des candidat(e)s du NPD en 2011 s’inscrit dans la foulée de l’échec référendaire de 1995. Peu importe le cadre répressif mis en place par le gouvernement fédéral et le rétrécissement de l’espace de liberté politique qui en a découlé, un fait central demeure : après deux référendums (dont un volé par tricherie), la stratégie référendaire actuelle n’offre dorénavant plus que paralysie et asphyxie, un cul-de-sac parfaitement délétère. Cette stratégie est imposée par le mode de scrutin majoritaire, qui permet l’élection d’un gouvernement péquiste majoritaire aux sièges, mais minoritaire aux voix. Ce faisant, elle entraîne le PQ dans une surenchère pour rassurer l’électeur frileux et mou qui vote pourtant pour des partis fédéralistes. Elle amène les dirigeants péquistes à prendre des orientations politiques hostiles à leurs propres appuis au sein de l’élite intellectuelle et sociale (notamment les grandes centrales syndicales, premier lieu de contre-pouvoir), pourtant au cœur du mouvement de démocratisation.
Cette malheureuse stratégie référendaire a pour effets pervers d’engendrer un climat de « grande noirceur », qui érige l’auto-flagellation au rang de vertu cardinale permettant de convaincre les opposants des bienfaits de l’indépendance. Le texte de Michel Seymour (Le Devoir du 4 mai 2011) est un exemple simple, mais hallucinant d’auto-flagellation, de conception simpliste et marketeuse de l’opinion publique et de méconnaissance des effets des institutions sur les dynamiques électorale et politique. Face à un Canada anglais qui n’a cessé d’imposer ses vues au Québec depuis 1995, qui ne l’a en aucun cas respecté en tant que partenaire égal, l’auteur (et d’autres qu’il cite, tels Claude Morin, Jean-François Lisée et Gilbert Paquette) prône la victimisation, la voie de la sanctification et l’atteinte d’une pureté dans les intentions souverainistes comme moyens de convaincre les fédéralistes récalcitrants de la bonne volonté des souverainistes et du bien-fondé de leur option.
M. Seymour est on ne peut plus loin de ce qu’offrirait une volonté politique issue de gouvernements basés sur des coalitions de partis, soutenus par une majorité des voix, capable d’agir sans complexe d’infériorité et sans référendum, de prendre des décisions sans avoir peur de la réaction de l’Île-du-Prince-Édouard ou de l’Alberta, de Gesca ou du Canadian Club, de la bourse de Moose Jaw ou des spéculateurs de Windsor et London. Une volonté politique qui restructurerait le pouvoir dans la société québécoise, qui agirait de manière à réaliser des objectifs collectifs, qui serait en contradiction directe avec le Canada anglais au lieu de passer un temps fou à tergiverser avec les agents québécois plus ou moins pégreux œuvrant dans les partis canadiens-anglais.
Le Canada ou l’échec d’une communauté authentiquement binationale
Le Canada français, puis le Québec, et le Canada anglais ont eu dès leurs débuts la tâche épuisante, mais incontournable de construire une communauté binationale. Malheureusement, les institutions politiques choisies ont permis et permettent toujours la construction d’une communauté politique capable de ne refléter que la volonté de la communauté canadienne-anglaise, sans inclure l’adhésion de la communauté minoritaire, le Québec.
Le Québec est soumis à un système politique injuste qui confère la totalité du pouvoir entre les mains de la communauté canadienne-anglaise, par le biais d’un parti « national » habituellement majoritaire aux sièges (parfois même minoritaire aux sièges, comme l’a montré l’exemple conservateur), mais largement minoritaire aux voix. Le Canada des partis « nationaux » canadiens-anglais a été, est et sera encore plus dominateur dans un avenir prévisible (compte tenu de la diminution du poids démographique du Québec) face au Québec; le fait que ce dernier se trouve, encore une fois en 2011, en marge du parti au pouvoir n’arrangera pas les choses.
Plus ou moins hostile selon les périodes et selon les partis, le Canada anglais pratique ouvertement l’exclusion. Ce dernier a gouverné d’abord pour lui-même, combattu les revendications du Québec par une répression démocratique plutôt que par la mise en place de gouvernements de coalition reposant sur une majorité des suffrages et reflétant une véritable entente binationale. Cette répression démocratique, enracinée dans le nombre et le partage constitutionnel des pouvoirs et des ressources, s’est manifestée par le rejet des revendications québécoises devant les desiderata des partis « nationaux » et par l’inclusion de quelques Québécois soigneusement choisis pour leur ultranationalisme canadien. Cooptés au sein des partis « nationaux », ces Québécois ont été incapables de défendre le Québec et ont dû se replier sur la défense de leurs intérêts individuels.
Le régime ainsi mis en place depuis 1837-1938, force est de le constater, a bien servi le caractère anglais du Canada partout sur son territoire, produisant au mieux l’adoucissement de la volonté de domination de la majorité canadienne-anglaise (telles les tentatives – cependant ratées – d’intégration nationale des Accords du Lac Meech en 1990 et de Charlottetown en 1992), et au pire la légitimation d’entorses démocratiques commises à l’encontre de la minorité (tel l’appui de 73 des 74 députés libéraux fédéraux au rapatriement de la Constitution de 1982, au mépris de la parole donnée par le premier ministre Pierre Elliott Trudeau lors de la campagne référendaire de 1980).
Si le Québec français a réussi à traverser les époques, il demeure néanmoins plus menacé que jamais en raison des contraintes nouvelles imposées par les gouvernements libéraux successifs depuis Pierre Elliott Trudeau jusqu’aux gouvernements conservateurs de Stephen Harper, et de celles découlant de la mondialisation. Son besoin d’assurer sa sécurité nationale et identitaire est demeuré aussi juste et aussi vigoureux qu’à l’époque de la fondation du Canada. Le Québec d’aujourd’hui cherche encore plus que jamais sa place au soleil, que ce soit hors du Canada ou au sein de celui-ci.
L’abandon des fédéralistes québécois
Depuis les échecs des Accords du Lac Meech et de Charlottetown, le Canada des partis « nationaux » n’offre plus la possibilité d’un pacte entre fédéralistes québécois et fédéralistes canadiens-anglais. Le ressac contre le Québec est tel que les partis « nationaux » sont incapables d’accepter des coalitions binationales susceptibles d’assurer une place satisfaisante aux deux partenaires. L’un dicte, l’autre obéit. Le Canada est à prendre tel quel, pas à laisser, ainsi que le conçoit la loi sur la clarté référendaire. Avec l’émergence du Bloc québécois, la situation a dorénavant le mérite d’être claire. Auparavant délaissée par les souverainistes, la scène fédérale était le terrain de jeu d’ultranationalistes québécois qui rivalisaient entre eux pour livrer le Québec aux constructeurs d’un Canada nationalement unifié. Depuis 1993, le Bloc québécois ne fait que rappeler l’échec des partis « nationaux » dans l’unification du pays.
Il est malheureux que les fédéralistes québécois n’aient jamais considéré une autre voie politique que celui de travailler à l’intérieur de l’un ou de l’autre des partis « nationaux » pour faire avancer les intérêts du Québec. Il eut été plutôt souhaitable qu’ils se battent de manière autonome et qu’ils proposent aux citoyens québécois leur vision d’un Canada fondé sur l’adhésion libre et enthousiaste du Québec au sein d’un Canada binational. L’échec des démarches d’intégration (tels les Accords du Lac Meech et de Charlottetown) n’a en rien invalidé la valeur de ces démarches, fondées sur le dialogue plutôt que sur la répression. À choisir entre la répression, aboutissant à l’effacement ou à l’affrontement, ou le dialogue, aboutissant à l’entente ou au divorce, il n’y a qu’une seule voie qui soit démocratique, incluant absolument l’acceptation du choix de l’indépendance de la part de la minorité.
La pertinence du Bloc québécois
Même si les institutions fédérales actuelles gênent, voire bloquent, l’émergence de tels arrangements politiques, un blocage qui génère une culture politiquement dominatrice envers le Québec, le ralliement des fédéralistes québécois autour d’un parti fédéraliste québécois qui aurait été incontournable dans la constitution des gouvernements fédéraux aurait pu servir de base à l’établissement de gouvernements de coalition véritablement binationaux. Qui plus est, cette option d’un Canada binational aurait pu battre durablement le Bloc québécois sur le terrain de la défense des intérêts du Québec. Ne pas évoquer cette obligation pour les fédéralistes québécois témoigne de l’intoxication culturelle des Québécois. Tant que la relation Québec-Canada restera fondée sur la domination et que les fédéralistes québécois se satisferont de l’abandon du Québec, un vote pour le Bloc québécois sera pertinent.