La laïcité québécoise: un projet inachevé et menacé

Allocution présentée dans le cadre de l’Université d’été du Mouvement national des Québécoises et des Québécois (MNQ ), le 25 septembre 2010 à Victoriaville.

Bien que les écrits se fassent rares sur l’histoire de la laïcité au Québec, celle-ci n’en est pas moins liée à notre histoire et depuis fort longtemps. Les premières revendications laïcistes nous sont venues des Patriotes (1837-1838) qui, dans leur Déclaration d’indépendance, réclamaient la liberté de conscience, l’abolition de la dîme et la séparation stricte de l’Église et de l’État alors que les parlementaires libéraux, pour leur part, s’opposaient à ce que des subsides soient versés aux hôpitaux et aux organisations caritatives catholiques et demandaient à ce que l’État ne verse aucune subvention aux écoles confessionnelles.

Les laïques d’alors ont perdu et c’est l’Église catholique qui, devenant le porte-parole des Canadiens français, a exhorté ceux-ci à la loyauté et à la soumission face aux autorités britanniques, excommuniant les Patriotes, en échange de quoi, l’Église a obtenu des Anglais le droit de conserver ses propres écoles pour propager sa foi catholique et éviter aux Canadiens français l’assimilation au protestantisme.

Récompensée par les colonisateurs britanniques pour son dévouement exemplaire, l’Église catholique obtiendra sa reconnaissance officielle en 1840 et une loi sera adoptée en 1841 en vertu de laquelle les protestants et les catholiques auront droit à des écoles séparées. En 1867, une protection spéciale pour ces deux confessions sera inscrite à l’article 93 de la Constitution canadienne. Cette biconfessionnalité définira le système scolaire québécois pendant plus d’un siècle, soit jusqu’en 2005.

Désormais, le clergé catholique imposera son temps liturgique et nommera le territoire. Croix de bois, croix de chemin. Dans le calendrier, chaque jour aura son saint dont les noms pleuvent sur les rues et les villages. Alors que les curés contrôlent le sexe en ordonnant aux femmes de se laisser violer par leur mari, ils baptisent les nouveaux nés à la pelletée passant outre à la liberté de conscience. Chaque mois, les femmes espèrent ne pas être enceintes, mais pondent chaque année des tralées de petits catholiques. C’est l’œuvre de Dieu. La famille s’agrandit et les hommes travaillent comme des damnés pour nourrir toutes les bouches. Qu’importe leur calvaire. L’assemblée des fidèles s’accroît. Les curés sont contents, il va y avoir du monde à la messe, plus qu’à l’école devenue obligatoire en 1943 malgré l’opposition de l’Église. Oubliez les livres, le théâtre et les films, le minuit chrétien et le missel suffiront. Dans les écoles unisexes, les religieuses en burqa mesurent la longueur des jupes et les frères en soutane jouent au hockey avec une croix dans le cou. Ces religieux travailleront sans relâche à nous inculquer le catéchisme et les sept péchés capitaux, l’histoire du père Brébeuf, celle des méchants Iroquois et la morale chrétienne pendant que le cardinal Léger et Maurice Duplessis combattaient les syndicats et le communisme athée. C’est ainsi que le catholicisme fut lié à notre destin et devint un des vecteurs principaux de notre identité et de notre culture, et qu’il demeurera jusqu’à la Révolution tranquille, le lieu par excellence de l’expression du nationalisme québécois.

Puis, vint cette fameuse Révolution tranquille où, en une décennie, souffle un vent de changement sur le Québec qui s’industrialise et qui a besoin d’une main-d’œuvre qualifiée, un Québec où la pilule « anticonceptionnelle » fera des petits en révolutionnant les mœurs sexuelles, libérant les femmes du fardeau des maternités, leur permettant dorénavant l’accès aux études, au travail et à la vie publique, sapant ainsi le socle de la famille traditionnelle, courroie privilégiée de transmission entre l’Église et la nation.

Les femmes boudent les cours de préparation au mariage et préfèrent lire de Beauvoir. Elles revendiquent leurs droits, d’abord des droits civils concernant le mariage et la famille afin de ne plus être considérées comme des mineures soumises à leur mari et devenir, pour la première fois dans l’histoire, des citoyennes à part entière. Vint ensuite, dans les années 1970, la dure bataille pour l’obtention des droits sociaux tels la contraception, l’avortement et le droit à des garderies populaires permettant aux femmes de disposer de leur corps, de ce corps qui appartenait aux prêtres et aux médecins, faisant de leur biologie non plus un destin comme la religion le voulait, mais une situation sur laquelle elles ont prise. Ce sera le coup de Jarnac à la grande noirceur. En l’espace de quelques décennies, les femmes québécoises feront tomber l’Église catholique.

Le féminisme aura transformé la vie de ces femmes et leur aura permis de devenir des actrices importantes dans toutes les sphères d’activité du Québec d’aujourd’hui. Ces progrès-là, vous le savez, n’ont pas été obtenus grâce à la religion. Bien au contraire, c’est plutôt en s’éloignant de la balustrade et du confessionnal que l’égalité entre les hommes et les femmes a pu devenir une réalité tangible pour toutes les femmes du Québec en même temps qu’un des vecteurs incontournables de notre identité nationale. C’est d’ailleurs ce que bon nombre de Québécois, hommes et femmes, ont exprimé publiquement lors des audiences de la commission Bouchard-Taylor.

Avec cette Révolution tranquille, une nouvelle classe moyenne prendra le relais des religieux dans les institutions et l’État affirmera sa primauté dans la sphère publique. Nous assisterons alors à une séparation de l’Église et de l’État avec la laïcisation des actes de naissance et des mariages, laïcisation des services sociaux et de la santé, la démocratisation de la culture avec la mise sur pied du ministère des Affaires culturelles, le rapport Parent et la création en 1964 du ministère de l’Éducation, la création de cégeps laïques issus des collèges classiques et la laïcisation des universités. Cependant, un compromis majeur sera consenti par l’État aux catholiques et aux protestants en maintenant un enseignement confessionnel dans les écoles publiques du Québec.

C’est donc sur le terrain de l’éducation que la bataille pour la laïcité va se concentrer avec pour principale revendication, la déconfessionnalisation des écoles publiques québécoises. 1961 verra naître le Mouvement laïque de langue française (MLLF), l’ancêtre de l’actuel Mouvement laïque québécois (MLQ), dont le principal objectif est la déconfessionnalisation des écoles publiques. S’ensuivront différentes demandes, de la part de syndicats (FTQ et Alliance des professeurs de Montréal) poursuivant les mêmes objectifs. 1995 sera l’année des États généraux sur l’Éducation dont la grande recommandation fut de poursuivre la déconfessionnalisation des commissions scolaires pour les remplacer par des commissions scolaires linguistiques. Deux ans plus tard, un groupe de travail présidé par Jean-Pierre Proulx sera formé pour examiner la place de la religion à l’école. L’une de ses recommandations a été l’abolition du statut confessionnel des écoles alors qu’une autre recommandait l’abolition de tout enseignement confessionnel, voire de privilèges accordés aux catholiques et aux protestants. Il fallut attendre 2005 pour que ces deux recommandations soient adoptées par le gouvernement et que le système scolaire québécois soit enfin laïcisé.

La même année, à la suite d’une tentative d’intégristes musulmans voulant instaurer des tribunaux de la charia en Ontario, une motion unanime de l’Assemblée nationale du Québec fut adoptée contre l’implantation de tribunaux islamiques. La coïncidence est ahurissante et laisse pantois. Alors que l’on croyait en avoir fini avec Rome, c’est maintenant La Mecque qui débarque et ce ne sont pas des bénitiers qu’ils demandent, mais des lavabos.

Juste au moment où l’on vient de remiser notre religion dans un cabanon Fontaine, voici qu’il y en a d’autres qui se mettent en ligne avec leur voile, leur niqab, leur turban et leur kirpan pour cogner à la porte d’en avant, vous savez, celle par où jadis entrait le curé pour sa visite paroissiale et qui donne maintenant sur la cour, la Cour suprême.

Sous l’effet de la mondialisation et de son immigration, le Québec connaît un regain de ferveur religieuse alors que ses églises sont transformées en condos et qu’il vient tout juste d’achever la déconfessionnalisation de ses écoles publiques. Une nouvelle ferveur religieuse dans laquelle bon nombre de Québécois ne se reconnaissent pas. Depuis quelques années, la caravane du pluralisme religieux prospère parmi nous, dans nos garderies, nos écoles, nos universités, nos hôpitaux, nos cafétérias, nos piscines, nos services publics, nos rues, dans les fenêtres givrées ou mieux les femmes de noir givrées. Elle a pour noms la tolérance, le pluralisme, la différence, le vivre-ensemble, le respect de l’autre, l’ouverture à l’autre, l’identité de l’autre, la communauté de l’autre, la culture de l’autre, les traditions de l’autre et bien évidemment la religion de l’autre. Cet « autre » que l’on nous demande d’accepter comme si nous étions dans Le Petit Prince de St-Exupéry.

Les Québécois ne veulent pas que la religion, ni la leur ni celle des autres, ne revienne à l’avant-plan de nos institutions publiques parce que nous n’avons pas oublié le prix de l’emprise politique d’une religion sur un peuple, le prix de cette soumission des corps et des esprits et celui plus exorbitant encore qu’ont dû payer nos mères et nos grands-mères et toutes ces femmes pour qui la religion fut un calvaire. Au Québec, nous ne voulons plus de cela. Nous voulons continuer de goûter cette vie librement sans qu’aucune religion ne vienne la rapetisser à nouveau. C’est la liberté qui nous fait protester, c’est la liberté qui nous fait se lever, pas l’intolérance, le racisme ou la xénophobie.

Les religions n’ont jamais accepté que la laïcité les confine à l’espace privé pas plus qu’elles n’ont accepté l’émancipation des femmes. De sorte que la résurgence et la persistance du religieux dans nos sociétés doivent être comprises comme une tentative politique pour les religions de vouloir contester la laïcité, reconquérir l’espace public et contrer la révolution féministe.

Et les catholiques ne font pas exception à la règle. N’ayant jamais digéré notre laïcité, ces conservateurs y voient une opportunité pour revenir à la charge en disant se porter à la défense de l’identité québécoise face aux religions minoritaires. C’est la majorité de catholiques pure laine dont nous a tant parlé Mgr Ouellet devant la commission Bouchard-Taylor. C’est aussi ce dont a parlé le pape la semaine dernière lors de sa visite en Grande-Bretagne quand il a déclaré : « J’élève ma voix contre la marginalisation de la religion chrétienne, même dans les pays où il y a une grande tolérance. » En clair, il faudrait plus de christianisme dans les pays où celui-ci n’est pas toléré, mais surtout plus de christianisme dans les pays chrétiens et, pourquoi pas, dans cette Angleterre anglicane, multiculturelle et hypertolérante où il n’y a pas moins de 57 tribunaux de la charia.

Ce retour du religieux, qui vient cogner aux portes de nos institutions publiques ou privées, n’est pas propre au Québec. Il doit être envisagé dans un contexte international où les intégrismes religieux, particulièrement celui de l’islam radical, exercent des pressions et des menaces éhontées sur les institutions de l’ONU et y mènent une offensive soutenue et concertée pour détruire l’universalisme des droits de l’Homme qui est au fondement de la laïcité républicaine. C’est dans cette perspective plus globale qu’il faut envisager la situation du Québec devant cette offensive antilaïque qui porte un nom, celui de « laïcité ouverte », et une politique, celle du multiculturalisme.

Aménager, négocier une ouverture pour que les religions puissent à nouveau réinvestir le champ public en nous présentant la chose comme une nouveauté, un nouveau type de laïcité plus souple, plus respectueux des identités et mieux adapté au pluralisme des sociétés modernes. Nous laissant ainsi croire qu’il y a désormais deux types de laïcité. La dure tout en béton et l’autre en gomme balloune pour que chacun vive dans sa bulle.

Mais il n’y a pas deux sortes de laïcité, l’une qui serait ouverte et l’autre fermée. Ça, c’est de la poudre aux yeux pour mélanger tout le monde. Non, il y a la laïcité qui subit en ce début de siècle, une offensive sans précédent venant des religions, particulièrement celle de l’islam pour qui la séparation du politique et de la religion demeure une hérésie. Son objectif ? Remettre le religieux sur les rails du politique en décloisonnant le privé et le public dans le but de reconfessionnaliser l’espace civique et redonner aux religions une visibilité et une légitimité dans la sphère publique. Cette bataille est politico-religieuse et elle menace directement la laïcité de nos institutions.

L’enjeu ultime ? Reconnecter la créature à son Créateur et sortir la Bible et le Coran pour moraliser la vie dans ses moindres recoins, renvoyer les femmes à la maison et les homosexuels dans le placard. C’est à cela fondamentalement que va servir l’« ouverture ». Et que vous priiez en direction de Rome ou de La Mecque, c’est toujours dans la même direction.

Le secret pour « ouvrir » cette laïcité ? Le libéralisme anglo-saxon qui affirme que l’individu est plus important que l’État. C’est de nous faire croire que le Québec n’est qu’une somme d’individus, que les Québécois ne sont que des individus qui s’additionnent comme des smarties avec des rouges, des bleus et des jaunes sans qu’une histoire et une culture communes les rassemblent, sans qu’une identité nationale les unisse, ne reconnaissant pas à cette majorité francophone le droit à l’affirmation identitaire, le droit à une appartenance que l’on n’accorde qu’aux minorités, nous obligeant à n’être qu’une majorité de smarties ethniques parmi les minorités bleues, blanches, rouges, tout juste des immigrants dans notre propre pays.

Alors pourquoi pas le hidjab et le turban dans la fonction publique puisque nous sommes de nulle part et de partout en même temps ? Cette laïcité ouverte au port de signes religieux dans la fonction publique ne fait pas que violer la neutralité de nos institutions et contester nos valeurs, c’est aussi une ouverture au multiculturalisme encourageant l’affirmation des signes qui renforcent la différenciation et l’exclusion. Après on viendra nous dire que la religion, ce n’est pas de la politique !

Pulvériser l’État et la collectivité en nous faisant croire qu’il n’y a que des individus qui ont tous les droits en vertu des chartes, mais qui ne sont citoyens de rien parce qu’on n’est pas citoyen d’une charte, mais bien citoyen d’un État, d’un État qui défend des valeurs communes comme la laïcité, le fait français et l’égalité des sexes. Ces chartes qui en matière d’accommodements religieux font peser plus lourd dans la balance la Commission des droits de la personne que l’Assemblée nationale où se retrouvent nos députés et nos ministres, les représentants élus de l’État. Ce qui, en matière de droit, fait peser plus lourd les droits individuels que les droits collectifs, fait donc peser plus lourd la liberté religieuse que les droits des femmes. Plus lourd le hidjab que son sexisme outrageant.

C’est encore une fois nous faire croire qu’il n’y a que l’individu, électron libre devant Dieu et dont la religion est personnelle, comme si une religion pouvait être personnelle et nous faire oublier combien ils sont nombreux à être personnel de la même façon… L’intérêt d’une telle astuce ? Justifier le caractère subjectif de la croyance et faire de la sincérité du croyant un critère suffisant pour fonder sa liberté de religion. Il suffit d’être sincère pour que n’importe quoi devienne sa religion. C’est jusqu’à maintenant l’interprétation généreuse qu’ont privilégié les juges de la Cour suprême et qui a pour effet de donner préséance à la liberté religieuse.

C’est aussi de nous présenter le smartie religieux comme étant seul avec son Dieu, rempli de foi, sans idéologie sexiste et homophobe, sans organisation et sans financement, sans la moindre possibilité d’appartenir au  mouvement islamiste qui milite pour que la loi religieuse prime nos lois civiles. Je me permets de vous rappeler que se tient aujourd’hui à Montréal un congrès islamique dont certains organisateurs et conférenciers sont liés à la mouvance intégriste des Frères musulmans.  

La laïcité ouverte, c’est l’absolue négation du collectif. Négation de la nation, négation des droits des femmes et négation de l’intégrisme politico-religieux. On comprend mieux pourquoi ses partisans ne parlent jamais de sexisme, de nationalisme ou d’intégrisme. Rien de collectif, rien qui pourrait offrir une quelconque résistance. Cette laïcité ouverte aux religions est un bijou de néo-libéralisme.

Notre laïcité n’est pas qu’inachevée, elle est aussi grandement menacée. Et c’est en demeurant fidèle à notre héritage laïque que nous réussirons à la préserver. C’est le seul passé qui nous garantisse un avenir. Se ranger du côté des catholiques, ce serait non pas défendre notre identité, mais défendre des valeurs catholiques auxquelles le Québec moderne a tourné le dos depuis les années 1960. Contre la contraception, contre l’avortement, contre l’homosexualité, contre le divorce, contre l’ordination des femmes. Est-ce cela que nous souhaitons défendre ? Il est révolu le temps où la religion catholique structurait nos vies de la naissance jusqu’à la mort. Le Québec est sorti de la religion et la foi des croyants doit demeurer une affaire privée et ne plus s’imposer dans la vie publique. Voilà le véritable avenir auquel la grande majorité des Québécois aspire.

Certains d’entre vous souhaiteraient peut-être une laïcité sélective qui soit favorable à la majorité catholique. Une telle laïcité ne peut exister parce que dans son essence même la laïcité est républicaine et non nationale, qu’elle s’inspire de l’universalité des Droits de l’Homme dont elle est contemporaine et garantit à chaque citoyen les mêmes droits, un État neutre qui ne favorise aucune religion et qui les maintient toutes à bonne distance du politique. Il ne faut pas être dupe. Lorsqu’au printemps dernier le cardinal Ouellet s’est rendu à Ottawa pour convaincre les députés conservateurs d’interdire l’avortement même en cas de viol, ce n’était certes pas pour défendre l’identité québécoise.

Trois ans après la crise des accommodements religieux où les Québécois se sont majoritairement prononcés contre le retour du religieux dans l’espace public, le Québec, inféodé aux décisions de la Cour suprême, est en voie de devenir une société multireligieuse. Et c’est une aberration qu’à l’heure actuelle, ce soient les avis juridiques de la Commission des droits de la personne qui définissent les orientations du Québec en matière de laïcité. Quelle place voulons-nous donner à la religion dans nos institutions publiques et notre espace civique ? Cette question primordiale n’est pas juridique, mais bien politique et appelle une réponse appropriée. La classe politique a donc une responsabilité et elle doit agir. La population attend des décisions et nombreux sont les gens qui réclament une Charte de la laïcité.

Dans cette bataille cruciale, les nationalistes et les souverainistes ont un rôle important à jouer, mais tout comme la gauche et les féministes, ils sont divisés sur cette question. D’un côté, il y a la position multiculturaliste en faveur d’une laïcité ouverte tous azimuts qui est défendue par le Bloc québécois et qui trouve même des échos chez certains péquistes. Leur argument ? Il est stratégique et se résume à ceci : on ne doit pas se mettre à dos la communauté musulmane parce que le temps venu, ces gens ne voteront pas pour l’indépendance. Autant dire que l’on brade la laïcité du Québec contre des votes. Et que tout cela va se faire sur le dos des femmes parce que la religion veut les femmes à la maison et que ce sont elles qui vont en payer le gros prix. On vend ses sœurs, ses filles et sa mère et on se fout de quoi le pays aura l’air, pourvu qu’il soit indépendant !

Le Parti québécois, pour sa part, défend une position républicaine et propose de faire adopter une Charte de la laïcité qui interdirait tout port de signes religieux chez les employés de l’État de même que la liberté de religion ne pourrait être invoquée pour enfreindre le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes en plus de mettre fin aux subventions publiques pour les écoles privées ethnoreligieuses. Cette position peut freiner l’offensive antilaïque, dont le multiculturalisme est l’armature, en plus de répondre aux attentes de bon nombre de Québécois. Elle réconforte comme de la soupe aux pois à l’automne parce que c’est ce que nous avons eu de mieux depuis Bouchard-Taylor.

Et vous les nationalistes, quelle position défendrez-vous ? Appuyer les catholiques pour des raisons identitaires, historiques et vous cramponner au crucifix de l’Assemblée nationale en l’opposant au hidjab et au kirpan ?

Pour ma part, je suis profondément convaincue que seule une laïcité ferme et exigeante vis-à-vis toutes les religions peut contrer cette offensive multireligieuse et nous garantir un avenir qui soit en continuité avec notre histoire et notre identité avec une croix sur le Mont-Royal, une croix sur notre drapeau, une croix au carrefour des villages et pour illuminer tout ça, des sapins de Noël d’Hérouxville jusqu’au Plateau.

Allocution présentée dans le cadre de l'Université d'été du Mouvement national des Québécoises et des Québécois (MNQ ), le 25 septembre 2010 à Victoriaville.

Bien que les écrits se fassent rares sur l’histoire de la laïcité au Québec, celle-ci n’en est pas moins liée à notre histoire et depuis fort longtemps. Les premières revendications laïcistes nous sont venues des Patriotes (1837-1838) qui, dans leur Déclaration d’indépendance, réclamaient la liberté de conscience, l’abolition de la dîme et la séparation stricte de l’Église et de l’État alors que les parlementaires libéraux, pour leur part, s’opposaient à ce que des subsides soient versés aux hôpitaux et aux organisations caritatives catholiques et demandaient à ce que l’État ne verse aucune subvention aux écoles confessionnelles.

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