Le droit de l’exportation de l’eau : le calme avant la tempête ?

L’auteur est avocat, membre du Comité de coordination de la Coalition Eau Secours, membre de l’International Bar Association et de l’American Association for Justice, éditeur du magazine électronique Faits & Causes.

Le contentieux du commerce international de l’eau et de l’accès à la ressource, dans une dynamique de tarissement accéléré des réserves, sera dans un proche avenir l’enjeu juridique principal sur la planète.

Le droit à l’eau du voisin, et partant celui de le forcer à exporter chez soi, apparaît comme une composante incontournable de la problématique. En discutant de l’exportation de l’eau, c’est du partage de la ressource planétaire qu’on dispose, et des limites aux législations nationales qui le réglementent sur leur territoire. On ne peut simplement faire l’inventaire du régime légal interne ; le commerce transfrontalier de l’eau, c’est d’abord une donne économique internationale que le droit international positif devra, un jour, finir par encadrer par des normes supérieures à toute loi nationale.

C’est donc à la fois un objet du droit international et un instrument de politique extérieure pour les pays législateurs. Comment les législations canadiennes répondent-elles, pour le moment, aux besoins de protection des réserves nationales ?

Problématique globale

L’eau potable est une ressource épuisable. L’aphorisme est nouveau, parce que la menace est récente. On devrait plutôt dire que c’est la conscience du danger qui s’éveille. L’eau douce, ou l’eau potable, compte pour environ 0,5 % de la totalité de la masse hydrique de la planète, par ailleurs essentiellement composée de l’eau salée des océans, de glace et de réserve fossiles. Le territoire canadien contient environ 20 % de cette portion infinitésimale, mais encore moins, soit 8 % selon certains estimés, des volumes renouvelables accessibles.

Certains rappellent que le volume global d’eau douce n’aurait pas varié depuis la formation de la planète bleue, et que ce serait la même eau. En effet, la réserve se renouvelle par les pluies et non autrement. Les sols renferment soixante fois plus d’eau que les surfaces : dans la chaîne de l’eau, ces aquifères stables nourrissent les lacs, les rivières et les bassins hydrauliques.

Ces réserves sont actuellement puisées plus rapidement qu’elles ne se remplissent. Les causes sont diverses ; leur exposé montre l’interactivité des désastres écologiques et leur rapport incontestable avec l’activité humaine.

Quelques exemples: explosions de populations (dans 10 ans, celle de l’Inde aura augmenté de 275 millions d’individus), croissance des agglomérations urbaines, consommation globale débridée (chaque ménage canadien consomme environ 500 000 litres d’eau par année, dont 18 litres par la chasse d’eau à chaque vidange), gaspillages municipaux et besoins industriels (plus ou moins 20 à 25 % de la demande totale avec prédictions du double en 2025). Sait-on que la fabrication d’une seule automobile aura coûté 400 000 litres d’eau ? Que l’industrie des produits informatiques consomme 1,5 milliard de litres d’eau traitée ? Se souvient-on qu’à l’été 2001, le niveau des eaux du port de Montréal était inférieur d’un mètre à sa moyenne saisonnière ? Et que les lacs Michigan et Huron avaient perdu près de 60 centimètres de dénivellation ?1 Le groupe d’observation Union St-Laurent, Grands Lacs (www.usgl-glu,org) prédit que bientôt le St-Laurent pourrait ne pas atteindre l’Atlantique (à lire : les énoncés d’objectifs du groupe de travail de l’association sur l’eau durable).

Dans une perspective de tarissement de la ressource, alors que 20 % de la population planétaire tire son eau potable du sol (et jusqu’à 100 % dans certaines régions d’Asie et de Chine), le commerce de l’eau suit la tendance mondialiste : là où il y a demande, il y a marché ; et là où se trouve un marché, se trouve un marchand.

L’exploitation de l’aquifère de l’Ogallala dans le Sud-Ouest américain par plus de 200 000 puits pour l’irrigation de 8.2 millions d’acres de terres agricoles, du Texas au Dakota-Sud, puise 50 millions de litres à la minute dans les 4 trillions de tonnes d’eau qu’il contenait et dont la moitié aurait maintenant disparu.

L’assèchement des aquifères américains serait un cas pathétique s’il ne survenait pas dans l’un des 9 pays les plus riches en eau de la planète ; un pays qui pourrait vouloir l’eau du Canada pour ses besoins excédentaires.

Une trentaine de pays sont actuellement touchés par des raretés d’eau potable. Plus d’un milliard de personnes n’ont pas accès à la ressource. En 2025, la demande d’eau globale excédera deux fois sa disponibilité2. Les gouvernements du Canada et du Québec ont mis en place des politiques sur la foi d’expertises qui prédisent que même nos réserves pourraient être épuisées3.

C’est sur ce fond sombre que s’organise le marché de l’eau.

Le marché global de l’eau

Le 2e Forum mondial de l’eau, réuni en mars 2000 à La Haye, s’est interrogé sur une question ontologique : l’eau, en autant qu’elle soit nécessaire à la vie, est-elle un besoin économique ou un droit humain ?

Avec des participants de plancher comme Vivendi, Suez, Nestlé et Unilever, nul doute qu’on épargnerait la chèvre et le choux, encore que du choux, il n’en reste guère que le goût…

Les observations générales, les communiqués de presse et les diverses publication du Forum, jusqu’à ses assises de Mexico en 2006, confirment que le plan d’affaires de la grande industrie de l’eau est déjà bien en place.

En résumé, les débats de La Haye ont donné le ton et le sens des orientations du Forum. Et en quelques mots défini la problématique planétaire qu’engendre le marché global de l’eau dans une orientation d’absolue nécessité. Il convient de citer intégralement pour preuve l’extrait suivant de la Foire aux question du site en ligne de l’événement de La Haye:

Le droit à l’eau est assimilé à tort à la gratuité de l’accès à l’eau ; il consiste en un approvisionnement en eau saine, en quantité suffisante, accessible à un coût abordable. Cela dit, la reconnaissance d’un droit à l’eau par les États implique que l’eau soit explicitement reconnue comme un bien social et culturel, et non essentiellement comme un bien économique (…) Le prix des services doit être établi sur la base du principe d’équité (…)

Ainsi défini par les principaux acteurs, le droit d’accès à l’eau sera dorénavant sujet de marchandage dans le sens le plus économiquement libéral du terme : l’intermédiaire de marché, celui qui vous procurera cet accès fondamental à la réserve d’eau, aura les mêmes droits que les vôtres parce qu’il vous en assure l’exercice inaliénable…

Suivant une logique juridique infaillible, si l’eau était un bien économique, la vente de l’eau le serait tout autant, comme sa distribution, son transport, sa commercialisation et son exportation. Et tout cela, sous le couvert d’un humanisme manifestement fort intéressé : cet entrepreneur québécois de la pharmacie populaire l’aura bien compris, qui plaidait pour l’arrêt du moratoire québécois sur l’exportation de l’eau au nom de la solidarité universelle.

Lorsqu’on pense exportation, c’est l’image de la cruche ou de la bouteille d’eau plate qui monte à l’esprit. Mais d’autres méthodes, autrement plus efficaces, permettent l’envoi massif de la ressource à destination ; notamment les dérivations, déviations et transferts massifs de bassins, le transport par pipelines et tankers, le transport océanique par sacs flottables et l’exploitation indirecte par exportation hydro-électrique ;

C’est en connaissance de cause qu’Ottawa et Québec, sans compromettre leurs obligations internationales, ont adopté des législations restrictives qui font blocus au commerce transfrontalier de l’eau potable prélevées localement, quel qu’en soit le mode de transport. Sauf pour les exploitations hydro-électriques, que nous assimilons à des déviations ou dérivations par l’aménagement de bassins, et à leurs prolongements outre frontières, la porte semble bien fermée et verrouillée à double tour au Canada, pour le moment, avec les exceptions incontournables, à toutes les activités de captage et d’aménagement d’eaux de surface ou souterraines à des fins de commerce international.

Le cadre constitutionnel canadien

En matière d’exportation d’eau, s’agit-il principalement de légiférer sur les ressources naturelles, compétence provinciale, ou sur le commerce international, compétence fédérale ?

La question n’a pas encore été soumise à l’examen judiciaire. Tout comme celle de l’expédition en vrac ou du détournement des bassins, elle se pose néanmoins avec une évidente pertinence. Les deux ordres législatifs sont en trajectoire de collision inévitable.

Sans leur nécessaire collaboration et leur participation à la Commission mixte internationale, ou l’abstention fédérale aux travaux des groupes d’intervention formés par les gouverneurs américains et les premiers ministres de l’Ontario et du Québec sur la gestion des eaux des Grands Lacs et du St-Laurent, il y a fort à parier que nous en serions encore à tester la validité des lois provinciales devant la Cour Suprême.

Dans un contexte de réaménagements et de litiges constitutionnel, la compétence provinciale à interdire les exportations d’eau paraît au mieux incertaine et à l’évidence contestable4. À noter que le Québec n’a pas adhéré à l’entente pancanadienne sur l’interdiction des prélèvements d’eau des bassins hydrographiques majeurs du Canada que sollicitait le ministre canadien de l’environnement lors du dépôt du projet de loi modifiant la loi d’application du traité des eaux limitrophes internationales.

Le droit international de l’eau

Dans la mesure où le droit international serait un ensemble de règles régissant les rapports des États entre eux, et que ses seuls sujets seraient ces mêmes États, il serait étonnant qu’apparaisse un corpus juris international fondamental garantissant un droit privé d’accès aux ressources hydriques.

En effet, la controverse perdure sur les sources du droit international et demain n’est pas la veille du jour de l’harmonie sur la question. D’une part les partisans de la souveraineté absolue des États, sans subordination aucune, et de l’autre ceux de la solidarité internationale, qui postulent la soumission de l’État à un ordre supranational normatif ou conventionnel.

Deux guerres génocidaires en un quart de siècle et le décompte de quelques centaines de millions de victimes auront peut-être provoqué des réflexions plus sérieuses sur la nécessité du décloisonnement des droits internes. Il apparaît en effet incontournable que la société internationale du 21e siècle s’organise désormais sur un modèle résolument normatif5 ordonnancé autour des impératifs de solidarité communautaire6 et de droits individuels, si tant il est vrai que les États, premiers sujets de droit international, sont des juridictions compétentes par la seule volonté de leurs citoyens.

Le siècle actuel, à la différence de l’aberrant 20e, verra peut-être naître ce gouvernement démocratique mondial qu’espérait Jaurès à la veille de la boucherie qui s’annonçait dans l’allégresse et l’ivresse universelles.

Aussi n’est-il pas étonnant qu’un droit international fondamental d’accès à l’eau potable n’existât point. Au plan des accords, des déclarations ou des conventions, le sujet paraît en effet non pertinent. La Convention de New York (1998), pièce de droit positif, sur l’utilisation des cours d’eau internationaux pour des usages étrangers à la navigation, évite d’intégrer le droit individuel à l’eau potable, sauf très indirectement par l’effet du principe de nécessité en cas de « conflit sur l’eau ». La Déclaration universelle des droits de l’homme et les conventions internationales sont muettes à cet égard. Même le Protocole de Genève sur l’accès à l’eau en temps de guerre n’a pas son équivalent logique pour les époques de paix. Les conventions internationales, à l’exception du Protocole et de la Convention d’Helsinki de 19927 intervenue entre les membres européens de l’Organisation mondiale de la santé, ne font pas encore le lien entre les mécanismes de réglementation de gestion internationale de l’eau et les droits d’accès.

En résumé, le droit international, tant coutumier que conventionnel, n’oblige pas les autorités canadiennes à s’abstenir d’interdire le commerce international de l’eau sur leur territoire. En corollaire, la communauté internationale ne pourrait s’appuyer sur des fondements coutumiers pour obliger le Canada à exporter ses ressources hydriques, fut-ce même pour des impératifs humanitaires. En ce domaine, seul prévaut actuellement l’esprit de solidarité8.

Le droit du commerce international de l’eau

Si la recherche des sources d’un droit fondamental d’accès à l’eau est insatisfaisante, celle des instruments conventionnels est par ailleurs plus fructueuse.

Les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’excluent pas l’eau dans ses définitions des biens visés et devraient s’appliquer à son commerce. Pour le Canada et le Québec, c’est en regard des expéditions en vrac que se développerait un éventuel contentieux, le marché de l’eau embouteillée étant proportionnellement peu significatif.

Le commerce de l’eau ne se limite pas à la bouteille d’un litre ; les grands travaux de détournement et les expéditions par citernes constituent la masse critique des manipulations hydriques.

Selon Environnement Canada, le total du débit d’eau détourné entre les bassins hydrographiques serait de 4500 mètres cubes par seconde, dont 95 % pour les seuls besoins hydroélectriques.

Legs de l’époque du Pléistocène, les eaux de surface canadiennes s’écoulaient depuis dans une infinité de voies, dont plusieurs ont été simplement redécouvertes et exploitées à coûts réduits, l’écoulement par gravité de canaux naturels facilitant leur exploitation. Les eaux de surface du Canada se déversant naturellement vers le Nord, les dérivations de bassins n’aboutissent pas, actuellement, aux Etats-Unis. Cependant, les pressions politiques mexicaines et américaines pourraient très prochainement modifier la donne. Si l’eau était constituante du patrimoine mondial de l’humanité, le concept de partage équitable de la ressource continentale, dans une perspective communautaire à l’échelle de l’Amérique, prendrait une soudaine actualité9.

D’un point de vue canadien, le Traité relatif aux eaux limitrophes (1909) et la Loi sur le traité des eaux limitrophes internationales, l’Accord de 1978 relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs, la Charte des Grands Lacs de 1985, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), les accords de l’Organisation mondiale du commerce (GATT) ne disposent pas explicitement du commerce de l’eau in se. Ce sont cependant des instruments obligatoires qui ne semblent pas interdire le contrôle des expéditions d’eau potable, de surface ou souterraine, par les législateurs canadiens. Toutefois, le test n’a pas encore été soumis à un tribunal d’arbitrage. En effet, si l’eau était définie comme un « produit », son commerce envisagé sous l’angle du droit à « l’investissement étranger » et sa fourniture comme un « service », les concepts rejoindraient l’inspiration du Forum mondial de l’eau (voir plus haut) et les restrictions à son exportation seraient emportées dans les bouteilles, les citernes et les canaux dérivés.

Pour le moment, et jusqu’à décision ou convention contraire, les lois canadiennes interdisent formellement le commerce international de l’eau captée au Canada. La déclaration commune des trois partenaires de l’ALENA qui affirme « qu’à moins d’être vendue dans le commerce et d’ainsi devenir une marchandise ou un produit, l’eau sous toutes ses formes échappe entièrement aux dispositions de tout accord commercial, y compris de l’ALÉNA » semble affranchir de contrainte toute législation canadienne qui restreindrait le commerce des ressources d’eau naturelle, avant leur prélèvement ou leur détournement, ce que le Canada ne manque pas de revendiquer par sa Loi sur la mise en œuvre du traité10.

La législation fédérale canadienne

La Loi modifiant la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales et son règlement sont entrés en vigueur le 9 décembre 200211. La déclaration ministérielle accompagnant le dépôt du projet de loi, le 22 novembre 1999, annonçait pompeusement que ces modifications « représentent une étape importante vers la protection des ressources en eau douce du Canada » et que « nous cesserons les prélèvements massifs à la source, et non à la frontière ».

Les interdictions s’appliquent notamment aux Grands Lacs, au St-Laurent, à la rivière Ste-Croix (Nouveau-Brunswick), au fleuve St-Jean (Nouveau-Brunswick) et au Lac des Bois (Manitoba). Ces changements étaient annoncés comme des composants d’une stratégie d’interdiction des prélèvements massifs dans les bassins hydrographiques du Canada et l’on espérait alors obtenir l’adhésion de toutes les provinces à un accord pancanadien, auquel le Québec, seul, s’est abstenu de participer.

Par ailleurs, s’agissant de réglementer le captage ou le prélèvement dans la partie canadienne des bassins « que longe la frontière internationale », la loi ne s’appliquerait pas aux bassins situés, au Canada, hors de l’aire de protection. Il s’agit de protection imparfaite, dans la mesure où les « eaux des fleuves et rivières traversant la frontière » sont exclues de la définition. Les manipulations du bassin du fleuve McKenzie, le territoire du Grand Lac à l’Ours ou de celui du Grand Lac des Esclaves, entièrement situés à l’extérieur de tout secteur limitrophe, ne seraient pas visées par la loi fédérale.

Au Québec

L’approche québécoise est plus radicale : la Loi visant la préservation des ressources en eau12, d’abord moratoire en 1999, formulée après consultation publique sur la gestion de l’eau, est devenue permanente le 18 décembre 2001. Elle interdit en termes clairs toute exportation d’eau prélevée au Québec à compter du 21 octobre 1999.

Certaines inquiétudes ont été soulevées par l’oubli apparent du ministre responsable de l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement de faire rapport au gouvernement, au plus tard le 18 décembre 2006, sur l’application de la loi « ainsi que sur l’opportunité de la maintenir en vigueur ».

Ce rapport n’a pas été déposé à terme et la probabilité d’élections avant toute prochaine session semble éloigner la possibilité d’un tel dépôt avant la prochaine législature. Y aurait-il abrogation ou désuétude implicite ? Aux experts en droit administratifs d’en débattre. Il s’agirait selon nous d’une simple mesure ministérielle dont l’absence n’aurait pas d’effet sur la pérennité de la loi.

Par ailleurs, il est significatif que la loi québécoise fasse exception explicite d’application aux « eaux prélevées pour la production d’énergie électrique », ainsi que pour « l’approvisionnement d’établissements […] situés dans une zone limitrophe ».

La loi québécoise reconnaît ainsi par inférence que la production électrique serait un mode particulier d’exportation d’eaux prélevées ou détournées.

Et que penser du captage d’eau par un « établissement » industriel limitrophe dont l’exploitation serait précisément l’embouteillage pour fins d’exportations ? Poser la question dans une perspective globale où les accords internationaux définissent les produits sujets d’application, c’est y répondre.

Perspectives et prospectives

L’exportation de l’eau, quel que soit son mode particulier de transport, deviendra réalité plus tôt que prévu et les mécanismes mis en place par le Canada et le Québec paraîtront alors bien fragiles en regard du caractère obligatoire des conventions internationales.

Le jour n’est pas éloigné où sera invoqué par une partie à l’ALÉNA le droit au traitement national ou proportionnel, c’est-à-dire l’obligation des États à procurer aux étrangers des pays signataires les mêmes avantages qu’aux nationaux, qu’il s’agisse de privilèges ou de restrictions de commerce équivalentes ou du statut de sujet de droit permettant la poursuite du gouvernement d’accueil disponible à tout investisseur local.

Dans cette dynamique, les opposants aux prélèvements massifs ou à l’exportation de l’eau canadienne, s’ils ont une cause à cet égard, devront s’y prendre, pour la gagner, par d’autres voies que celles des tribunaux, lesquels ne manqueraient pas de donner plein effet aux accords internationaux liant le Canada, ou tout simplement au nouveau droit fondamental de l’eau en train de s’écrire.

Pour l’heure, c’est le calme plat avant la tornade.

 

 


1 Barlow, M. et Clarke,T., Blue Gold, The battle against corporate theft of the world’s water, Stoddart Publishing Co.Ltd, Toronto (2002), à la p. 9. L’ouvrage est un réquisitoire bien documenté sur ce que les auteurs identifient comme le “cartel de l’eau” ;

2 Id.

3 Id.

4 L’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Westcoast Energy Inc. c. Canada (Office National de l’Énergie) (1998) 1 R.C.S. 322 rappelle que l’article 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867 n’a pas été modifié par l’article 92(10)A) de la Loi constitutionnelle de 1982 et que le Parlement conserve pleine compétence sur le transport interprovincial des produits de ressources naturelles ; par analogie, l’exportation de l’eau étant par nature une affaire de transport international de ressources naturelles, on voit difficilement comment le plus haut tribunal du pays ne pourrait pas appliquer la même logique ;

5 Voir les ouvrages de Hans Kelsen, notamment Pure theory of Law (Reine Rechtslehre) publié en 1934 ;

6 Dont la pensée de Georges Scelle, exposée à son Précis du droit des gens (1932) est représentative ; à propos de Scelle, lire les études publiées dans European Journal of International Law (1990) No ½, pp.193 à 211 ;

7 À distinguer des Règles d’Helsinki de 1966, la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux a été adoptée en 1992 par la Commission des Nations Unies pour l’Europe et ne porte que sur des situations européennes, mais elle propose des principes intéressants quant à l’usage raisonnable et équitable des ressources ;

8 Une attention particulière devrait être apportée aux prolongements du droit de la mer, dans la mesure où l’accès aux ressources océaniques et aux nappes sub-océaniques des zones côtières, aussi dites « territoriales », deviendrait préoccupant pour les prochaines générations et serait, de facto, matière contentieuse ; à cet égard, la Convention des Nations unies sur le nouveau droit de la mer donne des pistes en privilégiant, par exemple, le concept de « zone économique exclusive » ;

9 Voir Daigneault, R., L’eau : enjeu juridique du XXIe siècle, in Développements récents en droit de l’environnement, notes pour un colloque du Barreau du Québec, Editions Yvon Blais, Montréal 2004 ;

10 Loi portant sur la mise en œuvre de l’accord de libre-échange nord-américain, art. 7(2) ;

11 Loi du Traité des eaux limitrophes internationales, S.R., c. I-20, et Règlement sur les eaux limitrophes internationales, DORS/2002-445, d’application limitée aux bassins désignés, avec d’importantes exceptions (droits autochtones ancestraux, transferts de moins de 50,000 litres par jour par navire ou citerne, etc.) ;

12 Loi visant la préservation des ressources en eau, L.R.Q., chap. P-18.1, telle que modifiée par le chapitre 48 des lois de 2001