
Les coulisses d’un discours
Église Notre-Dame, 10 septembre 1910 «You’ll see a man in front of the King-Edward dock. He will be dressed simply: black pants and a black jacket. He will be singing À la claire fontaine. You’ll give him the money. Eight o’clock precisely. Don’t make him wait !» lui dit le majordome. Il lui parlait toujours anglais, même si leur langue maternelle à tous deux était le français. Avant de partir, il put apercevoir lord Nelson faire les cent pas dans le salon; il avait un petit sourire nerveux. À partir de quelques bribes de conversation qu’il avait entendues, il avait compris qu’il attendait quelque chose, quelque chose d’important. Il était à l’emploi de lord Nelson depuis deux ans déjà, mais ce dernier ne lui avait jamais parlé. Il ne parlait qu’au majordome. De ce qu’il pouvait en déduire, lord Nelson imaginait un plan général et laissait son majordome se débrouiller seul avec les détails, détails dans lesquels il y avait parfois un peu de boue, un peu de saleté. Il y avait bien des ministres, des avocats, des hommes d’affaires qui visitaient lord Nelson. Beaucoup de conversations se déroulaient au vu et au su de tous et même parfois avec une bruyante ostentation. Toutefois, certaines conversations demeuraient en coulisses.Officiellement, il était jardinier, mais officieusement il était un homme à tout faire. Il avait un physique de lutteur et n’avait pas peur de s’occuper de certaines besognes dont le majordome lui parlait discrètement, à demi-mot. C’étaient elles, il le devinait, à qui il devait son salaire […]