Le congé des Fêtes s’est prolongé pour François Legault que sa garde rapprochée a éloigné des micros pendant plus d’un mois. Cela faisait du bien de ne plus subir le lirage de mon’onc et les moues contrites qu’il nous servait devant les résultats des sondages. On ne peut que les en remercier. La gratitude n’aura malheureusement pas eu d’effets durables. Sitôt revenu à l’avant-scène il nous aura servi le meilleur de sa méthode : le quémandage velléitaire.
Le congé des Fêtes s’est prolongé pour François Legault que sa garde rapprochée a éloigné des micros pendant plus d’un mois. Cela faisait du bien de ne plus subir le lirage de mon’onc et les moues contrites qu’il nous servait devant les résultats des sondages. On ne peut que les en remercier. La gratitude n’aura malheureusement pas eu d’effets durables. Sitôt revenu à l’avant-scène il nous aura servi le meilleur de sa méthode : le quémandage velléitaire.
Une lettre à Justin Trudeau pour lui dire de cesser le sabotage démographique ? Non, plutôt le ton gestionnaire et l’évocation du contexte provincial. Bernard Drainville y est également allé d’une supplique, cette fois sur le ton plus direct et plus proche du langage familier. « Fini le bar ouvert » avec un laisser-aller qui menace d’implosion le réseau scolaire public montréalais, déjà mal en point. Personne n’a tremblé à Ottawa. La CAQ ne fait peur à personne. Le Québec indiffère et ce qu’on lui sert, ce sont des simulacres qu’avalisent tous les laquais de la députation libérale. On peut néanmoins se consoler de n’avoir pas eu à subir davantage la morgue de la ministre Fréchette et les sophismes qui lui servent de paravent.
Le dossier de l’immigration est à l’avant-scène au Canada et cela aura été bien suffisant pour qu’il trouve une place plus grande dans les médias qui font « semblant que c’est intéressant », pour le dire comme Richard Desjardins. Et voilà tout à coup que les soupçons de racisme et les relents de xénophobie accrochés au dossier se sont volatilisés. Un problème « canadian » ne saurait être qu’un problème sérieux, qu’une préoccupation légitime et fondée. Et voilà que la préoccupation québécoise se trouve tout à coup dédramatisée. Rien de plus normal, le récit canadian campe le questionnement dans la logique provinciale et ce qui préoccupe l’Ontario et le Colombie-Britannique rend tout à coup recevable le questionnement québécois. À la condition, bien sûr, que le cadre soit dressé sur un argumentaire et des problématiques canadian.
Cela a été fort bien illustré par les annonces sur le plafonnement de l’accueil des étudiants étrangers. Les barèmes utilisés laissent totalement inchangée la situation québécoise. McGill et Concordia peuvent continuer de s’engraisser, la situation provincialisée ne peut se lire qu’avec les paramètres des provinces anglaises. Et il n’a pas manqué de bonimenteurs pour pérorer sur l’évolution du dossier. Même chose du côté de la régulation des admissions des travailleurs temporaires. Comme c’est un problème pour le Canada, c’est tout à coup à prendre au sérieux au Québec. Même Québec solidaire est obligé de mettre une sourdine sur sa logique victimaire. La Chambre de commerce de Montréal est encore très dure de comprenure, son président a l’habitude de courir derrière les trains.
La rentrée du « retour au jeu de base » restera donc tout à fait dans la vérité de la CAQ. Entre attentisme et procrastination, la gouverne restera aussi brouillonne parce que les forts en thème du conventum HEC des années 70 continueront de confondre la gérance et la gestion. Résignés à composer avec les moyens et le cadre financier que le Canada leur impose ils continueront de tenter de (se) faire croire que les remaniements de structures, les chiffriers Excel et la rhétorique de l’optimisation vont compenser pour l’insuffisance des moyens. La bonne foi et la sincérité d’un Dubé se casseront sur les murs de l’indigence. L’adhésion compensatoire aux vertus du privé et les partis-pris dogmatiques pour la centralisation feront le reste : le Québec est de moins en moins libre de ses choix. Et c’est la détérioration programme des services publics qui en est devenu l’indicateur avancé.
Trêve de pessimisme, la prospérité viendra ! Le tandem Fitzgibbon/Sabia ne négligera rien pour mettre nos richesses au service des convoitises de tout le gratin des multinationales énergivores. Ils produiront de la richesse et des jobs de subalternes bien payés. Le Québec inc. se contentera des postes de gérant de succursales. Mais la planète sera plus verte, à en croire la rhétorique de la croissance verte. Le privé viendra au « secours » d’Hydro-Québec et d’une politique énergétique présentée comme un bar ouvert pour combler les appétits étrangers. Les apôtres du tout au marché ne toucheront pas, disent-ils, à notre société d’État. Ce sera inutile, il suffira de confier aux intérêts privés les nouvelles sources de richesses – le formidable portefeuille de ressources renouvelables – pour transformer le navire amiral en rafiot pour la desserte locale. Mais nous ne manquerons pas d’articles sur le développement énergétique mesuré à l’aune de la décarbonation planétaire.
C’est le refus de cette évidence politique imposée par la logique du régime qui transforme en écran de plus en plus opaque le babillage médiatique. Faire comme s’il n’y avait pas de seuil vital pour le maintien de l’intérêt national, telle est la doxa médiatique. Et c’est qui pose le défi démocratique le plus grand pour l’avenir du Québec. Les immenses défis qui se posent à notre société ne peuvent être abordés correctement. Déjà que cela pourrait suffire à donner le vertige, il faut en plus composer avec les faux combats, les mesures dilatoires et les impasses qui forment la matière première d’une mise en scène médiatique de plus en plus coupée du réel.
Rien ne l’illustre de façon plus cruelle que le traitement de la crise du logement. L’impossible conciliation des approches canadian et des intérêts du Québec reste enfouie derrière le misérabilisme et le sensationnalisme du traitement de l’itinérance, des évictions et des loyers délabrés. Pendant plus de trente ans, les choix d’Ottawa ont consisté à laisser agir les forces destructrices du marché. Aujourd’hui que les libéraux recommencent à se préoccuper de logement social et abordable, il faudrait faire comme si le passif accumulé ne tenait pas de la logique inhérente du régime ? Il faudrait faire comme si les conflits de priorités, les dédoublements et les batailles de juridiction ne sont pas déjà en germe dans ce qui passe sous nos yeux ? Il n’y a pas de plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. Il n’y a pas de plus canadian qu’un Québécois qui minimise les pertes au point de ne plus être capable de voir où se trouve son intérêt vital.
Le mandat que François Legault veut relancer sous le signe du quémandage dépassera vite le seuil du déshonneur. La gestion provinciale lui imposera de plus en plus vivement l’humiliation. Les Québécois et les Québécoises devront sans relâche lui exprimer leur refus de vivre ainsi.