Auteur et journaliste
Un envoyé de l’ONU vient nous dire que le Québec peut recevoir davantage de réfugiés. Voilà le discours d’un « No Border » pour qui il n’y a pas de limite à la capacité d’absorption des réfugiés dans les pays développés. Mais pourquoi cette requête ne s’adresse-t-elle pas plutôt à Halifax, Saint John’s, Sault-Sainte-Marie ou Winnipeg ? Ces villes anglo-saxonnes ne reçoivent pratiquement pas de réfugiés ! Cette adresse n’est pas appropriée à l’endroit du Québec qui ne parvient pas à intégrer les réfugiés à sa population de langue française, depuis des décennies ! La capacité d’intégration du Québec est devenue très faible.
Ailleurs, il y a bel et bien une frontière entre le Canada et les États-Unis, mais pas au sentier Roxham, la zone « No Border » au Canada. Y entre qui veut : Américain, Jamaïcain, Hondurien, Sri Lankais, Nigérian, tous sans objections. C’est comme une zone hors taxe ; ici, c’est une zone sans frontière pour ceux qui fuient les États-Unis, comme à l’époque de la prohibition. Le sentier des passeurs aboutit au Québec et pas ailleurs au Canada. Curieux, non ? Pourtant, ce sont les Québécois qui se font dire qu’ils ne sont pas accueillants. Cherchez l’erreur !
On a relevé 42 000 demandes d’asile par de tels « migrants illégaux » au Canada, entre février 2017 et mars 2019 ; presque tous ont abouti à Montréal, attirés comme par des aimants. Depuis le début de l’année, il n’y a eu que 94 migrants illégaux passés par la Colombie-Britannique, pour un territoire tout en haut de la Californie et du Mexique, point d’aboutissement naturel des pays du Pacifique. Alors, pourquoi tous ces réfugiés aboutissent-ils plutôt à Montréal, par le chemin Roxham ?
Au Sud des États-Unis, on construit un mur infranchissable de cinq mètres de haut, sur des milliers de kilomètres, mais au chemin Roxham, on ne répare pas une clôture Frost déchirée par des tenailles. Pourquoi pas ? Mais dans ce cas, M. Trudeau, il faut être logique et détruire la clôture Frost sur les quelque 5000 kilomètres de frontière entre le Canada et les États-Unis. Pas seulement au Québec ! Pour que ce soit bien clair pour tous les Canadiens qu’il n’y a plus de frontière au Canada !
On nous dit qu’il faut être accueillant avec les « réfugiés ». Mais, ça fait 40 ans qu’on est très accueillant avec les réfugiés, à tel point que Montréal, qu’on disait naguère la plus grande ville française d’Amérique, n’est plus une ville française. En 1996, j’avais publié un reportage où je faisais état de 121 609 demandeurs du statut de réfugié arrivés à Montréal de 1985 à 1996. Montréal avait en effet accueilli, au cours de cette décennie, dix fois plus de réfugiés politiques que Vancouver, et 100 fois plus que Halifax ou Calgary.
Il y a peu de probabilité pour que ces chiffres aient baissé pour les deux décennies suivantes ! Et ce phénomène s’intensifie avec les arrivées des « illégaux » du sentier Roxham. M. Trudeau trouve que c’est au Québec qu’il faut augmenter l’effort. Pourquoi pas dans les Prairies ou les Maritimes ? Ils ne reçoivent presque pas de réfugiés, depuis des décennies.
À l’époque, la CISR acceptait des réfugiés d’Israël, du Venezuela, du Mexique, du Chili et de l’Inde arrivant à Montréal. On partait de l’autre bout du monde pour débarquer à Montréal ! En 1995, Montréal avait reçu 46 % de tous les réfugiés politiques au Canada. Pourquoi arrivaient-ils du Kazakhstan, du Bangladesh, du Pakistan, du Sri Lanka et de l’Inde à Montréal, situé à 20 000 kilomètres ? Quelle était la filière des passeurs ?
Le gouvernement Couillard aurait pu décider que les migrants qui passent la frontière illégalement ne sont pas de véritables demandeurs d’asile et mettre en place une politique québécoise pour circonscrire la crise. Il ne l’a pas fait même s’il s’agit de migrants « irréguliers », « clandestins ». Le gouvernement québécois n’a pas protégé l’intégrité de son territoire sous le ministère de Mme Kathleen Weil, ministre de l’Immigration du gouvernement Couillard, auparavant directrice d’Alliance Québec, l’organisme qui a combattu avec acharnement la loi 101 et le français langue officielle.
En 2018, il y a eu 18 000 « migrants illégaux » arrivés à Montréal, en plus de tous les demandeurs réguliers. Le flux s’enfle depuis l’appel d’air de Justin Trudeau.
En outre, selon une enquête récente de la CBC, le taux d’acceptation des réfugiés par la Commission d’immigration et du statut de réfugié (CISR), sous M. Trudeau, est passé de 44 % à 70 %. Désormais, on accepte en effet plus des deux tiers des requérants comme réfugiés. Moins de 400 demandeurs d’asile sur les 32 173 personnes ayant franchi illégalement la frontière, entre avril 2017 et août 2018, ont été expulsés par le Canada.
Bien sûr, ces chiffres ne couvrent pas l’ensemble des immigrants qui viennent à Montréal. Depuis les années soixante-dix, les chiffres annuels ont d’abord doublé, puis presque triplé. Et ce n’est pas encore suffisant, nous dit-on. Mais n’a-t-on pas remarqué que tous les pays anglo-saxons, à l’exception du Canada, baissent leur immigration depuis une décennie ? Il en est ainsi des États-Unis et de l’Australie qui a bloqué complètement son immigration. Il en est de même dans la mère de tous les pays anglo-saxons, l’Angleterre.
En effet, David Cameron, l’ex-premier ministre britannique, a mené sa dernière campagne électorale, en promettant, s’il était réélu, qu’il n’y aurait pas plus de 60 000 immigrants par an qui entreraient dorénavant au Royaume-Uni, citoyens de l’Union européenne inclus. Pourtant, cela n’a pas suffi. Il a dû se résoudre à un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Et il y a un retour en masse des citoyens d’Europe de l’Est dans leurs pays d’origine depuis le Royaume-Uni, plus d’un million jusqu’à maintenant !
60 000 immigrants par an dans un pays de 60 millions d’habitants, cela ferait pour le Québec français 6000 immigrants par an.
Voilà l’objectif que retiendrait David Cameron, le chef du pays anglo-saxon par excellence, s’il vivait au Québec. Et il n’y a pas le problème de langue pour l’intégration des immigrants au Royaume-Uni. Tout le monde passe d’office à l’anglais !
Pour les réfugiés et le regroupement familial, pas de maximum au Canada, alors qu’on fixe des limites partout face à la nouvelle poussée d’immigration en Occident, devenue incontrôlable depuis une décennie. Les « No Border » ont mis l’Europe à feu et à sang. Mais, M. Trudeau pense, lui, qu’il peut aller seul dans la direction opposée de tous les autres pays anglo-saxons et du courant majoritaire de l’opinion dans tous les pays d’Europe.
Mais, pourquoi ne fait-il pas pression sur les provinces anglo-saxonnes du Canada, plutôt que de faire passer illégalement, à Lacolle, les réfugiés illégaux arrivant des États-Unis ? Le Québec n’est pas un pays anglo-saxon, que je sache ! Pourquoi lui impose-t-on cela ?
Enfin, absurdité inouïe, depuis quelques années, les immigrants français, wallons et suisses n’ont plus la préférence pour l’immigration au Québec. De nouvelles règles imposées par le Canada font que les immigrants du Maghreb ont la préférence sur les immigrants de France qui veulent s’établir à Montréal. À Ottawa, on ne veut pas favoriser une intégration française rapide à la population québécoise ! On y bloque la préférence des Français à compétence comparable ! Jamais on n’a fait ça pour un immigrant venant d’Angleterre.
Le résultat est effarant. Prenez n’importe quelle ligne du métro montréalais et vous entendrez qu’on ne parle plus le français comme langue officielle de façon majoritaire à Montréal ! C’est le suicide collectif de la nation québécoise, en tant que nation de langue française, qui est en cours à Montréal à la vitesse grand V !
On utilise l’argument de la main-d’œuvre pour faire venir des immigrants en nombre toujours plus élevé à Montréal. Or, il y a 214 000 chômeurs et 110 000 prestataires d’assistance sociale aptes au travail au Québec. Pourquoi ne les forme-t-on pas pour les métiers et les emplois disponibles ? On nous dit aussi que la demande de main-d’œuvre va exploser ces prochaines années. C’est faux. On est dans un cycle économique qui dure depuis dix ans. La plupart des économistes s’entendent pour en conclure que, dans deux ans, au plus tard, on sentira les effets d’une récession en Amérique.
Alors, pourquoi faire venir de la main-d’œuvre de façon massive à court terme, à la veille d’une récession ? Avisons dans quatre ans. Ce sera nettement plus sage.
L’ancien sous-ministre du travail du Québec sous les libéraux demanderait, selon Denis Lessard de La Presse, qu’on fasse venir des travailleurs de tous les pays, sans restriction. Qu’il faut aller chercher les meilleurs où ils sont, partout. Je réponds : pourquoi les employeurs ne vont pas plutôt chercher les soudeurs et les autres employés spécialisés dont ils ont besoin à court terme en France ou en Belgique ? On arrêterait ainsi de s’attaquer à la prédominance du français au Québec, on cesserait de faire venir des gens qui n’ont pas la langue française comme langue première, mais l’arabe, le créole, l’espagnol, le pakistanais.
Le recensement du Canada sous Justin Sinclair Trudeau met sur un même pied les immigrés qui ont le français comme première langue, le français comme seconde langue, le français comme troisième langue ou le français baragouiné. Peu importe qu’ils n’aient pas 200 mots français à leur vocabulaire et qu’ils n’aient aucune connaissance de la grammaire française. Ils vont apprendre sur place soi-disant. Mais on a bien vu sous les libéraux que ça ne marche pas ! En fait, c’est l’assimilation au Canada anglais qui est en marche rapide au Québec, pour les immigrés, de façon accélérée depuis Jean Charest.
Ce plan a été conçu dès Pierre Elliot Trudeau. Ottawa refuse depuis 40 ans que Québec contrôle le regroupement familial et l’arrivée des réfugiés sur son territoire. Son fils Justin Trudeau a même choisi un ministre de l’Immigration qui a lui-même été réfugié. Il n’avait pas propension à contrôler les flux intenses de réfugiés. Il serait plus apte à décider que le premier ministre du Québec ?
Non, il ne faut plus faire venir, chaque année, des dizaines de milliers de gens qui ne parlent pas français au Québec, qu’ils soient réfugiés, que ce soit pour le regroupement familial, qu’il s’agisse d’étudiants ou de travailleurs économiques.
On devrait même se poser la question d’un moratoire sur l’immigration au Québec, au lieu d’essayer de faire croire par exemple que tous les étudiants qui demandent un passeport pour travailler à Montréal parlent déjà français. C’est faux notamment à McGill et à Concordia. Un moratoire serait pertinent non seulement pour les quatre prochaines années. Mario Dumont avait bien réclamé un moratoire de dix ans sur les référendums. Pourquoi pas un moratoire de dix ans sur l’immigration ? À l’évidence, Montréal n’a pas intégré les 1,6 million d’immigrants qui y ont débarqué depuis 40 ans ! C’est cela qui a fait de l’île de Montréal une île où on ne parle plus majoritairement la langue française.