Analyse d’un futur citoyen du Québec

Anthropologue, Claude Bariteau a contribué à L’Action nationale à de nombreuses reprises. Il est décédé le 16 septembre 2021. Gérald Grandmont nous a fait parvenir le dernier article sur lequel il travaillait.

Depuis le Traité de Paris en 1763, les statuts politiques du Québec ont oscillé entre une gestion directe et indirecte par Londres et Ottawa. Les modes de gestion des Britanniques sur le territoire furent analogues à ceux propres aux conquérants. Ils ont exercé une gestion directe dès 1763. Ils ont ensuite privilégié l’approche de la gestion indirecte (Indirect Rule) en valorisant les élites locales avec l’Acte de Québec en 1774.

Anthropologue, Claude Bariteau a contribué à L’Action nationale à de nombreuses reprises. Il est décédé le 16 septembre 2021. Gérald Grandmont nous a fait parvenir le dernier article sur lequel il travaillait.

Depuis le Traité de Paris en 1763, les statuts politiques du Québec ont oscillé entre une gestion directe et indirecte par Londres et Ottawa. Les modes de gestion des Britanniques sur le territoire furent analogues à ceux propres aux conquérants. Ils ont exercé une gestion directe dès 1763. Ils ont ensuite privilégié l’approche de la gestion indirecte (Indirect Rule) en valorisant les élites locales avec l’Acte de Québec en 1774.

 

L’histoire politique nous enseigne que, depuis 1763, nombre de gestes politiques posés par les décideurs britanniques et canadiens ont cherché à assimiler les Québécois au régime anglais en dépit des aspirations des Québécois, lesquelles ont pris deux formes différentes selon les époques : l’autodétermination interne consistait à voir un pouvoir politique québécois s’exercer librement tout en demeurant dans le giron britannique. Ce fut l’approche recherchée par Papineau à l’occasion de l’insurrection des patriotes (1836-1838).

Par ailleurs, l’autodétermination externe ne sera pas exercée par le gouvernement canadien en 1931 après l’adoption du Traité de Westminster à Londres parce qu’un article de ce traité prévoyait rapatrier au Canada le pouvoir de modifier sa constitution. Le Canada, dans sa situation de gouvernement central de provinces ne savait pas qui aurait le pouvoir de modifier la constitution, ce qui aurait été l’objet d’un débat politique. Le traité fut adopté avec une mention concernant le Canada qui ne se prévalait pas du rapatriement des pouvoirs de modification de sa constitution. Ce ne fut qu’en 1982 que cette question fut tranchée par le Canada à Londres sans consultation des provinces. L’autodétermination externe fut également recherchée par les Québécois lors des référendums de 1980 et de 1995.

Les incidences de l’Acte de Québec

L’Acte de Québec permit aux Britanniques et aux Canadiens de bloquer la révolte américaine contre la Grande-Bretagne et, surtout, les répercussions que celle-ci pouvait avoir sur les Français du Canada.

Les Britanniques du Canada qui voyaient monter une forte volonté d’autonomie aux États-Unis ont craint de voir le Québec s’associer à ce mouvement. Ils ont d’abord cherché à contrôler les développements politiques internes en isolant les Québécois des Autochtones qui commerçaient avec les Américains. Les Britanniques avaient d’ailleurs signé en 1760 le traité de neutralité Oswegatchie avec les sept nations autochtones anciennement alliées des Français.

Ils firent également en sorte de couper les liens entre les Canadiens français et le mouvement des Patriotes américains.

Ils optèrent enfin pour une gestion indirecte des populations conquises par le contrôle de l’armée, la propriété du sol et en valorisant les élites locales tels le Haut Clergé, les seigneurs et les clercs. Il s’agissait de contrer toute revendication menant à une autodétermination interne ou externe de cette population.

L’Insurrection des patriotes et l’Acte d’Union

L’insurrection des patriotes avait pour motif central l’obtention d’une citoyenneté démocratique pour les élus francophones à l’Assemblée parlementaire du Bas-Canada et l’abolition des privilèges des citoyens britanniques de Montréal. Les députés anglophones avaient en effet un accès privilégié au gouverneur, lequel pouvait exercer un contrôle sur l’Assemblée parlementaire.

L’échec des patriotes marqua le refus des anglophones pour une formule d’autodétermination interne. Il s’en suivit l’adoption de l’Acte d’Union en 1840, lequel fusionna le Haut-Canada anglophone et le Bas-Canada majoritairement francophone. Un des objectifs de cette union était de réunir les forces militaires des deux régions et d’y associer les forces maritimes. Fut alors créé un Canada Uni pourvu d’une armée plus étendue.

La Confédération

Dès 1763, on voit donc se dessiner graduellement une démarche de longue haleine qui conduisit à une centralisation politique fédérale en 1867 avec l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Il s’agit quasiment d’un coup d’État fédéral, lequel aboutit en 1982. Les provinces comptent pour peu dans les grandes décisions politiques du gouvernement central. Elles se replièrent pour la plupart sur une simple gestion administrative de la vie quotidienne des citoyens.

Dès la Première Guerre mondiale, le gouvernement central sollicita fortement les provinces pour céder un transfert de points d’impôt au gouvernement fédéral afin de financer leur effort de guerre en soutien à l’Europe, avec la promesse de les retourner aux provinces à la fin de la guerre. Après la guerre, ce même gouvernement insista pour les maintenir, ce que la majorité des provinces accepta en contrepartie de programmes de péréquation à venir.

Seul le gouvernement de Duplessis s’opposa sans obtenir gain de cause, ce qui incita ce dernier à imaginer une double imposition sur le revenu afin de retrouver un semblant d’autonomie politique, ce qui ne se fera pas sans heurts.

La période de la Révolution tranquille vit le Québec se doter d’une vision politique reposant sur des institutions fortes et sur un faisceau de sociétés d’État comme modèle de développent économique et social : la puissante Hydro-Québec, un ministère des Affaires culturelles, un ministère de l’Éducation, la Caisse de dépôt et placement, la Société générale de financement et la Régie des Rentes. Ces développements eurent pour effet de redonner au Québec une forme d’autonomie qui dépassait une simple gestion administrative.

Deux grandes étapes politiques se sont heurtées de front à la fin du XXe siècle : deux référendums québécois qui furent mobilisateurs, qui visaient une autonomie externe, mais qui se sont avérés sans suite et, entre les deux, une nouvelle constitution canadienne (1982) qui fut adoptée sans l’aval du Québec. En isolant le Québec, le Canada a fait le choix d’une centralisation à outrance, une autre manière d’affaiblir le pouvoir du Québec en pérennisant l’Indirect Rule.

Des gouvernements récents, en particulier ceux de Charest et Couillard, s’inscrivirent dans cette pensée fédérale de la gestion indirecte du modèle britannique, se contentant d’un pouvoir de gestion et de transferts fédéraux (santé, garderies).

Quelle voie pour l’avenir ?

Cette courte trajectoire historique fait voir d’une façon limpide que le développement du Québec ne peut se réaliser entièrement que par une autodétermination externe, c’est-à-dire par une démarche concrète et démocratique vers l’indépendance. Ce projet ne peut plus se limiter à une simple dynamique ethnoculturelle. Il doit s’inscrire dans une approche citoyenne qui nous implique tous, quelles que soient nos origines : un territoire, des institutions politiques, culturelles et sociales qui reconnaissent l’égalité entre les citoyens et les citoyennes, des appareils administratifs et économiques performants et des accords internationaux de commerce avec nos voisins, une présence internationale qui reconnaît notre existence comme nation politique de plein droit. L’existence d’un tel pays en Amérique du Nord enrichirait à coup sûr ce continent par un ajout à la diversité des sociétés.

Il est plus que temps qu’on se mette à l’œuvre tous ensemble.

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