Andrée Ferretti. Mon désir de révolution

Andrée Ferretti
Mon désir de révolution, Montréal, XYZ éditeur, 2015, 146 pages

Comment en vient-on à désirer la révolution ? C’est ce parcours intellectuel et militant que relate une Andrée Ferretti dont le verbe garde son mordant. Si elle ne laissait pas indifférents René Lévesque et même Pierre Bourgault par son caractère obstiné, on retrouve, des décennies plus tard dans son œuvre écrite, « la pasionaria » décrite par Jacques Lanctôt.

Andrée Ferretti
Mon désir de révolution, Montréal, XYZ éditeur, 2015, 146 pages

Comment en vient-on à désirer la révolution ? C’est ce parcours intellectuel et militant que relate une Andrée Ferretti dont le verbe garde son mordant. Si elle ne laissait pas indifférents René Lévesque et même Pierre Bourgault par son caractère obstiné, on retrouve, des décennies plus tard dans son œuvre écrite, « la pasionaria » décrite par Jacques Lanctôt.

C’est « dans l’espoir de communiquer à la jeunesse d’aujourd’hui l’intense désir d’achever le bâtiment » qu’elle revient sur les moments charnières et les rencontres déterminantes ayant marqué son combat pour l’indépendance nationale, de Gaston Miron à Pauline Marois, en passant par Hubert Aquin, Gérald Godin, Michel Chartrand, Hélène Pedneault et Robert Laplante, à qui elle rend tour à tour des hommages bien sentis.

Devenue indépendantiste un matin du printemps 1956 à l’occasion d’une conférence de l’historien Maurice Séguin, son patriotisme est pourtant né plusieurs années auparavant, en cinquième année du primaire. C’est ainsi qu’elle rappelle l’importance de la mémoire collective – le « détour par le passé », à ne pas confondre avec le « retour vers le passé » – dans la formation des idées politiques nécessaires au désir de liberté. On ne naît pas indépendantiste, on le devient ; le plus souvent, par une étincelle, un feu s’allumant lors d’un coup de vent particulier, mais qui ne prendrait pas sans les braises qui craquaient avant…

De ses prises de conscience de l’assujettissement de son peuple, elle assiste de près aux premiers bouillonnements de la Révolution tranquille, rendant au destin national du peuple québécois « la couleur de l’espoir ».

Tentée par le FLQ incarnant la déstabilisation de l’ordre établi, elle se range néanmoins rapidement vers le RIN, convaincue que « l’action clandestine et violente ne peut être efficace dans notre société ». Foncièrement contre la nouvelle orientation partisane du RIN, elle s’engage pourtant dans son action électorale, non sans réticence, en acceptant d’en arborer les couleurs dans la circonscription de Laurier, contre nul autre que… René Lévesque, figure nationaliste du gouvernement de Jean Lesage.

Élue à la vice-présidence de son parti, pied de nez à « l’establishment », son mandat à ce titre sera bref. Incarcérée pendant près de deux mois dans le cadre de la promulgation de la Loi sur les mesures de guerres en octobre 1970, elle en sort encore plus convaincue que les actions violentes ne mèneront à rien. Sur ce terrain, on vient de lui prouver, « c’est le Canada qui tient le gros bout du bâton », rappelant le propre du monopole de la violence « légitime » d’un État que décrivait le sociologue allemand Max Weber.

C’est en 1973 que Ferretti adhère finalement au Parti québécois, non sans s’inquiéter du projet de souveraineté-association menaçant l’émancipation pleine et entière de son peuple. Elle n’hésite d’ailleurs pas à quitter le navire en 1984 lorsque la direction du PQ prend la route du « beau risque » avec les conservateurs de Brian Mulroney. Depuis le début, elle critique la propension de René Lévesque à amenuiser les changements engendrés par la souveraineté et n’hésitant pas à dire, lors du référendum de 1980, que « rien ne serait changé au lendemain d’un OUI, même si tout ne serait pas exactement pareil ». Pour elle, la politique sert pourtant précisément à changer les choses. Et comment ne pas acquiescer à ce constat ? Le mouvement indépendantiste s’est toujours voulu rassurant, mais une prudence trop convenue a peut-être été le tue-l’amour de cette vision pourtant si libératrice. Car à quoi bon prendre le risque de l’indépendance politique si c’est pour vivre demain de la même façon que l’on vivait hier ?

Tout au long de son récit, Ferretti n’hésite pas à lier les luttes passées et actuelles tant bon nombre de questions ne sont toujours pas réglées dans ce flou constitutionnel canadien dans lequel nous sommes toujours empêtrés. Farouche défenseure de la Charte de la langue française, elle rappelle de ce fait que, même de nos jours, rien n’est gagné et qu’il faut toujours se battre contre ce qu’elle qualifie de « fanatisme », comme dans le dossier ayant opposé la mairesse de Longueuil, Caroline St-Hilaire, à un conseiller anglophone réclamant plus d’anglais au Conseil de ville.

Quant à l’avenir se pointant le nez le poing levé, Ferretti a confiance. Pour la première fois, avec Pierre Karl Péladeau, elle considère le Parti québécois sur la bonne voie – et avec la bonne volonté – pour réaliser l’indépendance.

Galvanisée par le réveil de la jeunesse québécoise au cours de ce qui aura été surnommé le « Printemps érable » de 2012, elle croit que « rien n’est plus renversant que la force du désir des jeunes ». C’est eux qui devront maintenant faire le pays. Les rêves sont grands et les espoirs, immenses.

Reprenant les mêmes mots que le nouveau symbole de la jeunesse étasunienne, Bernie Sanders, elle en assure ses lecteurs : oui, « la révolution est possible ». Le monde ou la province ? Tablons sur l’ambition. Prenons le flambeau et donnons-lui raison.

Catherine Fournier

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