Deux pouvoirs constituants en Catalogne

Politologue, London School of Economics and Political Science (traduit du catalan par Consol Perarnau)

La politique catalane est marquée, depuis 2012, par l’essor du mouvement indépendantiste qui s’exprime avec force et civisme dans les mobilisations de chaque 11 septembre, jour de la Diada (fête) Nacional de Catalunya. Le mouvement indépendantiste a ainsi fait pression sur les autorités politiques et les partis nationalistes pour adopter l’indépendance de la Catalogne comme son projet politique. Artur Mas, président de la Generalitat entre 2010 et 2015, fut l’image publique de la transition du nationalisme catalan vers l’indépendantisme qui a mené à la confrontation avec le gouvernement de l’Espagne. Cette transition fut aussi caractérisée par le passage d’un cadre politique dominé par l’axe gauche-droite à un cadre où l’axe nationaliste est devenu hégémonique ce qui a profité à Mas et à son parti. Cette transition politique a culminé au mois de septembre 2015 avec une victoire électorale de la coalition indépendantiste Junts Pel Sí. Mais le pacte de gouvernement entre les partis indépendantistes aux idéologies économiques et sociales aussi différentes n’a pas tenu, certains éléments de la coalition exigèrent le remplacement d’Arturo Mas par un nouveau président.

Politologue, London School of Economics and Political Science (traduit du catalan par Consol Perarnau)

La politique catalane est marquée, depuis 2012, par l’essor du mouvement indépendantiste qui s’exprime avec force et civisme dans les mobilisations de chaque 11 septembre, jour de la Diada (fête) Nacional de Catalunya. Le mouvement indépendantiste a ainsi fait pression sur les autorités politiques et les partis nationalistes pour adopter l’indépendance de la Catalogne comme son projet politique. Artur Mas, président de la Generalitat entre 2010 et 2015, fut l’image publique de la transition du nationalisme catalan vers l’indépendantisme qui a mené à la confrontation avec le gouvernement de l’Espagne. Cette transition fut aussi caractérisée par le passage d’un cadre politique dominé par l’axe gauche-droite à un cadre où l’axe nationaliste est devenu hégémonique ce qui a profité à Mas et à son parti. Cette transition politique a culminé au mois de septembre 2015 avec une victoire électorale de la coalition indépendantiste Junts Pel Sí. Mais le pacte de gouvernement entre les partis indépendantistes aux idéologies économiques et sociales aussi différentes n’a pas tenu, certains éléments de la coalition exigèrent le remplacement d’Arturo Mas par un nouveau président.

L’administration de Puigdemont a abouti à ce que l’on appelle le processus d’indépendance de la Catalogne avec l’organisation d’un référendum le 1er octobre de 2017 sans garanties légales et qui a entraîné la répression menée par les forces de sécurité de l’État espagnol. En fait, le point culminant du processus a été la suspension de l’autonomie de la Catalogne par le gouvernement de l’Espagne et la convocation des élections le 21 décembre 2017, élections qui ont de nouveau confirmé la majorité indépendantiste au parlement de la Catalogne, mais avec une évidente polarisation de la société catalane.

Dans cet article, nous allons comparer les élections de 2015 et de 2017 en appliquant un cadre théorique relatif au pouvoir constituant et au pouvoir constitué afin de montrer qu’en Catalogne cohabitent deux pouvoirs constituants opposés à deux pouvoirs constitués différents. Les indépendantistes, mobilisés dès 2012, ont décidé d’aller de l’avant avec le processus d’accession à l’indépendance en contestant le pouvoir constitué de l’État espagnol. Les non-indépendantistes, moins mobilisés jusqu’en 2017, mais motivés par la polarisation des mois d’octobre et novembre 2017, ont fini par former un autre pouvoir constituant confronté à une Generalitat de la Catalogne vouée, ces dernières années, aux attentes nationalistes d’une partie de la société catalane. Afin de développer cet argument, nous aborderons dans la première section la littérature théorique qui conceptualise le clivage entre le pouvoir constituant et le pouvoir constitué. Dans la seconde et la troisième section, nous analyserons de façon comparée les résultats des élections autonomiques de la Catalogne de 2015 et 2017, en mettant l’accent sur l’évolution des taux de participation et sur la mobilisation de l’électorat abstentionniste.

Pouvoirs constituants

La Révolution française, la Révolution américaine et la Révolution russe, en dépit de leurs différences idéologiques et de leurs conséquences, sont d’excellents cas pour illustrer ce que toutes les révolutions ont en commun. En France, la période révolutionnaire entraîna des années de violence qui ont abouti à la dictature de Napoléon Bonaparte. Les treize colonies se sont débarrassées de la tutelle britannique pour rédiger leur propre Constitution qui a établi de façon durable les fondements du système démocratique des États-Unis. Lénine a mené les bolcheviks pour abattre le régime tsariste et ensuite éliminer les mencheviks pour instaurer un régime communiste et totalitaire qui a duré pendant une bonne partie du vingtième siècle. En dépit de leurs différences, ces trois révolutions ont des points communs.

Pour cet article, nous nous sommes inspirés de la thèse d’Antonio Negri formulée dans Insurgencies : Constituent Power and the Modern State (1999). Pour le philosophe et politologue italien, ce qu’il importe de comprendre des révolutions, c’est que toutes proviennent d’un pouvoir constituant qui se construit progressivement. Le pouvoir constituant réside de façon latente chez les individus qui, comme sujets politiques, peuvent se mobiliser pour constituer une nouvelle relation entre eux et avec la structure qui les gouverne. Comme la semence d’un arbre qui a toujours le potentiel de devenir un arbre à la condition d’être arrosé, le pouvoir constituant, o potentia (Dussel 2006), dépend de certains facteurs pour arriver à s’organiser, à s’exprimer et à devenir une nouvelle force qui défie le pouvoir constitué.

Le pouvoir constituant vit un conflit et une contradiction avec le pouvoir constitué. Le pouvoir constitué, c’est la force effective qui s’incarne dans quelques institutions et lois fixées dans une phase historique antérieure. Tout pouvoir constitué vient d’un pouvoir constituant qui a réussi à imposer ses règles et ses normes. Il y a conflit ouvert avec le pouvoir institué lorsque le pouvoir constituant essaie d’instaurer une nouvelle relation entre la société et le système politique. (Arendt 1963 ; Bartomeus 2017 ; Beasley-Murray et al. 2009 ; Ciccariello 2013 ; Dussel 2006 ; Negri 1999). Le conflit se produit lorsqu’un nouveau pouvoir constituant cherche à devenir un pouvoir constitué en réformant ou en changeant le pouvoir constitué établi. Comme dit Negri (1999), « Si un pouvoir constituant initie chaque processus révolutionnaire, ouvrant les portes du pouvoir aux forces du changement et à l’infinité des désirs de la foule, le pouvoir constitué ferme la révolution et revient à l’ordre ».

Les périodes de l’histoire où le pouvoir constituant s’organise pour tenter de changer l’ordre des choses sont appelées moments constituants (Ciccoriello 2013), ou moments populistes (Mouffe 2016). Les institutions instaurées dans un moment constituant antérieur sont plutôt stables dans le temps, mais les sociétés, elles, évoluent à un rythme régulier provoquant périodiquement un éloignement ou un décalage entre la elles et le système politique. Survient alors une crise du système, ce qui favorise l’irruption des mouvements sociaux de masse spontanés dans la vie politique qui remettent en cause l’ordre constitutionnel et tentent de le remplacer par une nouvelle constitution. (Ciccariello 2013 : 128).

De nombreux auteurs contemporains pensent que, depuis la fin des années 2000, les systèmes démocratiques occidentaux sont au milieu d’une crise de légitimité (Castells 2017; Krastev 2014 ; Mason; 2012; Mouffe 2016). Compte tenu de ce que nous avons dit plus haut, il n’est pas étonnant que, dès 2011, des vagues de protestations sociales et des crises dans les systèmes des partis se soient succédé en perturbant le fonctionnement de toutes les démocraties post-industrielles, à l’exception du Japon, ce que Manuel Castell appelle une rupture entre la société et le système. Cet éloignement entre la société et le système de la démocratie libérale et la subséquente crise de légitimité des institutions et des élites politiques a ouvert un espace favorable à l’émergence de forces politiques nouvelles (ou antérieurement minoritaires), qui gagnent l’appui de larges secteurs de la société occidentale. Comme dit Castells (2017 : 17), « dans une situation de crise économique, sociale, institutionnelle et morale, ce qui était un modèle de représentation s’effondre dans la subjectivité des personnes ».

Ainsi, en dépit de l’hétérogénéité des mouvements de protestations, des indignés en Espagne aux partis et mouvements d’extrême droite, en passant pour les mouvements Occupy, le soutien des Britanniques au Brexit ou le sujet que nous occupe, la montée du mouvement indépendantiste catalan, tous ces mouvements qui forment une vague ont en commun d’être des pouvoirs constituants qui se nourrissent de la crise de légitimité de la démocratie libérale. Pour traiter du mouvement constituant en Catalogne, nous allons maintenant analyser et comparer les résultats des élections autonomiques de 2015 et de 2017 pour ensuite retourner à la théorie et examiner les particularités du pouvoir constituant en Catalogne.

2015 la clameur d’un peuple

Le 27 septembre 2015 ont eu lieu en Catalogne des élections anticipées convoquées par le Président de la Generalitat sortant, Artur Mas (Convergència i Unió, CiU). Les partis indépendantistes obtinrent une majorité de sièges (72, au-dessus de la barre des 68). Junts Pel Sí (JxSí), était une coalition formée par Convergència Democràtica de Catalunya (CDC), par les non-indépendantistes d’Unió Democràtica de Catalunya (UDC), et par Esquerra Republicana de Catalunya (ERC). Cette coalition avait été formée pendant l’été 2015 et représentait la transition de larges segments du nationalisme catalan modéré vers indépendantisme (Ucelay-Da Cal 2015). De plus, il faut ajouter les électeurs indépendantistes de gauche qui étaient insatisfaits de la gestion de Mas et qui pour le sanctionner ont choisi de voter plutôt pour la Candidatura d’Unitat Popular (CUP), qui est passée de 3 à 10 sièges et ce qui leur a conféré la balance du pouvoir et une grande influence sur la coalition en faveur de l’indépendance et pour gouverner la Generalitat. (Orriols i Rodón 2015)

Par ailleurs, les partís non-indépendantistes ont obtenu plus de votes que les partis indépendantistes (1 972 057 (48,11%) versus 1 957 348 (47,74%), mais comme le système électoral catalan avantage les régions sous-peuplées où prédomine l’indépendantisme (Penedés 2015), ils ont obtenu une minorité de sièges (63). Il faut ajouter la liste de Catalunya Si Que es Pot (CSQP) dans les non-indépendantistes car cette force politique non-indépendantiste est toutefois favorable à l’organisation d’un référendum sur l’indépendence de la Catalogne et refuse de s’associer au bloc « unioniste » ou « constitutionaliste ».

Tableau 1. Résultats des élections 27 septembre 2015

Parti

Sièges

Vote

% de vote

JxSí

62

1 620 973

39,54

C’s

25

734 910

17,93

PSC

16

522 209

12,74

CSQP

11

366 494

8,94

PP

11

348 444

8,5

CUP

10

336 375

8,2

La particularité des élections du 27 septembre, c’est que JxSí a voulu lui donner un caractère quasi-référendaire opposant les partis pro-indépendance et les partis contre l’indépendance.

Mais comme l’expliquent Lluís Orriols et Toni Rodón (2015), ces élections n’étaient pas un plébiscite entre le « sí » – oui – et le « no » – non – pour l’indépendance, puisqu’il y a eu un nombre important d’électeurs qui tenaient compte d’autres enjeux que la question de l’indépendance de la Catalogne quand ils ont voté. Et pourtant, JxSí a réussi à imposer le thème de l’indépendance durant la campagne électorale, dans le débat public antérieur et postérieur au 27 septembre, et il a formé une coalition qui unit des candidats avec des points de vue divergents sur l’axe gauche-droite, mais convergents en faveur de l’indépendantisme. Même s’il est vrai que ces élections n’étaient pas purement plébiscitaires, le positionnement pour le processus indépendantiste fut le principal facteur explicatif du vote (Rivera i Jaráiz 2016). En plus, le triomphe aux élections, suivi par la formation d’un gouvernement après de tortueuses négociations avec la CUP qui ont envoyé Mas « à la poubelle de l’histoire », selon les mots du député de la CUP Benet Salellas, ont forcé JxSí à proposer un candidat vraiment engagé en faveur de l’indépendance – Carles Puigdemont qui a proposé une « feuille de route » de 18 mois aboutissant au référendum d’autodétermination, en confrontation directe avec le système légal et politique espagnol (Simón 2016).

Tableau 2. Relations indépendantistes – non-indépendantistes 27 septembre 2015

 

Indépendantistes

Non-indépendantistes

Sièges

72

63

Votes

1 957 348

1 972 057

% de votes

47,74

48,11

Un des faits les plus notables des élections du 27 septembre fut la participation de 74,95 % des électeurs inscrits ce qui était le plus haut taux de participation de l’histoire des élections autonomiques catalanes (Martínez i Coma 2017). La mobilisation était très élevée, non seulement chez les partisans de l’indépendance, mais aussi chez les non-indépendantistes comme le démontre l’étroite marge qui sépare les deux camps. Mais certains prétendent que les électeurs qui se sont abstenus étaient en majorité contre l’indépendance de la Catalogne. C’est-à-dire qu’aux élections de 2015 il y a eu une mobilisation différentielle entre les blocs. Les sondages ont indiqué que 90 % des gens favorables à l’indépendance sont allés voter comparativement à seulement 71 % de ceux qui se disaient contre. (Martínez i Coma 2017) Cela implique que le réservoir des votes disponibles contre le projet indépendantiste est plus grand que celui des gens favorables à l’indépendance.

2017 les clameurs du peuple ?

Au mois de juin 2017, et après dix-huit mois de pouvoir exercé par Carles Puigdemont à titre de président de la Generalitat, celui-ci annonce la tenue d’un référendum en Catalogne le 1er octobre 2017. Puigdemont avait fait adopter la feuille de route et avait eu des relations difficiles avec ses partenaires ERC et de la CUP en plus de la confrontation avec le gouvernement de Mariano Rajoy. De plus, son parti avait connu une refondation et un changement de nom devenant Partit Demòcrata Europeu de Catalunya (PDeCAT). Les mois avant le référendum du 1er octobre, la tension avec le gouvernement de l’Espagne s’intensifiait. La consultation fut déclarée illégale dès le début parce qu’elle violait la Constitution espagnole, elle n’était pas reconnue par les forces non indépendantistes. Mais l’indépendantisme catalan a maintenu le référendum et environ deux millions de personnes sont allées voter.

Le gouvernement espagnol avait répondu par l’usage des forces de sécurité pour empêcher le référendum, mais ils avaient obtenu l’effet contraire : la police nationale et la « guardia civil » n’ayant pas pu empêcher la majorité des électeurs d’exercer leur droit démocratique. La cause catalane s’est internationalisée et pendant le mois d’octobre il y eut une série de faits qui ont alimenté le conflit ; une déclaration d’indépendance suspendue, des manifestations pour les deux blocs, une fuite d’entreprises et une instabilité économique, des essais cachés de négociation et, finalement, une déclaration unilatérale d’indépendance le 27 octobre et sa conséquence : l’application de l’article 155 de la Constitution qui permettait au gouvernement de l’Espagne de suspendre l’autonomie de la Catalogne, ses institutions gouvernementales et la destitution du président et des conseillers de la Generalitat. Après l’application de l’article 155, Puigdemont est parti à Bruxelles avec cinq ex-conseillers, les cinq autres ex-conseillers ainsi que l’ex-Vice-président et chef d’ERC Oriol Junqueras étaient emprisonnés. Rajoy après tous ces événements a convoqué les élections en Catalogne pour le 21 décembre 2017.

La campagne du 21 décembre ne s’est pas déroulée dans des conditions normales parce que la Generalitat était suspendue et que deux des chefs de parti ne participaient pas physiquement à la campagne. Puigdemont, avec une liste d’indépendantistes sous le nom de Junts Per Catalunya (JxCat), a démontré au monde qu’on peut faire une campagne électorale totalement télématique et avoir du succès. ERC, qui ne voulait pas une liste unitaire avec le PDeCAT, a souffert du manque de visibilité de son candidat Oriol Junqueras qui était en prison et qui n’avait pas la présence visuelle de Puigdemont. Les partis « non indépendantistes », accusés d’être « le bloc du 155 », réussirent à mobiliser les opposants à l’indépendance avec des manifestations, et les sondages leur donnaient plus de sièges que les indépendantistes, mais tel ne fut pas le verdict final.

Tableau 3. Résultats des élections 21 décembre 2017

Partis

Sièges

Votes

% de votes

C’s

37

1 102 099

25,37

JxCat

34

940 602

21,65

ERC

32

929 407

21,39

PSC

17

602 969

13,88

CeC

8

323 695

7,45

CUP

4

193 352

4,45

PP

3

184 108

4,24

Les résultats finaux ne satisfirent personne. Les indépendantistes ont obtenu la majorité des sièges (70), mais la liste qui a obtenu le plus de votes fut Ciutadans (C’s) qui défendait le nationalisme espagnol. Les « non-indépendantistes » ont réussi à mobiliser les absentéistes et ils ont augmenté le nombre de leurs votes (2 212 671 [50,94 %] versus 2 063 361 [47,49 %], avec seulement 65 sièges). JxCat fut la surprise de la nuit électorale en obtenant 34 sièges.

Tableau 4. Relations indépendantistes – non-indépendantistes 21 décembre 2017

 

Indépendantistes

Non-indépendantistes

Sièges

70

65

Votes

2.063.361

2.212.671

% de votes

47,49

50,94

De ces résultats on peut dégager une série de conclusions.

Les électeurs indépendantistes ne donnent aucun signe de fatigue. Après cinq ans de mobilisations qui ne se sont pas traduites en résultats effectifs, les récits indépendantistes contre le système politique espagnol ne perdent pas de sympathisants.

En plus, il semblerait que l’indépendantisme ait plafonné avec le 47-48 % d’électeurs, fait qui incite beaucoup d’électeurs et dirigeants politiques à délaisser la voie unilatérale et à favoriser une négociation avec le gouvernement de l’Espagne.

Le succès de la campagne de Puigdemont est digne d’intérêt. Aucun sondage n’avait conclu que JxCat pourrait surpasser ERC. De nouveaux phénomènes comme l’absence physique du candidat (aux réunions, débats, visites aux collectivités et dans les quartiers) et la dilution de l’identité partisane avec le recours à des personnes de la société civile ou qui proviennent d’autres formations sont des phénomènes que la science politique du XXIe siècle devra analyser. De plus, la directrice de la campagne et numéro 10 de la liste de JxCat, Elsa Artadi, a fait un pas de géant pour devenir une figure majeure de la politique catalane.

C’s constitue un phénomène météorique en Catalogne. En 2010, ce parti avait 3 députés au Parlement de la Catalogne, en 2015, il en avait 25 et maintenant, il est la première force avec 37. Il a profité du conflit catalan et capitalisé sur le nationalisme espagnol en Catalogne et voudra maintenir cette logique pour disputer l’hégémonie au PP, la droite dans le domaine national. N’importe quelle négociation de Rajoy avec la Generalitat sera perçue comme une faiblesse et sera exploitée par C’s, ce qui en fait pourrait être un motif suffisant pour lui retirer son soutien au Congrès espagnol et forcer des élections anticipées.

La politisation sociale se concrétise au Parlement. C’s tient un discours agressif pour attirer le vote non-indépendantiste, ce qui fragilise le PSC et CeC, forces qui défendant le consensus et le dialogue et qui souffriront le plus de la confrontation (Penadés 2017a).

L’axe nationaliste éclipse l’axe gauche-droite en Catalogne et potentiellement aussi au niveau de l’État espagnol si le conflit perdure à l’agenda public (Penadés 2017b). La conséquence, c’est que les partis de gauche non nationalistes ne peuvent participer au gouvernement (Penadés 2017a).

Finalement, il y a une conclusion plus théorique qui s’impose et qui soutient l’argument principal de cet article. La participation en 2017 fut plus élevée que celle de 2015, soit 81,94 % ce qui implique qu’il y a eu une hyper-mobilisation, cette fois-ci. Il semblerait que la sensation de se trouver dans un moment constituant a mobilisé autant les indépendantistes que les non-indépendantistes.

Conclusion

Quoi qu’il en soit, cette analyse sous-évalue un changement significatif aux élections de 2017. Le taux de participation historique de 2017 atteste d’une forte politisation des citoyens qui ont pris conscience de l’importance des enjeux et qui ont décidé d’aller voter cette fois-là. Il y a eu un changement de comportement de ces électeurs.

La sphère publique catalane fut occupée, pendant les mois de septembre, octobre et novembre par des épisodes politiques qui ont été suivis par tout le monde. Fait qui a provoqué un paradoxe ; si jusqu’à maintenant il y avait un mouvement indépendantiste à qui on pouvait se référer comme pouvoir constituant, opposé au pouvoir constitué de l’État espagnol, les non-indépendantistes représentent maintenant un second pouvoir constituant. Ceux-ci ne sont pas toutefois confrontés à l’État espagnol, mais ils veulent en finir avec la direction qu’a suivie la Generalitat de Catalunya ces dernières années. Ils se sentent exclus par cette institution qui les gouverne et qui fait la promotion d’un projet indépendantiste.

 

 

Bibliographie

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